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Figurez-vous qu’à Casablanca, dans une zone industrielle, le taux du dioxyde...
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6 janvier 2007 11:44
Pollution: Ces inquiétants pics de consultations

· Des praticiens tirent la sonnette d’alarme

· Le nombre d’asthmatiques a doublé en 10 ans

· La pollution pointée du doigt

Alarmant! Des pics de consultations ont été enregistrés ces dernières semaines auprès de plusieurs médecins spécialistes. Pédiatres, pneumologues, allergologues, ORL… les praticiens sont nombreux et unanimes à témoigner de cette recrudescence de maladies virales et bactériennes cet hiver, au point d’établir une corrélation significative avec la pollution de l’air. Toux, gêne respiratoire, asthmes, allergies, sinusites, écoulement nasal, maux de tête, migraines, picotements laryngés, oculaires, sensations d’étouffement… les symptômes sont pratiquement les mêmes particulièrement auprès d’une population dite vulnérable, constituée principalement de nourrissons, de personnes âgées et autres sujets diabétiques ou encore hypertendus. Mais jusqu’à quelle mesure la pollution peut être réellement mise en cause?
Selon les conclusions d’un coup de sonde, effectué par L’Economiste auprès de plusieurs praticiens, la qualité de l’air y est pour beaucoup. «C’est clair qu’il y a une corrélation entre la pollution de l’air et l’exacerbation de certaines maladies respiratoires», soutient Mohamed Bougrine, professeur en pédiatrie et pneumoallergologue à Casablanca. Pour sa part, Chakib Laraqui, spécialiste des maladies respiratoires et de l’asthme en particulier, est catégorique: «C’est certain, il existe une forte corrélation entre la qualité de l’air et les pathologies respiratoires qu’elles soient infectieuses ou respiratoires». Pour Pr Mohamed Bartal, docteur honoris causa médaillé de l’OMS, il y a la conjugaison de plusieurs facteurs: «la vague de froid, l’humidité, la pollution, les émissions de gaz d’échappement… sont autant de facteurs qui irritent la muqueuse respiratoire en particulier. Ce qui peut faire le lit d’infections virales ou bactériennes». Pour Bartal, le soleil fait aussi partie de ces facteurs. L’action combinée d’oxydes d’azote provenant de sources énergétiques et de composés organiques volatiles donne naissance à un polluant secondaire qu’est l’ozone (O3) et qui est très nocif pour les asthmatiques et les bronchites chroniques», explique le spécialiste. C’est ce qui explique aussi que le nombre d’asthmatiques a doublé au Maroc durant les 10 dernières années, affirment Bougrine et Laraqui. Selon ce dernier, «nous n’avons pour l’heure pas d’explications cartésiennes face à cette augmentation des cas d’asthme, mais nous disposons d’un faisceau d’arguments qui l’étaye». Laraqui cite la pollution atmosphérique en premier lieu dans la prévalence de l’asthme. Viennent ensuite les conditions de logement «inhumaines». Un grand nombre de Marocains vivent dans la promiscuité, des endroits non aérés, non ensoleillés, voire des soupentes. Devant la forte augmentation que connaît depuis 10 ans la prévalence de l’asthme malgré une thérapeutique efficace, les médecins sondés ne peuvent donc s’empêcher de s’interroger sur la responsabilité de nouveaux facteurs provocants et aggravants: s’agit-il d’une conséquence directe d’un urbanisme galopant et de la pollution intérieure, du tabagisme croissant des parents, de la sophistication des modes de vie (climatisation, systèmes de ventilation…)? C’est tout un ensemble, tranchent-ils. Mais une chose est sûre, chez les asthmatiques, les médecins sondés conçoivent aisément que quels que soient les facteurs, «des tissus déjà fragiles subissent encore plus sérieusement l’effet agressif d’une pollution ambiante». A cela s’ajoute, pour les personnes âgées, l’hypothèse que les réactions d’oxydation cellulaire participant au phénomène du vieillissement sont accentuées par la pollution. L’on parle de «stress oxydant». Chez les enfants de moins de 3 ans, les praticiens parlent d’un appareil respiratoire pas encore mâture ou encore en plein développement. La pollution peut entraîner parfois un handicap à la maturation du système respiratoire. Selon Bougrine, les petits enfants sont ceux qui paient le plus le tribut de la pollution. De par leur taille, ils sont alignés avec les sources d’émissions de gaz et les tuyaux d’échappement des autobus, camions et autres véhicules. Du coup, ils absorbent le maximum de particules.
Pour appuyer leurs constatations, scientifiquement les spécialistes demandent le maximum d’études sur la qualité de l’air. Laraqui cite l’exemple des métropoles européennes, où il y a un prélèvement permanent et systématique de la pollution atmosphérique. Des seuils d’alerte sont établis, dès qu’ils sont dépassés, des mesures sont prises. La circulation est souvent arrêtée ou limitée sur des tronçons. Elle ne reprend que si le niveau redescend. Pour Bougrine, il y a des indicateurs dans l’Hexagone avec plusieurs niveaux: rouge, orange… Ce sont des codes pour prévenir les pics de pollution. Parallèlement, des études se font pour chercher les vraies causes de ces pics afin de trouver des solutions à la source par des mesures techniques préventives, collectives et même individuelles. Mieux encore, des commissions scientifiques et des lois ont été mises en place pour limiter la pollution de l’air. Toutes les volontés économiques, politiques semblent donc converger pour sauvegarder la qualité de l’air. Au Maroc, c’est encore embryonnaire.

· Fumoir grandeur nature

La dernière étude, digne de ce nom, a été établie l’année dernière par la direction de la Météorologie nationale et la Fondation Mohammed VI. Les conclusions ont été rendues publiques en novembre 2006. Cette étude a conclu et prouvé que le niveau de pollution dépasse de loin les normes admissibles(1). Et c’est pour la première fois au Maroc, que des mesures fiables ont confirmé tout haut et de façon scientifique ce que de nombreux médecins et spécialistes pensaient tout bas. Les conclusions de la dernière étude sur la qualité de l’air à Casablanca sont sans équivoque. La direction de la Météorologie les a rendues publiques en novembre dernier. Il en ressort que des polluants dangereux comme l’oxyde d’azote, l’ozone, le dioxyde de soufre… ont atteint des taux alarmants dans la capitale économique. Un cocktail délétère! Les conséquences, selon l’étude, sont désastreuses: cancers, asthme, irritations oculaires, troubles respiratoires, toutes sortes d’allergies…
La capitale économique est un véritable fumoir grandeur nature: selon les quartiers, Aïn Sebaâ dépasse de loin la norme française. Ce quartier industriel a connu une moyenne annuelle du dioxyde de soufre de 130 μg/m3, soit 484 dépassements de la norme française. Le SO2 demeure le polluant le plus important dans cette zone. La région a connu une moyenne annuelle de l’ozone de 113.33 μg/m3 et 397 dépassements par rapport au seuil pour l’alerte de la population. La région de Sidi Othmane vient en deuxième position. Selon l’étude, elle a enregistré les plus fortes concentrations en ozone. Quant à Zerktouni, la poussière y constitue un polluant dangereux avec une moyenne annuelle élevée de l’ordre de 80 μg/m3. La norme marocaine n’a pas été respectée 323 fois durant l’année 2005 sur cette zone. Curieusement, les particules en suspension sont plus importantes à Zerktouni qu’à Aïn Sebaâ, le coeur industriel de la capitale économique. Encore faut-il souligner que l’air pollué n’est pas figé. L’hiver, il se déplace en fonction de paramètres météorologiques (vent, pluie, brouillard, humidité…).

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· Mohammédia, au bord de l’asphyxie
Une autre étude, aussi alarmante, a été menée à Mohammédia (grand pôle industriel) en 2006. Baptisée Mohammédia Airpol, l’enquête avait pour objectif de mesurer les conséquences à court terme de la pollution de fond sur la population et établir des liens avec les crises d’asthme, bronchites, rhinites et autres symptômes respiratoires. L’étude a été menée auprès de 76 enfants asthmatiques âgés entre 12 et 15 ans dans différents centres de santé. Deux indicateurs de pollution ont été pris en considération dans le cadre de cette étude, à savoir le dioxyde de soufre (SO2) et le monoxyde d’azote (NO). Des polluants qui ne «sont qu’un reflet partiel de la complexité de la pollution atmosphérique urbaine, composée de centaines d’espèces chimiques qui interagissent entre elles», précisent les concepteurs de l’étude. Mohammédia Airpol a révélé que lorsque l’on passe du niveau de base de la pollution à un niveau moyen, on observe des augmentations de la durée de symptômes qui avoisine 10,5% de crises d’asthme, 11,1% de la toux nocturne, 5,4% pour la gêne respiratoire. Quand la pollution s’élève à 70 μg/m3, les augmentations de la durée des symptômes atteignent des niveaux record: 99% pour les crises d’asthme, 106,5% pour la toux, 44,1% pour la gêne respiratoire.
L’étude de Mohammédia a eu le mérite de démontrer les liens entre la survenue et la durée des crises d’asthme, de toux nocturne et l’indicateur de pollution SO2. Il en est de même pour la gêne respiratoire et le dioxyde de soufre.

· Four l’été, frigo l’hiver
L’architecture des habitations est un des facteurs importants de la santé des habitants. Une constatation que bon nombre de médecins partagent. En effet, le Maroc est un pays au climat tempéré, mais l’architecture des maisons ne prend pas en considération ce facteur. Les murs de séparation sont souvent trop épais. A force de vouloir renforcer les murs par le ciment, les maisons ne répondent plus aux normes élémentaires d’isolation. Du coup, les foyers deviennent plus froids l’hiver et plus chauds l’été. Les constructions sont donc construites sans prendre en considération ni les basses températures de l’hiver ni celles plus élevées de l’été. Pire encore, dans bon nombre d’habitations, même celles de haut standing, l’isolation est réduite à sa plus simple expression. A cela s’ajoute le manque criant d’équipements de chauffage et d’aération.
De manière générale, la chaleur de fonctionnement est généralement négligeable dans les bâtiments qui ne sont que peu, voire pas du tout isolés. Or la norme consiste à isoler le bâtiment pour diminuer ses pertes, c’est la surisolation, qui utilise par exemple des triples vitrages et des épaisseurs d’isolant de plusieurs dizaines de centimètres. Une bonne étanchéité à l’air, selon les spécialistes du bâtiment, augmente le confort, diminue les pertes et évite tout problème de condensation dans la paroi, qui peut provoquer la ruine du bâtiment.

"Des polluants dangereux, comme l’oxyde d’azote, l’ozone, le dioxyde de soufre… ont atteint des taux alarmants dans la capitale économique. Un cocktail délétère! Les conséquences sont désastreuses: cancers, asthme, irritations oculaires, troubles respiratoires et toutes sortes d’allergies…"

Amin RBOUB
 
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