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Mahmoud Abbas en première ligne
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10 janvier 2005 23:25
PORTRAIT
Mahmoud Abbas en première ligne
LE MONDE | 10.01.05 | 14h19
Le nouveau président palestinien, homme de dialogue et non de lutte armée, a construit son destin dans l'ombre de Yasser Arafat.
On change rarement à 69 ans, mais on peut au moins faire des efforts. Par exemple, haranguer les foules, porter le keffieh ou accepter d'être juché sur les épaules de miliciens en armes. Après sa nomination comme premier ministre en avril 2003, le Palestinien Mahmoud Abbas avait souhaité que les murs de Gaza, surchargés de graffitis vengeurs, retrouvent une blancheur immaculée et apaisante. C'est désormais sa propre effigie qui est peinte sur ces murs, encadrée de slogans à sa gloire et à celle de son mouvement, le Fatah.

On change rarement à 69 ans, et Mahmoud Abbas n'aspire certainement pas, aujourd'hui, à être un autre homme. La mort de Yasser Arafat l'a certes propulsé au premier rang, mais pendant plus de trente ans au service de la cause palestinienne il n'a cessé d'être le même, lucide et entêté, maître de son destin.

Il n'a que 13 ans, en avril 1948, lorsque sa famille fuit sa ville natale de Safed, en Galilée. Alors que la première guerre israélo-arabe jette sur les routes des milliers de réfugiés palestiniens, il se retrouve en Syrie, à Damas. Après avoir travaillé pour aider sa famille, il reprend ses études jusqu'à la faculté de droit. Au même titre que Le Caire, la capitale syrienne est alors un vivier pour le nationalisme palestinien naissant.

Cet activisme n'est pas vu d'un bon œil par les autorités locales. Parmi les Palestiniens les plus engagés, les "Syriens" comme les "Egyptiens" émigrent rapidement à l'est, sous des cieux politiques et économiques plus favorables. Né en Egypte mais de racines palestiniennes, un jeune ingénieur, Yasser Arafat, se retrouve ainsi au Koweït. En 1959, il y fonde clandestinement le Fatah, le Mouvement de libération de la Palestine. Abbas, lui, s'est installé au Qatar. Il rejoint le Fatah tout en participant à la création d'un corps administratif dans son pays d'adoption, avec lequel il gardera des liens étroits.

La décennie suivante est celle des combattants, surtout à partir de la défaite arabe de 1967 face à Israël, qui débarrasse la toute jeune Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont le Fatah est la pierre angulaire, du paternalisme intéressé des Etats arabes. Le réfugié de Safed, désormais membre du Conseil national palestinien, a beau être doté d'un nom de guerre - Abou Mazen -, il n'a rien d'un guérillero. Son champ de bataille est celui de l'organisation, du financement ; ses capacités y font merveille.

Après l'affrontement meurtrier de Septembre noir (1970), en Jordanie, avec la monarchie hachémite, l'OLP quitte Amman, la capitale jordanienne, pour Beyrouth, au Liban. Mahmoud Abbas, resté cheville ouvrière de l'organisation, s'installe pour sa part à Damas. Sa réputation demeure limitée dans les rangs palestiniens. "Je l'ai rencontré pour la première fois après la Jordanie. C'était l'époque des guerriers, mais à l'intérieur du mouvement il avait déjà un certain poids", se souvient malgré tout un ancien proche de Yasser Arafat, Mamdouh Nofal, alors membre du Front démocratique de libération de la Palestine (FDPLP), un parti marxiste qui n'a que mépris pour les "petits bourgeois" du Fatah.

Mahmoud Abbas est d'autant moins en quête de notoriété que depuis le milieu des années 1970 et l'amorce de l'évolution de l'OLP vers la solution des deux Etats pour régler le conflit israélo-palestinien, il défriche en secret une autre voie que celle du combat : des contacts avec la gauche et les pacifistes israéliens.

L'ancien étudiant du Collège oriental de Moscou - à la fin des années 1960, il y a rédigé une thèse douteuse sur le sionisme, une étude dont il s'est par la suite démarqué publiquement - prend tout d'abord contact avec des membres du Parti communiste israélien. Il n'est pas le seul éclaireur à être envoyé en sous-main par Yasser Arafat, mais il prend de court l'OLP en assurant, en 1977, que le dialogue est possible. Selon lui, la solution des deux Etats constitue un horizon réaliste. Jamais il ne reviendra sur cette conviction. "J'ai pu apprécier son courage à cette époque, il ne se démontait pas devant les auditoires franchement hostiles", se souvient le poète Mahmoud Darwich, alors membre des instances de l'OLP.

En marge des rencontres secrètes, l'histoire s'emballe. En 1978, la paix séparée signée par l'Egypte avec Israël enterre les espoirs de voir le dossier palestinien sérieusement examiné. Mahmoud Abbas n'est pas à Beyrouth au moment de l'offensive israélienne contre l'OLP, qui se conclut, en 1982, par l'éviction des fedayins palestiniens, coup sévère porté au dogme de la lutte armée.

La crise qui s'ensuit entre Yasser Arafat et le régime syrien a obligé Abbas à quitter Damas pour le Golfe et à se replier ensuite avec les autres cadres du mouvement national palestinien à Tunis. Devenu en 1981 membre du Comité exécutif de l'OLP, il prend la charge, en 1984, des relations internationales de l'organisation. Assuré du soutien d'Arafat, il approfondit ses contacts avec ses partenaires israéliens. Un rôle dangereux : plusieurs partisans du dialogue l'ont payé de leur vie, Saïd Hammami, Ezzedine Kalak ou encore Issam Sartaoui, assassiné au Portugal, en 1983, par le groupe Abou Nidal.

Les fils ténus se nouent et se détendent au rythme des crises politiques israéliennes et des rapports de force au sein de l'OLP. Après la mort d'Abou Jihad, assassiné par les Israéliens après le début de la première intifada (1987), Abou Mazen récupère également le portefeuille des territoires occupés. Il guette une percée diplomatique pour imposer la voie du dialogue.

PARADOXALEMENT, la première guerre du Golfe (1991) va servir d'accélérateur. Comme d'autres au sein de l'OLP, Mahmoud Abbas comprend très vite l'erreur stratégique commise par Yasser Arafat, qui apporte son soutien à Saddam Hussein après l'annexion brutale du Koweït. Jusqu'au bout, le chef de l'OLP va en effet croire à un accord de dernière minute qui permettra d'éviter la guerre et rehaussera le prestige du régime irakien.

La cause palestinienne perd alors le soutien politique et financier des pays du Golfe, à commencer par celui du Koweït. Complètement isolé, Yasser Arafat n'a d'autre ressource que de coller à la volonté américaine de s'attaquer au dossier israélo-palestinien sitôt la défaite irakienne consommée. Mahmoud Abbas gagne des marges de manœuvre. Alors que la conférence de Madrid s'enlise à partir de 1992, c'est lui qui met en place, côté palestinien, le canal norvégien, qui va aboutir aux accords d'Oslo (1993). "A l'époque, j'étais en prison en Israël, se souvient Qaddoura Fares, un jeune cadre du Fatah aujourd'hui ministre sans portefeuille, mais je me souviens très bien de ce qu'avait dit Abou Mazen aux membres de l'OLP qui trouvaient que le résultat de ces négociations n'était vraiment pas à la hauteur des espérances. Cela m'avait beaucoup frappé : il avait expliqué que tout était effectivement loin d'être parfait, mais que nous avions désormais des responsabilités à assumer, que nous serons aussi comptables de ce qui se passerait."

Mahmoud Abbas, au nom de l'OLP, paraphe à Washington la déclaration de principes qui suit la reconnaissance mutuelle d'Israël et de l'OLP. Mais l'enthousiasme retombe vite. Les tensions et les critiques mettent à rude épreuve la relation de confiance avec Yasser Arafat. Mahmoud Abbas se juge peu récompensé des efforts fournis alors que le chef de l'OLP reçoit le prix Nobel de la paix (1994). Il tarde avant de rentrer à son tour dans les territoires palestiniens et s'enferme pendant de longs mois dans une de ces bouderies dont il va devenir coutumier. Il refusera par la suite de prendre part aux élections législatives de 1996, contrairement à son bras droit aux négociations d'Oslo, Ahmed Qoreï ("Abou Alaa"winking smiley, mais accédera tout de même au titre de secrétaire général de l'OLP, devenant ainsi le dauphin potentiel de Yasser Arafat. Ce dernier ne prend guère de risque : ce bras droit n'a, semble-t-il, ni charisme ni notoriété.

Le cours d'Oslo, cependant, dérape à partir de la victoire électorale de la droite israélienne en 1996. Les négociations que préparait Mahmoud Abbas avec le négociateur israélien travailliste Yossi Beilin sur le statut final des territoires palestiniens sont remises à plus tard. A la place, l'équipe palestinienne d'Oslo doit marchander une série d'accords intérimaires. Ces accords retardent à chaque fois les étapes fixées en 1995 et alimentent dans les territoires palestiniens un lourd ressentiment. C'est l'époque où les demeures cossues de Mahmoud Abbas à Gaza et à Ramallah entretiennent des accusations de corruption, tout comme les activités de ses fils, hommes d'affaires, même si les enquêtes menées par le Conseil législatif palestinien ne le mettent pas en cause, à la différence d'autres proches de Yasser Arafat.

