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maroc,terre d'Islam et terre de tolérance
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3 juillet 2012 18:51
Une harmonie séculaire entre le spirituel et le temporel
Dans la 1ère moitié du 7ème siècle (premières décennies de la révélation de l'Islam), le Maroc, « Maurétanie Tingitane » romaine tombée dans l'oubli depuis l'aube du 4ème siècle, était terre de confusions et de désordres.
Tribus et régions étaient tiraillées entre divers pouvoirs du fait, notamment, de la survivance des influences romaine et byzantine, et surtout du fait d'une indescriptible confusion religieuse : cultes naturistes, traditions animistes, divinités romaines, carthaginoises, confessions diverses.
Aucun pouvoir central garantissant la stabilité, la cohésion sociale et la sécurité ne pouvaient émerger dans une telle situation de confusion des esprits et des croyances. La désagrégation semblait la voie de fatalité et l'unité, besoin si impérieux, relevait de l'impossible tant son indispensable préalable était inaccessible: une seule et même doctrine religieuse fédérant les esprits et codifiant les comportements des individus et des groupes.
Depuis plus de 13 siècles, l'Islam est le ciment qui a donné à ce peuple l'unité spirituelle, secret de la cohésion d'une nation aux origines diverses, et de la continuité d'un état séculaire.
Si la 1ère apparition des troupes de l'Islam au Maghreb remonte à l'expédition menée par le gouverneur d' Égypte Abdellah Ben Saad, contre les byzantins en 647H, à Ifriqiya (actuelle Tunisie), c'est à partir de 681H que Oqba Ibnou Nafii, fondateur de la ville de Kairouan, et de sa fameuse mosquée (la 1ère au Maghreb), parcourut l'Afrique du Nord -dont les contrées marocaines de Tanger jusqu'à la vallée du Sousse- poussant même son cheval dans les flots de l'Atlantique pour calmer son célèbre regret de ne pouvoir porter la vérité de l'Islam au delà de cette « mer des ténèbres ».



Le Choix de l'orthodoxie : Sounna et Malékisme

Des ténèbres de l'anarchie et de l'insécurité, la terre marocaine était sortie dès le 1er siècle de l' Hégire, certes grâce à l'islam, mais surtout grâce au choix doctrinal inspirant les institutions et les équilibres qui maintiennent cette nation, dans l'unité, depuis près de 14 siècles.
Ce choix étant l'Islam orthodoxe, fondé sur la Sounna (tradition du prophète),comme source fondamentale après le Coran. Dès le départ, les marocains adoptaient le doctrine sunnite, combattant avec force diverses hérésies. Nombre d'historiens ont relevé comme explication de ce choix doctrinal, le fait que le Maroc ait accueilli comme premiers conquérants et premiers imams ou émirs des gens de Médine, disciples des compagnons du prophète, fondèrent la 1ère dynasties des Idrissides 788H/974J.C.
En fait, l'option pour le sunnisme pur et orthodoxe ne peut être dissociée durite la marqua au Maroc dès l'introduction de l'islam à savoir le rite Malékite(Imam Malik Ibnou Anas mort en 179H/795J.C).
L'illustre savant, juriste et théologien, Cadi Ayyad (476-544H.) rapporte : «Lorsque Assad Ibnou Fourat (145-213 H/767-835J.C) arriva de Kairouan, muni des livres médinois et Irakiens, quelqu'un lui demanda quelle était la doctrine la plus sûre à suivre, celle de Malik ou celle de Abou Hanifa, Assad lui répondit »si ton ambition est spirituelle, suis la doctrine de Malik, si par contre tu aspires au bonheur temporel, alors suis la doctrine des docteurs irakiens ».
Si l'orthodoxie de la doctrine sunnite mettait la nation marocaine à l'abri des schismes que connut (jusqu'à nos jours) l'Orient , en ancrant un islam prémuni contre toute forme de spéculation humaine (nul pouvoir clérical), le rite malékite donne, lui, toute la dimension de cette orthodoxie qui élève l'acte religieux au dessus du temporel, tant celui-ci est abordé dans ce rite avec un souci constant de réaliser l'équilibre entre l'ambition de l'individu et l'indispensable cohésion et progression de la communauté de la Umma. Le musulman marocain , sunnite et malékite, vit donc l'islam avec une double responsabilité quand à son devenir dans l'au-delà.
Autrement dit, une telle démarche religieuse , soucieuse de sauvegarder à la fois le salut de la communauté dans le temporel et le sort du croyant auprès de Dieu,sera fondamentalement empreinte de modération, de recherche d'équilibre, de tolérance, d'effort d'adaptation à partir d'un référentiel orthodoxe (ijtihad).

Ce qui semble être un paradoxe, orthodoxie et application dans la modération, est en fait le secret de la réussite de l'islam en terre marocaine. Car une telle relation entre le spirituel (ambition suprême du croyant) et le temporel (devoir incontournable pour l'individu comme pour la communauté) explique en fait, depuis les Idrissides (788-974 J.c) jusqu'à nos jours, le parfait fonctionnement entre le religieux et le politique , ce qui fit bénéficier ce pays d'une continuité d'état séculaire dans une terre d'Islam d'où l'invention scientifique, l'érudition juridique, la création artistique et le rayonnement civilisateur, ont débordé jusqu'à Tolède et au delà du fleuve Sénégal. Un type de « management » du temporel est ainsi harmonieusement intégré à une austère orthodoxie quand aux sources des préceptes et recommandations. ce qui se traduit pour l'individu par une grande, voire grave, responsabilisation et c'est ce qui, par conséquent, va légitimer à son profit une liberté d'action et des droits de participation aux faits et gestes menés au nom de la communauté . Ainsi, le rite malékite rencontre tout naturellement la notion coranique de « Choura » (consultation), si fondamentale, comme référence, pour les débats, de nos jours, sur la démocratie : « le malékisme en Occident ne s'est pas seulement nourri des principes généraux, codifiés par les docteurs de première date . Se voulant pratique, il puisa sa substance dans le fond coutumier propre à la région et chercha à résoudre les cas singuliers qui surgissaient dans la vie quotidienne sans trop verser dans les théories générales. Cette « casuistique » fit du droit malékite, un droit positif, qui n'a rien à envier aux droits positifs modernes.
(« Le malékisme, facteur d'unification » in mémorial du Maroc. Tome II ).
C'est avec une telle texture , sunnite et malékite, que l'Islam, au Maroc, a pu être un facteur d'unification depuis près d'un millénaire et demi, et n'enregistrant, sur toute cette période, que quelques incidents entre le politique et le religieux, incidents si mineurs, qu'ils sont à peine signalés parles livres d'histoire.
Une telle harmonie entre le spirituel et le temporel , donnant ses preuves durant des siècles, est, elle aussi, célébrée par l'édification de ce monument sans égal : la mosquée Hassan II.



Le Rite Malékite : Voie médiane d'unification (*)

(...) l'introduction et le développement du rite malékite en Occident musulman sont liés à l'expansion de l'Islam dans ces vastes régions qui s'étendent de la Tripolitaine, à l'est, jusqu'aux confins sahariens du sud-Ouest , englobant ainsi l'Ifriqiya (à peu près l'actuelle Tunisie), le Maghreb central, le Maghreb extrême, l'Andalousie et plus tard le Sénégal et le Niger.
Il est remarquable de constater la rapidité avec laquelle le rite malékite a pris racine dans le nord Ouest africain. C'est que le Malékisme a été considéré non pas seulement comme un des quatre rites apparus à l'aube de l'Islam, mais plus que cela, comme un dogme qui allait être défendu tout le long de son histoire. En ce sens, , le malékisme , rite juridico religieux, se doublait d'une dimension politique. Aussi servait-il d'assise à l'état et de ferment au corps social.
Sans doute le malékisme avait-il traversé des crises, comme à l'époque des Fatimides d'Ifriqiya ou des Almohades, mais il n'en sortait que plus renforcé,aidé en cela par les souverains eux mêmes, fermes adeptes du sunnisme et de l'orthodoxie, comme du reste par les couches sociales pour qui la tradition du prophète Mohammed, présente un caractère sacré.
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C'est que le rite de l'imam de Médine, Malik Ibn Anas (mort en 178 ou 179 de l'Hégire/795JC) s'inscrit dans une lignée de pur sunnisme.
S'appuyant après le coran, sur la tradition , l'école du Hidjaz tient la sunna comme source essentielle de la législation musulmane, contrairement à l'école de Abou Hanifa (mort en 145H/767 JC) qui a recours au Ra'y ou interprétation rationnelle des sources.
(*) Extraits de : « Malékisme, facteur d'unification », et « l'expansion du Malékisme », par Hassan Sqalli, in le Mémorial du Maroc » Tome II, Rabat1983.
Malik n'écarta pas le Ra'y pour autant, il utilisa même le raisonnement par analogie (Qiyass) comme le faisait Ach-chafii après lui, mais il n'y recourait que dans la mesure où la sunna faisait défaut. Aussi s'employa- t-il à compiler dans son ouvrage fondamental, Al Mouwatta (la voie aplanie), tous les hadiths susceptibles de constituer une référence certaine du droit musulman. Bien plus, il fit appel aux propos des compagnons directs du prophètes et aux opinions juridiques (fatwa) des successeurs (tabi-oun), adoptant ainsi les pratiques et la jurisprudence des gens de Médine (Ahl al Madina), comme source faisant autorité ayant le qiyass.
L'Ijmaa ou consensus des jurisconsultes de Médine et à la tradition du prophète est une donnée essentielle pour la compréhension des causes de l'épanouissement du rite malékite en occident musulman (...)



Un facteur d'unification

(...) L'oeuvre d'unification entreprise par l'école malékite est considérable. Les Maghrébins et les andalous lui avaient apporté des enrichissement , tant au niveau du corpus, qu'à celui de la méthodologie, voire au niveau institutionnel.
Au niveau du Corpus, jusqu'à l'avènement du malékisme en occident musulman, seul le Mouattaa de Malik constituait la référence première de l'école, car cet ouvrage, comme l'a dit à juste titre Cadi Abou Bakr Ibn Arabi « fut le premier à être composé sur la législation musulmane dans une optique d'élaboration des principes des droits et de leur application ».
Pourtant, l'ère de la codification proprement dite du droit malékite n'a commencé que depuis que l'Andalou, Abdelmalik Ibn Habib (mort en 238 H/860JC) a écrit sa Moudawwana, l'un et l'autre ouvrage étant en fait des commentaires du Mowaatta de Malik, élaborés dans la stricte observance des principes et des règles professés par le maître médinois.
La Moudawana de Souhnoun est presque une refonte d'un texte initial (la «asadya») rapporté d'Irak par Assâd Ibn Fourat.




Une voie médiane basée sur « l'Ijtihad »

(...) s'agissant de la méthodologie suivie dans la rédaction des commentaires,des docteurs malékite en Occident, ont pris comme modèle la méthode de Souhnoun beaucoup plus pratique que celle du Mouwattâ. Contrairement au Mouwattâ, qui fournit les hadits, suivis des paroles des compagnons, puis de l'Ijtihad de Malik, la Moudawana adopte le système des questions-réponses pour arriver à la solution des cas juridiques soulevés par Souhnoun lui même.
Cette méthode trouve son origine dans le Coran où de nombreux versets débutent par une question (posées par les musulmans au prophète) ou encore par la demande d'un avis comme par exemple : « Il te demande ton avis sur les femmes. Dis leur que c'est Dieu qui apportera son avis sur cette question»(Coran).
A la mort du prophète et à la suite des faits nouveaux qui apparaissent quotidiennement, la technique de l'Ijtihad par le biais de l'interprétation du Coran et de la tradition se développa rapidement.
Les Hanifites et les Malékites se spécialiseront dans cet exercice, les uns et les autres se référant dans leur avis juridique (Fatwa) au fondateur de leur école, à défaut à ces disciples, aux moujtahidoun parmi eux et, en cas de besoin,ils formulent eux-mêmes leur avis.
Mais il reste que la référence au Fatwa des chouyoukhs est une nécessité première.
Ainsi dans la Moudawana, Souhnoun pose d'abord la question à son cheikh, Ibn Al-Qâsim ou par d'autres disciples ou encore la réponse d'un compagnon obtenu par Ijtihâd à partir des propos du maître, Souhnoun intervient le plus souvent pour confirmer les fatwa de ses prédécesseurs, commenter et appuyer les thèses de ces chouyoukhs, tout en restant dans les limites du texte initial du Mouattaâ.
(...) la méthode adoptée par Souhnoun a inauguré un système de droit dont l'originalité apparaîtra avec le développement du droit malékite appliqué. Elle a permis d'approfondir et d'enrichir les thèses des choujoukh et d'assurer à l'école de Malik l'homogénéité dont elle avait besoin.
(...) Cette homogénéité nécessaire à toute école juridique est le meilleur garant de l'unification des règles du madhab.
(...) Certains auteurs tirant argument des différents apports techniques des docteurs maghrébins, soutiennent que ces derniers ont inauguré , sur le plan méthodologique, une voie médiane entre celle d'Abou hanifa et celle de Mâlik.
Possédant une connaissance parfaite de la doctrine des deux écoles, les Maghrébins ont fait appel aux arguments de l'une et de l'autre, en s'efforçant de ne pas tomber dans l'imitation servile des deux madhab.
De ce fait, ils ont fondé une troisième école, qui serait celle de la Sunna médinoise, associée au Ra'y irakien.
Mais il n'en demeure pas moins que le point de départ de l'ijtihâd maghrébin se trouve dans la doctrine originelle de Mâlik, telle qu'elle a été codifiée par Souhnoun dans la Moudawana.



