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L'islamisme essaime en Inde
S
1 juin 2007 02:50
L'islamisme essaime en Inde


Un nouvel attentat antimusulman, à l'intérieur même d'une mosquée du XVIIe siècle, à Hyderabad, a tué onze personnes et en a grièvement blessé une trentaine d'autres, le 18 mai, dans cette ville du centre-sud de l'Inde. Cette nouvelle attaque, après l'attentat de septembre à Malegaon - bilan : 31 morts -, a provoqué une émeute mettant aux prises la police et plusieurs centaines de jeunes parmi les 10 000 croyants qui se pressaient en ce lieu pour la prière du vendredi. Deux autres personnes ont été tuées dans ces affrontements, tandis que la police découvrait deux autres engins explosifs dans la mosquée.

Rajasekhara Reddy, le ministre en chef de l'Andhra Pradesh, où se trouve Hyderabad, a immédiatement dénoncé un "sabotage intentionnel contre la paix et la tranquillité qui règnent dans le pays". Litote ? Ce nouvel attentat et les mouvements de colère qui ont suivi ont en tout cas relancé les craintes, récurrentes en Inde, et notamment à Hyderabad, d'affrontements plus fréquents entre la majorité hindouiste d'Inde et la minorité musulmane.

Problème nouveau : deuxième du monde avec 140 millions d'âmes (sur 1 milliard d'Indiens), la communauté musulmane indienne pourrait ne pas être aussi immune que par le passé à l'idéologie d'Al-Qaida et de son fondateur, Oussama Ben Laden. Alors qu'aucun Indien musulman n'a jamais été impliqué dans une opération liée à l'extrémisme islamiste, l'arrestation de jeunes musulmans locaux dans plusieurs récents attentats sanglants en Inde a réveillé le spectre d'une participation locale au panislamisme militant. Le premier ministre, Manmohan Singh, et la présidente du Parti du Congrès, Sonia Gandhi, ont tiré la sonnette d'alarme. Manmohan Singh a insisté sur la nécessité de donner aux musulmans plus de place dans la société, et en particulier dans les appareils de sécurité. Le Raw (Research Analyse Wing, service indien de renseignement) n'emploie pas un seul musulman, et l'Intelligence Bureau (équivalent de la DST) en compte très peu.


Au-delà des problèmes opérationnels que pose aujourd'hui cette absence, elle souligne surtout la méfiance vis-à-vis d'une communauté qui a choisi l'Inde au moment de la partition, en 1947. "L'histoire des soixante dernières années nous dit que la peur (vis-à-vis de la minorité musulmane) sera toujours là", affirme Animesh Roul, chercheur à la Société pour l'étude de la paix et des conflits. Sans toujours l'avouer ouvertement, beaucoup d'Indiens partagent ce sentiment, et les années au pouvoir des nationalistes hindous du BJP (Parti du peuple indien) n'ont pas contribué à améliorer les choses.


Cette méfiance alimente des griefs qui, jusqu'à maintenant, étaient restés"indiens". Mais plusieurs événements ont radicalisé une frange de la communauté musulmane devenue plus sensible aux sirènes du panislamisme. "La démolition de la mosquée d'Ayodhya (le 6 décembre 1992) a été un tournant", explique Wilson John, de l'ORF (Observer Research Foundation). "Les musulmans ont été profondément troublés non pas tant par la destruction de la mosquée que par l'échec de l'Etat à protéger ce lieu et à prévenir les extrémistes hindous de massacrer des musulmans." Environ 1 700 personnes, en majorité de confession
musulmane, ont été tuées, notamment à Bombay, capitale économique de l'Inde, au cours d'émeutes interreligieuses en décembre 1992 et janvier 1993. Dix ans après Ayodhya, 2 000 musulmans ont été victimes d'émeutes dans l'Etat du Gujarat, avec la complicité du gouvernement nationaliste hindou. Ce massacre a donné un nouveau coup de pouce aux radicaux dans un contexte général d'après 11-Septembre, où, comme l'affirme le professeur Imtiaz Ahmad, " les musulmans étaient suspects".


C'est, semble-t-il, après Ayodhya que les activistes du Mouvement islamique des étudiants (SIMI) ont commencé à s'organiser dans l'Etat du Maharashtra. "Ce fut la naissance d'un extrémisme islamiste", affirme M. John. Interdit en 2001, le SIMI avait été créé en 1977 comme un mouvement de cadres destiné "à fournir à la communauté musulmane des intellectuels instruits et ouverts", selon Mohammad Yasim Patel, avocat du mouvement, qui a été condamné à sept ans de prison pour, selon lui, avoir collé des affiches. Largement financé par l'Arabie saoudite, le SIMI entretenait des relations avec des mouvements islamistes au Pakistan, au Bangladesh, dans les pays du Golfe. Certains de ses cadres ont profité de leur présence en Arabie saoudite, dans les années 1990, pour recruter des militants parmi les milliers de musulmans indiens qui y travaillent. Actif dans plusieurs Etats indiens, le SIMI ne cachait pas son admiration pour Ben Laden. Dans tous les récents attentats, la police indienne a impliqué des anciens du SIMI, qu'elle accuse soit d'avoir aidé des exécutants venus du Pakistan, soit d'y avoir suivi des entraînements.
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1 juin 2007 02:55
SUITE ET FIN :

