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Maroc: La presse dans tous ses états
b
23 novembre 2005 13:28
au moment ou on parle de telquel, des medias et co.
(pers. je n'ai pas encore lu)


source: [www.lintelligent.com]#

La presse dans tous ses états
MAROC - 20 novembre 2005 - par ROBERT ASSARAF

À l’image des partis politiques, les journaux se multiplient au gré des dissidences partisanes, des intérêts commerciaux ou des ambitions personnelles. Faute de lecteurs, ils traquent les annonceurs.

Pays exemplaire en matière d'expression écrite, le Maroc est un des plus mauvais élèves de la classe en matière de médias. Le taux de pénétration de la presse y est de 13 exemplaires vendus pour 1 000 personnes contre une moyenne mondiale de 95. Dans le monde arabe, il occupe la quinzième place juste devant... la Somalie, la Mauritanie et le Yémen. Le taux de pénétration de la presse algérienne - 40 pour 1 000 - est trois fois supérieur à celui du Maroc.
La prise en compte de la pagination des quotidiens assombrit encore le tableau : dépassant rarement les 12-16 pages, elle est partout ailleurs comprise entre 20 et 80 pages. La consommation annuelle de papier journal du royaume est de 1,7 kilo par habitant contre une moyenne mondiale de 20,3 kilos. Ainsi, si la consommation marocaine en nombre d'exemplaires est sept fois inférieure à la moyenne mondiale, sa consommation de papier est, elle, douze fois moindre.

Le nombre total d'exemplaires vendus chaque jour, toutes périodicités et langues confondues, fait l'objet d'évaluations approximatives. Le chiffre de 300 000 peut être considéré comme une moyenne raisonnable. Les chiffres respectifs de la Tunisie et de l'Algérie sont de 410 000 et 1 million d'exemplaires par jour. Les habitudes typiquement marocaines de lecture gratuite et de location des journaux contribuent certainement à la crise de la presse. Difficile à quantifier, leur effet n'est cependant pas déterminant.

Relativement stable depuis le début des années 1990, ce chiffre des ventes a connu une décélération brutale depuis 2003. En 2004, il s'établissait à 250 000. De même, la baisse de consommation de papier journal témoigne de ce déclin.

Si le chiffre global du tirage varie peu ou décline même, le nombre de titres, lui, a littéralement explosé. Le Maroc compte aujourd'hui 23 quotidiens - le plus important vendant quelque 70 000 exemplaires et les derniers... 200 à 500 - contre 6 en 1994. Le nombre d'hebdomadaires est, lui, passé de 2 en 1980 à 60 aujourd'hui, dont dix magazines sportifs. Avec quelque 700 titres diffusés, dont près de 39 % de mensuels, l'offre est extrêmement atomisée.

Le tirage global des quotidiens a peu évolué, mais il cache une évolution favorable à la presse arabophone. Il est passé de 200 000 en 1994 (120 000 en arabe et 80 000 en français) à une moyenne de 235 000 pour les dernières années (150 000 en arabe et 85 000 en français). Le tirage total des hebdomadaires est de 400 000. Le chiffre d'affaires total de la presse marocaine - ventes au numéro - est d'environ 330 millions de dirhams (30 millions d'euros) et se répartit comme suit : 61 % pour les quotidiens, 19 % pour les périodiques et 20 % pour la presse importée.

On peut véritablement parler d'une bulle médiatique marocaine. Mais loin d'être « exubérante », elle est bel et bien régressive. Tirages en baisse, nombre de titres en hausse, l'effet de ciseaux est dévastateur sur les ressources des journaux. Il est à l'origine de l'absence de transparence totale sur les chiffres de diffusion et les pratiques publicitaires, sans compter les comportements en matière d'importation de papier. La subvention de 50 millions de dirhams prévue par le contrat-programme adopté par les assises de la presse en mars 2005 est destinée à la mise à niveau économique du secteur.

La publicité représente de 80 % à près de 100 % des revenus globaux de la majorité des journaux. À l'instar de la diffusion, le marché de la publicité est dramatiquement sous-investi. Il représente 0,6 % du PIB au Maroc contre 1 % en Égypte. Les investissements publicitaires varient, selon les estimations, de 3 à 7,50 euros par habitant au Maroc contre 60 au Moyen-Orient et... 400 aux États-Unis.

