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Jilali Ben Salem. Mémoires d’un musicien du roi
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11 avril 2005 11:13



Jilali Ben Salem, Marocain né en Algérie, avait dit à Hassan II : "Un jour, je rentrerai au Maroc". Plusieurs années plus tard, le roi en a fait un de ses musiciens de palais.


Jilali Ben Salem cherche désespérément la reconnaissance qu’il n’a jamais eue. Il veut passer à la télé, rencontrer des journalistes, tout leur dire sur ses aventures, sa vie entre l’Algérie et le Maroc, sa rencontre avec Hassan II, ses blessures de guerre, sa musique…Ce n’est ni la célébrité ni la gloire qui l’intéressent. Encore moins l’argent. Il voudrait juste qu’on se
souvienne de lui. Juste que ses enfants soient fiers de leur père. Surtout sa grande fille... Jilali montre alors ses photos jaunies, plonge dans ses souvenirs et n’en sort plus. Il vit avec. Tous les jours, tout le temps. C’est tout ce qui lui reste de ses belles années... Jilali dit son amertume en darija et un accent oranais. Exhibe ses deux cartes d’identité marocaine et algérienne – expirée-. Un jour, Hassan II lui avait dit : "Le Maroc et l’Algérie seront bientôt une seule terre"… C’était il y a longtemps et Jilali y croyait. à l’époque, n’allait-il pas lui-même de l’Algérie au Maroc comme si c’était un seul pays ? Plus maintenant et Jilali est amer. Chez lui, c’est ici comme là-bas…
N’est-ce pas en Algérie qu’il est né, en 1932 ? "Mon père, Marocain, a quitté le Maroc pour Oran alors qu’il n’avait que 14 ans. Il travaillait la terre alors". à quatorze ans, lui-même assiste son père, mais rêve déjà d’un autre destin. Il veut être artiste et apprend à jouer "lgasba", la flûte locale. Il en joue tellement bien que très vite, il rejoint la troupe de Blaoui Lhouari (l’un des précurseurs de ce qui deviendra plus tard le raï) et l’accompagne dans les soirées qu’il anime à Oran ou ailleurs. A 18 ans, il part en France, et de Marseille à Bordeaux, fait le boxeur : "On m’appelait Salem le Marocain", et gratte sa guitare dans des cabarets : "C’est à ce moment-là, c’était en 1954, que j’ai été appelé pour faire mon service militaire dans l’armée française". Jilali rentre alors à Oran, rejoint sa caserne, puis part s’entraîner à Maghnia. La lutte pour la libération de l’Algérie avait déjà commencé et sous-officier dans l’armée française, Jilali y participe, comme son père : "Mon père cachait des armes chez lui. Les Français l’ont découvert et l’ont rapatrié au Maroc". Son service militaire terminé, Jilali rejoint officiellement les "fida’iyine" algériens. L’une de ses missions, liquider des "mouchards" en France. Comme dans un film, Jilali raconte cet épisode sanglant de sa vie : "Je me suis débrouillé un pistolet et je les ai liquidés l’un après l’autre, en pleine rue. L’un était à la gare de Lyon, l’autre à Strasbourg Saint-Denis". De peur de choquer, Jilali se veut alors maladroitement rassurant : "Ce genre de choses, c’était normal à l’époque. Moi, on me chargeait de ces missions parce que je n’avais peur de rien"… L’homme fuit alors vers l’Allemagne, y reste quelques temps, puis retourne en France et de là, rejoint une base algérienne au Maroc dans la région de Oujda. Nous sommes en 1959 et Jilali est au quartier Ben M’hidi (nom de la base) : "Cette même année, Hassan II a un jour été invité à la base pour assister à un défilé militaire. Il était avec Ben Bella et Boumédienne. J’étais là, devant lui, et je ne pouvais pas rester sans rien faire. C’était mon roi. Je n’ai pas eu peur, je suis allé vers lui, lui ai embrassé la main et l’épaule et lui ai dit que j’étais Marocain et qu’un jour, je rentrerais dans mon pays". Presque 50 ans après cette rencontre, Jilali est ému quand il la raconte. Hassan II alors lui tape sur le dos et le rassure : "Tu seras alors le bienvenu". Cette phrase, Jilali la gardera longtemps dans sa tête et dans son cœur.
De Ben M’hidi, Jilali est envoyé à Zghenghen, une autre base militaire algérienne près de Nador : "Boumédienne voulait que j’y reste pour jouer de la musique aux blessés". L’homme, continue son récit mais se perd dans les méandres de sa mémoire, fait des va et vient dans son histoire, raconte les soirées qu’il a passées avec Dahmane El Harrachi (l’un des plus grands maîtres du chaâbi algérien), l’accompagnant à la flûte, sa rencontre avec Khaled qui est venu le chercher au Maroc : "Son père était un ami à moi en Algérie. Lui aussi était fida’i"…
En 1962, c’est le cessez-le-feu. Jilali décide de rester au Maroc, visiter du pays. à Casablanca, il joue dans les cabarets, mène une belle vie et s’attache à la terre de ses origines. La phrase de Hassan II lui revient alors en mémoire et il part sans hésiter au palais royal à Rabat et demande à rencontrer le roi. Avec le bagout qu’il faut, il convainc les militaires de le laisser entrer et de le présenter au souverain. Hassan II, dira Jilali, se souvient tout de suite de lui… et lui offre 48 louis d’or "Louise" et une enveloppe pleine d’argent. Quelques jours plus tard, il envoie le chercher dans son hôtel à Casablanca : "Des mokhaznis m’ont escorté jusqu’au palais de Skhirat où le roi donnait une réception. Il voulait que je chante pour lui". Jilali chante Louis Armstrong, Charles Aznavour, Dario Moreno et Hassan II décide de le garder. L’artiste hérite alors d’appartements au sein même du conservatoire royal de Touarga. Sa vie de palais commence. Pour chaque réception, Jilali est invité et joue avec l’orchestre royal, ou seul, avec sa propre troupe : "Nous jouions des morceaux anglo-saxons ou français et Hassan II appréciait particulièrement. C’était un grand amateur de musique et un connaisseur aussi". Jilali, encore "impressionné", raconte cette anecdote : "Avec l’orchestre royal, nous donnions une soirée devant le roi et ses invités quand il s’est levé et nous a demandé de nous arrêter. Il était persuadé que l’un des violonistes jouait faux. Le chef d’orchestre les a alors fait jouer en solo l’un après l’autre. Effectivement, le violon de l’un d’eux était désaccordé. Le roi était le seul à l’avoir relevé"… Jilali partage alors le meilleur et le pire de la vie du palais. Lors du coup d'état de Skhirates, il est mis en joue par les militaires, voit le roi aller se cacher et d'autres, dont plusieurs de ses amis, tomber sous les balles l’un après l’autre. Une année plus tard, il est à l’aéroport de Rabat quand l’avion du roi, cible des putschistes, atterrit… : "L’année suivant les attentats, tout a changé. Plus de réceptions ni de fêtes au palais. Tous les musiciens chômaient. Moi, j’allais à Casablanca jouer dans des cabarets et des soirées". La vie finira par reprendre son cours, mais une année avant le décès de Hassan II, Jilali doit quitter son logement "royal" : "je suis persuadé que le roi n’était pas au courant. On m’a dit qu’ils allaient refaire le conservatoire et que je devais donc le quitter. Des amis des Touarga m’on dit plus tard que sa majesté avait demandé après moi et que les mokhaznis lui ont dit que j’avais préféré aller habiter à Casablanca. Même ma paye, ils ne me l’ont plus donnée". Jilali prend femme et enfants (nés à Touarga) et déménage à Casablanca. Pendant plusieurs années, il survit en jouant sa musique dans des cérémonies de mariage ou des soirées privées. Et puis, à cinquante ans, ensuite à soixante, Jimmy (son nom de scène) est petit à petit oublié… Heureusement qu’il y a sa fille, qui est toujours là pour lui. Heureusement qu’il a ses souvenirs et ses photos qui lui rappellent sa vie d’antan. Et heureusement qu’il y a cet espoir : celui qu’un jour Algériens ou Marocains se souviennent de lui.


=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-Deus ex machina...sidi rebbi igouz sl'makina...
11 avril 2005 11:33
j'espère que les mentalités changeront, meme si ca va etre difficile, quand c'est une us ancré chez les gens, pour la faire changer faut compter sur les générations à suivre
La vie est dure mais ..."Alhamdoulillah 3ala kouli hal":)[color=#330066]Un humain, un homme, un frére[/color] :)
A
11 avril 2005 11:46
Trés émouvante histoire !! Merci de nous l'avoir fait partager !
7 mai 2015 22:03
Zalag alah irahmou je le connaissais très bien lui et sa famille
Qui donne ne doit jamais s'en souvenir. Qui reçoit ne doit jamais oublier.
 
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