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Invoquer Allâh "par le Prophète"...etc: "Ad-dou'â bil...
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12 septembre 2005 01:41
Bismillâhir Rahmânir Rahîm...

Assalâmou 'alaykoum wa rahmatoullâhi wa barakâtouh...





Un coreligionnaire et ami me dit que lorsqu'il fait une invocation à Dieu (du'â), il prend parfois le nom du Prophète, non pas pour l'invoquer mais de la manière suivante "O Dieu, accepte mon invocation par l'intermédiaire du Prophète Muhammad". Je lui ai demandé si cela ne relevait pas de l'associationnisme (shirk) à Dieu. Il réfute ceci totalement, disant ne s'adresser qu'à Dieu et uniquement à Lui, mais passer, pour donner un peu plus de force à sa requête, par l'intermédiaire d'un saint homme comme le Prophète, qui est proche de Dieu. Il justifie ceci en citant le verset 35 de la sourate 5 du Coran, où Dieu dit : "O les croyants, craignez Dieu et prenez le moyen qui vous rapprochera de Lui…"


Réponse :



Il faut distinguer ici plusieurs cas :




1) Le premier cas : invoquer une autre entité que Dieu


Invoquer une autre entité que Dieu (comme un ange, un djinn, un saint, etc.) en pensant que cette entité étant proche de Dieu, elle sera à même d'intercéder auprès de Dieu pour l'acceptation de la requête qu'on lui a adressée… n'est pas permis en islam. Cela constitue un associationnisme évident et grand (shirk jalî wa akbar).

"L'invocation est l'adoration" a dit le Prophète (rapporté par At-Tirdmidhî, n° 2969, Aboû Dâoûd, n° 1479), montrant par là que l'invocation ne doit être adressée qu'à Dieu, puisque les musulmans n'adorent que Lui.




2) Le second cas : invoquer Dieu seulement, mais Lui adresser alors une requête "par quelque chose"

Ceci est connu dans les écrits des savants musulmans sous le nom de "du'â bil-wassîla". Et plusieurs ramifications existent à partir de ce cas n° 2. Dans un premier temps, déjà, deux grandes ramifications émergent, selon le sens que l'on donne au mot "par".


2.1) Le mot "par" employé dans le sens d'un serment, comme par exemple : "Par le Prophète Muhammad ! Accepte, ô Dieu, la demande que je t'ai faite".

Ceci n'est pas permis, notamment parce que le Prophète a interdit de faire serment par autre que Dieu :

"Celui qui fait serment par autre chose que Dieu commet un acte d'associationnisme" (rapporté par At-Tirmidhî et Aboû Dâoûd).

Il s'agit ici d'un petit associationnisme (shirk asghar), comme cela ressort de ce qu'a écrit At-Tirmidhî en commentaire de ce Hadîth. Le savant musulman Ibn Taymiyya écrit : "Quand il est interdit de faire le serment par une créature lorsqu'on parle à une autre créature, il est à plus forte raison interdit de faire le serment par une créature lorsqu'on parle au Créateur" (At-tawassul wal-wassîla, Ibn Taymiyya, p. 72).


2.2) Le mot "par" employé dans le sens de "cause", comme par exemple : "O Dieu, je Te demande ceci par le fait que Tu es généreux".
Plusieurs ramifications de ce cas 2.2 se présentent ici :

2.2.1) Dire : "O Dieu, je Te demande telle chose par le fait que Tu es généreux".
2.2.2) Dire : "O Dieu, accepte ma demande par la cause de telle bonne action que j'ai faite pour Toi".
2.2.3) Dire : "O Dieu, accepte ma demande par la cause de l'amour que j'ai pour le Prophète".
2.2.4) Dire : "O Dieu, accepte ma demande par la cause de la personne du Prophète" ou "par la cause de l'honneur du Prophète" ou "par la cause du droit qu'a le Prophète auprès de Toi".



