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Jamal Benomar, "Nr3 de l'ONU", ancien detenu politique
b
6 décembre 2004 11:10
bonjour,

lisez le parcours impressionant de cet acnien detenu politique devenu cadre important su sein de l'onu.

source: [www.telquel-online.com]

Portrait. Jamal Benomar, une patera pour l'ONU

Petit-fils de la République du Rif, prisonnier politique dans son pays, Jamal Benomar est aujourd’hui le n°3 de l’ONU. Retour sur un parcours exceptionnel qui ne doit rien au hasard.


En atterrissant à l’aéroport de Heathrow ce matin brumeux de 1984 (clin d’œil à ce George Orwell marocain à qui il échappait enfin ?), sans passeport, mais avec la complicité des autorités britanniques, mises au parfum par Amnesty International, le prisonnier politique Jamal Benomar, âgé de 27 ans, vient tout juste de quitter son pays. Tel un paria. Ce qu’il fuit alors : le
despotisme du pouvoir, son arbitraire, ses harcèlements sécuritaires… ce qui l'a décidé : une seconde arrestation, alors qu'il vient d'être libéré il y a un mois, après 8 années passées à la prison centrale de Kénitra.

Son tort : être arrivé à Tétouan, ce jour de mai 1984 où ont éclaté les émeutes du Rif. Pas de chance, les autorités cherchent un responsable. Il en a le profil. Certes, il sera relâché "sans qu’on m’ait fourni la moindre explication", mais le harcèlement sécuritaire, les intimidations, les menaces ne le quittent plus. "Je venais de quitter la petite prison pour la grande, avec la peur de retourner 20 ans dans la petite. Or, cela ne me paraissait pas du tout impossible. D’autant que ce que j’avais vu durant ces 3 jours, c’était du jamais vu. Des hélicoptères qui mitraillent la foule, des fusillades dans les rues, des morts sur les trottoirs".

Dès lors, une idée s’impose avec force : partir. Et n’est-il pas justement invité par un groupe d’universitaires français renommés dont Jacques Berque, René Galissot, André Adam, à rejoindre leur équipe de recherche au CNRS ? "J’avais beaucoup de relations, à l’intérieur comme à l’extérieur du Maroc. Notre groupe de prisonniers avait été adopté par Amnesty International comme détenus politiques. Le collectif d’universitaires français s’était également mobilisé. J’avais de nombreux appuis dans ces milieux". C’était compter sans le tout puissant ministre de l’Intérieur, Driss Basri, qui refuse obstinément de lui rendre son passeport. "Il l’a clairement dit à Oualalou et Radi, venus intercéder en ma faveur".

Ce qu’il ne s’explique toujours pas en revanche, c’est le refus de Hassan II. "Je sais qu’André Adam, qui était mon directeur de thèse lorsque j’étais en prison et qui avait été le professeur de Hassan II, communiquait encore régulièrement avec lui. Je sais aussi qu’il a demandé ma libération au roi. Et qu’il l’a obtenue. Pourquoi alors, quand André Adam a de nouveau intercédé auprès de lui pour que je recouvre mon passeport, a-t-il refusé ?". Fait du Prince ? Caprice de roi ? Toujours est-il, qu’une nuit, "avec la complicité d’amis, j’ai embarqué sur une patera, sans passeport, direction l’Espagne (avant de rallier Londres puis Paris).

Ce départ était très douloureux, très pénible, car je n’avais jamais pensé quitter mon pays. Sentir que j’étais obligé de le faire, qui plus est, dans de telles conditions, c’était comme si mon pays m’avait rejeté" confie-t-il. Mais celui qui vient d’être officiellement nommé il y a dix jours n°3 de l’ONU, qui a en charge la responsabilité du dossier irakien au sein de l’institution internationale qui, il y a deux ans, accompagnait l’envoyé spécial de Kofi Annan, Lakhdar Ibrahimi, en Afghanistan, celui qui, ces 15 dernières années, a participé à prévenir ou à régler les principaux conflits qui ont embrasé la planète, du Kosovo à la Bosnie en passant par l’Afrique du Sud, la région des Grands-Lacs, le continent sud-américain, qui a côtoyé les puissants de ce monde : Mandela, Gorbatchev, Bush père, Chevernadze, Hussein de Jordanie, Jimmy Carter… ne regrette rien. "Je crois même que j’ai bien fait", précise-t-il, non sans sourire.

