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La longue dérive de Vénissieux
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13 janvier 2005 20:33
La longue dérive de Vénissieux
LE MONDE | 13.01.05 | 14h48
Cette ville de la banlieue lyonnaise, rendue célèbre par la Marche des beurs, en 1983, n'a pu résister à l'essor du communautarisme.
Il est midi, ce samedi matin d'hiver, sur l'immense marché des Minguettes, à Vénissieux, près de Lyon. A genoux, une femme de quarante ans mendie depuis plus de trois heures. Tête baissée, elle cache son visage sous un long voile bleu. Sa fille dort à ses côtés. Cinq autres femmes demandent l'aumône. Toutes sont voilées. "On a l'impression d'être au bled", lâche un marchand de bonbons, natif d'Oran.

Ici, les commerçants interpellent les clients en arabe. Leurs cris se mêlent à ceux de quelques jeunes qui demandent aux passants de les aider à financer des mosquées à Lyon. Plus loin, de vieux Chibanis font la promotion du pèlerinage à La Mecque. Et d'autres jeunes, barbes naissantes, déambulent en gandoura entre les rayons. Tous les stands ont du succès, sauf ceux proposant de la lingerie fine et de la musique. Tout autour du marché et dans le reste des quartiers populaires, les boucheries halal sont nombreuses. L'automne dernier, à l'époque du ramadan, la plupart des snacks - comme le Mk'Halal, aux couleurs de McDonald's - étaient fermés la journée.

Certains élus locaux voient là des signes inquiétants de repli identitaire et religieux. A leurs yeux, Vénissieux est même devenu une "république islamique". Un sentiment nourri par de récentes affaires de terrorisme : trois des sept Français détenus sur la base américaine de Guantanamo ne sont-ils pas originaires de cette ville ? Sans oublier que Tariq Ramadan, intellectuel controversé, a donné ses premières conférences en France dans les gymnases locaux.

Il y a une vingtaine d'années, Vénissieux symbolisait pourtant la France Black, Blanc, Beur. C'est en effet ici, à l'ombre des tours grises des Minguettes, qu'une quinzaine de jeunes eurent l'idée, en 1983, d'une "marche pour l'égalité", rebaptisée ensuite Marche des beurs. Leur objectif : traverser la France à pied afin de dénoncer le racisme et les bavures policières. Le 3 décembre 1983, cent mille personnes les rejoignent à Paris. Pour la première fois, les jeunes issus de l'immigration envahissent les écrans de télévision. Rêvant d'une France meilleure, ils placent leur espoir dans la gauche, arrivée au pouvoir au printemps 1981.

"Comment a-t-on pu passer d'une action revendiquant l'égalité à une situatiuon où on parle d'islamisme et de terrorisme ?", s'interroge Samia Hamdiken, conseillère communautaire (PS). Selon Mouloud Aïssou, ancien militant chez les Jeunes Arabes de Lyon et banlieues (JALCool, tout le mal vient de la Marche de 1983 : "En la rebaptisant Marche des beurs, on n'a retenu que la notion d'Arabe et pas celle d'un mouvement réclamant l'égalité républicaine. C'est la naissance du communautarisme." La désillusion a été rapide et profonde pour les marcheurs. L'un d'eux a sombré dans la dépression, d'autres sont tombés dans la drogue ou s'estiment "grillés" professionnellement. Amer, Toumi Tdjaidja, figure emblématique de 1983, évite les médias. "Après les lumières de la République, ils sont rentrés dans l'ombre. Ils n'ont pas été reconnus au niveau local. Aucun n'a émergé", note Djida Tazdaïd, ancienne députée européenne (Verts). Il a fallu attendre les élections municipales de 2001 pour que le député maire de Vénissieux, le communiste André Gerin, s'entoure d'un adjoint d'origine maghrébine. Analyse du sociologue lyonnais Azouz Begag : "Jack Lang, François Mitterrand et Julien Dray ont repéré à l'époque un mouvement spontané de jeunes de la France bigarrée. Ils ont voulu en faire une force de frappe politique. Les jeunes des Minguettes se sont cru représentés par les bouffonneries de SOS-Racisme. Mais, dans les faits, ils ont été spoliés et déboutés de leur demande de participation au pouvoir local et national. Ils ont été victimes de l'instrumentalisation mitterrandienne."

