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Le juge est une "cité"
4 octobre 2005 07:51
Sébastien Peyrat, docteur en sciences de l'éducation, décortique les conflits :
«Il existe un mode de justice propre à la cité»

Par Nicole PENICAUT

Lundi 03 octobre 2005 (Liberation - 06:00)

On dit les jeunes des cités «sans repères et sans loi». Sébastien Peyrat, docteur en sciences de l'éducation, explique qu'il n'en est rien. Ce chercheur qui travaille sur les questions du droit, de la norme et de la justice chez les jeunes des cités du 93 (Seine-Saint-Denis) s'est intéressé aux modes de règlement des conflits à l'intérieur des «groupes» de jeunes.

Comment se gèrent les conflits internes aux jeunes des cités ?

L'usage de la force est le premier mode de règlement, que ce soit à l'intérieur du groupe des jeunes de la cité ou avec d'autres jeunes, d'autres cités, voire avec les institutions telle l'école. C'est un mode de justice propre à la cité qui, finalement, a disparu assez tard de notre droit. Les jeunes apprennent très tôt que le monde de la cité est organisé et hiérarchisé et ce sont les plus âgés qui forment les plus jeunes à l'usage de la force. Lorsqu'il y a un conflit entre jeunes à l'intérieur de la cité, on le règle donc d'abord par la force.Les deux protagonistes vont se battre devant témoins au milieu d'un cercle. Dès le premier sang, on les sépare. La force du groupe des jeunes est incarnée par leur nombre. Il est donc inconcevable qu'un membre du groupe disparaisse. Les bagarres internes finissent alors rarement par des blessures pouvant mettre en danger la vie des protagonistes.

La force serait donc la seule arme ?

Les amis des deux protagonistes peuvent les pousser à discuter. Et même participer à la discussion en endossant des rôles calqués sur ceux des tribunaux. Certains vont se faire procureurs ou avocats. D'autres juges. Dans la cité, les jeunes se connaissent bien. Untel y est connu pour être menteur, un autre voleur, ou intelligent, beau parleur etc. Ainsi, quand un jeune a un problème avec un prof, c'est le beau parleur qui est désigné pour aller parler pour lui. On sait à qui confier le rôle de juge, pour trancher les conflits, le rôle d'huissier pour s'assurer de la véracité de quelque chose ou celui d'expert pour les jeunes ayant déjà connu des faits similaires. Les jeunes qui s'improvisent «juges» disent le «droit de la cité» et chacun doit s'y rallier. Celui qui perd le conflit doit se soumettre. Il y a même une publicité du jugement dans la cité. Le groupe va raconter partout comment l'affaire s'est soldée. Pour juger ces conflits, les jeunes se fondent sur les faits et en se basant sur la personnalité et l'histoire des protagonistes. Car, selon eux, on ne peut juger quelqu'un sans le connaître. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils se méfient de la justice institutionnelle qui, disent-ils, se fait à la tête du client. Dans la cité, il y a, au contraire, une véritable personnalisation des jugements.

Ces «jugements» conduisent-ils à des sanctions ?

A l'extérieur de la cité, la sanction est toujours la même : la force. Mais à l'intérieur, oui, il y a une échelle des peines. La première, la plus légère, c'est la rumeur. On va faire courir le bruit qu'Untel a volé le sac d'une vieille dame (c'est mal vu dans la cité). Deuxième niveau de peine, plus élevé : les coups physiques. Si un jeune raye la voiture d'un grand, il va se prendre des coups dont la violence est proportionnelle à la faute commise. Troisième niveau de peine : l'exclusion du sous-groupe affectif auquel on appartient. Dans ce cas, le jeune exclu continue de dire bonjour, de serrer la main des autres, mais on ne lui parle plus. Il se retrouve tout seul. Ça peut être le cas après une dénonciation. La possibilité est limitée de réintégrer un autre sous-groupe. Il perd alors l'immunité de la cité : s'il a un problème on lui dira de se débrouiller seul. Enfin quatrième niveau de sanction : l'exclusion du territoire de la cité. C'est la peine la plus dure. On harcèle le jeune en cause et sa famille, (dégradation de la voiture, vol dans l'appartement, agressions physiques), jusqu'à ce qu'il déménage. C'est très rare. Mais je l'ai déjà vu.

Et si un jeune de la cité a été tué?

Le ou les responsables identifiés sont susceptibles de subir le même sort en représailles à sa disparition et donc à l'affaiblissement du groupe en général. En revanche, voler, insulter, détériorer des biens, tagger tout cela est légitime dans la cité car il s'agit de la manifestation des règles de la cité (langage, comportement, etc.). Lorsque cela touche des gens extérieurs à la cité, c'est même perçu comme le juste retour des souffrances que la société fait subir. C'est pour cette raison que les jeunes des cités adoptent un comportement en adéquation avec ce que l'on dit d'eux, c'est-à-dire un comportement violent (verbalement essentiellement) et provocateur lorsqu'ils sont à l'extérieur de leur territoire. Ils utilisent les discours entendus dans les institutions pour renforcer leur identité «de cité». Celle-ci doit ressembler à l'image qu'on colle sur elle. Il y a une volonté de faire peur aux gens extérieurs aux cités, à ces «bourgeois» qui sont perçus comme des étrangers dont les règles sont injustes. Ces «bourgeois» sont d'ailleurs jugés responsables des souffrances sociales subies par les jeunes de ces lieux de stigmatisation, de relégation et de ségrégation que sont les cités.

Source : [www.liberation.fr]
4 octobre 2005 07:56
Voilà, une analyse que je trouve très pertinente. Je cite cette article en réponse à Siryne pour son sujet sur l'éducation ratée, pour montrer que l'éducation faite de us, traditions et codes est très influencée par l'environnement extérieur.
Sinon, cet article s'adresse aussi à Yazz et Hakim075 en réponse aussi au long débat sur ce sujet : [www.yabiladi.com]

Enfin, le sujet est complexe et demande un affinement des résulats, vu que chaque quartier/cité a ses propres règles de fonctionnement qui peuvent différer légèrement d'une à une autre.

Môh Tsu
l
4 octobre 2005 11:25
On disait que c'est quoi qu'a fait cet article pour les persones que tu as cité!!!.
B
4 octobre 2005 15:05
Cet article oublie de nous parler des statistiques, que representent ces jeunes

par rapport à la majorite des jeunes des cites? se comportent t-ils tous de la

sorte?

sous couvert de travail academique, il ne fait que renforcer l'image du jeune

de banlieue, maghrebin de preference, violent, bon à rien , vivant hors la loi.

à croire que c'est la seule issue possible pour tout jeune vivant ds une cite.
t
6 octobre 2005 21:15
à la télé lorsqu´ on parle de banlieue: que du négativesad smiley(
 
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