L'élection du travailliste Ehoud Barak, en 1999, ne dissipe pas la méfiance qui s'est installée entre Israéliens et Palestiniens. Les négociations précipitées de Camp David, en juillet 2000, auxquelles Yasser Arafat se rend en traînant les pieds, s'achèvent sur un échec. Mahmoud Abbas a bataillé pour sa part pendant de longues heures avec les Israéliens sur la question des réfugiés, sans guère de résultats. Avec l'Intifada, qui éclate deux mois plus tard, la dynamique d'Oslo est définitivement enrayée.

Début 2001, Ariel Sharon devient premier ministre d'Israël. L'escalade des attaques et des ripostes emporte les espoirs de retour au calme. Très vite, Mahmoud Abbas fait connaître son désaccord avec la tournure prise par les événements aux diplomates qui se démènent en vain, tel l'émissaire européen Miguel Moratinos, alors que Yasser Arafat, enfermé à Ramallah depuis décembre 2001, se mure dans l'ambiguïté.

Le numéro deux de l'OLP sort de sa réserve en 2002 pour critiquer publiquement la militarisation de l'Intifada et l'isolement diplomatique auquel elle a conduit. Ses commentaires acerbes sont vivement critiqués par les organisations radicales palestiniennes, mais ils attirent l'attention des Etats-Unis et de l'Union européenne, qui l'imposent, en avril 2003, comme premier ministre (un poste créé pour la circonstance) à un Yasser Arafat plus que réticent. Cette brève expérience va lui laisser des souvenirs cuisants.

En juin, au sommet d'Akaba, en Jordanie, et sous la pression des Etats-Unis, Mahmoud Abbas choisit dans son discours d'évoquer les souffrances du peuple juif et de passer sous silence la question des réfugiés palestiniens. "Le discours d'Akaba a été une erreur, analyse aujourd'hui Qaddoura Farès. Abou Mazen pensait obtenir des garanties américaines pour qu'Israël stoppe la construction du mur" en Cisjordanie.

Abbas sait qu'il joue gros en se montrant à Washington et au côté d'Ariel Sharon alors que le chef de l'OLP, lui, est toujours reclus à Ramallah. Il a besoin de résultats sur le terrain, pour les Palestiniens comme pour leur chef. "Trois fois, il a demandé sa liberté de mouvement ; trois fois, il n'a rien obtenu, alors Arafat est entré en action", assure un proche. Après cent jours de gouvernement, coincé entre l'immobilisme israélien, l'indifférence américaine et le ressentiment d'Arafat, Mahmoud Abbas démissionne. Il est remplacé aussitôt par Ahmed Qoreï. Pendant plus d'un an, il refuse de rencontrer Arafat, jusqu'à ce que la santé de ce dernier ne se dégrade, en octobre 2004. Ces retrouvailles tardives précèdent de peu la succession.

"C'est un type plutôt agréable", estime un diplomate européen qui l'a pratiqué de longues années. Dans son fonctionnement, il est l'opposé d'Arafat. Il est clair et délègue réellement." "Il ne se mêle pas de tout, du moindre versement d'argent, de la moindre promotion, parce qu'il n'a pas à entretenir de clientèle ; cela peut s'avérer une faiblesse parce qu'il est très seul", ajoute l'un de ses proches. "Il peut se mettre vite en colère, assure le ministre Azzam Al-Ahmad, il est plutôt du genre à dire quand il y a un problème : "Je m'en vais, je reviendrai quand vous aurez enfin compris", alors qu'Arafat pouvait passer des heures pour arranger les choses."

"C'est un homme d'Etat, mais ce n'est pas un homme politique. Il n'aime pas le pouvoir, et il dit vraiment ce qu'il pense, ajoute Mamdouh Nofal. Il ne bradera jamais les intérêts palestiniens, ses lignes rouges sont claires sur la question des frontières, Jérusalem-Est et une solution acceptable pour les réfugiés. Si les choses devaient mal tourner avec les Israéliens et les Américains, comme nous sommes beaucoup à le redouter, il viendra nous voir et il nous dira tout simplement : "J'ai essayé, ça n'a pas marché, trouvez quelqu'un d'autre." Et puis, il rentrera chez lui."

Gilles Paris

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.01.05
t
11 janvier 2005 09:23
est ce que les palesteniens vont accepter les conditions de Bush et charon pour avoir leur terresmiling smiley?
 
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