Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Les Imams de la Maison prophétique
f
5 janvier 2012 20:45
Assalam alaikoum


Je mets en partage ces textes, extraits du livre « Somme spirituelle », d’al-Hujwîrî, un soufi, qui naquit à Ghazna en Afghanistant et mourut à Lahore environ 1072, traitant des Imams de la maison prophétique (livre traitant aussi de la biographie des quatre khulafas, de quelques sahâbas, tâbi’înes, quelques mashâyikhs).



Abû Muhammad Hassan ibn 'Alî

Il était profondément versé dans le soufisme. Il disait, en guise de précepte : " Voyez à garder vos cœurs, car Dieu connaît vos pensées secrètes. "

" Garder son cœur " consiste à ne pas se tourner vers d'autres que Dieu, et à préserver ses pensées secrètes de la désobéissance envers le Très-Haut.

Quand les qadarites l'emportèrent, et que la doctrine du rationalisme devint largement répandue, Hassan al-Basri (de Basra) écrivit à Hassan ibn 'Alî, lui demandant de le conseiller et d'indiquer son opinion concernant le sujet difficile de la prédestination et le point de savoir si les hommes ont le pouvoir d'agir (istitâ'a).

Hassan ibn 'Alî répondit qu'à son avis, ceux qui ne croient pas à la prédestination (qadar) des bonnes et des mauvaises actions des hommes par Dieu sont des impies, et que ceux qui attribuent leurs pêchés à Dieu sont des mécréants; c'est-à-dire que les qadarites récusent la providence divine et que les jabarites imputent leurs pêchés à Dieu : les hommes sont libres d'effectuer leurs actions selon le pouvoir qui leur est donné par Dieu, et ainsi notre religion adopte une voie moyenne entre le libre-arbitre et la prédestination.

Mon intention, en citant ce message, était de montrer que quelqu'un comme Hassan Basrî prenait Hassan ibn 'Alî comme arbitre dans les sciences religieuses.

J'ai lu dans les " Anecdotes " que lorsque Hassan ibn 'Alî était assis à la porte de sa maison à Kûfa, un bédouin arriva et se mit à l'insulter, ainsi que son père et sa mère. Hasan se leva et dit : " Ô bédouin, peut-être as-tu faim ou soif, sinon qu'est-ce que tu as ? " Le bédouin n'y prit pas garde, et continua à l'insulter.

Hassan ordonna à son esclave d'apporter une bourse d'argent et la donna à l'homme en disant : " Ô bédouin, excuse-moi, car il n'y a rien de plus à la maison ; s'il y avait eu davantage, je ne te l'aurais pas refusé. " En entendant celas, le bédouin s'écria : " J'atteste que tu es le petit-fils du Messager de Dieu. J'étais venu ici pour mettre à l'épreuve ton indulgence. " Tels sont les véritable saints et les cheikhs qui ne se soucient pas d'être loués ou blâmés et s'entendent injurier sans se départir de leur calme.
a
5 janvier 2012 21:25
Wa alaikoum assalam

Il est clair que les gens de la Maison Prophétique étaient des personnes d'une grande sagesse qui ont rendu beaucoup de services à l'Islam
Malheureusement, leurs paroles ont été manipulées, modifiées par les chiites dans un but politique.
Que Dieu maudisse ceux qui ont attribué des mensonges au Prophète et aux Ahl Ul Bayt
5 janvier 2012 23:49
Salam

Merci frère faqir pour ce partage , toujours aussi intérressant et apaisant pour l'ame .
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
f
6 janvier 2012 00:03
Assalam alaikoum

De rien soeur sheera, que Dieu apaise nos âmes et nos coeurs.

Frère as300, la sagesse on peut la trouver partout, comme son inverse.
f
6 janvier 2012 22:12
Assalam alaikoum


Hussayn ibn 'Alî ibn Abi Tâlib

C'est le martyr de Kerbelâ et tous les soufis s'accordent à déclarer qu'il était dans son bon droit. Tant que la vérité fut apparente, il la suivit ; mais quand elle fut perdue, il tira son épée et ne se reposa pas avant d'avoir sacrifié sa précieuse vie pour l'amour de Dieu. Le Prophète le distingua par de nombreuses marques de faveur. Ainsi, 'Umar ibn al-Khattâb raconte qu'un jour il vit le Prophète rampant sur ses genoux, tandis que Hussayn était monté sur son dos et tenait une corde dont l'autre bout était dans la bouche du Prophète. 'Umar dit : " Quelle excellente monture tu as, ô fils d'Abdallâh ! " Le Prophète répondit : " Quel excellent cavalier il est, ô 'Umar ! " Hussayn avait prononcé des dires subtils concernant la voie de la Vérité et de sages paroles sur les bonnes relations humaines.

Il disait : " Ta religion est le plus tendre de tes frères " ; car le salut d'un homme est dans la religion : il est jeté dans la perdition s'il lui désobéit.

Un homme intelligent gagne à suivre les conseils de ses véritables amis ; il n'a pas intérêt à poursuivre une direction qui leur est opposée ; le véritable frère est celui qui ne manque pas de donner des conseils.

J'ai lu dans les " Anecdotes " qu'un jour un homme vint auprès de Hussayn ibn 'Alî et lui dit : " Ô petit-fils de l'Envoyé de Dieu ! Je suis un homme pauvre et j'ai des enfants. C'est à toi de me donner des provisions pour cette nuit. " Hussayn répondait : " Assieds-toi : on va m'apporter des présents. " Il s'écoula peu de temps avant que des gens apportent cinq sacs contenant chacun mille dinars, envoyés par Mu'âwiya, avec ce message : " Excuse-moi pour la modicité de ce présent, destiné à tes disciples. "

Hussayn fit signe de donner les cinq sacs à ce pauvre homme et il s'excusa auprès de lui : " Si j'avais su que c'était un cadeau si humble je ne t'aurais pas fait attendre si longtemps. "
a
6 janvier 2012 23:43
Citation
faqir a écrit:
Assalam alaikoum

De rien soeur sheera, que Dieu apaise nos âmes et nos coeurs.

Frère as300, la sagesse on peut la trouver partout, comme son inverse.

wa alaikoum assalam

La sagesse est partout, certes, mais certaines paroles rapportées par les chiites et attribuées aux Ahl ul bayt, sont insupportables que ce soit pour le coeur ou la raison
Oui, pour accepter ce qui est authentiquement rapporté quelle que soit la source, mais non aux mensonges chiites
f
7 janvier 2012 14:44
Assalam alaikoum

On ne peut mettre le problème sur un côté sans l’autre, et si on devrait maudire ceux qui, comme tu dis, ont fait déformé les paroles de Ahl al-Bayt, on devrait de même maudire ceux qui leur ont causé du tort et ont été injustes envers eux, sachant que déformer leurs paroles et leurs attitudes fait partie aussi de ce tort et de cette injustice.
a
7 janvier 2012 20:58
Citation
faqir a écrit:
Assalam alaikoum

On ne peut mettre le problème sur un côté sans l’autre, et si on devrait maudire ceux qui, comme tu dis, ont fait déformé les paroles de Ahl al-Bayt, on devrait de même maudire ceux qui leur ont causé du tort et ont été injustes envers eux, sachant que déformer leurs paroles et leurs attitudes fait partie aussi de ce tort et de cette injustice.

Wa alaikoum assalam

Ce n'est pas parce qu'on est persécutés que l'on doit obligatoirement attribuer des paroles mensongères au Prophète et aux Imams des Ahl Ul Bayt.
Ce sont deux problèmes différents.
Ali, Hassan, et Al Hussein ra ainsi que leur descendance n'a jamais rien inventé quoi que ce soit en religion pour s'opposer aux Omeyyades.
f
7 janvier 2012 22:03
Assalam alaikoum

Je suis d’accord avec toi que rien ne peut justifier le mensonge, surtout sur le Prophète (s.s.p.), et aussi sur les Ahl al-Bayt, et ceci est un problème qui a existé, et ses conséquences négatives sont encore là, de même rien ne peut justifier l'injustice, surtout envers les membres de la famille de la maison prophétique, alors que dans le Coran, il nous est exigé la bonne conduite vis-à-vis d'elle.



'Alî ibn Hussayn ibn 'Alî, appelé Zayn al-'Âbidîn

On lui demanda quel était l'homme le plus béni dans ce monde et dans l'autre. Il répondit que c'était celui qui, lorsqu'il est content, n'est pas incliné par son plaisir vers le mal, et, quand il est en colère, n'est pas emporté par sa colère au-delà des limites du bien. Tel est le caractère de ceux qui sont parvenus à une rectitude parfaite.

