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Mohamed Benchicou " Gouverner en pyjama" sic
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7 novembre 2013 20:50
La chronique de Benchicou Gouverner en pyjama
Mohamed Benchicou est ecrivain et fondateur du journal algérien le Matin. Il a été jeté ne prison par Bouteflika suite à son livre qui denoncait l'imposture du président pyjama.

07/07/2013

En répliquant que le Maroc n’avait pas de leçons à recevoir sur les droits de l’Homme de la part d’un homme qui les bafoue allègrement chez lui, le roi Mohamed VI vient de rappeler au président Bouteflika qu’il y a un temps pour l’esbroufe et un autre pour la vérité.

Il est, en effet, fantasque de s’émouvoir, à partir d’Abuja, sur le sort des Sahraouis « brimés et empêchés de manifester par l’occupant marocain» quand, à Alger, on vient de jeter en prison un blogueur pour caricatures dérangeantes, prisons qui, du reste, regorgent d’Algériens incarcérés pour velléités protestataires.


J’y ai vu des hommes respectables incarcérés pour avoir choisi le mauvais camp durant la campagne électorale, j'y ai vu des militants berbéristes ou de simples fils du peuple, sans opinion politique, incarcérés pour avoir exhibé leur mécontentement devant la gestion chaotique de leur cité et qu’on a préféré enfermer plutôt qu’écouter. Ces pauvres gens, démunis d’espoir et de moyens, fils d’une Algérie injuste, arrivaient par cohortes entières à la prison, dépenaillés, ébaubis, surpris de tant de sévérité pour quelques minutes de colère, stupéfaits qu’on leur refuse le droit de râler dans un pays où le droit à l’expression est pourtant garanti par la Constitution. Les juges les frappent généralement de lourdes peines, moins pour délit de mauvaise humeur que pour l’exemple : le pouvoir politique tient à tuer dans l’œuf les embryons de contestation populaire. Ils séjournent quelques mois ou quelques années dans des cellules insalubres et en ressortent plus désespérés que jamais.

Le plus grotesque est que le discours d’Abuja était lu par celui-là même qui couvre ces atteintes à la dignité humaine : le ministre de la Justice, Tayeb Louh, un proche de Bouteflika connu plus pour ses intrigues que pour ses compétences. J’imagine qu’il a dû sangloter en évoquant le calvaire des jeunes sahraouis, pendant que son administration signait des billets d’écrous de dizaines d’Algériens, chômeurs ou opposants, qui ont eu l’impudeur de râler contre le règne du clan qui dirige le pays.

Tout ça pour dire que le pouvoir de Bouteflika a sans doute tort de reposer ses espoirs de longévité politique sur la seule esbroufe. On ne peut être et avoir été. Même à Alger, patrie de la pantomime, où chacun feint quelque chose, le détachement ou le bonheur, le flegme ou la joie de vivre, Alger capitale du mimodrame où l’on fait mine de jouer un rôle dans la désignation de nos dirigeants qui, en retour, simulent de gouverner pour notre bien. Ou de gouverner tout court, quoique, par lassitude sans doute, le chef de l’État n’y met même plus les formes, lui qui se plaît à gouverner en peignoir, ou en pyjama. Du coup, le pyjama devient la tenue officielle de gouvernance, c’est pratique, paraît-il, le pyjama, quand on parle de stratégie militaire avec le chef d’état-major ou de gestion économique avec le Premier ministre qui, lui, portait costume-cravate.

La consécration du pyjama en tant qu’uniforme institutionnel a d’ailleurs été constatée la semaine dernière par un confrère vigilant qui a surpris le président de la République, en violation des nouvelles règles vestimentaires de la gouvernance algérienne auxquelles nous commençons à être habitués, en costume-cravate pour recevoir le ministre émirati de la Culture lequel était, cela va de soi, en tawb, la gandourah blanche et en keffieh. Il était pourtant précisé dans la dépêche de l’agence de presse que ledit ministre émirati rendait une simple « visite fraternelle » au président algérien. J’ignore comme vous ce que veut bien dire « visite fraternelle » en politique, mais le fait est que le message est bien passé : le pyjama c’est pour parler de stratégie militaire et économique ; le costume-cravate pour recevoir en visite fraternelle.