La période charnière, dans l'histoire de cette ville, est le milieu des années 1980. Le malaise des marcheurs s'accompagne alors d'une nette dégradation de la situation sociale. 25,60 % des 15-24 ans sont sans emploi, les entreprises délocalisent. "En 1980, un enseignant pouvait promettre à un élève qu'il trouverait du travail. En 1990, c'était difficile d'y croire", résume Gérard Legrand, professeur dans un lycée des Minguettes. "Ceux qui avaient les moyens sont partis. Les gens supportaient mal les rodéos et les voitures en feu", se souvient Marcel Notargiacomo, directeur de la compagnie de danse Traction-avant. En 1975, la ville comptait 75 000 habitants ; en 1990, ils sont 15 000 de moins.

Seules les familles les plus modestes restent. Des enseignants et des responsables de comités de quartier déménagent. Sur la scène politique, le communisme perd du terrain au profit du Front national. Le local de la CGT ferme ses portes. Les associations "citoyennes" et arabes - telle l'Amicale des Algériens, proche du FLN - n'ont plus d'audience. "Les magouilles des jeunes se multipliaient : shit, vols de télés... Le tout sous les yeux de leurs parents, qui n'auraient pas dû les laisser faire", commente un ancien policier. Le Père Christian Delorme, surnommé le "curé des Minguettes" et qui fut l'un des initiateurs de la Marche, préfère mettre en cause les "pouvoirs publics". Selon lui, ils auraient "laissé se développer le trafic de haschisch en voyant que les familles démunies pouvaient tenir le coup".

C'est dans ce contexte que l'islam est arrivé, dès 1984, pour réveiller une fibre identitaire et religieuse assoupie. "Les tablighs -sorte d'évangélistes musulmans- mais aussi les étudiants étrangers se réfugiaient ici. Ils investissaient les facs, réussissaient leurs études, prenaient les jeunes en charge. Ces derniers se sentaient enfin reconnus, indique Boualem Azahoum, de Divercité, une association influente à Vénissieux. Puis, à la fin des années 1980, le FIS -Front islamique du salut, mouvement algérien- a commencé à grimper dans nos quartiers et l'on a vu revenir des combattants d'Afghanistan."

Affirmer sa religiosité. Tel est le credo de l'Union des jeunes musulmans (UJM), association créée en 1987 sous l'impulsion d'un groupe de beurs - dont le charismatique Yamine Makri - marqués par l'échec de la Marche. Ils réclament des prêches en français, un islam sans lien avec les pays d'origine comme peuvent l'être les Grandes Mosquées de Paris et de Lyon... "On s'est dit que nos parents avaient trop fermé leur gueule, alors qu'ils avaient sacrifié leur vie pour la France. Trop de beurs partaient à la dérive", se souvient Abdelaziz Chaambi, un des fondateurs de l'association. L'UJM souhaite concilier laïcité et islam, mais un islam plus dogmatique, moins populaire, moins "laxiste" aussi. Gilles Kepel, directeur de recherche au CNRS, explique, dans le livre de Richard Labevière Les Dollars de la terreur, les Etats-Unis et les islamistes (Grasset), que l'UJM "situe principalement son action au niveau municipal et privilégie une réislamisation "par le bas", par la construction communautaire de proximité et de vie quotidienne".

Très vite, l'UJM et les autres associations musulmanes deviennent les interlocuteurs privilégiés du maire (PC), André Gerin. Celui-ci y gagne le surnom d'"Imam rouge". "Les imams et les croyants ont compris que, pour compter sur le marché électoral, il fallait se compter, constituer une force politique", confirme Azouz Begag.

Le terrain bien labouré, l'UJM lance aux Minguettes deux redoutables débatteurs : les frères Ramadan. Hani, directeur du Centre islamique de Genève (Suisse), est le premier invité, en 1993. Puis vient Tariq, professeur d'islamologie à l'université de Fribourg, en 1994. Sept cents à huit cents personnes se pressent alors dans les gymnases où femmes et hommes sont séparés au nom de la tradition. Les jeunes y vont entre amis, chercher des conseils et écouter les belles paroles d'un sophiste qui souhaite "décomplexer les musulmans français". La librairie de l'UJM, Tawhid, installée à Lyon, publie le premier ouvrage de Tariq, Les Musulmans dans la laïcité. Les cassettes de ses discours se vendent par milliers.

Au même moment, les imams s'autoproclament. Les salles de mosquée se multiplient au bas des tours (3 en 1987 contre 12, au moins, en 2004, selon la préfecture du Rhône). Vénissieux se hisse bientôt au rang de première ville de France pour les lieux de culte musulman rapportés à la population.

Les premiers intégristes apparaissent en 1991. Dans le quartier de la Darnaise, boulevard Lénine, tout le monde connaît Chellali Benchellali, 59 ans, l'imam autoproclamé de la mosquée Abou Bakr, au rez-de-chaussée de son immeuble. En 1991, il impose le voile à ses deux filles : elles sont exclues de leur collège. En 1993, effectuant officiellement un voyage humanitaire en Bosnie, il est arrêté par les Croates, qui le considèrent comme un "combattant islamiste". En septembre 2001, son fils, Mourad, et son meilleur ami, Nizar Sassi, sont capturés par les Américains en Afghanistan et au Pakistan et transférés à Guantanamo. Le 5 novembre 2002, la direction de la surveillance du territoire (DST) interpelle deux membres de la famille Nawar à Vénissieux ; soupçonnés d'avoir aidé Nizar Nawar, auteur présumé de l'attentat (19 morts) du 11 avril de la même année contre la synagogue de Djerba (Tunisie).

Et voilà que le 6 janvier 2003, à Vénissieux, la DST interpelle l'imam Benchellali, ainsi que sa femme, un autre de ses fils, et un pharmacien vénissian, Mourad Merabet, pressenti pour prendre la présidence de la future Grande Mosquée. Ils sont soupçonnés de préparer un attentat chimique en France. Trois mois plus tard, l'imam Abdelkader Bouziane, polygame, père de seize enfants, est expulsé de France pour ses déclarations sur les femmes au magazine Lyon-Mag. Cet homme de 52 ans officiait depuis 2002 dans la mosquée dite "de l'Urssaf", la plus grande de la ville. Toutes ces affaires ont conforté la mauvaise réputation de Vénissieux. Un peu plus de vingt ans après la Marche, cette ville de 55 000 habitants incarne aux Etats-Unis une France devenue dangereuse. Dans la célèbre série télévisée "24 Heures chrono", un groupe d'islamistes projette de faire exploser une bombe nucléaire sur Los Angeles. Les deux cerveaux de l'attentat se réunissent en France. Vénissieux n'est pas citée, mais elle a sans doute inspiré le "quartier de la banlieue lyonnaise" auquel il est fait référence.

La faute à qui ? Le maire, André Gerin, est souvent mis en cause. "Durant ces quinze dernières années, il a espéré pouvoir construire la paix sociale aux Minguettes, estime le Père Delorme, mais le fait de laisser s'implanter des petites mosquées est révélateur d'une politique qui favorise le religieux au détriment de l'écoute des familles musulmanes."

Depuis vingt ans, André Gerin a toujours annoncé la construction d'une grande mosquée. Elle n'a pas encore vu le jour. Ainsi pour Jean-Pierre Communal Haour, conseiller municipal (UMP) : "Les musulmans se sont donc organisés eux-mêmes sans contrôle. Des associations extrémistes se sont développées. Et le maire a traité avec chacune d'entre elles."

M. Gerin a également été critiqué pour son soutien aux familles des détenus de Guantanamo ; il s'est même rendu à Washington afin de plaider leur cause. "Je veux comprendre qui bourre le crâne de nos gamins et pourquoi, rétorque-t-il. Je suis un défenseur du droit international." Et l'élu de poursuivre, irrité : "J'ai toujours opté pour un discours sans complaisance. Si des associations musulmanes sont si dangereuses, que fait le préfet ? Et la police ? Il faut arrêter de tirer sur les maires ! Personne n'est venu m'aider pour arrêter la montée de l'islamisme à Vénissieux depuis vingt ans. Je n'obtiens aucune information officielle des RG. J'en ai ras-le-bol. Les pouvoirs publics n'en ont rien à foutre parce que ce sont des musulmans. Moi, je vois des jeunes à qui il faut tendre la main. Et si c'était à refaire, je le referais."

"Les années 1990, c'est l'échec de la laïcité", constate pourtant l'ancien sous-préfet du Rhône Didier Leschi. De fait, la religion est même entrée à l'école. "Les choses sont arrivées petit à petit,raconte Paule Legrand, professeur dans un lycée des Minguettes. Au départ, c'est : "Madame, je fais le ramadan, je ne peux pas venir au sport, je n'ai pas le droit d'avaler ma salive." Ensuite, à la cantine, des plats entiers finissent à la poubelle parce qu'ils ne sont pas halal. Les médecins maghrébins n'hésitent pas à dresser des certificats médicaux de complaisance." Farouk Abasa, fonctionnaire à la Ville, confirme ce constat : "Dans les cours des collèges, explique-t-il, les Arabes restent entre eux et les Blancs aussi. Le lieu où il devrait y avoir de la mixité, c'est celui où se montre la rupture."

Mustapha Kessous

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 14.01.05
Y
14 janvier 2005 14:46

Bonjour,

encore un torchon de ce journal, la dernière fois c'était les salafistes à Lyon.

Il faut pas croire ce journal vu par qui il est dirigé.

A+
S
9 avril 2016 17:56
Torchon, il s'agit du Monde !

Et oui je viens de rentrer du Marche des Minguettes et l'article reflète parfaitement cette réalité.

A noter que je suis franco-algérien.
K
10 avril 2016 13:30
Le Monde un torchon? Tout ce qui est ecrit est vrai et c'est la meme chose a Argenteuil, Trappes, Roubaix, etc...quelle honte cette evolution! Par contre qu'on arrete d'infantiliser la communauté musulmane en essayant de l'excuser de tout et de renvoyer la responsabilité aux elus, au chomage, etc
I
11 avril 2016 00:03
Dans les quartiers juifs de Paris la proportion de tsitsit et de kippas est plus importante que les gandoura et le voiles dans les quartiers populaires.
ça te dérange aussi? Ou moins?


Sinon oui le Monde est un torchon, comme tous ces papiers financés par des banquiers et des marchands d'armes, et qui ne mériteraient même pas de me servir de PQ.
Citation
Karimdu95 a écrit:
Le Monde un torchon? Tout ce qui est ecrit est vrai et c'est la meme chose a Argenteuil, Trappes, Roubaix, etc...quelle honte cette evolution! Par contre qu'on arrete d'infantiliser la communauté musulmane en essayant de l'excuser de tout et de renvoyer la responsabilité aux elus, au chomage, etc
p
11 avril 2016 18:17
je connais bien Vénissieux...et d'autres villes similaires...

il faut bien que quelqu'un le dise : il n y a pas assez de places dans les hôpitaux psychiatriques en France....du coup c'est de pire en pire dans certains endroits ...
1
14 avril 2016 22:02
Tant que les arabes resteront aveugles ils ne progresseront pas.

Avec ou sans cet article je le conforte. J'ai ma petite ville de province détruite par le mêle profil de gens décrits par l'article. Jadis mon marche c'était des gens du monde entier et tout le monde se parlait. Maintenant c'est devenu Kaboul. Je suis obligé de faire 8km pour trouver un marche normal.
Ni radin ni pigeon, chacun paie sa part...
 
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