Quand Hussayn et ses enfants furent tués à Kerbelâ, il ne resta personne d'autre que'Alî Zayn al-'Âbidîn pour prendre soin des femmes ; et il était malade. Les femmes furent emmenées dévoilées sur des chameaux à Yazîd ibn Mu'âwiya - Dieu le maudisse ! - à Damas. Quelqu'un dit à 'A1î Zayn al-'Âbidîn : " Comment es-tu ce matin, ô 'Alî, et vous, membres de la famille de la Miséricorde ? " 'Alî Zayn al-'Âbidîn répondit : " Nous nous trouvons dans la même situation que le peuple de Moïse au sein du peuple du Pharaon, qui massacra leurs fils et captura leurs femmes vivantes; nous ne distinguons pas le matin du soir à cause de la réalité de notre affliction. Nous remercions Dieu pour les joies qu'Il nous a accordées et aussi pour les malheurs qu'Il nous a envoyés. "

Il est rapporté dans les " Anecdotes " que le calife Hishâm ibn 'Abd al-Mâlik ibn Marwân vint à La Mecque et fit les circumambulations autour de la Ka'ba. Il voulut embrasser la Pierre Noire, mais fut incapable de l'atteindre à cause de la foule. Il monta sur un escabeau pour y parvenir. A ce moment, arriva ‘Alî ibn Husayn, le visage auréolé de lumière : il commença à tourner autour de la Kabba. Quand il fut proche de la Pierre Noire, la foule s’écarta aussitôt pour qu'il puisse la baiser. Un Syrien ayant vu cela, dit à Hishâm : « Ô Emir, on ne t’a pas laissé t'approcher de la Pierre Noire. Qui est ce beau jeune homme devant qui tout le monde s'est retiré ? » Hishâm répondit : « Je ne le connais pas. » Il feignit l'ignorance, de peur que ses partisans n'éprouvent à son égard un moindre degré de vassalité.

Alors, le poète Farazdaq s'avança et récita le poème suivant :

« C’est lui dont les pas sont connus par la vallée de La Mecque,
Celui que connaissent le Sanctuaire, le territoire béni et non béni,
Il est le fils du meilleur de tous les serviteurs de Dieu.
Il est le pieux, l'élu, le pur, le glorieux. »

Hishâm devint furieux et jeta Farazdaq en prison. ‘Alî lui envoya une bourse contenant 12 000 dirhams ; mais le poète la refusa en disant : « Ô petit-fils de l'Envoyé de Dieu, j'ai composé beaucoup de poèmes pour de l'argent, et composé de nombreux éloges de princes et de gouverneurs; mais ce poème se voulait une expiation partielle de mes péchés, et une preuve de mon affection pour la famille du Prophète. » Quand le message fut parvenu à 'Alî, celui-ci supplia le poète de ne pas l'obliger à reprendre ce qu'il avait donné, et Farazdaq accepta à la fin cet argent.
a
7 janvier 2012 22:14
Effectivement, la bonne conduite envers les Ahl Ul Bayt est un ordre direct clair et net du Prophète
Et on ne peut imaginer ces modèles s'opposer à leurs ennemis par autre chose que le Coran et la Sunna
On ne peut les imaginer maudire les compagnons du Prophète ou quoi que ce soit qui aille à l'encontre de la sagesse Prophétique
f
9 janvier 2012 15:50
Assalam alaikoum


Abû Ja'far Muhammad ibn 'Ali ibn Husayn al-Bâqir


Certains disent que son " nom d'honneur " était Abû 'Abdallâh.

Son surnom était Bâqir. Il se distinguait par sa connaissance des sciences ésotériques et par ses commentaires subtils sur la signification du Coran (ce que donne comme signification son nom al-Bâqir).

On rapporte qu'un jour, un roi, qui désirait le détruire, le convoqua. Quand Bâqir apparut, le roi lui demanda pardon, lui offrit des présents, et le congédia courtoisement. Interrogé sur la raison pour laquelle il s'était comporté ainsi, le roi répondit : " Quand il est entré, j'ai vu deux lions, l'un à sa main droite et l'autre à sa main gauche, qui menaçaient de me tuer si je tentais de lui faire du mal.

" Dans son explication du verset : " Quiconque ne croit pas aux tâghût et qui croit en Dieu " (Coran, II, 257), Bâqir dit : " Tout ce qui t'éloigne de la contemplation de la Vérité est ton tâghût. "

L'un de ses amis intimes raconte que, lorsqu'une partie de la nuit s'était écoulée et que Bâqir avait terminé ses litanies, il s'écriait :

" Ô mon Dieu et mon Seigneur, la nuit est venue, et le pouvoir des monarques a cessé, et les étoiles brillent au ciel, et tous les êtres humains sont endormis et silencieux, et les Banû Umayya sont allés se reposer, ont fermé leur porte, et ont aposté des gardes pour veiller sur eux ; et ceux qui désiraient obtenir d'eux quelque faveur ont oublié leur demande. Toi, Ô Dieu, Tu es le Vivant, le Permanent, le Voyant, le Connaissant. Le sommeil et la somnolence ne peuvent s'emparer de Toi : celui qui ne reconnaît pas que Tu es tel que je T'ai décrit est indigne de Tes bontés.

Ô Toi qu'aucune chose ne retient d'accomplir une autre chose, dont l'éternité n'est pas divisée par le jour et la nuit, dont les portes de la miséricorde sont ouvertes à tous ceux qui T'invoquent, et dont les trésors touts entiers sont octroyés à ceux qui Te louent.

Tu ne chasses jamais le mendiant, et aucune créature au ciel ou sur la terre ne peut empêcher le vrai croyant qui T'implore d'avoir accès à Ta cour. Seigneur, quand je me rappelle la mort, le tombeau et le Jugement, comment puis-je trouver de la joie en ce monde ? C'est pourquoi, puisque je reconnais que Tu es un, je Te supplie de m'accorder la paix à l'heure de ma mort, sans tourment, et la joie à l'heure du Jugement, sans châtiment. "
f
10 janvier 2012 19:13
Assalam alaikoum

Abû Muhammad Ja'far ibn Muhammad Sâdiq

Il est réputé chez les cheikhs soufis pour la subtilité de ses paroles et sa connaissance des vérités spirituelles, et il a écrit des traités célèbres sur le soufisme. On rapporte qu'il disait : " Quiconque connaît Dieu se détourne de tout le reste. " Le Connaissant ('ârif) abandonne tout ce qui est autre que Dieu; il se sépare de toutes les choses terrestres, parce que sa Connaissance (ma'rifa) est pure nescience (nakira), étant donné que la nescience est englobée dans sa connaissance, laquelle fait partie de sa nescience. Aussi le 'ârif est-il loin des hommes ; il ne pense pas à eux ; il est uni (par sa conscience) à Dieu. Les autres n'ont pas de place dans son cœur quand même son attention serait attirée par eux, et leur existence n'a pas de valeur pour lui, quand même il attacherait son esprit à se souvenir d'eux.

Et l'on rapporte qu'il a dit : « Il n'y a pas de véritable pratique religieuse sans repentir, parce que Dieu a placé le repentir avant la pratique religieuse, et a dit : " Ceux qui reviennent à Dieu " et " Ceux qui se livrent à des exercices de piété " (Coran, IX, 112).

Le repentir (tawba) est la première étape sur cette voie, et la pratique ('ibâdât) est la dernière. Quand Dieu a parlé de ceux qui désobéissent, Il les a appelés au repentir et a dit : " Revenez tous à Dieu " (Coran, XXIV, 31). Mais quand Il a parlé du Prophète, Il a fait allusion à son état de serviteur ('ubûdiyya) et a dit : " Et Il révéla à son Serviteur ce qu'il lui révéla " (Coran, LIII, 10). »

J'ai lu dans les " Anecdotes " que Dawûd Tâ'î vint chez Ja'far Sâdiq et lui dit : « Ô, descendant de l'Envoyé de Dieu, conseille-moi, car mon esprit est obscurci. »

Ja'far répondit : « Ô Abû Sulaymân, tu es l'ascète de ton époque : quel besoin as-tu que je te donne un conseil ? »

Il répondit : « Ô descendant du Prophète, ta famille est supérieure à toute l'humanité, et Il t'incombe de donner des conseils à tout le monde.

Ô Abû Sulaymân, s'écria Ja'far, je crains qu'à la Résurrection mon aïeul se saisira de moi, disant : " Pourquoi n'as-tu pas rempli l'obligation de suivre nos traces ? " Ce n'est pas un problème qui dépende d'une parenté sûre et authentique, mais de la bonne conduite en présence de Dieu. »

Dawûd Tâ'î se mit à pleurer et s'écria : « Ô Seigneur Dieu, si celui dont l'origine est la famille du Prophète, son aïeul le Prophète, et dont la mère est Fâtima, est troublé par la perplexité, qui suis-je pour être satisfait de mon comportement envers Dieu ? »

Un jour, ja'far dit à ses serviteurs : « Allons, faisons le pacte que celui d'entre nous qui sera sauvé au Jour de la Résurrection intercédera pour tous les autres. » Ils dirent : « Ô descendant de l'Envoyé de Dieu, comment peux-tu avoir besoin de notre intercession puisque ton aïeul intercédera pour toute l'humanité ? » Ja'far répondit : « Mes actions sont telles que j'aurai honte de regarder mon grand-père en face au dernier Jour. » Voir ses propres fautes est une qualité de perfection, et elle caractérise ceux qui sont établis en la présence divine, qu'ils soient prophètes, saints ou envoyés. Le Prophète a dit : « Quand Dieu souhaite du bien à un homme, Il lui montre ses fautes. » Quiconque courbe la tête avec humilité, comme un serviteur, Dieu exaltera son état dans les deux mondes.

Si je voulais mentionner tous les membres de la famille du Prophète et leur noble conduite, ce livre et des dizaines d'autres ouvrages ne suffiraient pas pour contenir le dixième de ce qu'il conviendrait de dire. Pour les gens intelligents, qui sont capables de comprendre, ce que j'ai rapporté suffira.
f
12 janvier 2012 19:11
Assalam alaikoum



Les gens du Banc (Ahl-i suffa)

A présent, je vais mentionner (l'auteur parle) brièvement les gens du Banc (ahl-i suffa). En un traité intitulé " Le sentier de la religion " (Minhâj al-dîn) que j'ai composé avant le présent ouvrage, j'ai donné une notice détaillée concernant chacun deux; il suffira ici que je mentionne leurs noms et leur généalogie.

Sachez que tous les musulmans sont d'accord pour dire que le Prophète avait un certain nombre de Compagnons qui vivaient dans sa mosquée et étaient occupés à la dévotion, renonçant au monde et refusant de chercher des moyens d'existence. Dieu fit des reproches au Prophète à leur sujet, et dit : « Ne repousse pas ceux qui prient matin et soir leur Seigneur et qui recherchent Sa Face. » (Coran, VI, 52). Leurs mérites sont proclamés par le Livre de Dieu et dans de nombreuses traditions du Prophète qui sont venues jusqu'à nous. Il est rapporté par Ibn 'Abbâs que le Prophète, passant devant les gens du Banc, vit leur pauvreté et leur ascèse, et dit : " Réjouissez-vous ! Car quiconque dans ma Communauté persévère dans l'état où vous vous trouvez et est satisfait de sa condition, sera l'un de mes camarades au paradis. " Parmi les Ahl-i suffa, étaient : Bilâl ibn Rabâh, Salmân al-Fârisî, Abû Ubayda ibn al-Jarrâh, Abû-'l-Yaqzan 'Ammâr ibn Yâsir, Abdallâh ibn Mas'ûd al-Hudhalî, son frère, 'Utba ibn Mas'ûd, Miqdâd ibn al-Aswad, Khabbâb ibn al-Aratt, Suhayb ibn Sinân, 'Utba ibn Bhazwân, Zayd ibn al-khattâb, le frère du calife 'Umar; Abû Kabsha ; Abû-'l-Marthad Kinâna ibn al-Husayn al-'Adawî ; Sâlim ; 'Ukkâsha ibn Mihsan ; Mas'ûd ibn Rabi' al-Fârisî ; Abû Dharr Jundab ibn Junâda al-Ghifâri: 'Abdallâh ibn 'Umar; Safwân ibn Baydà ; Abû Dardâ 'Uwaym ibn Amir; Abû Lubâba ibn 'Abd al-Mundhir; 'Abdallâh ibn Badr al-Juhani et Abû Lubâba ibn 'Abd al-Mundhar.

Le shaykh Abû 'Abd al-Rahmân Muhammad ibn al-Husayn al-Sulamî, le traditionnaire du soufisme et le transmetteur des paroles des shaykhs soufis, a rédigé une histoire séparée des Ahl-i suffa, dans lequel il relate leurs vertus, leurs mérites, leurs noms et leur généalogie. Il a inclu parmi eux Mîstah ibn Uthâtha ibn 'Abbâd, que je n'aime pas parce qu'il a été instigateur des calomnies au sujet de 'Aïcha, la mère des croyants.

En vérité, l'époque des Compagnons était la meilleure des époques, et ils étaient les meilleurs et les plus savants hommes de leur temps, étant donné que Dieu leur avait accordé la compagnie du Prophète, et avait préservé leurs cœurs de toute tache.
f
14 janvier 2012 19:13
Assalam alaikoum


Les Imâms qui étaient du nombre des disciples des Compagnons (Al-Tâbi'ûn)



Uways al-Qaranî


Il vivait au temps du Prophète, mais fut empêché de le voir, tout d'abord par l'extase qui le dominait, et ensuite par son devoir envers sa mère.

Le Prophète dit aux Compagnons : « Il y a un homme à Qaran, appelé Uways qui, à la Résurrection, intercédera pour une multitude de ma communauté, autant que les moutons de Rabi'a et Mudar. » Puis, se tournant vers 'Umar et 'Alî, il dit : « Vous le verrez c'est un homme de taille moyenne, chevelu ; sur son côté gauche, il y a une tache blanche, grande comme un dirham, qui ne provient pas de la lèpre, et il a une tache semblable sur la paume de la main. Quand vous le verrez, donnez-lui mon salut, et demandez-lui de prier pour ma communauté. »

Après la mort du Prophète, 'Umar se rendit à La Mecque, et cria au milieu d'un sermon : « Ô hommes de Najd, y a-t-il des natifs de Qaran parmi vous ? » Ils répondirent : « Oui » ; sur quoi 'Umar les fit venir et les interrogea au sujet d'Uways, ils dirent : « C'est un fou qui demeure dans la solitude et ne s'associe à personne. Il ne mange pas ce que mangent les hommes, et il ne connaît ni joie, ni chagrin. Quand les autres sourient, il pleure, et quand les autres pleurent, il sourit. » 'Umar dit : « Je désire le voir ». Ils répondirent : « Il vit dans un désert, loin de nos chameaux. » 'Umar et 'Alî partirent vers lui et le trouvèrent en train de prier.

Ils attendirent qu'il ait terminé. Il les salua et leur montra les marques sur son côté et sur la paume de sa main. Ils lui demandèrent sa bénédiction et lui apportèrent le salut du Prophète et lui demandèrent de prier pour la communauté musulmane. Après qu'ils furent restés avec lui pendant un temps, il dit : « Vous avez pris la peine de venir me voir; à présent, retournez, car la Résurrection est proche, et nous nous reverrons là, sans avoir besoin de nous dire adieu. A présent, je suis occupé à me préparer pour la Résurrection. »

Quand les hommes de Qaran revinrent chez eux, ils témoignèrent un grand respect à Uways. Il quitta son lieu de naissance et vint à Kûfa. Un jour, il fut aperçu par Harim ibn Hayyân, mais ensuite personne ne le vit plus jusqu'à la période des malheurs de la guerre. Il se battit pour 'Alî, et tomba martyr à la bataille de Siffîn. « Il a vécu pur et est mort martyr. » On rapporte qu'il disait : « La sécurité se trouve dans la solitude parce que le cœur du solitaire est libéré de la pensée des autres et, en aucune circonstance, il n'espère quelque chose des hommes. » Que nul ne s'imagine, toutefois, que la solitude consiste seulement à vivre seul. Tant que le Démon s'associe au cœur d'un homme, et que la passion sensuelle règne dans son sein, et qu'une pensée quelconque de ce monde-ci ou de l'autre lui advient de manière à le rendre conscient du reste des hommes, il n'est pas vraiment dans la solitude ; étant donné que c'est exactement la même chose qu'il prenne plaisir à la chose elle-même ou à la pensée de cette chose.

