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Législation : L'argent ou la geôle
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21 janvier 2007 22:43
Par Abdellatif El Azizi
Tel Quel n°256


La nouvelle loi 30-06, censée abolir la contrainte par corps en matière civile, n'apporte que peu de nouveautés. Les débiteurs insolvables risquent toujours la prison.


Il a beau avoir purgé la totalité de sa peine, Tahar ne quittera pourtant pas sa cellule. Arrêté en possession d'une importante quantité de haschich, ce jeune Tangérois avait été condamné à trois ans de prison, assortis d'une amende de plusieurs millions de dirhams. Et comme il ne peut pas s’acquitter d’une telle somme, il devra rester quelques mois de plus en détention.


Et la nouvelle loi n° 30-06, modifiant le dahir du 20 février 1961 relatif à l'exercice de la contrainte par corps en matière civile, ne change rien à sa situation. C'est également le cas pour ce médecin qui a échappé in extremis à la prison, en quittant en catastrophe le pays pour le Canada. “J'ai effectivement eu vent de cette loi, mais mon avocat m'a déconseillé de rentrer au Maroc, puisque je suis toujours passible d'une peine de prison”, regrette le praticien, qui a dû quitter le territoire marocain parce qu'il n'a pu, après quatre ans d'exercice, honorer ses engagements vis-à-vis de sa banque. Comme lui, près d'un millier de médecins ayant contracté un “crédit jeunes promoteurs” encourent aujourd'hui le risque de “la contrainte par corps”.

Concrètement, le terme qualifie le procédé juridique consistant à faire incarcérer un débiteur récalcitrant, afin d'exercer sur lui une contrainte et l'obliger à payer sa dette. En outre, la contrainte par corps n'a pas pour effet d'effacer la dette, dont le recouvrement pourra être poursuivi par d'autres moyens.

Beaucoup de bruit pour rien ?
Malgré tout le tapage orchestré autour de sa promulgation, la nouvelle loi sur la contrainte par corps n'a pas apporté de véritables nouveautés. La montagne semble avoir accouché d'une souris : l'épée de Damoclès de la contrainte par corps demeure d'actualité.

Le remaniement de ce texte, qui avait été notamment revendiqué par la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Parlement, a toujours fait l'objet d'une attention particulière des défenseurs des droits de l'homme. “Nous avons toujours milité pour l'harmonisation du texte marocain avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, précise Abdelhamid Amine, le président de l'AMDH. Depuis 1961, le droit marocain a pénalisé essentiellement les petits débiteurs insolvables, sans faire de différence entre les gros débiteurs qui refusent de payer et les petits qui ne peuvent le faire. Et le nouveau texte reste assez ambigu et se prête à toutes les interprétations”.

En effet, ladite loi 30-06, publiée récemment au Bulletin officiel, stipule bien “qu'une personne ne peut être condamnée à la prison pour le simple fait de son incapacité à remplir un engagement contractuel”. Toutefois, cette réforme, en apparence spectaculaire, est annulée par une ancienne disposition, datant du précédent dahir… et toujours en vigueur. Celle-ci précise que “l'exécution de tout jugement ou arrêt portant condamnation au paiement d'une somme d'argent peut être poursuivie par la voie de contrainte par corps”.

Ainsi, le juge a tout loisir d'ordonner la contrainte par corps, dont la durée est fixée selon les montants que doit verser la personne condamnée. Elle s'échelonne ainsi de 6 jours, pour une dette inférieure à 8000 DH, à 15 mois, si ce montant est équivalent ou supérieur à un million de dirhams.

De plus, selon la loi en vigueur, la contrainte par corps ne peut pas être exercée contre un mineur (âgé de moins de 18 ans) et contre les personnes âgées de plus de 60 ans. En sont également exemptées les femmes enceintes ou allaitant des bébés de moins de deux ans. La contrainte par corps ne saurait également être appliquée contre toute personne qui justifie d'un certificat d'indigence délivré par… le wali ou le gouverneur.

Les juges, seuls arbitres
Finalement, les changements se limitent à quelques cas bien spécifiques et strictement en matière civile. À titre d'exemple, un locataire qui ne règle pas ses loyers et qui a signé un contrat de location en bonne et due forme ne pourra pas faire l'objet d'une contrainte par corps. Idem dans le cas d'un individu qui contracte un prêt auprès d'une personne physique, avec reconnaissance de dette.