Nous allons voir maintenant que penser de chacune de ces ramifications :


2.2.1) Dire : "O Dieu, je Te demande telle chose par le fait que Tu es généreux" : ceci est permis, car il s'agit d'une invocation qu'on adresse à Dieu en faisant Ses éloges, en citant Ses qualités. Le Prophète a entendu un homme invoquer Dieu en lui disant : "O Dieu, je T'adresse cette requête par le fait qu'à Toi revient la louange…", et il approuva cette façon de faire des invocations (rapporté par Aboû Daoûd, n° 1495, An-Nassaï, n° 1300, Ibn Mâja, n° 3858). (Cf. At-tawassul wal-wassîla, p. 75).



2.2.2) Dire : "O Dieu, accepte ma demande par la cause de telle bonne action que j'ai faite pour Toi" : ceci est permis, car c'est ce que trois personnes prises dans une grotte avaient fait. Le Prophète a rapporté d'elles ces invocations :

"O Dieu, si Tu sais que j'ai fait cette bonne action pour la recherche de Ton agrément, fais en sorte que nous puissions sortir" (rapporté par Al-Bukhârî, n° 5629, Muslim, n° 2743). (At-tawassul wal-wassîla, p. 181).



2.2.3) Dire : "O Dieu, accepte ma demande par la cause de l'amour que j'ai pour le Prophète" : l'amour pour le Prophète étant une bonne action, ce cas est semblable au précédent et est donc permis (At-tawassul wal-wassîla, p. 123).



2.2.4) Dire : "O Dieu, accepte ma demande par la cause de la personne du Prophète" ou "par la cause de l'honneur du Prophète" ou "par la cause du droit qu'a le Prophète auprès de Toi" : (At-tawassul wal-wassîla, Ibn Taymiyya, p. 71, p. 181). Si on veut en réalité dire par là : "par l'amour que j'ai pour le Prophète" ou "par la foi que j'ai en lui (qu'il est le messager de Dieu)", alors cela rejoint le cas 2.2.3 et est donc permis (Idem, p. 185). Par contre, si on n'entend pas cela mais si on entend vraiment par là : "le droit que le Prophète a auprès de Toi" etc., alors cela n'est pas permis et n'a pas été fait par les Compagnons, ni du vivant du Prophète ni après sa mort, ni auprès de sa tombe ni auprès de la tombe de qui que ce soit d'autre (Idem, p. 71). Ibn Taymiyya écrit :

"Les Hadîths qui sont relatés au sujet de demander quelque chose à Dieu par la cause de personnes, sont tous faibles, voire même inventés" (Idem, p. 114).

Or, l'invocation relevant de ce qui est purement cultuel ('ibâdât), on ne peut avoir recours qu'à quelque chose prouvé de façon authentique du Prophète et de ses Compagnons. Tout au contraire, tout indique qu'ils ont volontairement évité ce genre d'invocations. Ibn Taymiyya relève ainsi :

"Si le fait de demander à Dieu d'exaucer une invocation par la cause de la personne du Prophète avait été permise, les Compagnons n'auraient pas eu recours à Al-Abbâs [comme nous l'avons vu ci-dessus]" (Idem, p. 71).

Ibn Taymiyya relate ensuite de Aboû Hanîfa qu'il disait : "Ce genre d'invocations est interdit." "On ne peut demander quelque chose à Dieu par la cause d'une personne. Et personne ne doit dire : "O Dieu, je Te demande ceci par le droit qu'ont Tes Prophètes auprès de Toi"" (Idem, p. 71, p. 90, p. 187).





3) Le troisième cas : demander quelque chose à Dieu par le biais de l'invocation que le Prophète lui adresse en notre faveur ("shafâ'ah"winking smiley


Dire : "O Dieu, accepte ma demande par la cause de l'invocation du Prophète". Ou bien, à Médine, près de la tombe du Prophète, s'adresser à celui-ci et dire : "O Messager de Dieu, intercède pour moi auprès de Dieu". Ibn Taymiyya écrit que ceci était permis uniquement du vivant du Prophète (sur lui la paix) (de plus, le jour du Jugement le Prophète intercèdera pour les croyants). Cela revenait en fait à dire à Dieu : "O Dieu, accepte ma demande par le fait que Ton Messager également t'adresse cette demande pour moi". Les Compagnons l'ont fait du vivant du Prophète : un aveugle est venu à la rencontre du Prophète et lui a dit : "Prie Dieu pour qu'Il me guérisse." Sur son insistance, le Prophète lui demanda de faire soigneusement ses ablutions, puis d'invoquer Dieu en ces termes :

"O Dieu, je t'adresse cette demande et m'adresse à Toi par Ton Prophète Muhammad, le prophète de la miséricorde. O Muhammad, je m'adresse à Dieu par toi pour le besoin que j'ai. O Dieu, accepte l'intercession de Muhammad à mon sujet et accepte mon intercession au sujet de Muhammad" (rapporté par Ahmad et Al-Hakim).