Et puis, dans Alger capitale de la pantomime, l’habit fait le moine et même le patrimoine ! C’était depuis que notre président travaille en pyjama qu’on n’entend plus parler des poursuites judiciaires contre les ministres délinquants. C’est à peine si quelques-uns parmi nous ont souvenance d’un vague ministre du pétrole recherché par la justice italienne et par Interpol pour avoir, le bienheureux, collectionné, durant les dix dernières années, propriétés dans l’État du Maryland et placements bancaires. C’est dire le changement de style !

C’est pourquoi, petits et grands voleurs militent pour la gouvernance en pyjama pour cinq autres années, le temps que les amis se fassent oublier. Pour l’heure, avec Tayeb Louh à la Justice, celui du discours déchirant d’Abuja, les voleurs ne risquent rien. Mais avril, avec les temps qui courent, c’est demain ! Et il faut répéter à ceux qui ont la mémoire courte et les dents longues, que la gouvernance en pyjama a encore de beaux jours devant elle et qu’un parrain protecteur en peignoir ou en pyjama vaut mieux que l’adversaire en costume-cravate. Aussi, même s’ils ne s’entendent que sur peu de choses, le Premier ministre Abdelmalek Sellal et le nouveau chef du FLN, l’inégalable Amar Saadani, répètent d’une même voix le crédo de l’automne : « Bouteflika ne partira pas ! » Et tant pis pour les bonnes pommes qui ont versé des larmes devant le douloureux mea culpa de Sétif, « Tab Djnana ! »

Bien entendu, l’élection de Bouteflika pour le quatrième mandat sera transparente et totalement démocratique. C’est ce que vient de promettre l’autre Tayeb du gouvernement, Belaïz, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, qui vient de refuser la demande des partis de l’opposition de confier la mission d’organisation des présidentielles à une commission indépendante. « Partout dans le monde, même dans les pays les plus démocratisés, c’est à l’administration qu’échoit la mission d’organiser et d’encadrer le processus électoral», a-t-il déclaré sans rougir, comme pour rappeler qu’il n’a pas été désigné à ce poste pour du beurre.

Comme chacun sait, l’administration Bouteflika, depuis Zerhouni, est reconnue mondialement comme favorisant la libre expression des électeurs. En tous cas, ils sont quelques-uns à le croire, parmi lesquels nos amis Benbitour, Sofiane Djilali et, contre toute attente, Yasmina Khadra qui entend s’imposer sur la scène politique algérienne en tant que maître de la fiction.

Mais laissons ça pour la prochaine chronique



Modifié 2 fois. Dernière modification le 07/11/13 21:02 par axis7.
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7 novembre 2013 20:58
Chronique de Mohamed Sifaoui, Ecrivain et journailste algérien dans le Huffigton Post



Algérie: guerres et incertitudes
Publication: 06/11/2013 06h47

Algérie, Mohamed Sifaoui, Guerre d'Algérie, Actualités

L'Algérie intéresse peu de médias. Et pour cause, une vitrine -bien séduisante- fait croire, à l'observateur non initié, que le royaume de Bouteflika serait aussi le pays des merveilles.

Et pourtant, depuis quelques mois, sans morts ni vacarmes ni détonations, une guerre sourde a pour théâtre les plus hautes sphères du régime algérien. L'une des luttes claniques les plus graves, depuis l'indépendance, mine et paralyse un pays qui ne sait plus quelle direction prendre et ankylose une société, transformée en observatrice passive, incapable de prendre son destin en main.

