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Haminatou Haidar, l'activiste du sud
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12 décembre 2006 21:30
LE MONDE | 11.12.06




Les Marocains ont raison de se méfier de cette femme aux allures de madone, silhouette fugitive perdue dans un grand châle multicolore qui la couvre de la tête aux pieds. Elle évoque la souplesse et la légèreté d'une fille du désert, mais quelques phrases bien senties suffisent à dissiper l'illusion. Haminatou Haidar est une militante, de celles qui ont mis leur vie au service d'une cause sacrée. La sienne s'appelle le Sahara occidental, un territoire désertique grand comme la Grande-Bretagne, disputé depuis plus de trente ans entre les indépendantistes du Front Polisario et le Maroc qui l'a annexé et, depuis le départ du colonisateur espagnol, en exploite les richesses - des eaux parmi les plus poissonneuses du monde, des phosphates.



Vu d'Europe, le devenir du Sahara occidental est une affaire sans importance. Pour la monarchie marocaine, en revanche, c'est depuis trente ans le dossier numéro un, celui qui conditionne le devenir du trône. Trop d'argent a été investi dans "les provinces du Sud", comme on les appelle à Rabat ; trop de militaires stationnent dans les sables du désert pour imaginer que le Sahara occidental puisse sans drame devenir indépendant.

Haminatou Haidar est la pasionaria des Sahraouis, la plus flamboyante de leurs icônes. Qu'il s'agisse d'aller prêcher la bonne parole à Washington, de partir à la rencontre d'associations amies à Madrid ou au fin fond de la banlieue parisienne, d'aller plaider la cause d'un référendum d'autodétermination devant une commission des Nations unies, c'est sur ses épaules à elle, frêle mais intransigeante femme de 39 ans au franc-parler, que la tâche incombe. Ainsi, elle vient d'achever une tournée de plusieurs mois qui l'a conduite d'Afrique du Sud aux Etats-Unis en passant par l'Europe.

Son engagement remonte aux années Hassan II lorsque, jeune militante indépendantiste, elle a connu la prison. "J'avais 20 ans. J'ai été kidnappée à mon domicile et torturée pendant trois semaines. Allongée sur une table, la tête en arrière, pieds et poings liés, on mettait sur ma bouche, mes yeux, mon nez un bâillon imbibé d'un liquide au goût d'eau de Javel, raconte-t-elle. J'ai reçu des coups de pied, j'ai été battue avec un câble électrique, giflée, agressée par des chiens policiers. Ensuite, mes ravisseurs m'ont envoyée dans un ancien dépôt d'armes espagnol reconverti en centre de détention secret. J'ai passé des mois dans un couloir, assise sur un banc, muette, les yeux bandés 24 heures sur 24, un gardien à mes côtés avant d'aller m'entasser avec d'autres femmes sahraouies dans une cellule minuscule. C'était épouvantable." De ce séjour "en enfer" elle a gardé des séquelles que n'ont pas complètement effacées des interventions chirurgicales en Espagne. Quant à ses yeux, restés trop longtemps plongés dans l'obscurité, ils ne supportent plus les lumières crues.

L'épreuve l'a endurcie. Libérée au bout de trois années et sept mois de détention sans être jamais passée devant un quelconque tribunal ni avoir reçu la visite d'un avocat, la jeune femme, que sa famille croyait morte, est devenue une adversaire irrécupérable pour "l'occupant marocain".

Les études, la carrière professionnelle, la vie familiale - elle est la mère de deux enfants -, Haminatou Haidar a choisi de tout sacrifier à la cause sahraouie jusqu'à risquer sa vie en 2005 lorsque, à nouveau incarcérée et condamnée pour "incitation à la violence" et "appartenance à une bande criminelle", elle a entamé une grève de la faim pour arracher une amélioration des conditions de détention. Elle n'a rien gagné, sinon des problèmes de santé supplémentaires qui la tourmentent encore.

Désormais libre, elle poursuit sa mission, imperméable aux conseils de prudence de la frange familiale rangée du côté marocain - l'autre est résolument pro-Polisario. Dans la famille, il y a ceux qui sont restés à El-Ayoun, la "capitale" administrative du Sahara occidental, et ceux qui, fuyant les Marocains, ont trouvé refuge dans des camps de fortune, de l'autre côté de la frontière, dans la région de Tindouf, en Algérie.

La récupération - non sans mal - d'un passeport marocain grâce auquel elle peut voyager ne contribue pas à nuancer son jugement sur le roi Mohammed VI. "Il y a eu une ouverture au début du règne. C'était de l'habillage", tranche-t-elle, au risque de passer pour dogmatique. "Haminatou fait partie de ces anciens prisonniers incapables de dépasser cette terrible expérience. Elle se venge de ce qu'elle a subi dans le passé au risque d'insulter l'avenir", juge Larhdaf Eddah, un Sahraoui qui dirige la télévision locale d'El-Ayoun.

De ces critiques, elle n'a cure. Ce qui l'intéresse, c'est de faire avancer la cause des Sahraouis. Tout au long du périple qu'elle vient de boucler, elle a vu des ministres et des militants de base, des hommes de pouvoir et des sympathisants anonymes. Sa fierté ? Etre repartie de Washington avec en poche la copie d'une lettre adressée par des membres du Congrès à la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice pour qu'elle pousse le Maroc à respecter les droits de l'homme au Sahara occidental. "Mission remplie. J'ai fait avancer la cause du Sahara occidental", résumait Haminatou Haidar lors de son étape parisienne.

C'est à Paris qu'elle a obtenu le moins de succès. Les partis de droite n'ont pas donné suite à ses offres de rencontre. Quant au Quai d'Orsay... " Le ministère des affaires étrangères a refusé de rencontrer Haminatou, explique Annie Delay, d'Amnesty International France. C'est une première. Jusqu'à présent, ils avaient toujours accueilli nos invités."

Venant d'une diplomatie française qui n'a jamais marchandé son appui à Rabat, la fin de non-recevoir ne surprend pas. Vue de Paris, Haminatou Haidar est une activiste sahraouie déguisée en militante des droits de l'homme. Le fait est qu'elle a tenu sur les bords de Seine des propos au vitriol. Il était question des "autorités coloniales marocaines" et de la "complicité de la France", qui n'en finit pas de "soutenir aveuglément le gouvernement marocain". "Je ne suis pas membre du Front Polisario, se défend Haminatou Haidar, simplement une femme engagée."


Jean-Pierre Tuquoi




Parcours

1967
Naissance à Centre Akka, une ville du sud du Maroc.


1976
Décès de son père dans un accident de la route.


1987

Kidnappée à son domicile par la sûreté marocaine.


1991

Libérée après trois ans et sept mois de détention, sans jugement.


2005

Nouvelle arrestation à la suite d'une manifestation à El-Ayoun.


2006

Reçoit à Madrid le prix Juan Maria Bandres des droits de l'homme.
a
13 décembre 2006 12:58
JP Tuquoi est au Maroc ce que Frêche est aux harkis ou Sevran aux noirs.

Une question que Tuquoi ne pose pas : pourquoi Mme Haidar continuez-vous a vous prévaloir et circuler avec le passeport d'un pays que vous vomissez ? Pourquoi ne pas mettre vos démarches en accord avec vos principes ?

abouali
A
13 décembre 2006 13:29
C'est son gagne-pain (tm)
S
14 décembre 2006 01:08
Et comme tu le dis ,elle dénigre le Maroc et pourtant elle circule librement avec un passeport marocain.c'est une honte. On aura tout vu et tout entendu
 
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