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Modes d'expression berbères : la littérature des Imazighens
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8 janvier 2005 16:30
a lire jusqu'a la fin

Modes d'expression berbères : la littérature des Imazighens
le 08/01/2005


Il est étonnant que les Berbères qui possèdent depuis très longtemps un alphabet n'aient pas beaucoup écrit dans leur langue. L'antiquité ne nous a légué que des inscriptions, dont une partie seulement a été déchiffrée, et le Moyen Âge des lexiques arabo-berbères et quelques textes poétiques, profanes et religieux. Mais point de chronique ou de grand texte littéraire qui aurait permis de fixer la langue.

Les hérétiques Berghwata ont bien rédigé un Coran berbère - inspiré du Coran arabe - mais ce texte n'a eu qu'une audience régionale, et il a fini par disparaître avec les Berghwata. De tout temps, négligeant leur langue, les Berbères ont préféré écrire dans la langue des peuples qui les ont dominés. Ce choix a non seulement favorisé l'assimilation culturelle, mais il a surtout empêché l'émergence d'une langue nationale berbère, instrument d'unification linguistique et politique.

La littérature en langues phénicienne et latine

Les Berbères, surtout ceux qui vivaient à Carthage et dans ses environs, ont dû écrire en punique, mais on ne conserve aucun texte rédigé en cette langue. La littérature punique a, en effet, disparu dans la destruction de Carthage. En revanche, la littérature latine des Berbères a été conservée.

La langue latine, comme les langues de tous les conquérants qui se sont succédés en Afrique du Nord, a été imposée par la force. «L'État romain qui sait commander, écrit Saint-Augustin, impose aux peuples domptés non seulement son joug, mais encore sa langue ». Mais, la langue, pour un grand nombre d'écrivains, n'était qu'un instrument de communication qui leur permettait d'exprimer leurs pensées et leurs sentiments.

Dans la pléiade des auteurs berbères de langue latine, citons les plus connus.
Apulée (vers 125 après J.C., 170)

Originaire de Madaura (M'daourouch), dans le Constantinois, il avait fait ses études à Athènes puis à Rome. Il s'installa ensuite à Carthage où il rédigea son oeuvre et acquis une grande renommée. Il rédigea de nombreux traités scientifiques (botaniques, médecine, gastronomie,...), aujourd'hui perdus. Son chef-d'oeuvre : les métamorphoses, ou l'Âne d'or, est un roman en onze livres qui raconte les aventures d'un jeune homme Lucino en voyage en Grèce.

Il rencontra une sorcière et voulant se métamorphoser en oiseau, se trompa de produit et devint un âne. Désormais il allait mener la vie misérable des bêtes de somme, tout en gardant le sens du discernement. Lucino allait pouvoir, de cette façon, juger les hommes de l'extérieur. À la fin, touché par son malheur, la déesse Isis lui rendit sa forme humaine. Il renonça alors aux vanités du monde, se consacrant entièrement au culte d'Isis et de son époux Osiris.

Saint-Cyprien

Il fut d'abord un brillant rhétoricien païen, puis converti au christianisme, il devint évêque en 248. Il eut pour maître Tertullien, mais il ne fut pas, comme lui, un théoricien violent. Il fut, au contraire, un écrivain calme et mesuré, appelant à la paix, à la concorde et à l'unité de l'église. En 258, il tomba victime de la persécution de l'empereur Valérien. Son oeuvre consiste en traités de morale et en épîtres : «sur les oeuvres et les aumônes», «de l'unité de l'église catholique» «lettres», etc.