A cinq mois d'une élection présidentielle qui risque fort bien de voir un président-candidat, gravement malade sinon impotent, remporter le "droit" d'exercer un 4e mandat sans prendre la peine de mener campagne, d'exposer bilan et programme, c'est un pôle important du régime qui est en phase d'être complètement démantelé.

Depuis son retour en Algérie après une longue période de soins et de convalescence, Abdelaziz Bouteflika s'est, en effet, attaqué méthodiquement à celui qui était jusque-là désigné comme le Dieu tout-puissant d'un pays mis en coupe réglé par un régime militaire, encadré par une police politique omniprésente et un cheptel de policitiens civils, la plupart davantage attirés par la répartition du produit de la rente que par le devenir de leur Nation. Bouteflika a osé déclarer la guerre à l'intouchable général Mohamed Mediène dit Toufik, patron du non moins intouchable Département de renseignement et de sécurité (DRS), théoriquement organe sécuritaire dépendant de l'Armée, transformé par la volonté d'un seul homme en un véritable Etat dans l'Etat.

L'Etat-DRS, qui fut aussi le titre de mon dernier livre sur l'Algérie, est une réalité. Et j'avais appelé et souhaité la dissolution de cet organe qui a abruti beaucoup d'Algériens, à travers le clientélisme, la pression et différentes sortes de magouilles tout aussi malsaines les unes que les autres.

Dans l'absolu, l'offensive de Bouteflika a de quoi réjouir même si l'inamovible général Toufik est toujours en place malgré la maladie qui le ronge, lui aussi. Mais en même temps, cette offensive a de quoi inquiéter.
Elle inquiète d'abord parce qu'elle parachève un processus qui vise à réunir le pouvoir, jusque-là détenu par les services de renseignement, l'armée et la présidence entre les mains d'un seul homme, voire d'une fratrie: les frères Bouteflika. Désormais, la voie est libre devant ces ambitieux qui n'ont qu'un souhait, transformer le pays en presque-monarchie et se transformer en roi et prince capables d'asservir encore plus la société et s'accaparer les richesses.

Elle inquiète ensuite parce qu'elle n'émane pas, loin s'en faut, d'un démocrate qui souhaiterait la modernisation du pays et la mise en place de nouvelles traditions qui permettraient une bonne gouvernance. Ces actions, à visées politico-affairistes, sont le fait d'Abdelaziz Bouteflika qui est à la démocratie ce que Staline était aux droits de l'Homme.

Elle inquiète enfin parce que dans un pays où la violence politique et la violence tout court sont intimement liées à la culture de l'exercice du pouvoir, rien n'indique que tous ceux qui ont un intérêt vital à venir en aide au général Toufik ne choisissent pas le mode opératoire le plus extrême pour préserver leurs intérêts à travers le sauvetage de leur parrain, néanmoins patron du DRS.

Quoi qu'il en soit, plusieurs observateurs très avertis estiment que si Bouteflika ne va pas au bout de sa logique et s'il choisit, par calculs, d'épargner, du moins pour l'instant, Toufik et de le maintenir à un poste, même vidé de ses prérogatives essentielles, ce dernier, selon des informations largement recoupées, auraient à la fois l'ambition et la capacité de riposter dès le moment où Bouteflika aura officialiser sa candidature pour le 4e mandat.

Drôle de western en effet ! Le téléspectateur aurait presque envie d'assister à un ultime duel qui emporterait les deux protagonistes, car entre Toufik et Bouteflika, il n'y a pas de "bon" et de "méchant". Tout juste s'il s'agit d'une "brute" et d'un "truand". De ce point de vue, l'Algérie mérite beaucoup mieux que "ça" et les Algériens, à défaut de prendre leur destin en main, je comprends leur lassitude, ont probablement tout intérêt à rester spectateur et à attendre l'érosion de ces deux tristes personnages, désormais, et plus que jamais, hommes du passé et du passif.

En 2012, Mohamed Sifaoui a publié l'ouvrage ci-dessous, aux éditions du Nouveau Monde.
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