En conséquence, le véritable solitaire n'est pas dérangé par la compagnie, mais celui qui est perturbé cherche en vain à se libérer des pensées en s'isolant, Afin d'être séparé des hommes, on doit devenir intime avec Dieu ; et celui qui est devenu intime avec Dieu n'est pas blessé par les relations humaines.
f
16 janvier 2012 18:16
Assalam alaikoum



Harim ibn Hayyân al-Abdî



Il alla rendre visite à Uways Qaranî, mais, en arrivant à Qaran, il apprit qu'Uways n'était plus là. Profondément désappointé, il retourna à La Mecque, où il apprit qu'Uways vivait à Kûfa. Il s'y rendit, mais ne le trouva pas. A la fin, il partit pour Basra et en route, il vit Uways, vêtu d'un froc rapiécé, accomplissant ses ablutions au bord de l'Euphrate. Aussitôt qu'il vint de la rive du fleuve en peignant sa barbe. Harim s'avança à sa rencontre pour le saluer ; Uways dit : « Que la paix soit sur toi, ô Harim ibn Hayyân ! » Harim s'écria : « Comment sais-tu que je suis Harim ? » Uways répondit : « Mon esprit connaît ton esprit. » Il dit à Harim : « Surveille ton cœur », c'est-à-dire : garde ton cœur de toute pensée concernant les autres.

Cette parole a deux significations :

1. « Rends ton cœur obéissant à Dieu par l'ascèse »;

2. « Rends-toi obéissant à ton cœur ».

Ce sont là deux principes importants. C'est l'affaire des disciples de rendre leurs coeurs obéissants à Dieu afin de les purifier de la familiarité avec les désirs et les passions vaines, et de les éloigner des pensées impures, et de les attacher aux moyens d'obtenir la santé spirituelle, à observer les prescriptions religieuses, et à contempler les signes de Dieu, de sorte que leurs coeurs puissent devenir la demeure de l'amour.

Se rendre obéissant à son propre cœur, c'est l'affaire des hommes parfaits, dont Dieu a illuminé le cœur par la lumière de la Beauté, et libéré de tous les moyens et causes, et revêtu de la robe de la proximité et ainsi leur a révélé Ses bontés, et les a choisis pour Le contempler et être près de Lui ; aussi a-t-il rendu leurs corps en accord avec leurs coeurs. Ceux de la première catégorie sont les maîtres de leurs coeurs, ceux de la deuxième sont sous l'emprise de leurs coeurs ; les premiers conservent leurs attributs, les seconds les ont perdus.

La vérité en cette matière repose sur les paroles de Dieu : « A l'exception de ceux de Tes serviteurs qui sont purifiés (mukhlasîna) » (Coran, XV, 40). Certains lisent mukhlisîna au lieu de mukhlasîna. Le mukhlas (purifié) est passif, et a perdu ses attributs. Ceux de la seconde catégorie, qui accordent leur corps et leur coeur, et dont le coeur demeure dans la contemplation de Dieu, ont un rang plus élevé que ceux qui, par leurs propres efforts, font obéir leur cœur aux commandements de Dieu. Ce sujet est fondé sur les principes de la sobriété et de l'ivresse et sur ceux de la contemplation et de l'ascèse.
f
21 janvier 2012 16:18
Assalam alaikoum


Abû Sa'îd al-Hasan ibn Abû al-Hassan Yassâr Basrî

Certains ont appelé son aïeul Abû Muhammad. Il est tenu en grande estime par les soufis. Il a donné des indications subtiles concernant les relations humaines. J’ai lu dans les " Anecdotes " qu'un bédouin vint le voir et l'interrogea sur la patience. Hassan répondit : « Il y a deux patiences ; celle qu'on a dans l'infortune et l'affliction, et celle dont on s'arme pour s'abstenir de ce que Dieu nous a interdit. » Le bédouin dit : « Tu es un ascète ; je n'ai jamais vu quelqu'un de plus ascète ni de plus patient que toi. - Ô bédouin ! S’écria Hassan, mon ascétisme n'est rien que désir, et ma patience n'est rien que manque de force d'âme. » Le bédouin le supplia d'expliquer cette parole, « car, dit-il, tu as troublé ma foi ». Hassan répondit : « Ma patience dans l'infortune et ma soumission manifestent ma peur du feu de l'enfer, et ceci est un manque de force d'âme (jaza') : et mon ascétisme en ce monde est un désir pour l'autre monde, et c'est là la quintessence du désir. Combien excellent est celui qui ne pense pas à son propre intérêt, de telle sorte que sa patience est pour l'amour de Dieu, non pour échapper à l'enfer; et son ascétisme est pour l'amour de Dieu, non en vue d'aller au paradis ! »



Et on rapporte qu'il a dit : « L'association avec les méchants engendre le soupçon des bons. » Cette parole est très juste et convient aux hommes de notre époque qui, tous, ne croient pas aux amis honorés de Dieu. La raison de ce manque de confiance est qu'ils fréquentent de prétendus soufis, qui n'en ont que l'apparence et comme ils s'aperçoivent que leurs actions sont perfides, leurs langues fausses, leurs oreilles écoutant des paroles vaines, leurs yeux regardant les appas sensuels, et leur ardeur consacrée à amasser des richesses illicites et convoitées, ils s'imaginent que les aspirants au soufisme se conduisent de la même façon, ou que telle est la doctrine du soufisme même, alors qu'au contraire, les soufis agissent en obéissant à Dieu, et leur langue répète la parole de Dieu, et leurs oreilles écoutent les préceptes de la Loi religieuse (sharia) et leurs yeux contemplent la Beauté divine, et toutes leurs pensées sont attachées à connaître les mystères sacrés au lieu où la vision leur est accordée. Si de mauvaises gens sont apparues parmi eux, et ont adopté leurs pratiques, le mal incombe à ceux qui l'ont commis. Quiconque s'associe avec des hommes pervers le fait à cause de sa propre perversité, car il s'associerait avec des hommes de bien s'il se trouvait quelque bien en lui.

Chacun cherche qui lui ressemble et il est lui-même responsable des compagnons qu'il choisit. Les gens qui critiquent les soufis sont les pires, car, au lieu des vrais soufis, ils ont choisi de prétendus soufis et ils les ont considérés comme leurs modèles.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 22/01/12 20:03 par faqir.
f
22 janvier 2012 20:04
Assalam alaikoum


Abû Muhammad Sa'îd ibn al-Mussayyib

On dit que c'était un homme à la nature pieuse qui se donnait l'apparence de l'hypocrisie et non un hypocrite prétendant être dévot. Cette manière d'agir est approuvée dans le soufisme, et est considérée louable par tous les cheikhs. Il disait : « Satisfais-toi d'un peu de ce monde tandis que ta foi est assurée; certains se satisfont de beaucoup tandis que leur foi est perdue », c'est-à-dire que la pauvreté sans atteinte à la religion est meilleure que la richesse insouciante.

On rapporte que, lorsqu'il était à La Mecque, un homme vint à lui et lui demanda : « Cite-moi une chose licite en laquelle ne se trouve rien d'illicite et une chose illicite dans laquelle ne se trouve rien de licite. » Il répondit : « La mémoration (dhikr) de Dieu est une chose licite dans laquelle il n'y a rien d'illicite, et la mémoration de quoi que ce soit d'autre est une chose illicite dans laquelle il n'y a rien de licite », parce que votre salut est dans la première de ces choses, et votre perdition dans la seconde.
f
23 janvier 2012 16:48
Assalam alaikoum


 
Râbïâ al-'Adawiya née à Basra au 8e siècle (2e siècle de l'hégire).

La nuit où Râbi'â vint sur terre, il n'y avait rien dans la maison de son père, qui était très pauvre : pas même une goutte d'huile ni un morceau de tissu pour l'envelopper. Râbi'â était sa quatrième fille, c'est pourquoi lui fut donné ce nom (« la quatrième »). « Va demander à notre voisin un peu d'huile, que j'allume la lampe », dit sa femme. Or, le père avait fait vœu de ne jamais rien demander à personne. Il s'en alla donc, et se contenta de poser la main sur la porte du voisin, puis il revint,  « Ils n'ouvrent pas la porte », dit-il. La pauvre femme pleura amèrement. Plein d'angoisse, le père s'endormit, et vit en songe le Prophète.

