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Les kidnappeurs d’esprit
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11 février 2006 11:51
Les kidnappeurs d’esprit
vendredi 10 février 2006

« la propagande est aux démocraties ce que la matraque est aux dictatures »
Noam Chomsky
John Carpenter est un cinéaste américain indépendant et rebelle ; il est aussi un des grands analystes contemporains de la société américaine. Son style est unique et ses idées sont anticonformistes. En 1988, il réalisa le brûlot politique Invasion Los Angeles.

« Mon film est une révolte contre la gauche, la droite, la censure et le politiquement correct, mais dissimulé sous l’apparence d’un divertissement fantastique »

Le héros du film s’appelle John Nada, un marginal, un rien comme son nom l’indique ; un anonyme parmi tant d’autres. Après une grande errance, il atterrit à Los Angeles où il trouve un emploi précaire dans un chantier et un coin pour dormir dans un bidonville. Malgré sa situation difficile, Nada est un homme optimiste, obéissant et docile. Il croit en son pays, ses valeurs et sa morale.

Un jour, par hasard John Nada découvre un étonnant trafic de lunettes. Une fois posées sur le nez, ces lunettes permettent de détecter d’épouvantables extraterrestres cachés sous une apparence humaine. Progressivement Nada découvre que ces envahisseurs veulent prendre le contrôle de la planète ; ils ont gravi les marches de la société et ont réussi à occuper les plus hautes places dans les institutions et les entreprises. Grâce à ces lunettes, John Nada voit le vrai monde et réussi à retrouver sa liberté de penser et d’agir.

Ce que John Carpenter nous raconte dans ce film est l’histoire d’une société soumise à des ordres subliminaux et régie secrètement par des groupes cupides qui manipulent les masses et utilisent le pouvoir des médias pour asservir la population.

Oligopole hégémonique

La situation actuelle dépasse le monde épouvantable décrit par J. Carpenter. La concentration capitaliste dans les médias est devenue une réelle menace pour la démocratie et pour la paix dans le monde [1]. Evidemment, il ne s’agit pas d’un complot organisé : il n’y a aucune conspiration. C’est un grand marché tenu au grand jour par des multinationales qui ont transformé l’information en un produit commercial.

Aux Etats Unis, des militants conscients de ce danger luttent contre la concentration accrue des médias entre les mains d’une poignée de groupes. John Nichols est l’un de ces militants ; il dirige le mouvement Free Press pour la réforme des médias et lutte aussi contre la FCC (Federal Communication Commission) [2].

La FCC qui est actuellement dirigée par Michael K. Powell (fils de Collin Powell) a modifié la loi américaine sur la concentration des médias, permettant ainsi à des groupes d’influence existants de posséder plus de journaux et de télévisions avec le risque qu’on connaît d’utiliser l’information pour servir leurs propres intérêts financiers et politiques [3].

Dans certaines villes et régions américaines, une même entreprise possède tous les organes de communication (journaux, télévisions, radios, chaînes câblées etc..). Les exemples suivants montrent que quelques compagnies qui se comptent sur les doigts d’une main, monopolisent le marché des médias à travers les différents canaux de communications. Ces organisations totalitaires disposent de pouvoirs considérables et sont liées entre elles par des alliances stratégiques.

Empire Rupert Murdoch

Le groupe News Corporation fondé et dirigé par Rupert Murdoch en est l’exemple : Fox News, les quotidiens britanniques The Sun et américain New York Post ou encore la 20th Century Fox font partie de ce groupe. A cet empire déjà colossal vient s’ajouter le bouquet satellitaire americain DirectTv [4]. Des milliers de programmes aussi divers que variés diffusés à travers le monde entier sont contrôlés par un seul homme : Rupert Murdoch.

Pour atteindre ses objectifs, Rupert Murdoch n’hésite pas à utiliser les méthodes qui n’ont rien à envier aux agissements de brigands de grands chemins. Pour prendre le contrôle des réseaux satellitaires cryptés européens, il a utilisé sa filiale NDS pour mener une opération de sabotage des systèmes de cryptage utilisés par les groupes de télévisions (Médiaguard pour Canal + et Viaccess pour TPS) dans un laboratoire établi en Israël et dirigé par un ancien des services secrets israélien (Mossad). Pire, il a transmis les plans ainsi obtenus à un site Web basé au Canada spécialisé dans le piratage informatique, permettant à de nombreux pirates de s’emparer de ces informations confidentielles et d’inonder le marché de fausses cartes [5]. Par cette manœuvre machiavélique, il a fragilisé l’équilibre financier de ces télévisions et il a pu s’emparer à moindre coût d’une partie de celles-ci.

