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L’étrange destin de M. El Fehli
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2 mai 2007 15:50
Bonjour à toutes et tous,
Initialement, j'avais mis ce post sur celui intitulé "lettre ouverte à sa majesté..." Quelques uns d'entre vous m'ont demandé de mettre cet article dans un post indépendant pour qu'il puisse être vu par la majorité, aussi, je poste cet article concernant la 1ère fois où j'ai subi l'arbitraire au Maroc. Article publié par le Journal Hebdo sous le titre

" L’étrange destin de M. El Fehli"

L”histoire abaracadabrante mais réelle d’un homme victime de l’arbitraire, qui ne devra son salut qu’à la corruption.

Tout semblait pourtant s’arranger pour Abdelilah El Fehli. Cet ingénieur qualiticien, la quarantaine entamée et au français parfait, confortablement installé dans l’Hexagone depuis 24 ans, avait enfin réussi à obtenir un divorce qu’il peinait à arracher à sa première femme, une Française rencontrée durant ses études en Bretagne, et s’apprêtait à épouser celle qu’il a connue en 98, une jeune Marocaine qui vivra à ses côtés ses déboires avec la justice marocaine. D’ailleurs, c’est à dessein qu’il a débarqué de France ce dimanche 5 septembre, son mariage étant prévu deux semaines plus tard, le samedi 18. « Depuis toujours, je considère Amal comme ma femme. Sous peine d’être accusé de polygamie, je devais divorcer avant de l’épouser juridiquement, bien que Al Orf ait force de loi chez nous. J’ai tout fait pour que cette relation soit halal. J’ai organisé la rencontre de nos familles et nous avons lu la Fatiha. D’un point de vue religieux, elle est ma femme ».

voyage au royaume d’ubu
Un constat pas forcément partagé par les forces de l’ordre qui l’ont embarqué sans ménagement le soir du 9 septembre, à la suite d’un malheureux concours de circonstances comme il peut en arriver à n’importe qui présent au mauvais endroit, au mauvais moment. Il se souvient : « Ce soir-là, vers 1 heure du matin, ma femme est descendue de l’appartement qu’elle partage à Mohammedia avec une colocataire et dont je paie le loyer, chercher quelque chose dans mon camping-car stationné juste en face de l’immeuble. Elle y restera bloquée. Voyant qu’elle tardait, je l’ai envoyé chercher par son amie pendant que je travaillais sur mon ordinateur portable. Un peu plus tard, je me penche à la fenêtre et découvre une fourgonnette de police arrêtée à leur hauteur. Je descends ». Et c’est à ce moment-là que son voyage au royaume d’Ubu débute. On lui demande s’il a bu et, candidement, il répond « oui, comme quelqu’un qui a pris un apéro ou un digestif ». Tout de go, on lui demande de monter dans le panier à salade, les filles avec. Sans autre forme de ménagement, mais sans violence non plus. Il ne comprend pas, demande des explications, la raison au moins. De plus, sa femme est en pyjama et lui-même n’a aucune pièce d’identité sur lui, son portefeuille étant resté dans l’appartement. Le niet est poli, mais toujours aussi ferme. On lui refuse même la fermeture de son véhicule, qui restera béant pendant toute la durée de la détention et sera, selon ses dires, visité par des policiers qui embarqueront « des cigarettes, de la bière et une bouteille de champagne ». Résigné, il obtempère, avec l’espoir que tout sera réglé au commissariat. Après tout, que lui reproche-t-on ? D’avoir bu deux ou trois verres ? L’alcool est en vente libre au Maroc et il n’a commis aucun esclandre. Ce sera l’affaire d’une heure, deux tout au plus. Chimère. « Une fois dans le fourgon, au lieu d’aller directement au commissariat qui se trouvait à 3 minutes de là, on s’est baladés une demi-heure durant laquelle on ma ressassé cette phrase : ouach anta machi maghribi. Fham rassek*. Il faudra que je leur jure qu’ils n’auront pas un centime pour qu’ils se décident à nous emmener au commissariat ». Et la suite sera loin d’être simple.

Le manque d’hygiène

Il est dirigé en compagnie des deux femmes dans la cave, sa supplique récurrente de rencontrer un divisionnaire restant sans effet. Ce qui le chagrine davantage, c’est que toute la scène se soit déroulée sous les yeux d’une fillette de 10 ans, la fille de la colocataire de sa femme qui « n’a rien à voir avec cette histoire ». Alors, il attend. Pas très longtemps, le temps qu’un jeune inspecteur vienne le chercher, « un gars très sympathique du nom de Hassan Serhane, un garçon valeureux qui mériterait d’être à la place de son chef ». La suite ? « On m’emmène voir le commissaire, un certain M. D. Et là, stupeur ! Il était soûl. J’insiste, il avait beaucoup bu, les yeux injectés de sang, les cheveux ébouriffés et surtout, il ne voulait adresser la parole à personne. Il agissait par gestes dédaigneux à mon égard et intimait l’ordre qu’on m’emmène ». Il sait alors qu’il passera sa première nuit en prison, lui qui insiste sur le fait qu’il n’a jamais eu de démêlés avec la justice, que ce soit en France ou ailleurs.

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2 mai 2007 15:53
L’étrange destin de M. El Fehli (suite)

Ce qui le révulse, c’est qu’à ce moment-là de l’histoire, il ne sait toujours pas pourquoi il a été arrêté. Vêtu d’un tee-shirt, d’un short et de tennis, il se voit refuser un coup de fil ou une quelconque assistance juridique. Il insiste pour rencontrer un divisionnaire, un membre de la Fondation Mohammed V, n’importe qui. Toujours sans succès. Il se demande encore, s’il est vrai qu’une fois arrêté au Maroc, l’on doit attendre de passer devant le juge avant de pouvoir rencontrer un avocat. Il en tremble de rage et peste contre cette non-assistance à Marocain en danger. Avec moult détails, il revient sur son lieu d’incarcération, choqué. Parle d’une cave avec des barreaux, sans hygiène aucune. Se remémore les deux toilettes turques pour un nombre incalculable de personnes et les couches repoussantes de crasse sur lesquelles ils sont censés passer la nuit. Et puis surtout, lui reviennent à l’esprit les larmes incessantes de sa femme, effondrée, et la mesquinerie des hommes : « Pour que l’on puisse nous acheminer de la nourriture, un policier m’a demandé un téléphone portable que j’ai dû donner. Puis 200 dirhams pour que ma femme puisse mettre une jellaba sur les épaules, étant donné qu’elle était en pyjama et 200 autres dirhams pour des sandwichs. Un vrai racket ».

viennent les altercations

Le lendemain, il est « monté » et transporté au commissariat du 5ème arrondissement pour interrogatoire. Reçu par un commissaire, il demande à lui parler en privé et se fait rabrouer aussi sec. Sur le terme « interrogatoire », il marque un temps d’arrêt et rectifie avec virulence : « Ils ne posent pas de questions, ne cherchent pas à savoir la vérité. Ils sont tellement affirmatifs dans ce qu’ils disent qu’ils ne veulent en fait qu’une confirmation ». C’est sa femme qui passe la première sur le gril. Début des altercations. « C’était un certain commissaire T. C. qui menait le bal, secondé par l’inspecteur O.A. A un moment, je les entends la traiter de pute avec des "Dinamouk" en sus. Je me lève, vais les voir et leur demande à ce qu’elle soit respectée. En vain. Ces gens-là sont des voyous ». Vient son tour d’être reçu. Il commence par remercier le commissaire de lui accorder cet entretien qu’il quémandait presque et se fait très vite remettre à sa place. « Il me dit alors que l’affaire était simple, que je venais chez des prostituées, après avoir bu. Je proteste et lui parle de preuves. Il me demande si j’ai un acte de mariage et parle de fassad, s’enquiert de ma situation maritale et évoque le terme adultère. Je ne dis rien. Ils vous mettent une pression terrible en affirmant que seul ce qu’il y aura dans le PV qu’ils auront établi comptera. Psychologiquement, c’est très dur ». Déstabilisé, il s’entend dire que sa femme et lui prendront cinq ans, dix pour la coloc’ car le bail est à son nom. Sonné, il tente de faire comprendre à son vis-à-vis qu’il n’aurait pas dû être arrêté mais seulement convoqué, car il ne représentait un danger ni pour lui-même, ni pour autrui. « Je ne risquais pas de quitter le Maroc, nous sommes tous fichés à la douane », précise-t-il.

la honte

Avec ses mots, qu’il veut les plus simples possible, il tente de démonter un à un les chefs d’accusation. Concernant la prostitution, il demande à ce que l’on appelle les parents de sa femme et les siens au téléphone pour confirmation de leurs fiançailles. Quant à l’adultère, son acte de divorce se trouve chez lui, à l’appartement malheureusement quitté dans la précipitation. Il doit observer qu’il n’a aucun papier d’identité sur lui, pour qu’on lui permette d’aller les ramener, menottes aux poings et escorté de façon musclée. Mais il semblerait « que les choses aient déjà été réglées auparavant », glisse-t-il avec un sourire. On lui apprend à l’appart que celui-ci avait été visité de fond en comble par la police avant son retour vers le commissariat, où toute la famille, surtout celle de sa femme, l’attend. Il parle de honte ressentie, face à des dizaines de personnes qui ne savent même pas pourquoi il a été arrêté, mais il l’a été quand même. « Quand je suis revenu, toujours menotté, j’ai su qu’il y avait eu négociation avec le commissaire. Je saurai plus tard que la somme de 3000 dirhams avait été prise de mon portefeuille pour lui être remise, même si je suis fondamentalement contre la corruption ».