Saint-Augustin

C'est le plus célèbre des écrivains africains de langue latine. Son père était païen, mais sa mère, Monique était une Berbère christianisée. Il naquit à Thagaste (Souk-Ahrase) en 354. Il fit ses études dans sa ville natale puis à Madaura (M'daourouch) et Carthage. Il fit une brève carrière de grammairien en Italie et c'est là, sous l'influence de l'évêque de Milan, Ambroise, qu'il se convertit au christianisme. Il revint en Afrique où il fut élu, en 391, évêque d'Hippone (Annaba). Il allait consacrer toute sa vie à faire l'apologie du christianisme qu'il défendit avec passion contre les hérésies, notamment le donatisme. Le livre le plus célèbre de Saint Augustin est « les Confessions » où il raconte sa vie. Dans un autre ouvrage, « la cité du Dieu », il attaque les adversaires de l'Église et fait l'éloge de l'orthodoxie chrétienne. Il critiqua sévèrement les défauts de l'État, mais il recommanda aux chrétiens de lui obéir pour éviter les dissensions et les hérésies. Il écrivit un livre sur l'interprétation des Écritures « La doctrine chrétienne » et démontra, dans un autre, l'harmonie des quatre Évangiles «Du consensus des Évangélistes ». Il rédigea des milliers de sermons et lettres, mais près de trois cents seulement ont été conservés. Ces textes, comme toute son oeuvre, révèlent un puissant écrivains, un rhétoricien et un polémiste de talent.

La littérature de langue arabe

L'arabe, importé par les conquérants musulmans, s'imposa lentement dans les villes romaines. Mais il coexista, pendant quelques décennies, avec le latin, et sans doute le punique, encore parlé dans les anciennes régions de colonisation carthaginoise. L'Arabe fut d'abord une langue liturgique, mais finit par s'imposer dans l'administration et devint la langue de la culture et des arts. Les royaumes berbères, à l'exemple des orientaux, s'évertuèrent à entretenir toute une caste d'intellectuels et de lettrés, écrivains, poètes, juristes, théologiens, historiens, le plus souvent d'origine berbère, mais de culture et d'expression arabes. Des villes berbérophones du Moyen Âge, comme Tiaret (Tihirt en berbère), Bejla (Bgayt), Achir, ben Izgen, au Mzab, furent des phares de la culture d'expression arabe. Des écrivains et des juristes, de ces villes, se répandirent dans tout le Maghreb et acquirent une certaine notoriété en Orient. Si certains auteurs portaient des noms arabes, la plupart avaient gardé leur patronyme berbère.

Comme les écrivains d'expression latine, les autres de langue arabe s'intéressèrent très peu au monde berbère. Les seuls textes qui abordent la réalité linguistique et sociale berbères semblent être les glossaires juridiques à l'usage des fonctionnaires des régions berbérophones du Maroc. Un exemple caractéristique est fourni par le Majmu'al La'iq'alâ muckil al Watiiq ou « le recueil portant sur les difficultés des formulaires», datant du 18e siècle. L'auteur, anonyme, fournit pour les notaires arabes des libellés pour les actes ainsi que les équivalents arabes des notions chleuhes, dont le sens pouvait leur échapper. Quelques écrivains berbères d'expression arabe :

* Al Wargalâni (de Ouargla ou plus exactement de l'oued Righ), le plus ancien des auteurs ibadhites du Maghreb, auteur d'un ouvrage biographique des Imams ibadhites, intitulé « siyr al a'ima' » ;

* Ali ibn Muhammed al Mazûdi (de Mazouda, en berbère Inzuda, une région à l'Ouest de Marrakech), juriste et mystique qui échangea au 13e siècle des lettres avec son maître ben Abd Rahman al Maghawi, al Fasi (de fès) ;
* Abu al Qâsem (Belqacem al M'cedali (de M'chedalla, en grande Kabylie, mais né à Bejaia, en 1417), exégète, spécialiste du hadith et juriste ;
* Ibrahim ben Mubammad ben Sulyman Açadqawi; ez-Zawawi al Bija'î, juriste et exégète (15e siècle) ;
* Al Husayn ben Muhammed Said al Wartilâni, de At wartilan, en petite Kabylie, voyageur, juriste, mystique (1713-1779), auteur de mystique (1713-17798), auteur de la célèbre «ar-Rihla al wartibaniya», récit d'un long voyage effectué en Arabie vers 1765.

La langue arabe a été et demeure le mode d'expression du ibadhisme, hérésie berbère, encore vivante au M'zab, à Djerba (Tunisie) et au Djebel Nefusa (Libye), régions totalement ou partiellement berbèrophones. Parmi les auteurs ibadhites modernes, citons Muhammad ben Issa Azbar (19e-20e siècle), réformateur mozabite, auteur d'un volumineux ouvrage de droit « Bayan achchar », en 70 tomes, Muhammed ben Youssef ben Salah Atafiyâch, originaire de Ben Yezguen (18e-1914), auteur d'une exégèse du Coran en six volumes, d'un Taysir également dans les sciences coraniques, de nombreux ouvrages sur les Hadith, le droit musulman, l'histoire des tribus mozabites ; Omar ben Hamu ben Bahmed Bakli (1837-1925), juriste originaire d'El Attaf, etc.

Aujourd'hui, de nombreux auteurs algériens et marocains d'origine berbère et souvent berbérophones écrivent en arabe. La plupart sont des partisans de l'arabisme et de l'arabisation, mais certains, grâce à une prise de conscience de plus en plus forte de leur identité culturelle, prennent parti en faveur de la langue et de la culture berbères.

La littérature d'expression berbère

Les textes berbères importants, comme le Coran des Berghawata ou le livre d'Ibn Tumert ont disparu. Les seules traces que nous en ayons sont les phrases citées par les écrivains et les voyageurs arabes du Moyen Âge. On dispose de quelques textes religieux berbères, transcrits en caractères arabes, avec signes diacritiques supplémentaires pour les phonèmes berbères. Mais ces textes sont souvent des adaptations d'œuvres arabes connues, comme «le Mukhtar» de khlil, un ouvrage abrégé de vulgarisation de droit malékite. Le célèbre poème d'al Busri, « al burda » (littéralement « le manteau du Prophète ») existe depuis longtemps en berbère. On le récite à de nombreuses occasions, notamment les veillées funèbres. Des nombreux textes ibadhites rédigés en berbère, il reste peu de choses, quelques textes épars et un traité d'Ibn Ghnim, intitulé «al Mudawwana», texte en vers, comportant un nombre élevé d'emprunts arabes.

La littérature orale, abondante en tout temps, comprend principalement des contes, des poèmes et des proverbes. Au Maroc, la tradition des poètes ambulants -imdyazen- est toujours vivace : ceux-ci parcourent les pays berbérophones, récitant des compositions dans une sorte de langue moyenne, accessible aux locuteurs de dialectes différents. Depuis la fin du 19e siècle, un grand nombre de textes sont transcrits en graphie latine et traduits en langues européennes. En voici quelques titres :

* poème de Sabi qui raconte la descente d'un jeune homme au royaume des morts ;
* légende en vers de Joseph ;
* description du Djebel Nefusa de Shammakhi, édité et traduit en 1885 ;
* textes touaregs en prose, publiés pour la première fois en 1922, réédités en 1985, avec une introduction et des documents photographiques.

Signalons que de nombreuses études sur le monde berbère reproduisent des textes berbère, littéraires ou ethnologiques. Les «mots et les choses berbères» d'Émile Laoust, par exemple, contiennent plusieurs textes en berbère, avec et sans traduction, dictés par des informateurs marocains.

Le fichier de documents berbères de Fort-National (en Kabylie Larbaa nat Iraten) a produit, de 1947 à 1976, plusieurs dizaines de fascicules en berbère : contes, proverbes, légendes, chroniques, etc. La plupart des textes cités ont été recueillis et traduits par des auteurs européens, principalement français.

Mais depuis quelques années, des berbérophones de plus en plus nombreux transcrivent des textes de leur littérature. Il faut signaler particulièrement l'oeuvre de Mouloud Mammeri (1913-1989) qui publia quatre textes majeurs en berbère : Les Isfra, poèmes de Si Muhand ; Tajerumt, grammaire berbère ; Poèmes Kabyles anciens ; Ina-yas Ccix Muhand , Cheikh Mohand (Ou Lhocin) a dit, oeuvre posthume dont un premier tirage a été réalisé à la fin du deuxième trimestre 1989.

Il faut signaler également les récentes tentatives d'écriture berbère, notamment kabyle, avec la publication de poèmes, de bandes dessinées et de romans de fiction.

M.A. Haddadou

le matin
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8 janvier 2005 20:10
merci pour l'infos
 
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