Médias Une interdiction toute virtuelle Al-Manar pourra être captée sur d'autres satellites ou sur le Web.
Par Raphaël GARRIGOS mardi 14 décembre 2004
l-Manar interdite de diffusion en France ? Autant demander au nuage radioactif de Tchernobyl de s'arrêter à la frontière française... Du fait de sa diffusion par satellite, la télé du Hezbollah échappe à toute juridiction nationale, voire communautaire. Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), le sait bien, qui rappelait récemment dans le Monde que «le CSA ne dispose pas d'un ascenseur et d'une clé magique qui lui permettent de monter sur le satellite et de couper le robinet». Car même si elle dispose pour l'instant d'une convention signée avec la France, Al-Manar n'est pas disponible sur le câble, ni sur les deux bouquets satellite français, CanalSatellite et TPS. Il faut pour la capter connaître sa fréquence, orienter sa parabole et régler son décodeur. La décision du Conseil d'Etat va-t-elle mettre fin à la diffusion d'Al-Manar ? Explications.
Comment Eutelsat va-t-il mettre fin à la diffusion d'Al-Manar ?
C'est le principal souci d'Eutelsat : Al-Manar, comme les 1 500 autres chaînes retransmises par les satellites de l'opérateur, est diffusée dans un bouquet qui comprend d'autres télévisions. Avec neuf autres chaînes arabophones, elle emprunte un «tuyau» loué à Eutelsat. Le locataire du tuyau ? Arabsat, un bouquet satellitaire fondé en 1976 par la Ligue arabe et dont le principal actionnaire est l'Arabie Saoudite (36,66 %), suivie du Koweït, de la Libye, du Qatar, des Emirats arabes unis, de la Jordanie. Arabsat envoie les dix chaînes, dont Al-Manar, depuis la Tunisie vers le satellite d'Eutelsat, Hotbird 4.
Sitôt reçue, la décision du Conseil d'Etat, Eutelsat la transmet à Arabsat qui a quarante-huit heures pour sortir Al-Manar de son tuyau. A Paris, Eutelsat met en place dès ce soir un «monitoring», dix téléviseurs allumés sur les dix chaînes, afin de vérifier qu'Arabsat obéit à la décision du Conseil d'Etat. Si ce n'est pas le cas, six heures avant l'expiration du délai, Eutelsat va commencer à «dégrader le signal» d'Arabsat. Impossible techniquement de couper brutalement le faisceau, explique-t-on, «on l'éteint petit à petit». Au final, Al-Manar cessera d'émettre... du moins via Eutelsat.
Verra-t-on encore Al-Manar ?
Si, comme c'est probable, le CSA résilie vendredi la convention d'Al-Manar, il sera impossible pour la chaîne d'être autorisée dans un autre pays de l'Union européenne. Elle peut toujours chercher dans un pays non membre un opérateur satellite pour la transmettre sur l'Europe. Mais est-ce nécessaire ? Le bouquet satellite Arabsat a ses propres satellites qui émettent principalement sur le Maghreb et le Moyen-Orient mais qui couvrent également une bonne partie de l'Europe. Le satellite hollandais Newskies diffuse lui aussi Al-Manar sur l'Europe. Il suffit désormais au téléspectateur qui recevait Al-Manar via Eutelsat de réorienter sa parabole et de changer les coordonnées de son décodeur. En plus de l'Europe et du Moyen-Orient, Al-Manar est diffusée par satellite sur l'Afrique et l'Amérique du Nord. Au-delà de la diffusion par satellite, il existe un moyen encore plus simple de regarder Al-Manar et que personne ne contrôle : son site web, où est disponible la majeure partie de ses programmes.
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