Ibn Taymiyya relève que cela était réservé à ce cas précis, où le Prophète était, sur la demande de cette personne, en train d'invoquer Dieu pour Lui adresser cette demande de la personne. C'est bien le sens des mots "accepte l'intercession de Muhammad à mon sujet" et surtout "accepte mon intercession au sujet de Muhammad". Ibn Taymiyya écrit : "(Cet homme) n'a pu utiliser cette formule que parce que le Prophète était en train de prier Dieu pour sa requête et en train d'intercéder auprès de Dieu pour lui. Contrairement à une personne qui ne serait pas ainsi. (...) Il y a aussi le fait que l'homme ait dit : "Accepte mon intercession au sujet de Muhammad" : il est clair qu'il n'a pas intercédé auprès de Dieu pour Muhammad pour le besoin de Muhammad" (Op. cit., p. 133). Aussi, "Accepte l'intercession de Muhammad à mon sujet et accepte mon intercession au sujet de Muhammad" voulait dire :

"Accepte la prière de Muhammad qui Te demande d'exaucer mon besoin, et accepte la prière que je Te fais en Te demandant d'exaucer la prière que Muhammad Te fait à mon sujet" (Op. cit., p. 129).

"Si le Prophète n'avait pas été en train de prier Dieu à son sujet, cet homme aurait adressé une simple demande à Dieu (su'âl) et non pas une intercession (shafâ'a). L'intercession n'a lieu que lorsqu'il y a deux personnes qui demande la même chose : une intercède alors en faveur de l'autre" (Op. cit., p. 134).
Le Prophète étant mort, on ne peut plus lui demander de prier Dieu pour un besoin qu'on a, et on ne peut donc plus utiliser cette formule qu'il avait enseignée à ce Compagnon. "La différence est claire entre celui pour qui le Prophète prie et celui pour qui le Prophète ne prie pas" (Op. cit., p. 172).

"Ceci montre que la parole "Je t'adresse cette demande et m'adresse à Toi par Ton Prophète Muhammad" signifie : "Je t'adresse cette demande et m'adresse à Toi par la demande et l'intercession de Ton Prophète Muhammad".

C'est pourquoi Omar a dit (lors d'une période de sécheresse, des années après la mort du Prophète) :

"O Dieu, nous prenions Ton Prophète comme intermédiaire, et Tu faisais pleuvoir. Maintenant nous prenons comme intermédiaire l'oncle de Ton Prophète [Al-Abbâs, pour qu'il T'adresse les invocations]" [rapporté par Al-Bukhârî, n° 964, 3507].

(…) Si le fait de s'adresser à Dieu par l'intermédiaire de l'invocation du Prophète était valable pendant le vivant de celui-ci comme après sa mort, les Compagnons n'auraient pas eu recours à l'invocation de Al-Abbâs alors que le Prophète est le meilleur des créatures et le plus honoré auprès de Dieu." (Op. cit., p. 173).




Voilà pour les différents cas possibles. Quant au verset que votre ami cite, "O les croyants, craignez Dieu et prenez le moyen qui vous rapprochera de Lui…", il faut savoir qu'il n'est pas ici question de personnes pouvant servir d'intermédiaires pour nous rapprocher de Dieu. Comment cela pourrait-il être le sens de ce verset, alors que dans un autre verset, Dieu Lui-même critique ceux qui prennent des entités comme intermédiaires susceptibles de les rapprocher de Dieu :

"C'est à Dieu que revient le culte pur. Tandis que ceux qui prennent des divinités autres que Lui (disent) : "Nous n'adorons ces entités que pour qu'elles nous rapprochent de Dieu". En vérité, Dieu jugera parmi eux à propos de ce en quoi ils divergent" (Coran 39/3).

