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Lettre publique à Bouteflika
s
28 février 2011 19:50
Lettre publiée journal El Watan le 02.02.11

Monsieur le Président,


Je vous écris publiquement pour solliciter votre départ immédiat et organisé, meilleure issue pour l’Algérie et pour votre personne. Votre obsession de vouloir entrer dans l’histoire n’est un secret pour personne. Malheureusement, vous n’avez rien fait d’autre jusque-là que de mériter d’être expulsé. Une chance se présente à vous pourtant aujourd’hui. Saisissez-la, c’est la dernière. De toute façon, si vous ne la chevauchez pas, elle vous piétinera et fera de vous un rebut de l’histoire. Vous avez tellement voulu vous faire un nom que pour répondre à la misère qui gagne la population, vous n’avez rien trouvé de mieux que de faire construire la mosquée la plus grande et la plus chère du continent, juste pour pouvoir y accoler votre nom. Il y a mieux.

Partez de vous-même. Je sais que comme tous les dictateurs de la région, vous ne pouvez que vous refuser à cette idée jusqu’à votre dernier souffle. Mais ayez la lucidité de constater que vous ne pouvez faire autrement. Votre sort est scellé. Il est fatalement le même que ceux de Ben Ali et Moubarak. Ayez le courage de le devancer. Ben Ali a fait 23 ans de pouvoir, Moubarak 30 ans, mais vous, il y a bientôt 50 ans que vous cumulez les postes sensibles au sommet de l’Etat, violant la Constitution pour rester président depuis 12 ans.

Vous avez gouverné autant qu’Obama a vécu depuis sa naissance. Cela ne vous suffit-il pas ? Comme eux, vous avez instauré une oligarchie familiale, développé la corruption à un niveau inégalé, enrichi vos proches et voulu faire de votre frère votre successeur héréditaire. Vous avez étouffé toute expression libre, appauvri et réprimé la population, utilisé le terrorisme pour instaurer une chape de plomb, poussé les jeunes à préférer mourir noyés en mer ou plutôt vivre en Israël pendant que vous discourez sur la Palestine.

Vous nous avez fait honte jusque-là par votre mégalomanie aussi grande que vos actions étaient de petites et ridicules gesticulations, y compris vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale pour laquelle vous avez la fascination de celui qui n’est pas reconnu.
N’y ajoutez pas une fuite humiliante. Je sais que vous nous avez méprisés en menaçant régulièrement de vous en aller. Faites semblant de croire que vous mettez votre menace à exécution, mais ne nous infligez pas l’humiliation supplémentaire d’une fuite honteuse.
PS : Au risque d’égratigner votre ego surdimensionné, vous ne pesez pas si lourd: c’est dans des fourgons militaires que vous avez été ramené et fabriqué président; le système qui vous a fait vous prépare déjà votre (vos) remplaçant(s). C’est aux «faiseurs de roi de l’ombre» que s’adresse ce post-scriptum : vous ne nous la jouerez pas encore une fois, c’est tout le système qui doit partir.
C’est lui qui est nuisible. Bouteflika était un enfant à qui on a donné le sort de l’Algérie comme jouet.

Bensaad Ali. Maître de conférences à l’université de Provence
Enseignant-chercheur à l’IREMAM-CNRS Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman
Chercheur en délégation CJB-CNRS (Centre Jacques Berque de recherches en sciences humaines et sociales)


Merci Bensaad Ali pour cette lettre.
D
28 février 2011 20:14
Rien à dire. Je retiens surtout le ps, il résume tout :

C’est aux «faiseurs de roi de l’ombre» que s’adresse ce post-scriptum : vous ne nous la jouerez pas encore une fois, c’est tout le système qui doit partir. C’est lui qui est nuisible. Bouteflika était un enfant à qui on a donné le sort de l’Algérie comme jouet.
q
28 février 2011 22:21
@djamila

ce matin j'ai lu cet article dans le journal : le quotidien d'Oran
Je l'ai trouvé très pertinent , et l'ai retrouvé sur internet.
ca résume assez bien la situation algérienne et l'attentisme.



Peuple/Pouvoir : «combien tu m'aimes ?»

par Kamel Daoud
Quelle est la situation aujourd'hui en Algérie ? Grosso modo, le peuple se divise désormais nettement, depuis le 12 février, en quatre peuples : assis, debout, ou assis sur la tête de ceux qui sont debout ou, en fin de liste, accoudés à regarder les trois précédents pour voir qui va gagner. En plus sérieux : des gens qui ne veulent pas que «ça change» parce qu'ils ne peuvent pas exister, bien manger, commander, posséder, punir en dehors du système politique actuel. On les appelle le Pouvoir, c'est-à-dire une sorte de galaxie faite de gens puissants, de leurs serfs, porte-parole et créatures et prête-noms.

Après, vient le peuple des gens qui veulent que «ça change». Pour des raisons narcissiques, des raisons sincères, des raisons politiques ou à cause du désir d'offrir une vie meilleure à la terre et aux enfants ou parce qu'il est temps de refaire la révolution et de la rajeunir ou parce que c'est notre pays, notre pétrole, notre choix.

Ces gens-là sont généralement des gens lettrés, convaincus, adultes, de la classe moyenne ou des gens de bonne volonté dans un pays qui n'y croit pas. Ensuite, il y a les autres : les gens qui ne veulent pas qu'il se produise quelque chose comme la révolution tunisienne chez nous : par peur, par souci, par méconnaissance, par conviction ou par envie de vivre au moins quelques années de calme, même sous le sous-développement. Des gens qui tolèrent le système parce que c'est au moins un «système», c'est-à-dire le contraire du chaos. Et en dernier, vient une sorte de majorité passive et lascive, née de la rente, rusée, vive et molle mais ayant un avis presque définitif sur l'inutilité des choses et des idées.

Donc, on a le pouvoir, ses ennemis dits les opposants et les autres et les «autres». Ces derniers, en Algérie, sont nombreux qui ne demandent pas au Pouvoir d'être juste et démocratique mais lui demandent de les impliquer dans son système de rente et de gratuités à vie. C'est une vérité crue, impolie mais c'est une vérité. Beaucoup d'Algériens regardent le match entre Pouvoir et opposants avec le regard de l'épicier en s'interrogeant «qui paye mieux ? Le changement ou le Pouvoir ?» Pour le moment, beaucoup se disent que c'est le Pouvoir qui a plus d'argent que la démocratie.

Donc, au lieu d'aller «marcher» et se rassembler, beaucoup vont démarcher aux portes des agences d'emploi, des daïras et des wilayas.

Pour beaucoup, l'occasion est bonne d'arracher un logement ou un emploi ou un chantier et pas la démocratie : la chute de Benali ne provoque pas l'envie d'être libre mais celle d'être augmenté. La démocratie impose le travail avant la fortune, la dictature rend possible la fortune sans le travail. Le calcul est vénal mais c'est la réalité d'un peuple qui a été abusivement gonflé à l'hélium de «peuple révolutionnaire».

Sauf que dans l'équation, il y a le temps et l'argent. Dans ce rapport entre majorité et Pouvoir, au détriment des élites, beaucoup d'Algériens, enfants des années 90, jusqu'à-là négligés, se voient traités comme des partenaires par le Pouvoir, comme des clients, comme des vis-à-vis importants et cela les amuse. Pour une fois, le Pouvoir, le grand Pouvoir, est gentil, sourit et les traite selon leur nombre et pas selon leur nationalité. Beaucoup d'Algériens savent que cela ne va pas durer. Beaucoup d'Algériens savent que le Pouvoir est faible et donc au lieu d'en profiter pour le changer, ils en profitent d'abord pour lui vider les poches. Le Pouvoir achète du temps, c'est-à-dire du vent, et un jour, il ne pourra plus payer. Et immensément d'Algériens dits passifs le devinent et le disent.

Cela mène donc à la question de l'argent. Pour le moment, il n'y a en vérité ni réformes ni ruptures. Il y a ce qu'on appelle, avec une solennité amusante, «les mesures». C'est-à-dire des décisions de donner de l'argent, de payer le droit de garder le Pouvoir. Le plus dramatique est que c'est notre argent. Les fonds miraculeux de l'Algérie et de son pétrole qui sont dépensés par une équipe d'hommes pour garder le Pouvoir. En termes crus, c'est un crime contre l'avenir : on n'est pas en train de construire un pays mais d'acheter un permis de conduire. Un argent immense est jeté par les fenêtres pour créer de faux emplois, payer de faux chantiers et subventionner une économie qui n'existe pas ou si peu. Jusqu'à quand ? Le Pouvoir ne veut pas le savoir, mais une partie des Algériens le savent : jusqu'au moment où l'argent ne suffira pas. Etrange époque donc pour un peuple qui a un sens immense de la valeur mais aussi un souci précautionneux de l'intérêt. Pour le moment, les Algériens acceptent de jouer le jeu parce que le Pouvoir est riche. Les Algériens s'amusent des paroles de soutien au système qu'on leur prête et de l'interprétation forcée de leur silence. La révolution en Algérie est finement calculée par les Algériens : ils vont se faire payer leur neutralité jusqu'au moment où le Pouvoir n'aura plus d'argent. Sauf que dans cette équation d'épicier contre dictature, il y a une erreur : l'argent que le peuple soutire au Pouvoir n'appartient pas au Pouvoir mais au peuple. A la fin, le Pouvoir peut tomber, mais c'est le peuple qui se retrouvera pauvre : il s'est volé lui-même et a perdu son temps et son argent. Le Pouvoir, lui, a toujours son avion.
q
1 mars 2011 00:27
caricature paru dans El Watan.....j'adore !
D
1 mars 2011 10:42
Lol j'adore aussi ! Pauvre Boutef, il nous aura fait rire au moins, c'est déjà ça Oups

Concernant l'article du quotidien d'Oran, oui on peut voir ça comme ça mais la conclusion est pour moi bien pessimiste, plutôt éloignée de la mienne. Si je suis assez d'accord avec la classification qui est faite des différentes gens :
- ceux qui ne veulent pas que «ça change»,
- ceux qui veulent que «ça change»,
- ceux qui ne veulent pas qu'il se produise chez nous quelque chose comme la révolution tunisienne (ou pire, libyenne),
- et la majorité passive et lascive, ayant un avis presque définitif sur l'inutilité des choses et des idées,
je pense que si le débat est ouvert à l'opposition (2ème catégorie), il est encore possible de convaincre et de changer les choses. Je reconnais que ce sera un travail long et laborieux mais la 3ème catégorie ne demande qu'à être rassurée et la 4ème séduite, ce qui est tout à fait faisable dans l'état actuel des choses. Il faut absolument que les médias publics s'ouvrent au débat contradictoire, c'est pour moi LA nécessité absolue.
q
1 mars 2011 11:59
Citation
Djamila75 a écrit:
Il faut absolument que les médias publics s'ouvrent au débat contradictoire, c'est pour moi LA nécessité absolue.

C'est justement là que le bat blesse ; même s'il y a un petit frémissement de ce côté là, avec l'invitation l'autre jour de Louiza Hannoun à la TV où elle a pu s'exprimer, tu ne verra jamais une personnalité politique invitée au journal pour commenter à chaud les dernières décisions prises par l'état.

De plus, et le plus important, même si la presse écrite est assez libre, libérer le monopole de l'audio-visuel n'est absolument pas à l'ordre du jour. De Gaulle disait à l'opposition : " vous avez votre presse ; j'ai ma télévision ! "
Boutef à retenu la leçon et s'y tient plus que jamais. En tout cas, sous Zeroual c'était bien plus libre pour les uns et les autres de s'exprimer

En fait, c'est exactement depuis l'arrivé de Boutef que la TV a été plus verrouillée que jamais, sans parlé des coups bas fait à la presse. Du haut de sa suffisance, il a même été jusqu'à dire : " Le rédacteur en chef de l'APS, c'est moi ! ".

En incluant l'article limitant le nombre de mandat présidentiel à deux, Zeroual voulait le bien de son pays ; Bouteflikat, je ne crois pas. Il ne faut pas tout mettre à charge sur le dos de l'armée, Boutef y a une grosse part de responsabilité.

Les gens se demandent : " Ok, on enlève Boutef, mais qui est capable de le remplacer, on ne voit pas de personnalités qui sortent du lot "
La question est alors : n'y a-t-il vraiment personne, ou est-ce parce qu'on les empêche de porter leur voix aux masses ?
Cette possibilité semble ne pas effleurer l'idée d'un grand nombre de nos concitoyens. De là une certaine popularité de Bouteflika auprès d'eux.
Alors je ne crois pas qu'il soit prêt à faire de trop grande concessions dans ce domaine.
s
1 mars 2011 16:04
Excellent article du quotidien

Les gens se demandent : " Ok, on enlève Boutef, mais qui est capable de le remplacer, on ne voit pas de personnalités qui sortent du lot

Le problème n'est pas d'enlever boutef mais de changer le système..des "personnalités" algériennes (cadres & intellos) existent mais elles sont tellement traumatisées par le sort réservé à tous ceux qui se sont opposés aux pouvoir depuis 62, qui n'ont pas envie de s'impliquer ni dans la vie politique ni économique algérienne....
D
1 mars 2011 22:00
Citation
quidam007 a écrit:
Les gens se demandent : " Ok, on enlève Boutef, mais qui est capable de le remplacer, on ne voit pas de personnalités qui sortent du lot "
La question est alors : n'y a-t-il vraiment personne, ou est-ce parce qu'on les empêche de porter leur voix aux masses ?
Cette possibilité semble ne pas effleurer l'idée d'un grand nombre de nos concitoyens. De là une certaine popularité de Bouteflika auprès d'eux.
Alors je ne crois pas qu'il soit prêt à faire de trop grande concessions dans ce domaine.

Il va pourtant falloir l'y pousser, y a pas d'autre choix si l'on veut que les choses changent.
Il peut aussi continuer à s'accaparer les chaînes publiques et ouvrir parallèlement le champs médiatique aux chaînes privées mais ça prendra plus de temps alors que les élections sont pour 2014.
 
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