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Le film "Les Yeux secs" se remplit de larmes.
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jam
6 mai 2004 17:20
Polémique : Les yeux humides d’Aghbala

Les yeus secs, le premier long-métrage de Narjiss Nejjar, a mis Aghbala et sa région sens dessus dessous. Les figurants demandent la saisie du film pour préjudice moral. La réalisatrice se défend. La polémique enfle dans la bourgade… Amale Samie s’est rendu sur place.


Si vous attendez des scènes vraiment chaudes, vous serez déçu. Tout est métaphore, allusion dès qu’il s’agit de sexe… Les yeux secs, ce film qui veut, selon l’auteur, dénoncer les ravages de la prostitution a provoqué une onde de choc dans une partie
oubliée de la province de Beni Mellal, Aghbala, une région notoirement enclavée. Des habitants de cette bourgade, qui d’ordinaire est plongée dans la léthargie, veulent que le film soit saisi. Ils sont 43, dont 35 femmes, ils ont tous été figurants dans le film de Narjiss Nejjar. Pourquoi veulent-ils maintenant faire saisir "leur" film et obtenir réparation du préjudice moral qu’ils ont subi, selon eux, en tournant dans un film qui apparaîtra plus tard comme un film sur la prostitution, alors qu’ils croyaient tourner dans "un documentaire"
Selon certains, "un film historique" selon les autres ?
Cela commence comme un gigantesque malentendu. Entre le rêve d’une cinéaste et la réaction outrée de ces citoyens qui ont pris leur bâton de pèlerin pour défendre leur ville, leur région, leur honneur "souillé par ce film", et pour se porter partie civile. Quand la société Jbila Méditerranée Productions, qui produit Les yeux secs, obtient l’autorisation de tournage du CCM pour la période du 13 mai au 30 juin, elle a été précédée par un régisseur qui avait aplani toutes les difficultés matérielles. Mais les habitants ne savent presque rien du scénario. Ni Yamna Bouayad ni Mohamed Akherraz, figurants principaux ne l’ont lu et pour cause. Ils sont analphabètes, comme tous les autres figurants. La version des habitants est identique : "Nous avons été trompés, montrés comme des semi-humains qui n’ont d’autre occupation que de forniquer, ce film n’a rien à voir avec notre région, nous ne sommes pas le bordel du Maroc". Difficile de croire qu’à aucun moment les figurants et les autres habitants ne se sont aperçus que le film portait sur un sujet recouvert d’un voile pudique dans la région.
Selon maître Hassan Khales, avocat des plaignants et ancien bâtonnier du barreau de Oued Zem, certains figurants ont bien compris qu’ils tournaient dans un long-métrage consacré au commerce de la chair, mais ils étaient convaincus que ce serait un film sur la prostitution en général, pas dans leur ville.
"J’ai reçu une dizaine de personnes déléguées par les autres signataires de la pétition qui m’ont chargé de saisir la justice. Ces gens ne s’attendaient pas à voir de telles images sur leur localité. Quand les gens d’ici ont vu le film, l’indignation et la colère étaient à leur sommet. Cette œuvre est scandaleuse de l’avis de tous ceux qui l’ont vue".

Drôle d’aubaine
Les téléphones sont devenus fous. Tous ceux qui sont originaires de la région et qui résident à Casablanca ou à Rabat, où passe le film, ont sauté sur leur téléphone pour sonner l’alarme dans le pays. Yamna Bouayad a été l’une des premières à se mobiliser. Figurante principale à camper le rôle d’une prostituée, elle est résolue à se confier, malgré le choc qui l’a ébranlée dans la salle de cinéma r’batie, où elle a vu le film. Elle se souvient à nouveau de chaque détail du tournage, elle se remémore son zèle avec rage. "Tu comprends, gagner 60 DH par jour, ici à Aghbala, c’était une aubaine. Et c’est un enfant du pays, Ikhlef Aâddouch - connu de tous comme chômeur - qui avait été chargé d’engager les figurants". Les musiciens, Abdellah Faraj et Houcine Oujana, comme tous les figurants, corroborent les dires de Yamna. Il n’était pas question de prostitution. Ils se sont aussi disputés avec la maman de Mme Nejjar, Noufissa Sbaï, au sujet du salaire de 60 DH par jour qu’on leur a offert comme des figurants ordinaires. Ikhlef Aâddouch est devenu le premier fournisseur d’emploi de la région. En ce printemps 2002, tout le monde ne parle plus que du film qui va être tourné, tout le monde veut travailler. Ikhlef Aâdouch devient une espèce de notable du jour au lendemain. Il sera triomphalement élu président de la commune aux élections qui suivront immédiatement le tournage.
À Aghbala, comme à Tizi, tout le monde est redescendu sur terre. Après l’euphorie, la gueule de bois. Tous ceux qui ont participé au travail de Narjiss sont traumatisés. Parmi les femmes qui ont tourné, au moins 3 sont mariées. Les figurants de sexe masculin sont pétrifiés. Le film est en salle, on ne peut pas revenir en arrière. Mais où en sont-ils, du point de vue judiciaire ?
"Je n’ai pas encore déposé la plainte, dit Me Khales. Je voulais d’abord faire parvenir les pétitions à certaines instances, les ministères de la Justice, des Droits de l’homme, de la Communication, de la Culture et des Affaires islamiques". Pourquoi le ministre des Affaires islamiques ? "Parce que le Maroc est un pays musulman, et qu’il y a des limites !". Il est vrai que les islamistes adorent sortir dans ce genre d’occasion. Mais ils sont pratiquement inexistants à Aghbala. Alors, lorsqu’on s’est adressé aux intellectuels de la ville, ils disent simplement que Mme Nejjar a nommé au moins 3 localités, Tizi, Aghbala et Naour, comme propices aux amours tarifées. "D'un usage qui n’existe ni plus ni moins qu’ailleurs, elle a fait un phénomène strictement local, strictement amazigh. Tous les Amazighs se prostituent maintenant, et l’adresse a été passée par Mme Nejjar à tous les amateurs de galipettes".

Et maintenant ?
L’avocat des habitants est très discret sur l’avenir. "Je n’ai pas encore déposé la plainte, mais comme nous avons affaire à un film, nous nous battons contre ce film. Nous n’avons rien contre Mme Nejjar. Je ne suis pas contre un règlement à l’amiable, mais les gens d’Aghbala n’ont pas d’intérêt matériel, ils défendent leur honneur et demandent que le préjudice soit réparé, mais certainement pas d’une manière matérielle". Y compris en faisant interdire le film.
Très peu probable qu’ils y parviennent. Même s’il semble que la population ait reçu de lourds renforts. Des personnalités de Beni Mellal ont de furieuses envies de prendre la tête de la révolte, ils sont en contact avec l’avocat de la partie civile qui, malgré son ton modéré, laisse voir une résolution implacable. Le vice-président de l’association Taymat d’Aghbala, Hamid Azizi, instituteur et animateur de théâtre a plusieurs fois demandé le scénario à Aâdouch, l’embaucheur, qui n’a tout simplement pas pu le produire parce qu’il a lui-même essuyé plusieurs refus à ce sujet. La ville est en ébullition et ce n’est pas prêt de s’arrêter.




(Photo AFP)
Interview Narjiss Nejjar : "je fais ce que je veux, j’écris ce que je veux comme je veux"

A-t-on monté une cabale contre vous ?
Oui, un élu et un ancien militaire sont à l’origine de tout cela. J’ai dit à tous les figurants que je faisais un film sur la prostitution. J’ai choisi Tizi N’Isly et Aghbala parce que ce sont des régions enclavées, oubliées, marginalisées depuis toujours. Et dans ces régions, la prostitution est, malheureusement, une "spécificité". Je tenais à parler de ces femmes et de leur servitude. Les
figurantes et ceux qui les poussent peuvent raconter ce qu’ils veulent, mais j’ai dit à toutes les personnes présentes lors des 3 mois de tournage que mon film parlait de prostitution. Les figurantes en parlaient entre elles, avec moi, avec Siham Assif et les autres acteurs. Ce film nous a valu des ennuis à cause du sujet, d’ailleurs. Un jour, un élu de Tissoudal, près d’Aghbala, nous a intimé l’ordre de décamper avec "nos prostituées". Il a fallu l’intervention de l’administration pour que l’on puisse continuer.

Cet élu ignorait-il que vos figurantes n’étaient pas des prostituées ?
Mais elles l’étaient pour une bonne partie d’entre elles ! J’ai le droit de créer, comme je l’entends, c’est mon langage à moi, peut-être ma souffrance, peu m’importe ce qu’elles en pensent. Pour le reste, je suis blindée, j’ai des documents signés, des preuves. Les jeunes femmes d’Aghbala et Tizi n’Isly ont signé des papiers selon lesquels "elles s’engagent à ce qu’on utilise leur image sur tout support".

Est-il stipulé que ces femmes allaient tourner un film sur la prostitution ?
Ce genre de contrats n’existe pas. Et même, je ne vais pas m’amuser à expliquer à tout le monde ce que je fais. Regardez à Ouarzazate, quand les Américains tournent un film avec 1000 figurants, vous croyez qu’ils prennent le temps de tout leur expliquer ?

Mais les femmes n’ont-elles pas de raisons plus sérieuses d’être mécontentes ?
Oui, certainement, elles ont peut-être estimé qu’elles avaient été trahies… Ou mal payées, mais je comptais retourner dans la région pour offrir un bonus aux figurantes. "On" ne m’en a pas laissé le temps. Je suis triste, je suis atterrée. Je peux comprendre que ces femmes se sentent trahies. Mais je le dis et le redis, j’ai fait un travail de fiction, ce n’est pas un documentaire. Je fais ce que je veux, j’écris ce que je veux comme je veux.

Sources : telquel



Message edité (06-05-04 17:20)
M
6 mai 2004 23:35
Personnelement je suis contre ce genre de film. Ils n'ont aucune valeur ajoutée. On sait tous que la prostitution fait ravage au Maroc et après......
Qu'est-ce-que ce film a rapporté de plus??????????????6
f
6 mai 2004 23:48
salam Moroccol
ta question peut être valable pour le cinéma en général, et donc qu'est-ce que les films en général nous rapporte? rien car ça ne change pas grand chose dans la réalité vécue, mais c'est une vision et une perception des choses différente de la notre.

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