De manière générale, les débiteurs qui ne peuvent honorer des engagements contractuels vis-à-vis d'un tiers et qui peuvent prouver expressément leur bonne foi peuvent espérer convaincre le juge de ne pas les jeter en prison.

Pour Ali Ammar, juriste et vice-président de l'AMDH, il ne faut surtout pas jeter le bébé avec l'eau du bain : “Le nouveau texte n'est certes pas totalement conforme à nos ambitions. Mais puisqu'il donne aux juges le loisir de juger de la solvabilité d'une personne et de soustraire à l'emprisonnement les personnes qui ne peuvent honorer leurs dettes, je suis optimiste. Car dans la pratique, les juges sont toujours en avance sur les textes”.

Du côté des banquiers, on ne veut pas trop s'étaler sur le sujet. “Tout ce bruit autour de la contrainte par corps, c'est surtout de la mauvaise publicité pour nous. La contrainte par corps reste l'ultime recours qui n'est pratiquement jamais appliqué”, précise un responsable du contentieux au sein d’une banque de la place, qui poursuit : “Il importe peu à une banque qu'un de ses clients, même s'il est mauvais payeur, aille en prison. Ce qui l'intéresse, c'est pouvoir récupérer son dû. C'est pour cela que beaucoup de dossiers traînent plusieurs années avant d'atterrir devant le juge”. Ce qu'omet de signaler notre banquier, c'est que c'est le créancier qui détient les clés de la prison pour ses débiteurs. En effet, en vertu de l'article 680 du code de procédure pénale, une demande d'incarcération formulée par le créancier est la condition essentielle pour l'arrestation du débiteur. Et c'est toujours le créancier qui peut demander sa remise en liberté (article 685) !

En revanche, pour ce qui est des impôts et autres dettes publiques, rien n'a changé. La contrainte par corps est toujours en vigueur dans les procédures de recouvrement de la Trésorerie nationale du royaume. Ainsi, en application des dispositions de la loi 15-97, formant code de recouvrement des créances publiques, “tout redevable d'une somme exigible supérieure ou égale à huit mille dirhams peut faire l'objet de recouvrement par voie de contrainte par corps”. Pour éviter la prison, le citoyen doit s'acquitter de l'intégralité des sommes dues ou s'engager par écrit à régler le reliquat dans un délai ne dépassant pas trois mois.

Alors que les législations modernes ont aboli la contrainte par corps, pour ne la maintenir qu'en matière pénale, le législateur marocain s'est visiblement appliqué à ménager les intérêts des créanciers. Ce qui fait dire à cet avocat que “la législation marocaine en la matière continue de s'inspirer de l'Antiquité, où les débiteurs étaient placés sous contrainte par corps et devaient servir leur créancier jusqu'au paiement total de leurs dettes” !





Pénal. Quid des chèques en bois ?


Les dispositions de la nouvelle loi ne concernent pas le volet pénal. Or, la contrainte par corps, concernant le chèque sans provision, relève du pénal puisque libeller un “chèque en bois” est considéré par le législateur comme un acte de mauvaise foi. Comme le chèque constitue un moyen de paiement à vue, la loi en interdit l'usage comme moyen de crédit ou de garantie, d'où la sanction pénale qui en découle. La procédure reste toujours la même. Après le dépôt de la plainte au commissariat de police ou, à défaut, à la gendarmerie, le procureur ordonne la contrainte par corps pour récupérer la somme, en plus des frais de justice. Mais cela ne semble pas dissuader les contrevenants. Malgré la sévère pénalisation du chèque sans provisions, les chèques en bois ont totalisé, en 2005, un encours de 27 milliards de dirhams. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau code du commerce en octobre 1997, ce sont ainsi plus de 2 millions de chèques sans provision qui ont été répertoriés, ce qui équivaut à plus de 10% des engagements des banques.
A
21 janvier 2007 23:54
tu travail pour tel quel?... c'est récurent les copier-coller...smiling smiley
a
21 janvier 2007 23:58
Citation
ASSAD1 a écrit:
tu travail pour tel quel?... c'est récurent les copier-coller...smiling smiley

evilgrinning smiley
 
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