Fox News est la chaîne phare de Rupert Murdoch ; elle est le reflet de son propriétaire : abrutissante, arrogante, manipulatrice, chauvine et conservatrice.

C’est la chaîne de la propagande de la guerre contre Irak et des faucons Bushiens. En politique intérieure, elle défend le droit de posséder des armes, la peine de mort et les opposants à l’avortement et en politique extérieure, elle soutient à fond la politique israélienne, rejette le protocole de Kyoto etc...

Cette chaîne a été lancée pour faire concurrence à CNN (du groupe Time Warner ) fondée et présidé par Ted Turner ; ce dernier a été vivement critiqué lorsqu’il a publié dans le journal britannique The Guardian des propos accusant Israël de "terrorisme d’Etat"[8]. Cet incident a dégénéré en conflit ouvert avec les autorités israéliennes et les associations juives américaines. Malgré les excuses répétées de CNN et de Ted Turner, des menaces de représailles financières contre la chaîne ont été proférées et comme par hasard voilà que Fox News du magnat Rupert Murdoch a assiégé CNN peu de temps après[10].

Et pour mieux enfoncer le clou, le chroniqueur vedette de Fox News, Bill O’Reilly, aimait répéter sur l’antenne plusieurs jours de suite : « Si j’étais juif, je ne regarderais plus CNN, seulement Fox News. L’information, au moins, y est honnête et équilibrée. » [8]

Time Warner

Le groupe AOL Time Warner rebaptisé Time Warner est le plus grand groupe de médias du monde ; il est né de la fusion d’AOL et de Time Warner.

Time Warner est présent aujourd’hui dans plusieurs sphères d’activités des communications : Télévision, cinéma, magazines, services Internet, journaux, musique et édition. Time Warner est présent partout.

Voici un exemple de l’interconnexion des intérêts entre les géants des médias. En fin 2003, pour réduire ses dettes, Time Warner a vendu ses activités musicales, Warner Music à un autre groupe d’investisseurs mené par le producteur israélo-américain Haim Saban et par Edgar Bronfman. Ce dernier est propriétaire de l’entreprise multinationale de spiritueux Seagram et président du Congrès mondial juif. Le groupe Seagram détient aussi le géant américain de la musique et du cinéma Universal et a fusionné en 2000 avec Vivendi pour donner naissance à Vivendi Universal.

Le royaume Disney

Un autre groupe d’influence est Disney Compagny. Celui-ci est la plus grande firme de divertissement dans le monde. Avec ses films, ses radios, ses télévisions, ses éditions et ses produits de consommation, Disney agit sur l’esprit, l’imaginaire et le comportement de millions de personnes sur tous les continents.

Récemment, Michael Eisner qui en fut le Président Directeur Général de 1984 à 2005 a été destitué au profit de Robert Iger. On se souvient que lorsque Eisner est monté sur le trône de Disney, il a immédiatement installé « ses potes » à des positions clés dans la machine Disney.

Viacom

Viacom est aussi un géant américain de la communication. Il est présidé par Sumner Redstone (né Murray Rothstein). Ce groupe de média est propriétaire, notamment, de la Paramount, du réseau CBS et de MTV. De plus, il possède plusieurs stations de télévision et de radios, des éditions (Simon & Schuster, Scribner, Pocket Books...) ; il est aussi impliqué dans la radiodiffusion par satellite, des parcs à thème et des jeux vidéo.

Médias imprimés

Cette concentration capitaliste des médias touche aussi les médias imprimés. Ainsi un même journal peut posséder à lui seul plusieurs quotidiens, radios, télévisions, chaînes câblées et éditions.

Par exemple, le Wall Street Journal présidé et édité par Peter R. Kann est le quotidien de plus grande diffusion aux Etats-Unis. Il appartient à Dow Jones and Company, Inc. La même société publie aussi 24 autres quotidiens et le journal financier hebdomadaire Barron présidé et dirigé par le même Peter R. Kann.

Un autre exemple est celui du New-York Times. Ce journal appartient à la famille Sulzberger qui possède 33 autres journaux, y compris le Boston Globe et International Herald Tribune (quotidien américain basé à Paris). Elle possède aussi plusieurs magazines, des stations de radios et de TV ; des sites Internet et des sociétés d’édition de livres.

