Islam de france Villepin contrôle la quête pour les mosquées Le ministère de l'Intérieur a confirmé hier qu'une fondation verrait le jour en avril pour financer les projets dans la transparence et sans modifier la loi de 1905.
Par Catherine COROLLER mercredi 08 décembre 2004
olution miracle permettant aux musulmans de combler leur retard en lieux de culte sans avoir à modifier la loi de 1905 ? Ou reprise en main de l'islam de France ? Hier, le ministère de l'Intérieur, chargé des cultes, a confirmé que la Fondation pour l'islam de France «sera en mesure de fonctionner en avril prochain» (Libération du 17 novembre). En théorie, ce projet se justifie. Si les musulmans ne parviennent pas à construire de mosquées en nombre suffisant, c'est qu'ils n'en ont pas les moyens. La solution serait soit de modifier la loi de 1905, afin que l'Etat puisse apporter sa pierre à l'édifice sous forme d'espèces sonnantes et trébuchantes, proposition de Nicolas Sarkozy (et du PS Laurent Cathala, lire page 6). Soit, proposition de Dominique de Villepin, de créer une fondation chargée de canaliser les dons de fidèles et d'Etats étrangers. «Des pays, notamment du bloc pétrolier comme l'Arabie Saoudite, nous ont déjà sollicités», affirmait-on au ministère mi-novembre. Cet argent, jusque-là versé en toute opacité, serait ainsi recueilli de façon plus transparente.
Usine à gaz. Cependant, ce projet ne fait pas l'unanimité. En théorie, les fédérations musulmanes pourront continuer à percevoir directement des dons et mener à bien leurs projets de construction. En pratique, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) craint une «nationalisation du financement de l'islam de France», les collectivités locales donnant la préférence aux projets des associations parrainées par la fondation.
Reste que ce projet de fondation ressemble effectivement à une reprise en main de l'islam. La Fondation se composera de trois collèges, l'un composé des fédérations musulmanes (1), le second des représentants de trois ministères, le troisième de personnalités qualifiées (industriels, financiers, chercheurs...). Des associations laïques, comme le Centre des démocrates musulmans de France, d'Abderrahmane Dahmane, pourraient faire partie du premier ou du troisième collège. Une manière de noyer les «barbus» et de donner satisfaction à la Mosquée de Paris, qui se plaint de la trop grande place donnée aux «fondamentalistes» de l'UOIF au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM) ? Pour Villepin, cette fondation permettrait effectivement de court-circuiter le CFCM, création de Nicolas Sarkozy, dominée par l'UOIF et paralysée par les rivalités entre ses composantes.
Contradiction. Reste une question : les musulmans ont-ils vraiment besoin de plus de lieux de culte ? Bizarrement, le ministère de l'Intérieur s'est coupé l'herbe sous le pied hier. Alors qu'il confirmait la création de la fondation, il rendait publiques des données selon lesquelles 5 % seulement des 4 à 5 millions de musulmans de France fréquenteraient la mosquée au moins une fois par semaine. Un chiffre extrêmement faible.
Sur les 1 685 mosquées et lieux de culte recensés en France, un certain nombre mériteraient sans doute d'être rénovés, voire fermés puis reconstruits (lire page 6). Indépendamment des besoins réels, la construction de salles de prières musulmanes est aujourd'hui un argument électoral pour un certain nombre d'élus locaux. Les responsables politiques nationaux y voient, eux, la clé de l'intégration des musulmans.
(1) Mosquée de Paris, Union des organisations islamiques de France (UOIF), Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF).