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Faut-il un sexgate en France ?
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6 juin 2011 20:55
Faut-il un sexgate en France ?

Agression sexuelle, viol et séquestration, ces crimes graves sont minimisés tous les jours en France par l'intelligentsia et une certaine classe politique. Les propos tenus par ces derniers sont d'une rare violence. Le principe de présomption d'innocence doit être respecté mais certainement pas aux dépends des droits de la victime ; une femme ou un homme qui dénonce une violence est reconnu par la société comme victime.

Loin de moi l'idée de porter un jugement sur une enquête en cours ; la justice doit faire son travail. Mais cependant, Nafissatou D., celle qui s'engage dans cette bataille, est trainée dans la boue. Cette femme de ménage guinéenne et mère célibataire, est traitée de « mercenaire » (sexuelle), pour ainsi dire de « pute ».

Ces mots, dans la bouche de nos élus, résonnent comme un coup de poignard. Je prie pour qu'aucune femme victime de viol n'entende ce que pense d'elle une certaine classe politique déchainée contre les droits de la victime.
Un crachat sur le travail accompli par Ni putes ni soumises

Ni putes ni soumises a déchiré l'omerta sur les violences faites aux femmes dans nos quartiers populaires, considérées comme soumises aux codes machistes et aux traditions :

« Qu'est-ce qu'elle faisait là ? »

« C'est qu'elle était d'accord. »

« Les femmes n'ont pas à parler de ces choses-là. »

« Elle portait une jupe. »

Il était urgent de créer les conditions d'une libération de la parole des filles des quartiers face aux violences, face aux brimades et autres intimidations, portée par un cri commun :

« La liberté s'arrache, la République vous protège. »

Ce que je découvre jour après jour, ce n'est plus simplement du sexisme, qui je le rappelle décrit les discriminations subies par les femmes en raison de leur sexe, mais bien des violences dont on se refuse à dire le nom. Cette culture du déni, érigée en règles, est un crachat sur tout ce travail accompli.

Lorsque nous marchions, de Vitry jusqu'à l'Assemblée nationale, devenant les Marianne d'aujourd'hui, nous appelions à la responsabilité de tous les républicains. Il s'agissait pour nous d'une question de survie. Mais aujourd'hui, comment changer la donne face au machisme, quand nous entendons que « tout le monde savait » ? Les témoignages affluent :

« J'ai empêché ma fille de déposer plainte. » (Anne Mansouret, sur Tristane Banon)

« Je me débrouillais pour ne pas me retrouver seule dans la même pièce »…

Tout le monde savait, mais pourquoi tout le monde s'est tu ?

Faut-il rappeler que savoir et ne rien dire, c'est être complice ? Là encore, les mêmes codes : intimidations, peurs, loi du silence… Et à chaque justification, à chaque fois que l'on minimise l'acte, on nous enterre un peu plus.

Car le calvaire de Nafissatou D., mise au banc de sa communauté car « tâchée à jamais », menacée de mort, nous le connaissons que trop bien. Ce silence complice révèle le fantasme du consentement permanent des femmes, à tous les étages de notre République.

Nous découvrons un voile, tendu de part et d'autre de la classe politique, qui cache au grand public les violences faites aux femmes, la honte des violences. Tout le monde savait, mais pourquoi tout le monde s'est tu ?

Je ne peux pas ignorer plus longtemps cette oligarchie archaïque, toujours en responsabilité, qui nous bouche tout horizon de voir notre condition s'améliorer, de savoir toutes ces femmes protégées.
Un ex-maire UMP, un ex-adjoint PC, un sénateur PS : condamnés

Il serait peut-être utile de rappeler un certain nombre d'affaires de violences et d'agression, de harcèlement sexuel impliquant des élus.

* un ancien maire UMP de Sainte-Colombe (Seine-et-marne) définitivement condamné par la Cour de cassation pour harcèlement et agression sexuellement sur quatre employées municipale ;
* un ancien maire-adjoint communiste d'Echirolles (Isère), condamné en janvier 2010 pour agression sexuelle sur mineurs.

Tous deux sont à ce jour toujours membres de leur parti.

Un sénateur, un maire ou un conseiller général peut être condamné pour avoir embrassé de force une employée municipale, lui avoir touché les fesses et les seins, le soir après la fermeture des bureaux sans être inquiété par son parti politique, ni être révoqué de son mandat.

Jacques Mahéas, sénateur de Seine-Saint-Denis, maire de Neuilly-sur-Marne, a été condamné par la cour d'appel en juillet 2009 pour agression sexuelle, jugement confirmé par la Cour de cassation en mars 2010. Il est toujours élu, toujours membre du Parti socialiste.

Les associations AVFT et Femmes solidaires, constituées partie civile, avaient demandé sa révocation, inquiètes de voir ce monsieur participer au vote des lois, y compris celle sur les violences faites aux femmes. Et vous serez tout comme nous stupéfaits d'apprendre que la collaboratrice du porte-parole du PS, étrangement responsable d'une association féministe, balaye tout idée d'exclusion, pour invoquer leur souhait de prendre des « mesures ». Schizophrénie malsaine ?

C'est ainsi que monsieur le maire accueillera la marche en soutien à Chahrazad en 2006, brûlée vive à Neuilly-sur-Marne, et saluera dans son discours, par un lapsus révélateur :

« Les putes et les soumises. »

Aux partis (républicains) d'exclure leurs élus condamnés

Tous ces femmes et hommes politiques ne semblent pas être dérangés par la présence d'agresseurs sexuels dans leurs rangs. Faut-il jeter leurs noms en pâture pour provoquer un « sexgate » ?

J'ai lutté de toutes mes forces contre cette formule terrible : « C'est comme ça chez nous, cela doit rester dans la famille, c'est une affaire privée. » Parce que précisément nous connaissons les ravages de ces zones de non-droit, il est urgent de rappeler que le privé est politique, même pour les femmes et hommes publics.

Ainsi nous demandons que tout élu condamné pour agression sexuelle soit immédiatement exclu des partis républicains. Les préfets doivent déclencher les procédures de révocations pour les élus territoriaux condamnés, conformément à la loi.

Toute condamnation doit faire l'objet d'une privation des droits civiques, contraignant l'élu à démissionner. Le devoir de moralité des fonctionnaires doit aussi, et avant tout, s'appliquer aux élus. Pour dégager tous ceux qui font vivre la loi du silence. Et ne plus raser les murs, fussent-ils de marbre.
Sihem HABCHI, Présidente de Ni Putes Ni Soumises
[www.npns.fr]
 
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