OUF !

Ainsi, quelques maîtres des médias et quelques banques internationales liées par des intérêts communs contrôlent l’essentiel d’un énorme marché. Ces organisations utilisent la propagande de façon subtile pour guider le peuple vers des buts bien précis. D’après Chomsky, les médias contrôlent non seulement les opinions mais aussi les comportements ; l’objectif étant de détourner l’opinion, par « une philosophie de la futilité » , des préoccupations essentielles [6].

Les divertissements, les articles superficiels, les télé-réalité, les faits divers, les informations people et les info-spectacles inondent les ondes et remplacent désormais les enquêtes sérieuses et les nouvelles internationales.

Les journalistes sont devenus des businessmans et l’information une marchandise.

Ces magnats des médias ont appauvri la vie culturelle des Etats-Unis et du monde entier ; ils ont favorisé la pensée unique et ont tué le pluralisme culturel et la concurrence loyale. Il est désormais impossible à des concurrents de pouvoir s’installer sur le marché américain.

Ils ont réussi à tuer l’esprit critique et à transformer le citoyen américain en un automate répétant mot à mot ce qu’ils lui enfoncent dans la tête.

La guerre n’étant que la continuation logique de leurs affaires ; ils ont déformé des faits et même coopéré avec le Pentagone pour pousser le peuple américain à soutenir la guerre contre l’Irak.

« Si nos médias étaient attachés à la vérité, Georges Bush ne serait pas président, et nous , pas en guerre contre l’Irak » a estimé John Nichols.

Aujourd’hui, les peuples sont seuls face à ces kidnappeurs de l’esprit qui n’hésitent pas à détourner l’information pour servir leurs intérêts politiques et financiers.

Le même danger guette l’Europe. En France l’industriel de l’armement Dassault a racheté le Figaro et les magnats des médias américains ont déjà tissé leur toile en Europe déjà largement occupée par des productions américaines.

Ainsi, le milliardaire israélo-américain Haim Saban, surnommé le "roi Midas des médias", a racheté les actifs TV de KirchMedia, le plus important diffuseur de programmes télévisés en Allemagne. Haim Saban est devenu milliardaire grâce à l’affaire qu’il a montée avec l’incontournable Rupert Murdoch en fondant en 1995 une société de programmes pour enfants, Fox Kids Worldwide, revendue en 2001 au géant Disney. Ceci est un autre exemple de l’alliance stratégique.

Sans oublier que Haim Saban aide financièrement les partis politiques américains.

Nos espoirs

Notre plus grand espoir est dans Internet, dans Free Press et dans les organisations nationales comme FAIR, Media Access, Media Channel et quelques autres associations locales qui luttent avec peu de moyens contre ces rapaces. Même, si pour le moment, ils n’arrivent pas à atteindre l’ensemble des américains vu que ceux qui contrôlent l’information ne veulent pas dévoiler leur propre hégémonie ; ces militants sont disposés à continuer leur combat.

L’espoir est aussi dans ces penseurs connus et inconnus qui nous allument des petites bougies pour que nous puissions y voir plus clair.

« vous ne devez pas croire que ce que je dis est vrai. Les notes sont là et vous permettent de vérifier... Personne ne vous versera la vérité dans le cerveau » nous écrit Noam Chomsky [7].

Ces penseurs nous montrent le début du chemin et c’est à nous de nous rassembler, de nous encourager les uns les autres, d’échanger nos informations grâce à Internet pour progresser dans cette voie et ne pas tomber dans le piège de la propagande.

A Noam Chomsky et à toutes les voix irréductibles qui résistent je dis : mille mercis pour tout.

[1] Contestation de l’ordre médiatique américain Le monde diplomatique Avril 2004

[2] [www.monde-diplomatique.fr]...

[3] [jjp.nerim.net]...

[4] [www.telesatellite.com]...

[5] [www.telesatellite.com]...

[6] Deux heures de lucidité Entretiens avec Noam Chomsky Noam Chomsky Denis Robert Wéronika Zarachowicz les arènes 2001

[7] De la propagande Noam Chomsky Fayard 2002

[8] [www.lemonde.fr]...

[9] Domestiquer les masses , Revue Agone, N° 34, 2005

[10]http://www.latribune.fr/Dossiers/gr...

Leila Salem
siryne
 
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