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L'armée britannique est à son tour accusée de tortures en Irak
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19 janvier 2005 16:51
L'armée britannique est à son tour accusée de tortures en Irak
LE MONDE | 19.01.05 | 15h19
Lors d'un procès de soldats devant une cour martiale, des photos ont été rendues publiques qui montrent les sévices infligés à des prisonniers en mai 2003, près de Bassora. Le chef d'état-major "condamne" tandis que Tony Blair doit affronter de nouvelles critiques
L'opinion britannique a découvert avec stupeur, mardi 18 janvier, les photos des humiliations et sévices infligés à des civils irakiens faits prisonniers par des soldats britanniques. Les faits remontent à mai 2003, lors d'une opération contre les pillages menée près de Bassora, dans le sud du pays. Plusieurs soldats comparaissent actuellement devant une cour martiale britannique sur une base en Allemagne et les juges militaires ont choisi de rendre publics ces documents. Les accusés ont affirmé avoir agi sur ordre tandis que le chef de l'état-major britannique a dit "condamner" fermement de tels actes. L'armée avait déjà été accusée de mauvais traitements, l'an dernier, par des organisations de défense des droits de l'homme. Tony Blair devait s'expliquer sur ce scandale, mercredi aux Communes.
Londres de notre correspondant

"Le camp des brutes" (Sun) ; "La honte de l'armée" (Daily Mirror) ; "La honte de la Grande-Bretagne" (Daily Mail). "L'équivalent britannique d'Abou Ghraib" (Guardian). L'opinion britannique a découvert avec effroi dans la presse du 19 janvier les photos explicites d'humiliations et de tortures de prisonniers irakiens par des soldats britanniques, en mai 2003, près de Bassora, dans le sud de l'Irak.

Vingt-deux photos ont été transmises aux médias dans le cadre d'un procès de soldats devant une cour martiale britannique à Osnabrück (Allemagne). Elles montrent notamment des prisonniers forcés de simuler des actes sexuels anaux et oraux. Une autre montre l'un des prévenus debout sur le corps d'un homme attaché. Sur un troisième cliché, un autre prévenu manœuvre une plate-forme élévatrice sur laquelle est lié un prisonnier. Les quotidiens britanniques ont occulté les détails les plus horribles des photos, prises par cinq soldats différents.

Devant la cour martiale britannique, le caporal Daniel Kenyon, 33 ans, et les caporaux en chef Darren Larkin, 30 ans, et Mark Cooley, 25 ans, ont plaidé non coupables de neuf chefs d'accusation de brutalités sur des prisonniers irakiens. Un seul soldat du régiment royal des fusiliers, Daren Larkin, a plaidé coupable d'avoir agressé un détenu tout en clamant son innocence d'avoir eu une "attitude indécente". Pour leurs avocats, ces photos n'étaient qu'une vaste mise en scène qui avait pour but d'effrayer les prisonniers. A les écouter, ils n'ont fait qu'exécuter les ordres.

Selon les procureurs, les abus ont été commis le 15 mai 2003, lors d'une opération, appelée "Ali Baba", visant à arrêter les pillages de l'aide alimentaire entreposée dans un dépôt de vivres appartenant à des ONG appelées Breadbasket (panier à pain) près de Bassora, deux semaines après la fin officielle de l'invasion du pays. Le commandant de la garnison avait donné ordre à ses hommes d'interpeller des pillards et de les "travailler durement" pour les dissuader de récidiver ou pour les préparer aux interrogatoires. Les pressions de la hiérarchie militaire pour mettre fin aux pillages n'avaient cessé de se renforcer.

Le scandale a éclaté quand un autre militaire appartenant au même régiment, Gary Bartlam, 20 ans, a déposé un film photo dans un magasin de développement de Tamworth, en Angleterre. Choqué par les clichés, le commerçant avait prévenu la police, qui avait arrêté le jeune permissionnaire, jugé par une autre cour martiale la semaine dernière.

A lire l'acte d'accusation, l'ordre donné par le commandant de la garnison était "illégal". La troisième convention de Genève interdit explicitement la torture : "Lors de leur capture, les prisonniers ne pourront subir aucune torture ou contrainte." A l'évidence, comme dans le cas de la prison américaine d'Abou Ghraib à Bagdad, certains gradés sur place avaient estimé que le recours à ces procédés était justifié par l'importance de l'enjeu : le rétablissement de l'ordre dans la grande ville chiite.

"Nous condamnons tous les actes d'abus sur des prisonniers commis par des militaires (...), nous allons bien entendu étudier l'issue -de ce procès- et juger s'il soulève de nouvelles questions pour l'armée": le chef d'état-major interarmes, le général Mike Jackson, s'est efforcé, mardi, de limiter l'effet dévastateur de ces révélations pour l'institution militaire britannique.

Lors des questions d'actualité aux Communes, mercredi 19 janvier, Tony Blair devait s'en tenir à des généralités, arguant de procédures judiciaires en cours. Mais le premier ministre, qui doit faire face à une forte opposition des Britanniques à la guerre en Irak et à de vives critiques au sein même de son parti, voit surgir de nouvelles difficultés. A moins de deux semaines des élections irakiennes du 30 janvier, et alors que les violences redoublent d'intensité dans tout le pays, il se retrouve à nouveau sur la défensive. A l'approche des élections législatives, qui pourraient se tenir début mai, ce scandale braque les projecteurs une nouvelle fois sur la politique étrangère de M. Blair et sa relation avec l'administration Bush.

"Ces photos vont provoquer la colère dans le monde islamique. Désormais, notre armée sera considérée comme une armée d'occupation cruelle", a déclaré le député travailliste Tom Dalyell. Comme lui, des experts redoutent une escalade des attaques de représailles d'insurgés irakiens contre les troupes britanniques sur le terrain.

Le premier ministre avait présenté ses "excuses sans réserves" aux détenus maltraités à la suite de la publication, le 11 mai 2004, d'un rapport d'Amnesty International mettant en cause l'armée britannique dans la mort de 37 civils irakiens. Au total, la police militaire a ouvert plusieurs dizaines d'enquêtes sur des civils tués, blessés ou maltraités par des militaires de Sa Majesté.

La plupart des dossiers traités par la police militaire, seule habilitée à mener les enquêtes sur les mauvais traitements, avaient été classés sans suite. Il est vrai que la publication de photos truquées de sévices par le Daily Mirror, tabloid travailliste mais hostile à la guerre, et la bonne réputation dont jouissaient jusqu'alors les forces britanniques dans le maintien de l'ordre au sud de l'Irak avaient réduit la pression sur la hiérarchie militaire et limité les polémiques.

Marc Roche


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65 000 soldats britanniques ont servi depuis 2003


Depuis le début de la guerre en Irak, en mars 2003, 65 000 soldats britanniques ont servi en Irak.

Aujourd'hui, la Grande-Bretagne maintient un contingent d'environ 10 000 hommes, contre 150 000 pour les Américains. Le sud du pays a été confié à la gestion de l'armée britannique.

En octobre 2004, près d'un millier d'hommes et des blindés avaient dû être déployés autour de Bagdad, à la demande des Etats-Unis, l'armée américaine ayant mobilisé ses forces pour reprendre la ville de Fallouja aux insurgés.

Dans le sud du pays, ayant comme base opérationnelle la ville de Bassora, l'armée britannique a dès le début de la guerre occupé les villes et installé des administrations locales.

Les organisations de défense de droits de l'homme Human Rights Watch et Amnesty International avaient dénoncé en 2004 les mauvais traitements infligés à des civils par les troupes britanniques.

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 20.01.05

 
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