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" Notre catastrophe, ce fut la création d’ Israël" Par Mahmoud...
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22 mai 2005 21:41
Mahmoud Darwish écrivait ces lignes en mai 2001, 53 ans après la Nakba. Quatre ans après elles restent d’actualité, et le mur de spoliation s’ajoute aux colonies pour achever le projet colonial sioniste des dirigeants israéliens. Sinon, rien n’a changé en Palestine occupée.

"Aujourd’hui est pour nous le jour du souvenir. Nous n’avons pas besoin de regarder ce qui s’est passé hier pour nous rappeler la chronologie des crimes perpétrés.

Le présent est un rappel vivant de la catastrophe, la Nakba, dont les événements tragiques n’ont pas fini de se dérouler.

Nous n’avons pas besoin de nous rappeler la tragédie humaine continue qui nous hante depuis 53 ans. Ici, aujourd’hui, nous continuons d’être blessés par les éléments de cette tragédie. Ici, aujourd’hui, nous continuons à résister à l’expression de ses conséquences sur le sol de notre patrie, notre seule patrie.

Comment pourrions nous oublier ce qui s’est passé sur notre terre, cette terre, notre mère, qui continue à perdre des enfants à cause de cette catastrophe.

Nous n’oublions pas parce que notre mémoire individuelle et collective reste fertile, elle sait se souvenir de notre triste passé, dont la chronologie est celle d’une terre et d’un peuple, une chronologie de tragédie et d’héroïsme, la chronologie d’un conte raconté en gouttes de sang, en conflit ouvert entre ce que l’on nous demande d’être et ce que nous voulons être. Si, en ce jour du souvenir, les faiseurs israéliens de cette catastrophe déclarent que la guerre de 48 n’est pas encore finie, ils révèlent seulement le mirage d’une paix qui dominait la dernière décennie, où ils affirmaient vouloir mettre fin au conflit par une juste répartition de terre. Ils ont seulement révélé l’impossibilité de mettre l’entreprise sioniste et la paix dans le même panier, alors que le but et le calendrier de cette entreprise reste d’annihiler le peuple palestinien.

La compréhension que les Palestiniens ont de cette guerre se trouve représentée dans leur exposition à un déracinement massif. Dans leur transformation en réfugiés à l’intérieur de leur propre patrie et au-delà. Dans la tentative de les expulser de leur être, de leur espace, de leur temps, après que leurs foyers et leurs histoires ont été usurpés, après que leur existence en tant qu’entité honnête dans le temps et l’espace a été transformée en un surplus fantomatique d’exigences, des exilés de l’existence.

Le droit au retour est imprescriptible
La clé passée aux petits-enfants, le retour rêvé, voulu, dû.

Mais les faiseurs de la Nakba, la catastrophe, n’ont pas réussi à briser la volonté du peuple palestinien et à éradiquer son identité nationale par l’exil, les massacres, en faisant du mirage une prétendue réalité, en produisant une histoire falsifiée. Ces cinq dernières décennies, ils n’ont pas réussi à nous pousser à partir ou à nous jeter dans un état de démence amnésique.

Ils n’ont pas réussi à éliminer la réalité palestinienne de la conscience du monde, ni par la création d’un mythe ni par la création d’une immunité morale qui donne aux victimes d’hier le droit de produire leurs propres victimes aujourd’hui. Un bourreau ne peut se justifier sous prétexte qu’il se vêt des habits les plus sacrés.

Aujourd’hui, le souvenir de la Nakba arrive au milieu des difficultés que connaissent les Palestiniens dans la défense de l’essence de leur dignité et leur humanité, leur droit naturel à la liberté et à l’auto- détermination sur une partie de leur terre historique après qu’ils ont fait des concessions bien au-delà de celles requises par le droit international, afin de rendre la paix vraiment possible.

Quand vint le moment de vérité, la conception israélienne de la paix a montré son vrai visage : la reprise de l’occupation, sous des atours nouveaux avec des prérequis plus favorables et moins coûteux pour l’occupant.

L’intifada, aujourd’hui, hier et demain, est l’expression naturelle et légitime de la résistance à l’esclavage qu’impose une occupation qui pratique les pires formes de discrimination raciale, une occupation qui vise, sous le couvert d’un processus de paix frauduleux, à déposséder les Palestiniens de leur terre et de leurs moyens de subsistance, à les isoler dans des bantoustans démographiquement isolés et entourés de colonies et de routes de contournement, tandis qu’on leur présente- en échange de leur accord de « mettre fin aux revendications et aux combats »- la carotte appétissante qui consiste à donner le nom d’état, leur état, aux vastes prisons où ils sont bel et bien mis en cages.

L’intifada n’est pas une rupture avec l’idée de paix, mais elle essaie de sauver cette idée d’un horrible dédale raciste et de la rendre à ses vrais parents qui sont la justice et la liberté, pas moins.

Elle essaie de réunir la paix avec ses parents légitimes par la résistance au maintien de l’entreprise colonialiste israélienne en Cisjordanie et à Gaza [qui se poursuit] sous couvert d’un processus de paix que la direction israélienne a vidé de sa substance et de son sens.

Nos mains couvertes de sang arriveront encore à sauver la branche d’olivier ridée dans les débris des arbres que l’occupation a abattus si les Israéliens sont prêts à être adultes et à reconnaître nos droits nationaux légitimes, tels que les définit le droit international, au premier plan desquels le droit au retour et un retrait total des territoires palestiniens occupés en 1967, le droit à l’auto- détermination dans un état indépendant souverain dont la capitale est Jérusalem. Il ne peut y avoir de paix sous occupation militaire. Il ne peut y avoir de paix entre maître et esclave.

La communauté internationale ne peut pas continuer à détourner les yeux de ce qui se passe aujourd’hui sur la terre de Palestine comme elle le fit l’année de la Nakba.

L’occupation israélienne continue à détruire la société palestinienne et à l’assiéger. Elle continue, avec chaque gramme d’énergie destructrice qu’elle juge approprié, à tuer et assassiner, utilisant ses armes contre un peuple isolé qui défend ce qui reste de son identité et de son existence menacées, qui défend ce qui reste de ses maisons couvertes de débris, ce qui reste de ses vergers.

L’intérêt des pays et des peuples du monde pour la confrontation qui a lieu en Palestine aujourd’hui et leur soutien au peuple palestinien - un peuple privé d’une vie normale et ordinaire- est un test de position morale qui révèlera jusqu’à quel point sont crédibles les valeurs de liberté, de justice et d’égalité."

La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
 
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