Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Au Lecteur
M
17 octobre 2020 18:35
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C'est l'Ennui ! - l'oeil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !

Charles Baudelaire
Wa Allahou A’lam - Allah Azawajal Est Le Plus Savant. Myfirstname ~ Myfisrtname ~ Shibumi ~ (
17 octobre 2020 18:38
Je peux faire un dessin sur la page blanche ?
17 octobre 2020 19:16
Salam a'laykoum

"Il y a des fleurs dans le mal et le spleen côtoie l’idéal".
4 novembre 2020 13:33
Faiza Guene

La lourdeur des nuages.

Elle a toujours trouvé qu’ici, le ciel était bas. Elle disait souvent qu’en arrivant, elle craignait qu’il ne lui tombe sur la tête. Les nuages étaient gris, chargés, c’était en novembre, et elle les avait trouvés menaçants.

Alors, elle s’était mise à contempler le sol au lieu du ciel.

Paris l’avait obligé à promener son regard sur ses trottoirs tristes.

Elle marchait en se faisant discrète, elle avait appris. Son mari le lui avait dit tout de suite, au début de tout, avant de lui parler d’amour, avant même de connaître ses goûts, d’en savoir plus sur ses chagrins, il lui avait dit cela, comme si c’était la loi suprême : « Ici, il faut rester discret ».

Lui, elle l’avait à peine reconnu. Elle le trouvait changé. En Algérie, dans une lumière superbe, dans un vent de liberté post-libération, elle avait osé le regarder dans les yeux, et même lui sourire. Elle l’avait trouvé beau avec ses cheveux longs et son patte d’eph’, eux aussi les années 70 les avaient traversés de la même façon.

Il avait été troublé par son sourire. Peut-être avait-il oublié la beauté de leurs sourires, peut-être qu’il ne se souvenait pas que les femmes d’ici souriaient ?

Elle pensait qu’ils auraient une histoire d’amour comme dans les chansons de Oum Kalthoum. Elle aimait Oum Kalthoum, elle avait aimé cette chanteuse comme on aime une sœur.

Avec les années, et la lourdeur des nuages sur ses épaules, elle s’était voûtée.

Était-ce le poids de ses deuils ? Était-ce celui de l’exil ? Peut-être que c’était simplement l’idée qu’elle ne retournerait pas vivre sous son soleil, comme elle l’avait toujours espéré.

Elle était presque bossue. Ses enfants avaient grandi, et elle devait lever les yeux pour les regarder. Ils l’avaient dépassés depuis longtemps déjà. Ils l’avaient dépassés en taille et en rêve.

Ils vivaient ici eux, et leur ciel, c’était celui-là. Ils y étaient habitués à ce ciel bas, chargé, ils n’en avaient plus peur. Ils avaient acceptés comme tant d’autres, qu’ils devaient faire leur place. Ils avaient des combats à mener, et elle ne comprenait pas bien tous ces combats.

Ses enfants voulaient sortir de l’ombre douloureuse dans laquelle on les avait sagement élevés. Ils avaient envie qu’on les aime. Ils avaient besoin de ça. Ce qu’ils voulaient, c’était ni plus ni moins. Ni plus ni moins que tous les autres. Ils voulaient avoir la même vie. Ils ne supportaient plus la condescendance, ils livraient des batailles quotidiennes pour qu’on ne les humilie plus.

Ils disaient ça suffit, ça ne va pas recommencer. Ils n’étaient pas prêt à se courber comme elle. Ils essayaient de garder la tête haute, ils le faisaient surtout pour elle, et elle ne s’en rendait peut-être pas compte.

Ils ne voulaient plus taire leurs aspirations désormais. Eux, ils n’avaient plus envie d’être discrets. Ils avaient violé la loi de leur père qui était mort de discrétion, mort d’avoir travaillé dans des tranchées, mort d’avoir creusé sans dire un mot.

Ses enfants ne voulaient pas retourner là-bas. Ils ne supporteraient pas de faire le chemin inverse, comme le corps de leur père dans un cercueil. La terre nous vole ceux qu’on aime. Ils avaient eu à peine le temps de lui dire qu’ils étaient fiers de lui, même pas eu le courage de lui dire Merci pour tout, merci pour tes sacrifices que c’en était fini de ce brave homme.

Et elle, elle savait que ça finirait pareil. Que son corps sans vie ferait le voyage dans une soute et comme pour son mari, le cercueil contiendrait une paroi en zinc de 22mm pour éviter la décompression. Et elle a pensé que c’était ironique qu’il se retrouve si près du zinc pour son dernier voyage. Elle s’est souvenue de la grêle qui tombait sur le toit en zinc de sa baraque de fortune dans la crasse du bidonville de Nanterre, que c’était la musique de ses premières nuits françaises.

Elle finirait aussi probablement sous le zinc. Et alors qui viendrait visiter sa tombe ? Qui dirait son nom là-bas ? Elle, on l’oublierait, car elle n’est pas Oum Kalthoum.

L’absence de nos morts, l’habitude de cette absence ne devrait pas nous faire oublier leurs chants, ceux de leurs rêves passés, ceux de leurs ciels abandonnés. Ni leurs sacrifices, tous ceux qu’ils ont fait pour qu’on ait la chance de regarder nos propres ciels en face.


Merci à toi si tu passes par ici @"AvecDesMots" ?



Modifié 1 fois. Dernière modification le 04/11/20 13:34 par Sawsane☆.
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook