Le colonel Edward Huycke, chirurgien en chef de l'EUCOM et responsable de la coordination des programmes de lutte contre le sida dans les armées étrangères, a posé la question : « Pourquoi l'EUCOM se préoccupe-t-il du sida en Afrique ? »
Et de répondre : « Parce qu'il y a une incroyable augmentation du taux d'infection au VIH en Afrique subsaharienne. L'effet présent et futur de la pandémie - sur le plan social, politique, économique et militaire - (...) est énorme (...) et ahurissant. Le risque de désintégration sociale - la perte de juges, de médecins, d'avocats, de parlementaires, de parents, d'enseignants - est considérablement augmenté par la pandémie. »
La santé des armées africaines est particulièrement importante, a-t-il ajouté, parce que le ministère américain de la défense compte de plus en plus sur elles pour assumer la responsabilité des opérations de maintien de la paix sur le continent et pour le protéger des incursions terroristes.
M. Huycke a tenu ces propos le lendemain du jour où un groupe spécial de travail sur le sida créé par l'International Crisis Group (ICG) et le Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) - deux laboratoires d'idées indépendants - s'était réuni pour discuter des programmes bilatéraux mis en œuvre par les Etats-Unis pour lutter contre le sida dans les armées étrangères.
Des responsables du Programme de prévention du VIH/sida du ministère de la défense des Etats-Unis (DHAPP) et du Programme de recherche sur le VIH/sida de l'armée des Etats-Unis, ainsi que des représentants de l'ICG et du CSIS, participaient également à ce colloque.
L'armée des Etats-Unis développe depuis plus de 30 ans des partenariats sanitaires, d'un coût de plusieurs millions de dollars, avec des pays tels que le Kenya et la Thaïlande. Dans l'ensemble, le Pentagone a financé des programmes médicaux dans 41 pays, dont 29 en Afrique.
L'EUCOM a démarré son programme avec l'armée éthiopienne en 2001. Il s'est révélé efficace et a par la suite servi de modèle à d'autres démarches du ministère de la défense des Etats-Unis. Oeuvrant de concert avec l'université Johns Hopkins pour réduire le taux d'infection au sein des 250.000 soldats de l'armée éthiopienne, le DHAPP a mis en œuvre un programme (d'un coût de plusieurs millions de dollars) de conseil et de formation au dépistage, a augmenté l'utilisation des préservatifs par les troupes, et a formé des auxiliaires médicaux.
Au bout de quatre ans, l'EUCOM a rapporté que la plupart de ses objectifs en Ethiopie avaient été atteints : 6.554 soldats ont reçu des informations ; plus de 25.000 ont participé à des séminaires de prévention du sida ; et 2.969 soldats se sont soumis à un test de dépistage effectué par 100 conseillers nouvellement formés. Enfin, trois centres de conseil et de dépistage ont été créés dans des hôpitaux militaires éthiopiens.
Mme Kathy Ward, spécialiste de l'ICG, partage les inquiétudes de M. Huycke. Elle a notamment précisé que plus de 22 millions de soldats des forces armées du monde étaient menacés par le virus. « Le ministère de la défense des Etats-Unis entrevoit donc un intérêt de sécurité dans les activités de prévention du VIH/sida au sein des armées étrangères, parce que la propagation du VIH est un énorme facteur de déstabilisation dans les sociétés en développement, notamment en les rendant vulnérables à l'agitation ou à l'infiltration d'éléments terroristes. »
L'inquiétude du ministère est également justifiée, selon elle, par le fait que les Etats-Unis espèrent pouvoir compter de plus en plus sur les troupes africaines et autres forces régionales pour déployer des contingents opérationnels afin de réduire la pression sur les forces américaines qui ont déjà fort à faire dans la lutte contre le terrorisme dans le monde.
(L'EUCOM est l'un des grands commandements régionaux de l'armée des Etats-Unis. Basé en Allemagne, il est responsable de l'organisation des programmes entre armées dans 91 pays d'Europe et d'Afrique subsaharienne. Au fil des ans, ces commandements régionaux se sont vu attribuer de plus grandes responsabilités de création et de supervision de programmes bilatéraux allant de la formation militaire à la surveillance des frontières, en passant par des projets médicaux ayant une incidence sur la sécurité internationale.)
Le fait que l'Afrique a besoin d'aide pour lutter contre le sida est devenu évident, récemment, lorsque le ministre sud-africain de la défense, Mosiuoa Lekota, a révélé que de 17 à 23 % des forces armées sud-africaines étaient probablement infectées par le VIH. C'est en tout cas ce que révèle le site web d'information iafrica.com.
M. Lekota a admis que les recrues devaient d'abord subir un test de dépistage qui permettait de déterminer leur capacité de servir dans l'armée. Mais une fois qu'ils sont acceptés, les tests ne sont obligatoires qu'en cas de déploiement à l'étranger. « Nous encourageons nos soldats a se faire tester de leur plein gré, mais ne pouvons pas les y forcer. » article retransmis par : acharif moulay abdellah bouskraoui.