« Ne t'afflige pas, lui dit le Prophète, cette petite fille qui vient de naître est une reine d'entre les femmes, qui priera pour soixante-dix mille membres de ma communauté. Va demain chez Isa-e Zadan, le gouverneur de Basra. Écris sur un bout de papier ce qui suit : « Chaque nuit, tu m'adresses cent bénédictions, et chaque nuit de Vendredi, quatre cents. Hier soir, était Vendredi, et tu m'as oublié. En expiation, remets à cet homme quatre cents dinars légitimement acquis. »

Se réveillant, le père de Râbi'â fondit en larmes, écrivit ce que le Prophète lui avait dicté, et envoya le message au gouverneur par l'entremise d'un chambellan.

« Donnez aux pauvres deux mille dinars en remerciement de ce que le maître se soit souvenu de moi », ordonna le gouverneur lorsqu'il prit connaissance de la missive, « Donnez aussi quatre cents dinars au sheikh, et dites-lui : « Je souhaiterais que tu viennes afin que je puisse te voir. Mais je ne trouve pas convenable qu'un homme comme toi se dérange pour venir chez moi. Je préférerais frotter ma barbe sur ton seuil. Toutefois, je t'en adjure par Dieu, si tu as besoin de quoi que ce soit, fais-le moi savoir. »

Le père de Râbi'â prit l'or et acheta tout ce qui lui était nécessaire.

Quand Râbi'â fut un peu plus âgée, son père et sa mère moururent; une famine sévit à Basra, et ses sœurs furent dispersées. Râbi'â s'aventura dehors, et un mauvais homme s'empara d'elle et la vendit pour six dirhams. Son maître la fit travailler durement. Un jour, elle marchait sur la route quand un étranger s'approcha. Râbi'â s'enfuit. En courant, elle tomba de tout son long et se démit la main.

« Seigneur Dieu, s'écria-t-elle en se prosternant face contre terre, je suis étrangère, orpheline de père et de mère, prisonnière impuissante, la main brisée. Cependant, je ne m'afflige pas. Tout ce que je désire, c'est Ton bon plaisir, savoir si Tu es ou non satisfait de moi. » « Ne pleure pas, lui dit une voix. Demain, tu auras un « degré » tel que les chérubins du ciel t'envieront. »

Râbi'â retourna donc chez son maître. Le jour, elle jeûnait et servait Dieu, et la nuit elle se tenait debout en prière jusqu'au jour. Une nuit, son maître se réveilla de son sommeil, et, regardant par la fenêtre de sa chambre, aperçut Râbi'â qui se prosternait en disant : « O Seigneur, Tu sais que le désir de mon cœur est de me conformer à Tes ordres et que la lumière de mes yeux est de Te servir. Si la chose ne dépendait que de moi, je ne cesserais pas une seule heure de Te servir; mais c'est Toi-même qui m'as soumise à une créature. » Ainsi priait-elle. Son maître vit une lanterne suspendue sans aucune chaîne au-dessus de la tête de Râbi'â; sa lumière illuminait toute la maison. Voyant cela, il s'effraya, et réfléchit jusqu'à l'aube. Au lever du jour, il appela Râbi'â, lui témoigna de la bienveillance et la libéra. « Permets-moi de partir », lui dit-elle. Il accepta.

Désormais libre, elle part avec Abda, sa confidente, et va vivre dans une maison plus que modeste, une simple hutte de roseau, y passant ses nuits dans la prière. Abda, qui vivra avec elle cette nouvelle vie jusqu'à son terme, a recueilli ses dires et nous les a transmis :

Hadith de 'Abda bint Abi Sawal, servante de Rabi'a : « Rabi'a priait toute la nuit. Lorsque l'aurore apparaissait, elle faisait un léger somme sur son tapis de prière, jusqu'à ce que l'aurore dévoile complètement le jour. Alors, je l'entendais dire, tandis qu'elle bondissait de sa couche, saisie de frayeur : « Ame charnelle, comme tu dors longtemps ! Et combien peu de temps tu passes à prier ! Tu es sur le point de t'endormir d'un sommeil dont tu ne te réveilleras qu'au cri poussé le jour de la résurrection ».
 
Elle voyagea quelque temps dans le désert puis elle s'arrêta, « O Dieu, cria-t-elle, mon cœur est las. Où est-ce que je vais ? Je suis une motte d'argile, et Ta maison est une pierre! J'ai besoin de Toi ici. » Dieu lui inspira en son cœur, « Râbi'â, n'as-tu pas vu comment Moïse a prié pour Me voir ? J'ai envoyé quelques miettes de révélation sur la montagne, et la montagne s'est effondrée1. Satisfais-toi ici de Mon nom! »

Un jour de printemps, elle alla dans sa chambre et baissa la tête en méditation. Sa servante lui dit : « O maîtresse, viens voir dehors les merveilleuses œuvres de Dieu. » « Non, répondit-elle; entre, toi, afin de pouvoir contempler leur Créateur. La contemplation du Créateur m'empêche de contempler ce qu'il a créé. »

Un jour, Hassan de Basra, Mâlik ibn Dînâr et Shakîk de Balkh vinrent rendre visite à Râbi'â qui était malade. Hassan dit : «Personne n'essincère dans sa prétention d'aimer Dieu s'il ne supporte avec patience les coups de son Seigneur. » Râbî'â dit : «Ceci a un relent d'égoïsme.» Shakîk dit à son tour : « Nul n'est sincère dans sa prétention à moins de rendre grâces pour les coups de son Seigneur. » Râbi'â dit : « Ceci peut être amélioré. » Mâlik ibn Dînâr dit : « Nul n'est sincère dans sa prétention s'il ne se réjouit des coups de son Seigneur. » Râbi'â dit : « Ceci doit encore être amélioré. » Ils lui dirent : « Parle donc toi. » Elle dit : «Personne n'est sincère dans sa prétention à moins d'oublier les coups en contemplant son Seigneur. »

Rabi'a, fidèle au Message coranique, très tôt, a compris que Dieu Seul compte. Les créatures, mêmes celles qui nous sont les plus chères ou qui méritent le mieux notre intérêt, ne comptent pas face à Lui. Les motifs qu'elle met en avant pour justifier ce détachement nécessaire révè­lent la finesse de sa psychologie spirituelle. Ainsi pour elle, passer son temps à blâmer le monde, c'est encore trop s'en occuper. Ce qu'il faut, c'est l'oublier pour ne penser qu'à Dieu.

A ceux qui lui demandent comment elle est parvenue à ce degré spirituel elle répond :

« De Abu Ali al-Faqih ». On demanda à Rabi'a : Comment es-tu parvenue à ce haut degré de vie spirituelle ? Elle répondit : En disant toujours : Mon Dieu, je me réfugie auprès de Toi contre tout ce qui me détourne de Toi et contre tout obstacle entre Toi et moi ».
 
Pour elle encore, il faut se détacher des biens de ce monde et ses richesses. Toujours elle refuse les dons que lui offrent ses amis pour subvenir à ses besoins. Mais elle ne le fait que parce qu'elle a conscience que les biens terrestres n'appartiennent qu'à Dieu et elle, elle ne veut dépendre que de Lui.

De nombreux textes nous la montrent refusant les demandes en mariage que lui adressent les personnages les plus divers et les plus réputés, depuis son ami Sufyan al-Tawri jusqu'au Prince de Basra lui-même. « Te marieras-tu un jour ? » lui demanda-t-on. Et elle, de répondre : « Le mariage est obligatoire pour qui est libre de choisir. Mais moi, je n'ai pas la libre disposition de moi-même. J'appartiens à Dieu et vis à l'ombre de Ses ordres. Ma personne n'a pas de valeur. »

Son amour pour Dieu l'envahit entièrement au point qu'elle oublie tout le reste. Elle ne sent même pas la douleur lorsqu'il lui arrive de se blesser. Il en est de même pour les souffrances morales et les épreuves. Pour elle tout vient de Dieu. Voici quelques citations d'elle à ce sujet :
 
« On demanda à Rabi'a, aimes-tu Dieu ? — Oh certes, je L'aime réellement ! — Et Satan, le haïs-tu ? — Mon amour pour Dieu m'empêche de m'occuper à haïr Satan. » « Sa tête heurta le coin d'un mur. Cela la fit saigner, mais elle ne s'en occupa point. On lui dit : « Tu ne sens pas la douleur ? — Je suis tellement occupée à me conformer à la Volonté de Dieu en tout ce qui arrive que cela m'empêche de sentir ce que vous voyez. » « On demanda à Rabi'a : Quand le fidèle est-il satisfait ? — Quand le malheur le réjouit autant que le bonheur. »
 
Mais Rabi'a va plus loin. Non seulement aimer Dieu Seul et aspirer à Le voir dans l'Au-delà, mais aussi surtout L'aimer pour Lui Seul, sans rechercher aucune récompense. On lui demanda un jour : « Comment désires-tu le paradis ? » Elle répondit : « Le voisin avant la maison ».