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2 mai 2007 15:54
L’étrange destin de M. El Fehli (suite)

Un vulgaire malfrat

Il est néanmoins remis au cahot en attendant l’après-midi, même si l’accueil qu’on lui réservera plus tard sera tout autre. « Il était extraordinaire. Pas d’insultes, des cigarettes, un café, on a même parlé de la Bretagne avec ce commissaire qui semblait l’avoir déjà visitée. Je retiens surtout cette phrase extraordinaire : “Maintenant, il faut oublier tout ce que vous avez vu ce matin. Ce sont des choses qui arrivent. Je vais faire un de ces procès-verbaux, vous serez très vite libéré. Ne vous inquiétez pas, le Procureur est au courant, on a l’habitude. Ensuite, on ira vider une bouteille de Johnny Walker” ». Présenté à Madame le Procureur, le tout passe comme une lettre à la poste. Il est convoqué pour une audience le 13 septembre, au cours de laquelle il est sidéré de la vitesse avec laquelle les affaires sont traitées. Et surtout, peine à admettre qu’il a tout le temps été menotté comme un vulgaire malfrat : « Pour être présenté au procureur, j’ai été enchaîné entre un alcoolo notoire qui s’était battu et un autre qui avait attaqué un homme à la hache. Celui qui avait l’affaire la plus grave est venu en taxi accompagné d’un inspecteur ami ». A la première audience, il se défend comme il peut, c'est-à-dire presque pas. Il sait déjà qu’il s’en sortira avec simplement une amende et ne va même pas aux délibérations du 20. Trop dégoûté. Il ne veut toujours pas connaître le jugement qu’il considère de toutes les manières inique et demande à ce qu’il soit cassé par les personnes compétentes. Et puis surtout, il a la haine. Contre le système, contre une certaine police « qui n’est heureusement pas la même partout dans tout le Maroc », une police qui représentait pour lui la sécurité et n’est plus que terreur. « J’ai confiance en le Maroc de Mohammed VI, en la nouvelle ère. Moi, et beaucoup de RME qui rentrent de plus en plus au pays. Il n’y a qu’à voir les statistiques à ce propos. Je pensais vraiment qu’il n’y avait plus d’arbitraire ici. Il y a un pacte entre le Marocain et le Roi. C’est l’allégeance contre la sécurité et le bien-être. Le Roi est garant de ce genre de choses. Mon allégeance lui est acquise, je demande maintenant à ce que lui, remplisse sa part du contrat. A ce qu’il me protège, me sécurise, que je me sente chez moi, avec tous mes droits ». Et surtout, il aspire à une vie normale avec la femme qu’il aime.

punir les coupables

Mais auparavant, demande à ce que justice lui soit rendue, que l’on punisse ces policiers à qui l’Etat a donné des prérogatives importantes. Au moins pour l’exemple. Le cas échéant, il entamera des poursuites à partir de la France avant de créer une association pour le droit des RME. « Nous sommes la première ou seconde ressource du pays et nous n’avons toujours pas le droit de vote », assène-t-il. Et bien d’autres choses encore. Comme le fait que son mariage et ses projets au Maroc soient pour l’instant à l’eau. Qu’il ne parvienne pas à oublier aussi facilement que l’a recommandé le commissaire, car « il ne faudrait pas moins d’une vie pour oublier l’humiliation subie ». Mais pas son caméscope, son appareil photo numérique, son ordinateur portable et une importante somme en cash que l’on vient de lui subtiliser de son véhicule. Qui était, à ce moment là, stationné juste en face du commissariat, lieu de ses tourments.Pour un hasard.



Par Amine Rahmouni
Source: Le Journal Hebdo
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7 mai 2007 17:41
bonjour à toutes et tous,
A l'apparition de cet article, une commission est venue de rabat et il y a eu un remaniement dans la police de Mohammedia. Le résultat final. Aucun de ses voleurs n'a été inquiété. Pire encore, les 2 inspecteurs qui s'étaient montré humain et professionnels ont eu tellement de pression que l'un d'eux a du faire intervenir sa famille (come d'hab au maroc) et l'autre, qui n'a pas de piston, a pris sa retraite anticipée.
Il ne suffit pas de mettre en place des lois, si l'on continue à les violer allègrement et qu'elles ne s'appliquent qu'àcelles et ceux qui n'ont d'autre soutien que leur créateur.
cordialement
 
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