Des institutions au service de l'unité de la communauté
L'Ijtihad des malékites en Occident s'est distingué enfin sur le plan institutionnel. L'institution de la Choura ou « consultation » est un exemple de l'attachement du Malékisme à la préservation des intérêts généraux de la Umma ou communauté dans son ensemble.
En Andalousie, un conseil consultatif spécial a été institué dès le début du10ème siècle à Cordoue, composé de jurisconsultes imminents, tous appartenant à l'école malékite, qui avait pour mission d'aider les cadis dans leurs tâche , au besoin en leur apportant les éléments juridiques, afin de motiver leurs jugements.
L'importance des consultations judiciaires à été mise en évidence sous les Almoravides quand il existait une séparation très nette entre les fonctions de Cadi et de Mufti. En droit malékite, le Mufti renseigne sur la règle juridique applicable au cas d'espèce, mais ne dispose nullement d'un pouvoir contraignant pour son application. Ce pouvoir appartient au Cadi, qu'il exerce au nom du souverain.
Du temps d'Ali Ibn Youssef Ibn Tachafin, le Cadi était tenu de demander l'avis des fouqaha avant de rendre son verdict, mais il lui était interdit de les consulter en public, une chambre spéciale ayant été prévue pour le huit clos. Néanmoins, la présence de quatre Fouqaha était indispensable lorsque le Cadi devait prononcer sa sentence.
Il faut dire que sous les Almoravides, Les Fatwa des fouqaha avaient une importance capitale; elles étaient demandées par le souverain lui même, qui ne prenait ses décisions qu'en présence d'un nombre déterminé de jurisconsultes.
N'a t-on pas dit que l'état Almoravide, c'était l'état des Fouqaha?
La fonction d'Ifta ou consultation juridique liée ou non à la judicature avait bonne fortune en occident musulman où elle garda ses distances vis à vis de l'autorité gouvernementale, contrairement aux pays du Moyen-orient où elle prit place dans la fonction publique.
(...) Les jurisconsultes se sont de tous temps penchés sur les Nawâzil ou études de cas inopinés nécessitant un avis conforme au Fiqh Islamique. Leurs fatwa, qui relèvent par la force des choses du droit appliqué, représentent pour le chercheur d'aujourd'hui une source intarissable de données sur la vie juridique,économique politique et sociale de cette partie du monde arabe. Malheureusement, le corpus des Nawâzil demeure en grande partie à l'état de manuscrits.
Citons toutefois deux ouvrages célèbres qui ont été imprimés à Fès au début de ce siècle :
«Al-Miyar » d'Al Wancharissi (mort en 914 H/1508 JC), en 11 volumes ;
Les « Nawâzil » de Sidi Mahdi Ouazzani (mort en 1342 H/ 1923JC), en 4 volumes.
De la somme de Souhnoun à la somme des avis juridiques sur les Nawâzil, que de chemin parcouru par le malékisme en Occident musulman! De rite importé d'Orient,il se constitua en école de droit avec ses fondements, ses structures, ses méthodes, ses adeptes. Son évolution fut lente, secouée parfois par des crises graves, mais ce fut une évolution généreuse qui contribua à enrichir le corpus juris musulman dans son ensemble.
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