Son intelligence, sa première arme, l’a d’abord libéré du joug. Soutenue par sa persévérance, elle lui a fourni les moyens de sa liberté. Parce qu’il en connaît l’exacte valeur, pour en avoir chèrement payé le prix, il va consacrer sa carrière à en défendre les attributs. D’abord au siège d’Amnesty International à Londres, qui le recrute après trois années passées au CNRS. "Je ne voulais pas d’une vie d’universitaire. Je voulais une vie plus active, plus engagée". Outre qu’il trouvera sa voie, il obtiendra, accessoirement, un petit plus non négligeable : la nationalité anglaise. S’il n’y avait jamais songé, des amis à lui contactent le Home Office. "J’avais un réel problème pratique : de plus en plus souvent, j’avais des difficultés à obtenir visas, je subissais de longues attentes aux aéroports". Driss Benzekri ira plus loin : "Il était véritablement harcelé par les services consulaires". Heureux hasard de la vie : le ministre anglais de l’Intérieur de l’époque n’est autre que celui qui, trois ans auparavant, occupait le siège du Foreign Office. Et avait, à ce titre, donné le feu vert aux douaniers pour le laisser entrer sur le territoire britannique, alors qu’il n’avait pas de passeport. Connaissant bien le dossier de notre militant des droits humains, il lui propose sans barguigner le fameux sésame.

Paradoxe de la vie : Jamal Benomar ne dormira pas cette nuit-là. "Avoir une autre nationalité, ce n’est pas simple. Je suis Marocain et je le reste. Mais comme on ne perd jamais sa nationalité marocaine, ça m’a rassuré", avoue-t-il. Libéré de ses chaînes, ce militant impénitent passe à la vitesse supérieure. À la fin des années 80, ses responsabilités au sein d’AI l’amènent au Soudan… où il fait la connaissance de Jimmy Carter. Car, il se trouve que l’ancien président américain, qui dirige un centre œuvrant dans la résolution des conflits, est très intéressé par l'éventualité de mener une médiation entre le gouvernement soudanais et les mouvements rebelles. "C’est comme ça qu’a commencé notre collaboration", explique tout naturellement celui qui, sur CV et après entretien, devient le directeur de la Fondation Carter-Menil pour les droits de l’homme. Avant de devenir le conseiller particulier du président. "Travailler de manière étroite avec lui m’a permis de comprendre la politique américaine, d’observer la manière dont se prennent les décisions dans cette administration. D’être initié à ce difficile travail de médiation et de règlements des conflits. Mais j’y ai aussi rencontré beaucoup de monde, de gens intéressants et influents".

Jamal Benomar élargit ses réseaux et ses domaines de compétences. Jusqu’à diriger en 1994, la division de la coopération technique au Haut commissariat pour les droits de l’homme de l’ONU. Quand il accepte ce poste de haut fonctionnaire international, rien ne laisse présager le scandale qui va éclater les 16 et 17 novembre de cette même année. Car jamais, Jamal Benomar n’a imaginé croiser son ex-tortionnaire dans les couloirs lambrissés du palais Wilson de Genève. C’est pourtant ce qu’il advint. "Je savais que le Maroc, en tant que signataire de la convention contre la torture, devait présenter son rapport devant le comité des Nations unies contre la torture. Mais je travaillais dans une autre division. J’étais très pris et je ne savais pas qui composait la délégation. Et puis je le vois. Et je comprends immédiatement. Celui qui pendant 8 mois à Derb Moulay Cherif, de janvier à août 1976, m’a infligé les pires tortures, a été envoyé pour présenter le rapport marocain… contre la torture ! C’était trop. Trop d’insolence. J’étais choqué", raconte-t-il, la voix blanche. Driss Benzekri, qui a partagé les longues années de détention de J. Benomar et qui compte au nombre des victimes du représentant officiel du ministère de l’Intérieur au sein de la délégation, Yousfi Kaddour, représente ce jour-là, l’OMDH. "Jamal était tenu à un devoir de réserve. Tandis que je faisais le lobbying auprès des médias, de certains responsables du ministère des Affaires étrangères suisses, lui avisait discrètement les membres du comité". Très vite, ces derniers décident d’interpeller par écrit le gouvernement marocain sur cette affaire, qui sera dès le lendemain à la Une des médias internationaux. Le tandem a fait mouche. "Le Premier ministre Filali, dans une réponse qui est tombée le soir même, n’a pas cherché à nier, raconte J. Benomar. Au contraire, il a présenté ses excuses, dans un langage fort peu diplomatique".

Aujourd’hui, alors qu’il sait que "les choses ont profondément changé", qu’a débuté au Maroc l’expérience de l’Instance équité et réconciliation, la jeune victime "des années de plomb", devenue au fil des expériences un spécialiste reconnu de la justice transitionnelle, se veut clair : "Pour moi, la question clé est que l’État présente ses excuses aux victimes et à leurs familles. Jusqu’à présent, il ne l’a pas fait". Absent depuis 20 ans, il n’a pas renoncé à rentrer un jour, mais pas dans n’importe quelles conditions. "Pas en signant une lettre d’excuses, comme me l’ont plusieurs fois demandé des officiels marocains". C’est que ce Rifain d’origine a sa dignité. Et il a de qui tenir. Son grand-père n’était-il pas le trésorier de la République du Rif ?

Élevé dans un milieu d’opposants, Jamal a choisi, dès l’âge de 15 ans, de perpétuer les traditions familiales de résistance et de liberté en militant activement dans la mouvance gauchiste. "Comme nous tous, il a été happé par le souffle de l’histoire nationale", raconte l’ex n°2 d’Ilal Amam et ami de longue date, Mohamed Serifi-Villar. En fait d’histoire, un procès historique : celui de 1977, dit "des frontistes". Une mascarade judiciaire qui vaudra aux 139 accusés, 30 siècles de détention (sic !). Avant cela, les mois de tortures subies dans les cachots de Derb Moulay Cherif. Après, les tabassages nocturnes à Ghbila - la prison civile de Casablanca -, l’isolement total au quartier des "travaux forcés" à Kénitra, les grèves de la faim. Dans ces conditions, est-il surprenant, même 30 ans après, que Jamal Benomar et bien d’autres, veuillent un jour connaître le nom des responsables ? Toutefois l’expert prévient : "En matière de poursuites judiciaires, il n’y a pas de formule unique. Ce que je sais en revanche, c’est qu’elles n’ont été engagées que dans des pays où la défaite de l’Ancien Régime était totale. A-t-elle eu lieu au Maroc ? Je ne le pense pas".

r
6 décembre 2004 11:52
Bravo Jamal et bonne continuation!

""Celui qui pendant 8 mois à Derb Moulay Cherif, de janvier à août 1976, m’a infligé les pires tortures, a été envoyé pour présenter le rapport marocain… contre la torture ! C’était trop. Trop d’insolence. J’étais choqué", ""

Un tortionnaire pour présenter la situation des droits de l'Homme !!! Et dire que certains se demandent pourquoi le Maroc obtient toujour "0" Zéro, dans sa politique étrangère et principalement à l'ONU.....
k
6 décembre 2004 13:19
Je cite Jamal Benomar :
"Pour moi, la question clé est que l’État présente ses excuses aux victimes et à leurs familles. Jusqu’à présent, il ne l’a pas fait". Fin de citation.
L’État c’est tous les Marocains. Je suis Marocain et j’étais fermement opposé à la torture, pourquoi donc l’État qui me représente doit présenter des excuses en mon nom alors que moi-même j’étais victime quotidiennement de la mafia qui dirigeait le Maroc ? Si les responsables marocains étaient choisis démocratiquement par le peuple dans ce cas je comprends que je suis responsable de mon choix. Malheureusement ou heureusement ce n’est pas le cas.
Seuls les responsables qui avaient le pouvoir doivent présenter des excuses en leurs noms personnels.
Si Hassan II a donné l’ordre à Oufkir et Dlimi de liquider Ben Barka ce n’est pas à moi de demander des excuses à la famille de la victime.

 
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