Pour être faibles, les investissements publicitaires n'en sont pas moins en progression régulière. Ils ont doublé entre 2001 et 2004, pour s'établir à 2,5 milliards de dirhams, classant le Maroc au premier rang des pays du Maghreb. Des études sérieuses prévoient un doublement des budgets publicitaires d'ici à 2010. Cependant, cette forte croissance est fragile, car elle est surtout due à l'arrivée de Médi Telecom sur le marché de la téléphonie mobile. La rude concurrence qui oppose l'opérateur espagnol à Maroc Telecom a provoqué une débauche de dépenses publicitaires. La téléphonie représente à elle seule près du quart des investissements publicitaires !

Surtout, la presse écrite est réduite à la portion congrue. L'évaluation précise de sa part relève d'un long travail de recherche. Alors que Régie 3 lui concède 280 millions de dirhams, le cabinet Imperium la gratifie de 500 millions de dirhams... Pour notre part, nous préférons retenir la somme des piges presse de l'année 2004, qui s'élève à environ 360 millions. L'année 2005 s'annonce plus prometteuse : le chiffre d'affaires publicitaire de la presse écrite atteint 234 millions de dirhams à la fin de juin.

Absorbant près de 21 % de la recette publicitaire grands médias, la presse se classe deuxième après la télévision (plus de 56 %) et devant l'affichage (près de 15 %), le reste (8 %) revenant à la radio, selon une étude de Régie 3.

La presse souffre à la fois de la concurrence, parfois excessive, des deux chaînes de télévision - elles bradent les tranches horaires hors prime time à 15 000 dirhams le spot, soit deux à trois fois moins qu'une pleine page en presse écrite - et de l'affichage, qui connaît un développement spectaculaire parce que la mesure de son audience est considérée comme plus fiable par les annonceurs.

La prolifération de certains mauvais panneaux d'affichage, voire leur présence sauvage dans certaines zones urbaines - hors secteurs où leur développement est normal et naturel - semble avoir décidé les élus locaux à réglementer ce support.

Au total, les chiffres doivent cependant être interprétés avec la plus grande prudence. Si, en effet, la presse écrite est censée avoir recueilli, en 2004, environ 360 millions de dirhams de budget publicitaire, il s'agit là d'un investissement brut. C'est-à-dire hors commissions d'agence (15 %), dégressifs, ristournes, rabais et soldes d'espace de toutes sortes, sans compter les offres d'espace gratuit... Si bien qu'il serait raisonnable d'appliquer à l'investissement brut une décote de 30 % pour aboutir à des recettes nettes globales de 252 millions de dirhams.

La comparaison avec 1995 est édifiante. Cette année-là, les investissements publicitaires bruts étaient quatre fois moindres, soit 640 millions de dirhams, dont une centaine pour la presse écrite, soit, si on applique l'abattement de 30 %, 70 millions de dirhams. Donc, les investissements publicitaires en presse écrite ont été multipliés par 3,5 en l'espace de dix ans. Le nombre de titres, lui, a été multiplié par 5,5, passant de 124 à 700 durant la même période. Autant dire que la part moyenne du revenu publicitaire par titre a diminué d'un bon tiers. Si l'on tient compte de l'érosion du dirham et de la forte hausse des coûts de production - encre, papier et salaires -, on peut parler de très nette dégradation générale de la situation économique des organes de presse marocains. Il va de soi que les moyennes peuvent cacher, comme on le verra, des situations contrastées.

Le libre jeu des lois du marché aurait dû condamner nombre de titres à une probable disparition ou empêcher l'arrivée de nouveaux entrants. Mais c'est bien le contraire qui se passe. Le marché médiatique marocain est un marché hors norme. La majorité des titres réagissent à la détérioration de leurs comptes par une surestimation des ventes et une chasse aux annonceurs.

Les plans médias des agences de communication sont systématiquement remaniés par leurs clients en fonction des liens des directeurs de publication avec les annonceurs ou de la crainte qu'ils peuvent leur inspirer, voire aux simples liens capitalistiques qui peuvent les unir. Le saupoudrage dans la répartition des budgets publicitaires est la conséquence d'une opacité des chiffres de la diffusion et d'une décorrélation normale entre les ventes et les revenus publicitaires.

