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Les jumelles mineures de la prison Zaki : le cri d'une mère
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18 mai 2004 14:16

Deux fois par mois, les mercredi, elle prend deux bus, avant de faire une partie du trajet à pied, pour se rendre en prison. Là-bas, de l'autre côté de la rive du Bou Regreg, à Salé, l'établissement pénitentiaire se dresse, érigé entre quartier résidentiel avec ses villas à étage pour classe moyenne et cités populaires. Deux fois par mois, Rachida Drii , la mère des jumelles mineures qui voulaient se faire kamikazes, se soumet au même rituel. L'attente d'abord, devant cette prison à laquelle le bon peuple amateur de bons mots a donné un prénom, Zaki, comme pour atténuer la douleur de l'enfermement.

Puis, c'est l'ouverture des énormes portails de fer, vérification du permis de visite, fouille et passage du couffin au détecteur de métaux.
Rachida brandit une carte rose, qu'elle a pris le soin de plastifier et cache précieusement au fond de sa djellaba .

C'est le permis de visite, le sésame qui lui permet de voir ses deux filles, Imane et Sanae, condamnées en août 2003, par la cour d'appel de Rabat, à 5 ans de prison ou plutôt de centre de rééducation.

Elle montre les photos d'identité de ses deux filles, collées sur l'autorisation de visite délivrée par le ministère de la justice. L'une porte le voile et l'autre pas. « La voilée, c'est Imane. Depuis que petite, elle a fait une chute depuis la terrasse, elle n'est plus très normale. Elle se plaignait tout le temps de maux de tête.

Elle me disait qu'elle ressentait comme des décharges électriques dans sa boîte crânienne. En prison, ils lui donnent de l'aspirine alors que c'est d'un scanner dont elle a le plus besoin. Lis, c'est ce papier qui me permet de les voir. Lis, moi, je n'ai jamais su lire ».

Toute de noire vêtue, Rachida porte en elle toute la misère du monde. C'est comme si toute sa vie, elle avait été condamnée au drame. Née sous une mauvaise étoile et infiniment paumée. Orpheline très jeune, elle grandit à Casablanca entre sa mère et son beau-père. Très jeune fille, elle « sort travailler » pour aider à la maison.

Elle fait les ménages parce qu'elle ne sait rien faire d'autre. Au gré des maisons où elle se fait femme à tout faire, elle croit un jour rencontrer le grand amour. L'homme lui promet le mariage. Naïve, elle boit ses paroles. « L'irréparable commis, il a pris la poudre d'escampette dès qu'il a appris que j'étais enceinte et que j'attendais un bébé».

Dans cette famille, la malédiction en héritage

9 mois plus tard, ce n'est pas un bébé mais deux bébés qui naissent. « Ma mère m'a beaucoup aidée. Il fallait que je quitte Casablanca pour être loin du regard de ceux qui connaissaient la famille. Elle nous a trouvé une petite baraka, perchée sur une terrasse d'une vieille maison dans le quartier de Jbal Raïssi, à Rabat. C'est là où les jumelles sont nées, en 1989.

C'était si difficile mais dans le même temps ma famille ne m'a jamais laissée tomber. Tu sais, Imane et Sanae ont ouvert les yeux sur mon beau-père. Elles l'appelaient père ».

Dans cette famille, la malédiction se transmet en héritage, de génération en génération. Sanae et Imane, nées de père inconnu, ont quand même un nom et un état civil. « Quand je suis allée les déclarer, on m'a demandé de choisir un nom de famille pour mes familles. Perdue, on m'en a proposée un, Laghriss. Il m'a plu et je l'ai accepté ».

Les jumelles grandissent dans le quartier le plus difficile, le plus dangereux aussi, de Rabat, Douar Al Hajja, perdu au fin fond de la commune de Youssoufia. Dans cette zone de non droit, que les forces de l'ordre avaient fui depuis longtemps et jusqu'aux attentats du 16 mai, l'habitat sauvage et clandestin a « façonné » un bien étrange quartier où les maisons de fortune sont érigées sur des pentes, des petites collines, des décharges publiques, entre désespoir et extrême précarité.

Dans le cabinet de son avocat, Abdelfattah Zahrach, où nous la rencontrons ce vendredi 14 mai, Rachida Drii n'en finit pas de raconter. Elle parle, parle, parle, comme se livrant à un exercice de thérapie. Dans un flot de paroles, elle essaie d'expliquer comment ses filles en sont arrivées là.

Inlassablement et dans un immense soupir, c'est toujours le même commentaire qui revient dans sa bouche : « Imane et Sanae ont été manipulées. Elles sont si jeunes. Elles ont été intoxiquées par leurs mensonges. C'est comme si elles avaient été soumises à un lavage de cerveau. Elles ont soudain porté le voile vers 12-13 ans, faisaient leurs prières et n'avaient plus que le mot halal ou haram à la bouche. Elles ne voulaient plus aller à l'école. Tout s'est passé dans cette mosquée de Rachid Nafaa, dans le quartier industriel de Youssoufia. Moi, je n'ai rien vu venir, je quittais la maison très tôt pour aller travailler ».

« Que font mes filles mineures dans la prison des grands ? »

Rachida Drii, la mère des jumelles qui voulaient se faire kamikazes, raconte la vie de ses filles en prison. Avant, elle les voyait une fois par semaine, tous les mercredi. Depuis quelques semaines, c'est tous les 15 jours qu'elle les visite, pendant une heure, à « Zaki ». Question de moyens. « J'arrive à leur emporter un couffin de provisions.

Grâce aux voisins et aux mécènes. Un élan de solidarité s'est créé. Tous ceux qui m'aident ont très tôt compris que mes petites étaient d'abord des victimes, les victimes de ces obscurantistes et de ces terroristes qui ont fait de ma vie un drame et de celle de mes jumelles un enfer. Je ne veux plus entendre parler de terrorisme ».

Elle a bien du mal à cacher son incompréhension. Avec ses mots à elle et l'immense douleur d'une mère, elle se demande « ce que font des mineures en prison avec des adultes ». « Mercredi dernier, elles m'ont dit qu'elles fêteront leur quinzième anniversaire dans deux mois ». Elle poursuit, renversante de bon sens, revendiquant sans le savoir un principe des droits humains, un article de la convention internationale des droits des enfants .

« Imane et Sanae sont des enfants. Leur place est dans un centre de rééducation, là où elles pourront apprendre un métier et plus tard se réinsérer dans la société. Elles ont droit à une deuxième chance. L'autre jour, dans le parloir, elles m'ont dit que certaines de leurs co-détenues, majeures bien sûr, qui avaient été libérées, étaient retournées en prison. Ça veut bien dire que la prison est un lieu de récidive, non ? ».

Cette mère qui n'a pas arrêté de pleurer durant l'entretien, esquisse pour la première fois un minuscule sourire. « Je suis contente, Imane et Sanae n'ont plus ces idées fausses sur l'Islam que leur ont inoculées ces extrémistes. Elles semblent avoir pris conscience du fait que certains ont voulu exploiter leur naïveté et leur innocence. Un jour, elles m'ont même dit que la prison était une école pour elles. Moi, j'ai tellement peur qu'elles n'y apprennent rien, sinon des choses terribles auprès des adultes ».

A quelques jours du Congrès national des droits des enfants qui se tient ce 25 mai, le cri de Rachida Drii, mère des jumelles mineures qui voulaient se faire kamikazes parce que sous l'emprise de marchands de la haine, est bien plus qu'un cri de cœur. C'est un appel au respect des droits humains. Aux droits des enfants surtout.

------------------------------------------------------------------------------------------------ source : lematin.ma

18 mai 2004 14:22
j´ai lu cet article le matin, et ca fait mal de voire des petites jumelles innocentes, manipule jusqu a ce point la!...Je dis bon courage a leur mere.

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18 mai 2004 14:25
c'est triste comme article, elle est ou la justice marocaine? où sont les droits des enfants?
imaginez, des adultes avec des mineurs dans une même cellule

C
18 mai 2004 14:28
Salam

Msakinates sad smiley c'est injuste...quand tu vois qu"ici des adultes qui ont tué de sang froid ne pas faire leur peine complète et sortir pour bonne conduite...
 
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