Il ne peut donc s'agir de faire ceci ni quelque chose d'approchant. En fait, quand Dieu nous demande de prendre le moyen (wassîla) qui nous rapprochera de Lui, il s'agit de la foi et des bonnes actions telles qu'Il les agrée et nous les a communiquées à travers le Coran, que détaille et complète la Sunna.



Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).



* Remarque de la part d'un internaute à propos de l'article ci-dessus :

Al-Bûtî s'est démarqué de cet avis de Ibn Taymiyya. Selon lui, le "du'â bil-wassîla" est permis même dans les cas rapportés être interdits, car il s'agit d'une demande faite à Dieu "par le Prophète" c'est-à-dire "au nom de l'importance qu'a le Prophète au regard de Dieu".


Réponse :

Trois humbles remarques sur ces points de al-Bûtî :

1) Pourquoi Omar (que Dieu l'agrée) a-t-il alors dit, lors de l'invocation pour la sécheresse : "O Dieu, nous prenions Ton Prophète comme intermédiaire, et Tu faisais pleuvoir. Maintenant nous prenons comme intermédiaire l'oncle de Ton Prophète" (rapporté par Al-Bukhârî, n° 964, 3507) ? Si c'est vraiment de la place et du rang qu'occupe le Prophète auprès de Dieu dont il est question dans ce qui est rapporté à propos des récits relatant la wassîla, cette place et ce rang n'étaient pas changés à l'époque du califat de Omar par rapport au moment où le Prophète était parmi eux. Pourquoi, alors, Omar a-t-il préféré avoir recours à la wassîla de al-Abbâs (que Dieu les agrée) ? La wassîla est donc apparement bel et bien l'invocation qu'une personne fait de son vivant, et non son rang auprès de Dieu.

2) Si par "l'intercession de Muhammad à mon sujet", l'aveugle voulait vraiment désigner la place et lu rang qu'occupe le Prophète auprès de Dieu, alors comment expliquer cette phrase qui est aussi mentionnée dans certaines versions : le Prophète a demandé à l'aveugle de dire : "… Et accepte mon intercession au sujet de Muhammad" ? Il s'agissait bien de l'invocation que l'aveugle faisait à Dieu à propos de l'invocation du Prophète, Lui demandant d'accepter l'invocation que le Prophète était en train de faire. Encore une fois, la wassîla est donc bien l'invocation qu'une personne fait de son vivant.

3) Comme nous l'avons vu plus haut, Abû Hanîfa lui-même a dit explicitement : "Lâ yus'alu-llâhu bi makhlûq" : "On ne doit rien demander à Dieu par une créature". Il s'agit de demander par "la personne d'une créature". Ibn Taymiyya a cité cette parole de Abû Hanîfa dans son livre.


Ceci étant dit, il ne s'agit pas de dire "C'est interdit, et donc tous ceux qui y ont quand même recours sont égarés", etc. Non. Personnellement je me refuse à ce genre de discours. Ici il y a depuis fort longtemps divergence d'avis entre les ulémas sunnites mêmes, on ne dénigre pas ceux qui adhèrent à l'autre avis, même si on ne partage absolument pas l'avis qu'ils ont.


Attention : je souligne que ce que je viens d'écrire là concerne l'avis qu'ont émis certains musulmans concernant la "dou'â bil-wassîla", et non l'avis que des personnes ont émis à propos de la "istighâtha bi-l-mayyit" (l'imploration du secours des morts). Ce dernier point, je l'ai traité dans un autre article (cliquez içi: [www.maison-islam.com]).


Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).



Source: [www.maison-islam.com]



>>> A lire également sur le sujet:


- "Ad-dou'â bil wassîlah": distinguer le licite de l'illicite:

[www.muslimfr.com]




Wassalâmou 'alaykoum wa rahmatoullâhi wa barakâtouh...







Modifié 2 fois. Dernière modification le 12/09/05 12:57 par 'Adel.
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14 septembre 2005 16:50
Bismillâhir Rahmânir Rahîm...

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A lire encore sur le sujet, in châ Allâh:


- Le sens et le statut du "Tawassoul":
[www.islamophile.org]



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