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Entre Le Pen et Bush
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1 juillet 2005 19:51
Après des décennies de franche hostilité pour le personnage, et de combat contre tout ce qu’il représente, il n’est peut-être pas inutile de le redire : on ne déteste pas Le Pen en raison de son nom, même si celui-ci a fini, au fil des ans, par devenir synonyme de populisme et de racisme (pardon à ses malheureux homonymes !). On ne le déteste pas non plus parce qu’il est breton, ou parce qu’il est borgne, ou en raison d’un quelconque délit de faciès, mais bel et bien pour ce qu’il colporte dans son discours, et pour ce qu’il incarne politiquement. Autrement dit, un autre que lui usant dans notre paysage politique des mêmes mots et sollicitant les mêmes peurs, flattant les mêmes fantasmes et encourageant les mêmes lâchetés collectives, devrait susciter comme lui l’opprobre de tous ceux qui sont attachés à la dignité du débat politique, au respect du droit, et qui méprisent la démagogie et le populisme. Nous disons cela aujourd’hui parce qu’il y a quelque chose d’absurde dans le comportement de ces personnages qui reprennent les thèmes et les attitudes du leader du Front national dans le but, disent-ils, de le combattre. Dans le rôle du petit épicier qui ouvre une échoppe pour vendre la même camelote avariée que l’ancien poujadiste et lui disputer sa clientèle, Nicolas Sarkozy n’est évidemment pas le premier. « Ne pas abandonner le terrain à Le Pen » est devenue l’une des formules magiques de la vie politique française. De celles qui autorisent tout. Le répressif, l’ultrasécuritaire, le discriminatoire et le vulgaire. Même à gauche, on lorgne parfois sur le fonds de commerce. Voire les écrits semi-clandestins de Malek Boutih sur l’immigration. Mais dans le cas de Sarkozy, on a affaire à une entreprise d’envergure. Sa boutique est déjà un supermarché. L’homme possède avec un ministère, avec l’UMP et, de surcroît, la complaisance des médias ­ qui s’extasient devant son « parler vrai » ­ un réseau de grande distribution.

Nul ne saurait dire aujourd’hui où cette surenchère droitière le conduira. M. Sarkozy est sans doute convaincu qu’il ne poursuit pas les mêmes buts que son concurrent du Front national. Mais l’absolution qu’il s’accorde n’a pas grand-chose à voir avec la démocratie. Elle constitue même une partie du péril. Certes, il n’a pas une culture de l’extrême droite, et, contrairement à Le Pen, il n’a pas de goût particulier pour les chants nazis. Il ne flirte pas avec des anciens de la Waffen-SS et ne fait pas de jeux de mots ignobles sur les fours crématoires. Mais son recours à un vocabulaire typique de la répression coloniale illustre une autre variante de la droite extrême. En se promettant de « nettoyer » une cité de la Courneuve, il reprend les mots des paras français pendant la bataille d’Alger en1957. Et, dans sa bouche, le « karcher » remplace le lance-flammes.

Aujourd’hui comme jadis, la cible est dépouillée de sa qualité humaine. Or, quelles que soient les situations, c’est bien là le problème. Car les petits caïds des cités qui s’affrontent en bandes, terrorisent les habitants, et tuent un gamin qui passait au milieu de leurs querelles sont des humains. Ils appartiennent hélas pleinement à notre société. Il y a dans cette volonté de les exclure de notre monde une autre façon de s’absoudre de la politique sociale qui a conduit à ces abandons.

Mais le « nettoyage » n’entre pas seulement en résonance avec la guerre coloniale. Il nous rapproche aussi d’une justice expéditive, laquelle comme chacun sait est le contraire de la justice. On ne sait trop si « nettoyer », c’est arrêter et traduire devant les tribunaux (mais alors, pourquoi ne pas le dire ainsi ?), ou tuer sans autre forme de procès. Le ministre s’en remet à la libre interprétation des fonctionnaires de police, sur le terrain. Et c’est ici que la vision de M. Sarkozy apparaît redoutablement cohérente. Lorsque, quarante-huit heures après l’affaire de la Courneuve, il promet de faire « payer » sa faute à un juge qui aurait décidé la libération conditionnelle du futur meurtrier d’une jeune femme, en Seine-et-Marne, il poursuit dans la même veine. Tout est expéditif dans ce propos. Le ministre feint d’ignorer que ce n’est pas « un » juge qui décide, mais une instance collégiale ; que le parquet ­ c’est-à-dire le ministère public ­ était en l’occurrence favorable à la mesure de libération conditionnelle, et que les uns et les autres n’ont fait qu’appliquer la loi. Mais qu’importe, M. Sarkozy « expédie », comme on ferait au zinc du bistrot du coin, quand tout paraît simple. Pire encore, lorsqu’il suggère que les victimes ou les « associations de victimes » pourraient être associées aux décisions de justice, il remet en cause le fondement même de l’institution : la neutralité. En confiant l’arme du jugement à celui qui est dans la douleur et dans la passion, il se rapproche dangereusement de la loi de Lynch. Tout cela ne déplairait pas en effet à Le Pen. Mais c’est aussi et peut-être surtout très proche des conceptions de George W. Bush. Un modèle, décidément, pour l’homme le plus en vue de notre nouvelle droite. Au total, on ne voit guère qu’un avantage aux propos de Nicolas Sarkozy. Trois semaines après le débat référendaire, ils viennent rappeler à ceux qui avaient détourné le mot ce que réellement « populisme » veut dire.

Denis Sieffert

La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
T
1 juillet 2005 20:45
hmm .. j'ai du mal à comprendre ce texte !
C'est qui Denis Sieffert ?
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2 juillet 2005 10:51
Bonjour,

Et pourtant le texte est limpide mais si tu ne vis pas en France tu ne pourra pas le comprendre.

Denis Sieffert est le directeur de la rédaction de « Politis ».
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
T
2 juillet 2005 14:04
Merci pour pour les précisions loubna. Je tacherais de suivre un peu plus le rôle joué par Sarkozy en France.
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