Elle tomba malade, ses visiteurs lui dirent : Quelle est la cause de ta maladie ? — J'ai porté le regard de mon cœur vers le paradis et il m'a fait mal. Alors je me suis repentie en me promettant de ne plus y revenir. »

« On raconte qu'un grand nombre de saintes gens vinrent trouver Rabi'a. Elle demanda à l'un d'eux : « Toi, pourquoi adores-tu Dieu ? — Parce que je crains l'Enfer. Un autre dit : « Moi, je L'adore par crainte de l'enfer et par désir du paradis. Rabi'a dit alors : « Quel mauvais adorateur que celui qui adore Dieu par espoir d'entrer au paradis et par crainte de l'enfer ». Elle ajouta : « Et s'il n'y avait ni paradis ni enfer, n'adorerais-tu pas Dieu ? Ils lui demandèrent : « Et toi, pourquoi adores-tu Dieu ? » Elle répondit : « Je Le sers pour Lui-même. Ne me suffit-il pas qu'il me fasse la grâce de m'ordonner de L'adorer ? » « Par Ta puissance ô Dieu, je ne T'ai pas adoré par désir de Ton paradis mais par amour pour Toi. Ce n'est pas le paradis que j'aurai passé ma vie à rechercher. »
 

De Sufyan al-Tawri : elle disait : « Mon Dieu, tout le bien que Tu as décrété pour moi en ce monde, donne-le à Tes ennemis. Tout ce que Tu as décrété pour moi dans le paradis, donne-le à Tes amis. Moi, je ne cherche que Toi Seul ! » Elle disait aussi : « Mon Dieu, si je T'ai adoré par crainte de l'enfer, brûle-moi à son feu. Si c'est par désir du paradis, interdis-le-moi. Mais si je ne T'ai adoré que pour Toi Seul, alors ne m'interdis pas de contempler Ta beauté impérissable! »

Un homme dit à Râbi'â : « J'ai commis de nombreux péchés; si je me repens, Dieu Se tournera-t-il vers moi ? » Elle répondit : « Non; mais s'il se tourne vers toi, tu te repentiras. »
f
28 janvier 2012 21:42
Assalam alaikoum



Dhu'l Noûn al-miçri


Originaire d'Akhmim, aux confins de la Haute-Égypte, il naquit de parents nubiens vers 180/795. Son nom était Aboû'l Faydh (ou Fayyâdh) Thawbân ibn Ibrahim (ou ibn al-Faydh ibn Ibrahim). D'où lui vint son surnom de Dzoû'l Noûn, l'Homme au Poisson ? Peut-être l'assuma-t-il comme un nom initiatique ? Dzoû'l Noûn, dans le Coran, c'est le prophète Jonas, qui fut avalé et rejeté par la baleine, et le poisson est le symbole des palingénèses qui font germer la vie temporelle à l'immortalité.

L'origine de sa conversion à la vie mystique aurait été une vision assez étrange : s'étant couché pour dormir au pied d'un arbre, il vit tomber de son nid à terre un petit oiseau aux yeux encore fermés ; pour nourrir l'infortuné, deux coupes, l'une d'or pleine de graines de sésame, l'autre d'argent pleine d'eau fraîche, sortirent du sol. Dzoû'l Noûn considéra ce rêve ou ce prodige comme un avertissement céleste, envoyé par Celui qui nourrit toutes les créatures et qui est lui-même, comme devait le dire un siècle plus tard Al-Makkî, « la nourriture de l'univers » ; il rentra chez lui, renonça au monde et se tint à la porte de la divine sagesse et de l'éternel amour jusqu'à ce qu'il ait été accepté.

Il partit surtout à la recherche de la Connaissance et de l'Amour à travers les déserts et les montagnes, s'efforçant de rencontrer et d'interroger des ermites, des ascètes, des initiés, des « fous » épris d'amour jusqu'à mourir. On ne peut sans doute considérer comme strictement authentiques tous les détails de ces « rencontres » émouvantes et stylisées, mais on peut en déduire la quête fervente du voyageur comme l'existence de nombreux ascétères dans les solitudes de l'Egypte, de la Palestine et de la Syrie au début de ce IIIe siècle de l'Hégire (IXe de l'ère chrétienne). Ces ascétères musulmans prenaient la suite de ceux des Pères du désert chrétiens sur une terre séculairement vouée aux chercheurs de Dieu. Il vit surtout des solitaires qui étaient venus chercher farouchement au désert un absolu qui se dérobait dans la vie ordinaire, voire des « insensés » qui ne pouvaient plus supporter les hommes et vivaient tant bien que mal avec leur propre cœur. Anxieusement il s'adressait à eux pour surprendre leur secret, leur demander un « conseil », obtenir leur prière, guetter sur leurs lèvres un mot révélateur, permettant de forcer la porte du mystère, éveillant par son énoncé des résonances efficaces capables de donner à son propre cœur le ton voulu dans l'indicible harmonie.

Certains de ces anachorètes visaient l'ascèse pure, au sens étymologique d'athlétisme spirituel ; absorbés par la crainte de l'enfer, ils ne songeaient qu'à traverser la vie terrestre en fuyant le monde et le péché pour gagner le plus vite possible un abri sûr. C'est ainsi que Dzoû'l Noûn rencontra dans le Liban une vieille femme dévote (moutà'abbida), ridée comme une outre vide, effrayante comme un revenant des tombes. « Quelle est ta patrie ? lui demanda-t-il. — Je n'ai pas de patrie, si ce n'est l'enfer, à moins que le Miséricordieux ne me pardonne. — Que Dieu te fasse miséricorde ! As-tu un conseil à me donner ? — Fais du Livre de Dieu une table et entretiens-toi avec Sa promesse et Sa menace (wa'd et wà'îd). Relève tes vêtements au-dessus des mollets (pour travailler énergiquement). Laisse de côté tout ce dont s'occupent les gens frivoles qui n'ont pas de certitude, qui ignorent les conséquences. »
 
D'autres lui parlèrent de l'espérance qui devient indéfectible quand le cœur est libéré. « Marchant sur le mont Moqattam (près du Caire), raconte-t-il, je me trouvai devant une grotte à l'entrée de laquelle un homme disait à haute voix : « Sois loué, ô Toi qui a purgé mon cœur du désespoir et l'a rempli d'espérance ! » C'était un homme très amaigri par les privations. Quand je m'approchai de lui, il partit. « Donne-moi un conseil », lui criai-je. Il s'arrêta un instant pour me dire : « Ne coupe pas ton espoir en Dieu, ne serait-ce que le temps d'un clin d'œil. N'interromps jamais tes relations avec Dieu et tu trouveras la joie le jour où les pêcheurs seront défaits. — Dis-moi encore quelque chose », insistai-je. Mais il me répondit : « Cela suffit », et prit la fuite.
 
D'autres insistèrent sur la nécessité de renverser le point de vue normal sur la vie, le monde et l'action, comme ce Bédouin qu'on lui avait signalé « comme ayant des signes des gens de la Connaissance » (ahl al-mà'rifa) et qui le fit attendre quarante jours avant de lui parler. « D'où es-tu et pourquoi es-tu venu ? — Pour trouver dans ta science ce qui peut m'aider à aller vers Dieu. — Crains Dieu, demande-Lui aide et confie-toi en Lui. » Et il retomba dans son silence, ses méditations et ses prières. Au bout de quelque temps, Dzoû'l Noûn insista : « Je suis un étranger venu de très loin. J'ai à t'interroger sur des choses qui se sont insinuées au plus profond de ma conscience. — Es-tu un élève, un maître ou un discuteur ? — Je suis un élève dans le besoin. — Alors reste dans la situation de l'élève déférent et discret ; sans quoi tu ne saurais profiter de l'enseignement des initiés. — Comment peut-on arriver à être de ces savants ? — Il faut sortir des entreprises et des généalogies, couper court à toutes les relations. »
 
Puis les étranges interlocuteurs finirent par mettre Dzoû'l Noûn dans la voie décisive de la connaissance et de l'amour qui mènent à l'unification (al-tawhîd).