Incontestable, le soutien du Pakistan aux musulmans du Cachemire, qui luttent pour le rattachement de cet Etat à majorité musulmane à Islamabad, s'est-il étendu à tous les croyants indiens ? Beaucoup, en Inde, le pensent. "Depuis des dizaines d'années, le Pakistan envoie des agents provocateurs en les dotant de ressources et de moyens", affirme Ajai Sahni, directeur général de l'Institut pour la gestion des conflits. "Dans toute société, vous avez toujours de petits groupes disposés à transformer des griefs en violence", dit-il. Plus discret mais peut-être plus marquant à terme, le rôle de l'Arabie saoudite est aussi souligné dans la radicalisation de la communauté. "Ces vingt-cinq dernières années, les Saoudiens ont très sérieusement essayé de propager leur vision salafiste et wahhabite (rigoriste) de l'islam", affirme le professeur Imtiaz Ahmad. "Les oulémas salafistes, qui ont bénéficié brusquement de gros moyens, ont aidé à modeler un état d'esprit très étroit et très rigide", ajoute-t-il. "Le SIMI et le Tablighi Jamaat, qui ont une présence substantielle dans la basse classe moyenne, peuvent créer un environnement politiquement réceptif au djihad", dit-il encore.


Fondé en Inde en 1927 par un religieux de l'école deobandi (fondamentaliste), le Tablighi Jamaat se veut un mouvement apolitique de prédication, mais il est largement considéré comme une puissante agence de recrutement au service de l'extrémisme. Le Tablighi entretient un réseau d'écoles coraniques (madrasas) comme la Jahma Rahmania Tajweed Ul-Kuran à Nangloi, dans la banlieue nord de Delhi. Avec ses mares putrides, ses rues poussiéreuses et défoncées, ses maisons en quinconce, Nangloi n'est pas le Delhi du XXIe siècle, et la madrasa est à l'image de ce quartier défavorisé. 280 enfants, dont 135 pensionnaires venus de différents Etats indiens, y étudient. "A Delhi, le Tablighi Jamaat a 400 000 membres", affirme Mohammad Lukman, directeur de l'école.


Dans le quartier musulman de Nizamuddin-Ouest, à Delhi, personne n'avoue connaître leur lieu de rassemblement. "Le Tablighi Jamaat n'a ni adresse ni bureau officiel", affirme l'un de ses membres : "Tout le monde se contacte par téléphone." Dans sa madrasa, Mohammad Lukman avoue sa peur. "Que pouvons-nous faire ? Si un de nos fils fait quelque chose de mal, toute la communauté est blâmée. Si on s'adresse aux autorités, elles nous accusent de nourrir la violence dans les madrasas. Les musulmans ne sont pas capables de défendre leurs droits, car même s'ils disent la vérité, celle-ci est interprétée à leur détriment", ajoute-t-il. "Au nombre de 15 000, les madrasas, en majorité deobandi, fournissent une éducation conventionnelle qui ne fait aucune part à l'esprit critique et forme des mollahs conservateurs", affirme le professeur Ahmad, tout en soulignant que seuls "1,5 % à 2 % des enfants musulmans étudient dans les madrasas". Celles-ci sont fortement financées par les milieux d'affaires musulmans. "Très généreux, les hommes d'affaires musulmans ne désirent sûrement pas soutenir le terrorisme, mais l'argent donné peut être détourné à des fins extrémistes", explique M. Ahmad. Les cassettes d'Oussama Ben Laden ou de son adjoint, Ayman Al-Zawahiri, sont facilement accessibles en Inde. "Nous n'avons pas le droit de parler de cela", affirme simplement Omar, un étudiant de la madrasa de Nangloi.


"Le panislamisme n'a pas atteint le point où les extrémistes indiens auraient un lien direct avec Al-Qaida", affirme le docteur Subhas Kapila, consultant du South Asia Analysis Group. "Mais l'Inde est aujourd'hui assiégée", dit-il. "Si le gouvernement échoue à examiner certains griefs de la communauté musulmane, je pense que l'extrémisme islamiste va s'accroître et dériver vers le terrorisme", affirme M. John. "Le gouvernement ne devrait pas traiter tous les musulmans comme des terroristes, car, s'il le fait, il aura de gros problèmes", ajoute-t-il.


Pour l'instant, selon les experts, les cellules islamistes extrémistes sont encore isolées les unes des autres, et on ne peut pas parler d'un véritable réseau. Mais la multiplication des incidents - soixante-quinze rien qu'à Delhi impliquant des groupes islamistes entre 2004 et 2006, selon M. Sahni - et les saisies de plus en plus fréquentes d'armes et d'explosifs reflètent, selon eux, une activité croissante. Limité à une infime minorité de musulmans, le panislamisme militant a pénétré l'Inde. Comme l'affirmait M. K. Subramanian, membre du Conseil national de sécurité au lendemain des attentats de Mumbai, en juillet 2006 (200 morts) : "Vous ne pouvez pas exclure la présence de sympathisants locaux d'Al-Qaida."
 
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