La Honte, la tristesse et la révolte vendredi 9 mai 2008, par Tariq Ramadan
La Foire du Livre de Turin s’est ouverte hier. Sur fond de polémique. Israël est l’invité d’honneur.
On aura tout entendu. « Il ne faut pas confondre la culture et la politique ». « Boycotter la Foire, c’est refuser la paix, voire nier l’existence d’Israël , vouloir sa destruction et sa disparation ».
Le Président de la République italienne a décidé, après avoir entendu l’appel au boycottage, d’inaugurer en personne la Foire le jeudi 8 mai : ce n’est pas un acte politique… mais uniquement culturel, nous dit-on. Bien sûr ! Et la polémique enfle et grossit…récupérée par l’ambassadeur d’Israël en Italie qui salue le geste du Président qui refuse de se plier aux diktats de ceux qui, en boycottant, « veulent délégitimer Israël ». L’ambassadeur se pose en victime et il est le seul, semble-t-il, à parfaitement comprendre la portée politique du geste du Président italien. Sombre ironie.
Israël encore victime des intolérants, des extrémistes et des fous ! Le refrain continue, la chanson a fait ses preuves. Quelle honte encore…
A l’heure où l’on parle du boycottage de la Chine, on a au moins la décence de parler des victimes tibétaines. C’est effectivement la moindre des choses ! Mais dans le cas présent… rien, pas une ligne dans les journaux, pas un reportage sur les chaînes de télévision et de radio : le peuple palestinien n’existe pas ! La bande de Gaza, le blocus, la prison, le ghetto, la famine … ce n’est rien ! Les exécutions sommaires et la torture...des détails ! Le mur de la honte n’enferme rien ni personne. La politique des colonies de colonisation ne vole la terre de personne ! Rien, ou si peu, sur la souffrance d’un peuple, son déni d’existence et de droit…
A la foire de Turin, la victime est Israël et le droit à l’expression. Les Palestiniens n’existent pas, ni leur oppression continuée, ni leur souffrance !
J’ai honte de cette classe politique et de ces medias, honte de ceux qui veulent tant leur plaire, honte encore de ces Arabes et/ou de ces musulmans et/ou de ces citoyens de service, courtisans courbés sans dignité.
Ma tristesse est révolte. Calme révolte, confiante patience. L’Histoire, c’est une promesse, se souviendra…