Dans un désert d'Asie, il rencontra un jour un jeune homme vêtu seulement d'une ceinture d'herbes sèches autour des reins, qui lui demanda d'où il venait. « D'Egypte. — Où vas-tu ? — Je cherche l'intimité avec le Maître. — Eh bien ! abandonne ce monde. La quête sera fructueuse et tu trouveras l'intimité. — Tu dis vrai. Mais je voudrais plus de précisions pratiques pour obtenir la connaissance. — Ferme les yeux. »

Dzoû'l Noûn ferma les yeux et vit le ciel et la terre changés en or brillant.

— Comment arriver à cela ? dit-il, quand il eut relevé les paupières et revu le monde habituel. — Sois unique pour l'Unique, si tu es vraiment un serviteur.
 
Une autre fois, il entendit parler d'une jeune mouta'abbida qui vivait dans les ruines d'un monastère chrétien. Il s'y rendit et trouva une jeune fille au corps aminci, aux traits tirés par les veilles et les fatigues. Il la salua et lui demanda comment elle avait choisi pour retraite la demeure des chrétiens.

—    Lève la tête, dit-elle. Vois-tu dans les deux demeures autre chose que Dieu ?

—    Ne souffres-tu pas de cette sauvage solitude ?

—    Laisse-moi. Par celui qui remplit mon cœur de Son amour et de Sa subtile sagesse, je n'ai dans mon cœur aucune place pour un autre que Lui !

—    Je vois que tu es une sage (hakîma). Aide-moi à sortir de l'étroitesse où je me trouve et montre-moi la route.

—    O jeune homme! que la crainte de Dieu (lakwa) soit ta provision de voyage, que l'ascèse (zohd) soit ton chemin, que le scrupule (wara') soit ta monture ! Marche dans la voie des craintifs, jusqu'à ce que tu arrives à une porte où il n'y a plus ni rideau ni portier.

Et elle chanta ces vers : 

Celui qui connaît le Seigneur et n'est pas enrichi par cette connaissance, voilà le malheureux. Celui qui obéit à Dieu na rien perdu.
 
Dans un autre voyage, Dzoû'l Noûn rencontra un vieillard dont le visage était illuminé par le secret des initiés (ârifoûn) et lui demanda le chemin vers Dieu.

—    Si tu connaissais Dieu, répondit l'homme, tu connaîtrais aussi le chemin qui mène à Lui. Laisse de côté les différences et les divergences.

—    Mais les contradictions des oulémas ne sont-elles pas une miséricorde pour les gens ?

—   Oui, sauf dans la nudité de l'unification (tajrid al-tawhîd ).

—   Qu'est-ce, ô homme, que cette nudité de l'unification ?

—   C'est perdre de vue, pour L'aimer, tout ce qui n'est pas Lui.

—   Est-ce que l'initié (ârif) peut être gai ?

—   Est-ce qu'il peut être triste ?
 
—   Est-ce que celui qui a connu Dieu peut voir augmenter son angoisse ?

—   Non. Pour celui qui a connu Dieu, toute inquiétude disparaît.

—   Est-ce que le monde peut influencer le cœur des initiés ?

—   Est-ce que les pires épreuves elles-mêmes peuvent changer leurs cœurs ?

—   Celui qui connaît Dieu devient-il un sauvage ?

—   Certes non. Mais il est un exilé et un isolé.

—   Est-ce que l'initié regrette quelque chose ?

—   Est-ce qu'il connaît une autre chose que Dieu pour pouvoir la regretter ?

—   Est-ce que l'initié désire Dieu ?

—   Comment Le désirerait-il puisqu'Il ne le quitte pas même le temps d'un clin d'œil ?

—   Quel est le Nom Suprême ?

—   C'est de dire : Allah ! tout imprégné d'une vénération mêlée de crainte (hayba).

—   Je dis souvent : Allah ! mais cette hayba n'est pas en moi.

—   C'est parce que tu dis : Allah ! selon toi non selon Lui...

—   Donne-moi un conseil.

—   Il te suffit de savoir qu'Il te voit.

Dans une grotte du Liban, un homme aux cheveux blancs et à la barbe hirsute, maigre, poussiéreux, priait. Dzoû'l Noûn attendit qu'il eût terminé et salué de la tête l'ange de la droite et l'ange de la gauche pour l'aborder : « Salam ‘alaykoum. — 'Alaykoum as-salam. A la prière ! » Et l'homme se remit à la çalâ, imité par Dzoû'l Noûn. Puis posant, sa tête sur une pierre, il se mit à répéter indéfiniment : « Soubhân Allah. Louange à Dieu ! »

—    Que Dieu te fasse miséricorde ! finit par dire Dzoû'l Noûn. Fais pour moi un vœu.

—    Que Dieu te donne l'intimité !

—    Et encore.

—    O mon fils, celui qui a Dieu pour intime a reçu quatre dons : un honneur qui n'a besoin d'être connu par personne, une science sans étude, une richesse sans argent, une compagnie joyeuse sans compagnon.

Quelques de ses paroles

« La ma'rifa, disait Dzoû'l Noûn, est la communication que Dieu fait de la lumière spirituelle au plus profond des cœurs. » Loin de trouver dans cette gnose une raison d'orgueil, il y voyait le prix de la plus parfaite humilité, l'identification ne s'obtenant qu'au moyen de l'annihilation du moi. « Le gnostique 'ârif » devient chaque jour plus humble, car à chaque instant il se rapproche davantage de son Seigneur. » Et il n'est pas question de s'affranchir avec désinvolture des devoirs et des charges qui pèsent sur la condition humaine. « Tous les gens sont morts, sauf ceux qui savent ; et ceux qui savent sont morts, sauf ceux qui pratiquent ; et ceux qui pratiquent sont tous égarés, sauf ceux qui agissent avec l'intention droite ; et ceux qui agissent avec l'intention droite sont tous en grave danger. » Car il faut être vertueux, non par moralisme, mais pour le service de Dieu qui est la Vérité, et il faut trouver Dieu au-delà des vertus et des actes. L'initié ne peut être perpétuellement triste ni perpétuellement gai. Il est « dans ce monde comme un homme qui a été couronné de la couronne du miracle et placé sur un trône, mais au-dessus de sa tête, il y a un sabre suspendu par un cheveu, et devant la porte de sa chambre se tiennent deux lions menaçants. Il est plein de gloire, mais à chaque instant près de se perdre. »


L'initiation donne des devoirs nouveaux ; c'est une conversion supérieure dont le premier pas consiste à se repentir de l'insouciance (ghafla) comme le vulgaire doit se repentir de ses péchés. Elle ne dispense pas, en règle habituelle, des devoirs ordinaires, bien qu'elle les transcende. « La lumière de la Connaissance ne doit pas détruire le scrupule ; la science intérieure ne doit pas s'opposer à la science extérieure et l'abondance des charismes dont Dieu peut gratifier le 'arif ne doit pas l'inciter à transgresser les voiles de l'interdiction. Le signe visible de l'amour qu'on a pour Dieu est la fidélité à suivre les traces et les prescriptions de son envoyé. »

L'essentiel est la sincérité et cette pureté d'intention théocentriste qui donne aux œuvres une valeur surnaturelle. Dzoû'l Noûn, un jour d'hiver, vit, dans une plaine couverte de neige, un mazdéen adorateur du feu qui répandait du millet, par amour de Dieu, pour nourrir les oiseaux affamés. « Le grain que sème un infidèle ne germe pas, dit Dzoû'l Noûn. — Eh bien ! dit l'homme. Si Dieu n'accepte pas mon offrande, du moins puis-je l'espérer qu'il voit ce que je fais. » Plus tard, Al-Miçri retrouva ce mazdéen en train de tourner autour de la Ka'ba. Le grain avait germé. Et Dzoû'l Noûn comprit l'incommensurable générosité du Seigneur qui donne le paradis à un infidèle pour une poignée de millet.