La presse arabophone est la première victime de cette anomalie de marché. Réalisant 75 % du tirage de la presse écrite, elle ne recueille pourtant que 30 % de l'investissement publicitaire global. Les causes en sont les relations de longue date entre annonceurs, agences de communication et certains patrons de presse francophones (voir le cas de L'Économiste). Le coeur de cible, comme disent les publicitaires, de la presse francophone et de ses annonceurs est en fait d'une centaine de milliers de personnes. Elles appartiennent aux catégories socioprofessionnelles A et B de la population, c'est-à-dire à l'élite du pays.

Assurés d'un revenu publicitaire stable relativement indépendant de leurs ventes, les directeurs de journaux n'ont guère intérêt à augmenter leurs tirages, chaque numéro supplémentaire fabriqué à perte, sauf apport de la publicité, réduisant leur marge d'exploitation ! Le Maroc est ainsi un des rares pays au monde où nombre de journaux peuvent s'enorgueillir d'un taux de retour voisin de 0 % ! Cela explique aussi cette autre bizarrerie nationale : les hebdomadaires suspendent leur parution en août, mois de vaches maigres publicitaires par excellence. La création de l'OJD-Maroc, il y a exactement un an, pourrait contribuer à normaliser quelque peu le marché. Mais ses débuts sont très lents.

Enfin, pour arrondir leurs fins de mois et dissimuler leur chiffre de vente réel, les journaux marocains, à quelques rares et méritoires exceptions près, utilisent à leur profit une réglementation ancienne qui les autorise à importer le papier nécessaire à leur fabrication en franchise de tout droit. L'État pouvait paraître parfois heureux de disposer d'un levier d'influence qui faisait office, à l'origine, de la part de l'ex-ministre de l'Intérieur Driss Basri, d'une subvention déguisée aux partis politiques.

Victime d'une stagnation, sinon d'un déclin de ses ventes, la presse marocaine a dû inventer un système hors norme pour survivre. Le bassin de lecteurs - arabophones et francophones confondus - n'arrive pas à s'affranchir de la barre « fatidique » des 300 000 parce que, selon toutes les études, l'image de la presse s'est fortement dégradée et son influence s'est étiolée.


La pléthore de titres de presse reflète l'état de fragmentation de la société marocaine et de ses élites politiques. À l'image des partis politiques qui, de scission en scission, atteignent le nombre d'une trentaine, les journaux se multiplient au gré des dissidences partisanes, des intérêts commerciaux, des besoins idéologiques ou, parfois, des ambitions personnelles. En 2003, les journaux d'informations générales étaient au nombre de 181, les publications régionales 160, la presse sportive 32, la presse économique 48 et les mensuels 176 représentant 39 % des titres.

La presse marocaine est liée historiquement à la politique. Les premiers journaux dignes de ce nom sont nés à la veille du protectorat dans le nord du Maroc, à Tanger et Tétouan, pour défendre, à l'époque, les appétits coloniaux des grandes puissances. Sous le protectorat, la presse coloniale était immorale, mais de grande facture professionnelle. Elle se divisait en titres (évidemment majoritaires) partisans de la colonisation et en titres libéraux. À l'indépendance, la presse partisane prend la place de la presse coloniale et jouit d'un monopole médiatique de fait.

C'est dans les années 1980 que Driss Basri, ministre de l'Intérieur, et souvent, également, de l'Information, désirant contrôler la presse politique, suscite et encourage la naissance de titres dits « indépendants ». Les changements de propriétaires, aussi, ne pouvaient guère se faire sans son aval. À partir du milieu des années 1990 commence à émerger une nouvelle presse dont l'objectif principal est la dénonciation du « pouvoir et du gouvernement ». Si l'on excepte les magazines thématiques, le paysage médiatique marocain compte peu de titres dont le professionnalisme journalistique soit la principale préoccupation.

Tout d'abord, la presse partisane - elle compte 26 titres - se meurt de n'avoir su ou pu conquérir quelque autonomie par rapport aux partis politiques. Elle épouse leur évolution... À l'exception de L'Opinion, d'Al-Alam et d'Al-Ittihad al-Ichtiraki - dont les ventes se situent pour chacun d'entre eux autour de 20 000 à 25 000 exemplaires -, tous les autres titres partisans demeurent dans une fourchette de quelques centaines à 4 000 exemplaires vendus, le reste étant distribué gratuitement...

La presse dite « indépendante » est dominée par les quotidiens. L'opacité la plus totale règne en matière de chiffres de vente. Les études d'audience donnent, elles, des résultats souvent incontrôlables. Toute étude est condamnée à se contenter d'estimations issues de nombreux recoupements.

Côté francophone, Le Matin du Sahara fait incontestablement la course en tête avec environ 30 000 exemplaires vendus. Il est suivi par L'Économiste, qui vend quelque 10 000 exemplaires, pour un tirage annoncé de plus de 30 000. Avec 8 000 exemplaires vendus, Aujourd'hui le Maroc - qui progresse régulièrement - talonne L'Économiste. La presse quotidienne arabophone est dominée par deux titres - Al-Ahdat al-Maghribia et Assabah du groupe L'Économiste - qui vendent chacun quelque 60 000 exemplaires. Des chiffres à faire rêver leurs confrères francophones. L'avenir, en matière de presse, appartient incontestablement à l'arabe.

La presse hebdomadaire est, elle aussi, dominée par les titres arabophones. Les hebdomadaires sportifs totalisent 150 000 exemplaires tandis qu'Al-Ousboue vend 80 000 exemplaires, Al-Ayam et Assahifa (groupe Media Trust qui édite Le Journal), 40 000 chacun. Les tirages des hebdomadaires francophones sont bien plus chétifs. Tel Quel et Le Journal sont incontestablement les deux champions de la catégorie avec quelque 20 000 exemplaires chacun. La Vie économique (14 000 exemplaires) et Maroc Hebdo (10 000 exemplaires) occupent une place intermédiaire. La Gazette et La Nouvelle Tribune vendent respectivement moins de 5 000, voire (certaines semaines) 1 000 exemplaires. Femmes du Maroc (15 000 exemplaires) et sa version arabe Nissaa Min al-Maghrib (40 000 exemplaires), tous deux du groupe Caractères, éditeur de La Vie économique, sont, et de loin, les mensuels les plus prospères.

La concurrence de la presse étrangère a fait couler beaucoup d'encre. Le 13 avril 1984 est encore dans toutes les mémoires des patrons de presse. Ce jour-là, la presse marocaine organisait une grève des parutions pour protester contre l'autorisation donnée à Achark al-Awsat de se faire imprimer au Maroc. La décision d'imprimer les seuls exemplaires destinés au pays sera maintenue. Le quotidien saoudien vend aujourd'hui 13 000 exemplaires au Maroc. D'autres journaux étrangers, dont Le Figaro, recevront la même autorisation. Les accusations de dumping lancées à leur égard sont exagérées. Le Figaro - il vend 2 000 exemplaires au Maroc - n'a ni baissé son prix de vente ni démarché des annonceurs marocains.

Il en ira tout autrement du Monde. Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel avaient convié le tout-Casablanca, le 14 avril 2003, à un cocktail de lancement de l'impression des 3 500 exemplaires vendus au Maroc sur les presses d'Eco Print dans lesquelles L'Économiste a des intérêts minoritaires. Mais, le 12 avril, le ministre de la Communication, Nabil Benabdallah, enterrait élégamment le projet en annonçant qu'il « était encore à l'étude ». Le Monde avait, en effet, provoqué la colère de la presse nationale en annonçant qu'il baisserait son prix de vente à 5 dirhams (0,46 euro) et qu'il s'intéresserait au marché publicitaire marocain. Si ce n'est pas de la concurrence déloyale, cela y ressemble fort, comme nous l'avions expliqué à l'époque...

En tout état de cause, il serait aujourd'hui difficile de soutenir que la presse importée cause du tort à la presse nationale, sauf en matière de publications pour la jeunesse, qui n'attirent curieusement pas les investisseurs marocains. Certes, 1 200 titres étrangers sont importés. Pour être impressionnant, ce chiffre - qui est largement supérieur à celui de la presse nationale - n'est pas très préoccupant. Le chiffre d'affaires de la presse étrangère au Maroc est de 70 à 80 millions de dirhams, soit 20 % des ventes totales de la presse dans le pays.

La presse hebdomadaire française, pour ce qui la concerne, décline régulièrement. Les trois grands news parisiens - Le Nouvel Observateur, L'Express et Le Point (Marianne proposant peu de numéros au Maroc, comme à l'étranger) - vendent chacun un millier d'exemplaires par semaine. Seuls se distinguent Paris-Match avec 4 000 exemplaires et Jeune Afrique/l'intelligent qui, occasionnellement, peut faire des pointes de 10 000 à 15 000 exemplaires, avec des covers sur le Maroc.

En définitive, si les tirages des titres marocains connaissent une baisse d'audience, ils le doivent, semble-t-il, à leur absence de professionnalisme. Les pratiques commerciales sont peu actives. La décorrélation relative entre ventes et chiffres d'affaires publicitaires, et sa conséquence immédiate, le malthusianisme en matière de tirages, condamnent les nouveaux entrants à s'aligner sur les comportements de leurs aînés. Seul le quotidien Aujourd'hui le Maroc introduit un espoir de modernité et de volontarisme commercial.

Sur le plan des « piges » publicitaires, le haut du classement en 2004 comprend Le Matin, avec 60,5 millions de dirhams de chiffre d'affaires publicitaire, L'Économiste (54,7), Aujourd'hui le Maroc (24,7), La Vie économique (24,2), Al Ahdat (17,9), Femmes du Maroc (15), Tel Quel (13), Citadine (11,1), L'Opinion (10,5) et La Gazette (10). À la fin de juin 2005, cet ordre subit quelques modifications intéressantes : L'Économiste ravit sa première place au Matin, Assabah (le quotidien arabophone publié par L'Économiste) et Le Journal font leur entrée dans le top ten en lieu et place de L'Opinion et de La Gazette.

Rappelons que les chiffres avancés ici sont des revenus bruts auxquels il convient d'appliquer une décote minimale de 30 %, les plus mal lotis ayant plus tendance que les plus « gros » à brader leur espace. En fait, seul Le Matin est intransigeant sur ses tarifs publics. Il impose même une « surcote » pour le choix du jour et de l'emplacement !

Les chiffres parlent d'eux-mêmes sur les pratiques publicitaires, parfois peu orthodoxes, de certains journaux. Si l'on considère que tous les titres de la presse francophone s'adressent au même coeur de cible - les couches les plus favorisées de la population -, on commencera par s'étonner que Le Matin et L'Économiste fassent quasiment jeu égal. Alors que le premier vend trois fois plus d'exemplaires et pratique un tarif supérieur, 40 000 dirhams la pleine page contre 34 000 pour le second. Cela en dit long sur le réseau de relations commerciales, voire d'influence ou de complicités du quotidien économique avec les milieux d'affaires. Aujourd'hui le Maroc, dont les ventes talonnent celles de L'Économiste, recueille deux fois moins d'investissements publicitaires du monde des affaires. L'injustice est encore plus flagrante s'agissant d'Ahdat al-Maghrabia : vendant deux fois plus que Le Matin et six fois plus que L'Économiste, le premier quotidien arabophone du pays recueille respectivement trois et six fois moins de publicité que ses confrères francophones...

Concernant les hebdomadaires, La Vie Eco (23 millions de dirhams pour la première moitié de l'année 2005 pour 14 000 exemplaires vendus) fait mieux que Tel Quel (20 millions) et Le Journal (17 millions) qui vendent, eux, 20 000 exemplaires. Les deux nouveaux de la presse hebdomadaire font ainsi une entrée remarquée sur le marché de la publicité alors qu'ils s'estimaient rejetés par les annonceurs et les pouvoirs publics. Ils ont dû pour cela faire des entorses à leurs principes et utiliser les mêmes méthodes de « pressions amicales » sur leurs annonceurs ou, comme c'est le cas du Journal, faire jouer, dit-on sans preuves, les réseaux d'amitié du prince Moulay Hicham auprès de certaines multinationales.

Plus étonnant est le cas de La Nouvelle Tribune. Toujours pour la première moitié de 2005, grâce à la direction de Fahd Yata, malgré les quelques faibles milliers d'exemplaires annoncés vendus, le journal recueille 6,3 millions de dirhams, soit, pour certains numéros, proportionnellement quatre fois plus que La Vie économique et six fois plus que Tel Quel. Maroc Hebdo est, lui, avec 4,74 millions de dirhams de recettes publicitaires semestrielles et 10 000 exemplaires, relativement mal loti. Ses revenus par numéro sont quatre fois inférieurs à ceux de La Vie Éco et presque deux fois moindres que ceux du Journal. Être du bon bord politique au Maroc n'est pas nécessairement le plus payant... Avec 80 000 exemplaires vendus, l'hebdomadaire à scandale Al-Ousboue méprise souverainement la publicité, dont il n'a pas besoin...

Le saupoudrage de la fortune publicitaire entre les grands titres n'est pas exclusif d'une concentration des investissements publicitaires du monde des affaires, puisque le « top ten » de la presse bénéficie de 60 % des revenus. L'Économiste s'adjuge à lui seul près de 15 % des investissements publicitaires dans la presse écrite alors que ses ventes ne représentent que 3,33 % du total marocain ! Il y a là un mystère commercial qui mérite une étude plus approfondie...

De cette extrême atomisation émergent tout de même trois grands groupes relativement diversifiés et animés par une véritable logique industrielle : Eco Media, Caractères et Maroc Soir.

Le groupe Eco Media, qui édite L'Économiste et Assabah, annonce, pour 2004, un chiffre d'affaires d'environ 90 millions de dirhams et un résultat net de 7,8 millions de dirhams. Eco Media est le premier, et le plus profitable, groupe de presse marocain. Sans compter sa participation minoritaire dans l'imprimerie Eco Print... Sur la base d'un chiffre d'affaires global de la presse écrite de 690 millions de dirhams (ventes au numéro plus publicité), la part de marché d'Eco Media serait de 13 %...

Le groupe Maroc Soir, à propos duquel on ne peut faire que des estimations, réaliserait un chiffre d'affaires, hors imprimerie, de 64 millions de dirhams dont 42 pour la publicité et 22 pour les ventes au numéro. Il serait donc le deuxième groupe marocain. Il n'est plus très loin d'un compte d'exploitation équilibré. Sa part de marché serait de 9,3 %.

Le groupe Caractères est une filiale à 94 % du holding Akwa, contrôlée par l'investisseur industriel et financier Aziz Akhennouch. Son journal amiral est La Vie Éco, acheté à Jean-Louis Servan-Schreiber en 1997. Ses autres publications sont des périodiques thématiques luxueux, certainement les plus professionnels et les plus vendus dans leurs catégories respectives : les mensuels Femmes du Maroc et sa version arabe Nissaa Min al-Maghrib, le bimensuel Maisons du Maroc et le magazine pour jeunes filles Parade, récemment acquis.

Le chiffre d'affaires annuel de l'activité magazines est de 25 millions de dirhams et celui de La Vie Éco de 21,6 millions de dirhams, soit au total 46,6 millions de dirhams. Sur la base des chiffres annoncés par le groupe, Caractères serait le troisième groupe de presse marocain. Sans compter que le chiffre d'affaires d'Aujourd'hui le Maroc n'est pas intégré à Caractères. Ce groupe présente, enfin, un résultat équilibré. Sa part de marché est de 6,7 %, malgré son effort considérable d'investissement en capital !

Les trois premiers groupes totalisent une part de marché de presque 30 %. Un bon pas vers la rationalisation du marché de la presse écrite...
b
23 novembre 2005 14:23
[www.lintelligent.com]

En quelques chiffres
MAROC - 20 novembre 2005

- Ventes totales quotidiennes : environ 250 000 exemplaires
- Nombre de titres diffusés : environ 700

- Part des titres arabophones : 70 %

- Quotidiens : 23

- Hebdomadaires : 60

- Mensuels : 39
o
24 novembre 2005 11:12

Edifiant, Bikhir, édifiant...

cet excellentissime papier me laisse songeur, tout en me confirmant les bizarreries de notre presse.

Edifiant...
a
24 novembre 2005 11:50
je cherche l'enregistrement de la visite de M. Driss Jettou et M. Carlos Ghosn chez renault maroc
quelqu'un pourrait-il me faire parvenir un enregistrement de l'événement diffusé à la télévision ?
ou eventuellement les coordonnées de la tv marocaine (la 2 - je pense) un mail ou un tel.

Je vous en remercie
b
25 novembre 2005 10:19
bonjour ohque,

oui excellent, a suavegarder absolument.
j'ai lu l'article hier soir et je trouve que tu as bien trouve les mots.

amicalement




z
25 novembre 2005 21:45
Excellent excellent Bikhir.

Robert Assaraf est un pionnier dans la com au Maroc. Article presque academique par sa teneur. Thanks for sharing winking smiley
 
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