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une mort qui sème le doute
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21 mai 2006 21:24
par Carole RAP
QUOTIDIEN : samedi 20 mai 2006

Montpellier correspondance



Nouredin, 18 ans, est mort mardi à l'hôpital. La veille, il avait percuté un muret avec une moto volée. La police, présente sur les lieux, a conclu à un accident de la route. Une version que contestent sa famille et ses amis, persuadés que les policiers l'ont renversé. Le soir même, six voitures et plusieurs conteneurs à poubelles ont été incendiés à Montpellier. Dans la nuit suivante, dix-neuf véhicules brûlaient dans des quartiers de la ville, dont treize au Petit Bard. C'est dans cette cité que vivait Nouredin, jeune Français d'origine marocaine, avec sa mère Naïma, sa soeur aînée Samira et ses deux frères cadets.

«Gentil». Seule l'intervention de la mère, descendue de la tour jeudi soir pour parler aux ados du quartier, a permis de ramener le calme cette nuit-là. Pourtant, Naïma n'adhère pas aux conclusions de la police et ne peut se résoudre à un banal accident pour ce fils «gentil, qui rigole tout le temps». Qui cherchait du travail tout en répétant «jeunesse perdue». Pour ce frère qui «ne fume pas, ne boit pas, ne touche jamais de la drogue», ajoute Samira. Pour ce cousin qui «ne vend pas de shit. Sa vie, c'est dans les motos», renchérit Ahmed qui le considère comme un frère.

Mais la police est formelle. Lundi soir, Nouredin, perché sur une moto de grosse cylindrée, double une Renault Scenic estampillée Police avec trois personnes à l'intérieur. Il roule sans casque et ralentit pour leur faire un doigt d'honneur. La voiture branche gyrophare et sirène et le suit sur 200 mètres avant de le perdre. Elle le signale alors par radio. Quelques minutes plus tard, une 306 break blanche banalisée de la brigade canine l'aperçoit et se lance à sa poursuite, gyrophare et sirène allumés. Pour le perdre 400 mètres plus loin. C'est alors que la Scenic du début vient se positionner sur un rond-point dans les environs. Arrive Nouredin, «roulant comme un dingue» selon les témoignages recueillis par la police. Il prend le rond-point par la gauche pour éviter une Opel Corsa noire arrêtée devant lui et termine sa route dans un muret d'habitation bordant le rond-point. «Il s'est pris le mur de plein fouet. La moto s'est couchée du côté gauche et lui était dessous», affirme Guillaume Neau, chargé de communication de la sécurité publique de l'Hérault.

La soeur et les cousins de Nouredin ne veulent pas y croire. «Quand vous tapez un petit mur comme ça, la moto vous éjecte, vous ne restez pas dessus», s'exclame Samira. «D'autant plus que devant le muret, il y a le trottoir», renchérit son cousin. Alors la rumeur enfle. Certains laissent entendre que des personnes auraient vu la Scenic reculer vers le centre du rond-point juste après l'impact, alors que la police affirme que le véhicule n'a pas bougé du tout. D'autres prétendent que la Scenic aurait carrément percuté la moto. Faux, rétorque la police qui dit avoir fait expertiser tous les véhicules, sans trouver aucune trace de la moto sur les voitures. Mais refuse de montrer lesdits véhicules à la famille, ce qui entretient la suspicion.

Autre point de discorde, les policiers assurent qu'ils n'avaient pas reconnu Nouredin avant de le voir au sol. Pourtant, il faisait jour et il roulait sans casque. Et le jeune homme était connu des services de police. Ils l'avaient arrêté début mai puis relâché en l'accusant de recel de vol de scooter, délit pour lequel il devait être jugé en septembre alors que «le scooter était à lui», affirme Samira.

Balance. Après l'arrestation, il avait raconté à sa soeur qu'un policier lui avait proposé d'être une balance dans sa cité. Ce qu'il ne voulait pas. De là à alimenter une rumeur d'assassinat, il n'y a qu'un pas. Au milieu des immeubles délabrés, les jets de pierres fusent, les fouilles sont régulières du côté des forces de l'ordre, accusées d'insultes par plusieurs habitants : «Tu resteras pas longtemps ici. Sale bâtard. Sale Arabe!» L'avocat contacté par la famille, Me Fernandez, voudrait déposer plainte avec constitution de partie civile pour homicide volontaire, s'il obtiendra des témoignages. Problème, les éventuels témoins auraient peur de la police. Sans témoin, il ne reste que l'enquête policière. A moins que le procureur de la République, qui en attend les conclusions définitives, ne décide d'ouvrir une information judiciaire. Mardi, Naïma accompagnera le corps de son fils jusqu'au Maroc. Samedi 27, elle appelle à une marche silencieuse, «une manifestation pour la justice».
 
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