« Il n'y a, disait-il à l'un de ses frères, pas plus grand honneur que l'islam (soumission), pas plus grande générosité que la crainte de Dieu, pas de prudence plus intelligente que le scrupule, pas d'intercesseur plus efficace que le repentir, pas de vêtement meilleur que la paix, pas de trésor plus précieux que la sobriété ; ce n'est pas l'argent qui peut éviter la pauvreté, mais le contentement de ce qu'on a ; celui qui se contente du suffisant a la tranquillité ; le désir est la clef de la lassitude ; la cupidité enfonce dans le mal. Que de vains désirs, que d'espoirs décevants conduisent au péché ! Que de gains mènent à la perte ! »

A un malade, Dzoû'l Noûn reprochait de gémir : « Il n'est pas sincère dans l'amour celui qui ne patiente pas quand l'ami l'éprouve. » Et l'autre répliquait : « Il n'est pas sincère celui qui ne savoure pas les mauvais traitements dont son ami l'éprouve » (au lieu de se raidir dans le stoïcisme). La sincérité, conformité parfaite de l'intérieur et de l'extérieur, « est le sabre de Dieu sur la terre ; où qu'il tombe, il coupe. »


A Yoûsouf ibn Housayn il disait : « Sois l'ami du Seigneur très haut et l'ennemi de tes passions. Ne considère jamais personne, fût-ce un chien, comme au-dessous de toi. » Et il donnait ce beau conseil : « Soyez humbles avec toutes les créatures, sauf avec les gens qui vous demandent de l'être, car vous encourageriez leur orgueil. Celui qui regarde les imperfections des autres ne connaît pas les siennes. »

La quiétude (ridhâ), c'est « l'acceptation par avance du destin, l'absence d'amertume après son accomplissement et une recrudescence d'amour au milieu des épreuves. »

Non moins caractéristiques sont ses définitions de l'abandon (tawakkoul) et de la pureté d'intention (ikhlâç).

Le tawakkoul, estimait-il, ne consiste pas à abandonner toute activité, mais à ne pas se confier, comme à une idole, à sa puissance propre, à se tenir dans l'état de servitude et à ne pas s'adorer soi-même.

« Rien n'incite mieux que la solitude à la pureté d'intention (ikhlâç). Trois choses caractérisent celle-ci : être indifférent aux louanges et aux critiques de la foule, oublier son rôle propre dans l'accomplissement de ce qu'on fait, ne pas faire ce qu'on fait dans l'espoir d'une récompense même dans l'autre monde. »

De la simplicité avant tout. L'ascèse la plus forcenée ne vaudrait rien sans la purification du cœur et n'est pas un but en soi. Un jour de fête, l'âme de Dzoû'l Noûn eut envie de hachis au miel ; il hésita, ne voulut point lui donner cette satisfaction. Et voici qu'arriva un portefaix avec un chaudron plein de hachis au miel : il avait eu un rêve dans lequel le Prophète lui avait dit de porter ce plat à Dzoû'l Noûn en priant celui-ci d'en manger par considération pour lui et de faire la paix avec son âme.

L'un des premiers, Al-Miçrî, a osé mettre l'amour pour Dieu parmi les étapes essentielles de la voie mystique. « L'amour ardent(chawq) est le plus élevé des stades (darajât) et des stations (maqâmât). Quand le serviteur y parvient, il trouve que la mort tarde à venir, tant il désire la rencontre et la vue de son Seigneur. » Et, s'adressant à Dieu directement : « J'ai désiré T'entrevoir et, quand je T'ai vu, la joie m'a saisi et je n'ai pu retenir mes larmes. »

Nous lui avons déjà vu employer le symbolisme de la coupe et du vin pour désigner cet amour primordial ; il y revient à diverses reprises. « Lorsqu'il a voulu leur donner à boire un verre de son amour (mahabba), Il leur a fait goûter sa saveur délectable... Leurs cœurs sont allés boire à la mer de son amour. Ils s'y sont abreuvés à satiété d'une boisson grâce à laquelle tout accident leur est peu de chose, sauf la rencontre de leur Bien-Aimé. »

Quant à la ma'rifa, quant à la connaissance réelle de Dieu, au-delà de la connaissance reçue par tradition ou de celle acquise par raisonnement, qui nous font seulement connaître ce que Dieu n'est pas ou ce qu'il est par rapport à nous, elle est purement surnaturelle. Les voies ordinaires permettent de savoir son existence et ses attributs, mais on ne peut le connaître vraiment que « par Lui-même ».

Vers la fin de la vie du saint, ses adversaires, jaloux de l'influence qu'il avait acquise, le dénoncèrent au calife Al-Moutawakkil (232/847 - 247/861) qui, lui, persécutait les mou'tazilites, et devait périr peu après, assassiné, dans une orgie, par les chefs de la garde turque, sous les yeux de son fils et successeur Mountacir. Dzoû'l Noûn fut donc conduit enchaîné, avec quelques compagnons, d'Egypte à Bagdad et enfermé dans la prison du Mathbaq. Un soufi bagdadien, Ishâq ibn Ibrâhîm al-Sarakhsî, put venir l'y voir et le trouva, des chaînes aux pieds et aux mains. On s'apitoyait sur son sort, mais lui disait : « Ceci est un des dons et une des faveurs de Dieu. Tout ce qu'il fait est savoureux, juste et bon. » Et il psalmodiait :

A Toi, dans mon cœur, une place réservée.
Tout blâme m'est indifférent puisque je T’aime.
Pour Ton amour, je veux être la victime.
C'est Ton absence qu'il m'est impossible de supporter.

Dans cette prison, par excès de scrupule, pense-t-on, il faisait une sorte de grève de la faim, ne voulant point toucher à la nourriture que des amis lui envoyaient parce qu'elle lui était présentée par la main impure du geôlier.
Tout finit d'ailleurs bien. Le calife fit venir le soufi égyptien, l'interrogea lui-même, fut si ému par son rayonnement et ses réponses, qu'il le renvoya, non seulement absous, mais chargé de cadeaux.

A la porte du palais, raconte Al-Cha'râwî, une vieille femme (la vieille femme classique des contes de fées, celle qui indique le chemin du destin favorable aux jeunes cœurs généreux) lui avait dit :

— Quand tu entreras chez Al-Moutawakkil, n'aie pas peur de lui, ne pense pas à sa supériorité sur toi, ne plaide pas pour toi-même, que tu aies raison ou non. Si tu as peur de lui, Dieu le fera triompher de toi. Si tu prends ta propre défense, cela ne te réussira pas, car Dieu seul connaît ton innocence ou ta culpabilité.

Parvenu devant Al-Moutawakkil, il le salua donc du titre de calife, commandeur des croyants ; mais, interrogé sur l'infidélité(koufr) et l'hérésie (zandaqa) qu'on lui reprochait, il garda le silence.

—    Sur sa zandaqa, je suis bien renseigné, intervint le vizir.

—    Pourquoi ne réponds-tu pas ?, dit le calife.

—    O émir des croyants ! si je dis : non, je démens les musulmans mes frères, qui m'accusent ; si je dis : oui, je me démens moi-même. Fais ce que tu voudras ; je ne peux me défendre.

Al-Qouchayrî assure que le calife pleura après avoir entendu une éloquente exhortation de Dzoû'l Noûn ; et quand, par la suite, on parlait devant lui des « gens du wara' (scrupule) », Al-Moutawakkil, au fond de son palais dangereux et magnifique, pensait au soufi égyptien85.

On raconte que Sahl al-Toustarî (mort en 283/896) venait de passer plusieurs années sans s'appuyer au mirhâb de la mos­quée pour parler en public. Un jour, on le vit pleurer, s'adosser à la niche vide qui indique la qibla, direction de la prière, et les assistants l'entendirent prononcer ces morts : « Dzoû'l Noûn vient de mourir en Egypte. »

Voici quelques-unes de ses prières recueillies par ses disciples, où nous pouvons trouver un reflet de son enseignement.

« Ô mon Dieu ! l'immensité de Ta miséricorde nous donne plus d'espoir que nos actes, et l'assurance de Ton pardon nous donne plus d'espoir que Tes châtiments de crainte. »
« Ô mon Dieu ! Tu es le compagnon de ceux qui accompagnent Tes élus... Ô mon Dieu ! mon secret T'est connu : je suis celui qui Te désire. Quand le péché m'écarte, Ton souvenir est ma compagnie... Ô mon Dieu ! qui est digne d'humiliation et d'abaissement sinon moi ? Tu m'as créé faible. Qui est digne de pardonner sinon Toi ? Ta science connaissait d'avance tout de moi. Ton ordre m'entoure de toutes parts. Je T'ai obéi, par Ta permission, et Tu as droit à la reconnaissance. Je T'ai désobéi, selon Ta prescience, et Tu ne me dois rien. Mais je Te supplie par l'obligation de Ta miséricorde et par ma privation même de tout droit ! Par ma pauvreté ! Par Ta richesse ! Pardonne mon péché extérieur et secret ! »



Modifié 1 fois. Dernière modification le 29/01/12 14:06 par faqir.
28 janvier 2012 23:18
Assalam alaikoum

Merci Khoya Faqir pour ces partages qui sont des plus instructifs , j'ai beaucoup appris grace à toi que Dieu t'en récompense



Modifié 1 fois. Dernière modification le 28/01/12 23:20 par sheera.
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook