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Enlèvement de l'Imam en Italie par la CIA
Y
5 septembre 2005 09:27
Extraordinary Rendition »
À LA RECHERCHE DE MISTER BOB ET DES 18 SALOPARDS
dimanche 28 août 2005, par Fausto Giudice




RUBRIQUE : La liberté







L’histoire que vous allez lire est véridique : c’est celle de l’enlèvement, en plein Milan, par une équipe d’agents de la CIA, d’un Égyptien de 39 ans, Nasr Oussama Mustafa Hassan, alias Abou Omar, le 17 février 2003. Natif d’Alexandrie, Abou Omar avait obtenu l’asile politique en Italie en 2001. Il avait été détenu pour motifs politiques en Égypte en 1993. Qualifié à tort d’imam du centre islamique du boulevard Jenner à Milan, il s’était simplement fait remarquer pour avoir parfois dirigé la prière dans un autre lieu de culte, situé rue Quaranta à Milan. Enlèvement suivi d’une « remise extraordinaire » (« extraordinary rendition ») aux services secrets égyptiens (Mabahith Amn Al Dawla, State Security Intelligence) au Caire. Depuis plus d’un an, on est sans nouvelles d’Abou Omar. Dans le pire des cas, il est mort. Dans le meilleur des cas, il est dans une prison égyptienne.


Cet enlèvement n’est pas le seul commis par la CIA après le 11 septembre 2001 aux quatre coins de la planète. Mais il est le seul à avoir déclenché une procédure judiciaire. Ce que nous pouvons savoir de cette affaire provient des fuites à partir du dossier de l’instruction menée par la juge d’instruction milanaise, Chiara Nobili. Celle-ci a émis, fin juin 2005, un ordre d’arrestation contre 13 agents de la CIA identifiés au terme d’une enquête emnée par la police antiterroriste italienne, la DIGOS. Les procureurs Armando Spataro et Ferdinando Pomarici avaient demandé l’arrestation en tout de 19 agents de la CIA. Deux mois plus tard, aucune de ces arrestations n’a pu être opérée. Les coupables d’enlèvement et de torture et complices vraisembables d’une exécution extrajudiciaire se cachent quelque part dans le monde.

Le chef du commando, Robert Seldon Lady - connu comme “Bob Lady” -, ancien chef de la station de la CIA à Milan, s’est sans doute réfugié dans son Honduras natal. Cette affaire très grave signifie que la CIA n’hésite plus à appliquer dans le monde entier les méthodes mises au point en Amérique centrale et du Sud dans les années 50 à 80. L’ennemi d’hier était le communisme. Celui d’aujourd’hui est l’islamisme. La manière cavalière dont les services secrets US ont traité leurs alliés italiens dans cette affaire est révélatrice du mépris yankee pour les “partenaires de coalition”. À lire et méditer...

Soudain, rue Guerzoni...
Milan, Italie, lundi 17 février 2003, midi : Abou Omar sort de sa maison, située rue Conte Verde 18. Il dit à sa femme Nabila : « Je vais à la mosquée. » Celle-ci est située à à peine un kilomètre à vol d’oiseau, boulevard Jenner. L’homme, vêtu d’un kamis blanc, remonte la rue dans le sens contraire à la circulation automobile. Il note qu’une fourgonnette blanche ralentit en arrivant à sa hauteur. Il s’engage dans la rue Ciaia. Entre temps, la fourgonnette a fait le tour du pâté d’immeubles et attend Abou Omar rue Giuseppe Guerzoni, une rue où les voitures peuvent circuler à double sens et délimitée des deux côtés par des jardins publics et par le centre de collecte de la Croix violette. C’est ici que l’embuscade aura lieu, tendue par une douzaine d’agents de la CIA. Deux voitures bloquent les deux extrémités de la rue. Arrivé devant le numéro 23 de la rue Guerzoni, Abou Omar est interpellé par un des deux hommes sortis de la fourgonnette blanche, téléphone portable à la main. L’homme parle italien, se présente comme policier et exige de voir un document d’identité. Puis il pulvérise une bombe spray au visage d’Abou Omar. L’inconnu et son acolyte se jettent sur Abou Omar, qui se débat et crie. Une jeune femme égyptienne sort à ce moment-là des jardins publics avec ses enfants. Abou Omar lui crie qu’on l’enlève, puis disparaît dans la fourgonette, qui démarre sur les chapeaux de roue.

Le jeudi 20 février, Nabila et la femme qui a été témoin de l’enlèvement déposent plainte au commisariat de Cenisio. Le vendredi 21, l’imam de la mosquée du boulevard Jenner lance un appel aux fidèles pour qu’ils signalent s’ils ont vu ou entendu quelque chose sur la disparition d’Abou Omar. Le 3 mars 2003, la CIA “informe” le gouvernement italien que “selon des informations impossibles à vérifier, Abou Omar pourrait se trouver dans les Balkans.” Le silence retombe. Il durera 13 mois.

Un appel d’Alexandrie
Le 20 avril 2004, Nabila reçoit un appel téléphonique. C’est son mari, qui l’appelle d’Alexandrie en Égypte. Il la rassure, lui demande de lui envoyer 200 Euro et de ne plus parler à la presse. Le 1er mai, Mohamed Ridha, imam, lui aussi égyptien, de la mosquée de la rue Quaranta, reçoit un appel de son ami Abou Omar. Ils prennent un rendez-vous téléphonique pour le 8 mai. Et ce jour-là, Abou Omar raconte ce qui suit :

« Les deux hommes qui m’ont kidnappé semblaient italiens, mais je ne sais pas s’ils l’étaient. Ils pensaient m’avoir étourdi avec la bombe spray, mais quand la fourgonnette a redémarré, j’ai pu me relever. Ils m’avaient mis un adhésif sur la bouche mais j’avais les yeux libres et ils m’avaient laissé ma montre. Nous avons roulé pendant cinq ou six heures. Quand la fourgonnette s’est arrêtée et qu’ils ont ouvert la portière, le soleil se couchait, il était entre cinq et six heures. J’ai eu la sensation d’être sur une base militaire américaine, car j’ai reconnu les insignes sur les flèches de quelques avions. Les deux hommes m’ont emmené dans une pièce et m’ont laissé seul. Après environ une heure, quatre autres hommes sont arrivés. Ils m’ont interrogé jusqu’à 3 heures du matin. Au début, ils essayaient de parler italien, mais ils le parlaient mal, ils sont donc passés à l’anglais. Ils insistaient toujours sur le même point : « Tu fais de la propagande contre l’intervention américaine en Iraq, tu pousses à la haine contre les Américains. C’est vrai ? C’est vrai que tu recrutes des combattants pour les envoyer en Iraq ? » Je répondais que non, que ce n’était pas vrai et eux, ils répétaient leurs questions. À un certain moment, ils m’ont montré une affiche que j’avais écrite, dans laquelle je dénonçais les méfaits de l’Italie en Libye et en Somalie. Puis les coups ont commencé à pleuvoir. Ils m’ont battu pendant des heures. Vers 3 heures du matin, ils m’ont transféré à bord d’un petit avion, qui a volé pendant quatre heures. À l’aube, nous avons fait escale sur une autre base militaire américaine. Je pense qu’elle était située au bord de la Mer Rouge. L’avion est reparti peu après et une heure plus tard, on arrivait à l’aéroport civil du Caire. Dès ma descente d’avion, j’ai été réceptionné par des officiers égyptiens. Ils m’ont bandé les yeux et m’ont emmené à Lazoughli [centrale des services de renseignements égyptiens au Caire, NDLR], dans une pièce sécurisée. Puis, de là j’ai été emmené au ministère de l’Intérieur. Là, ils n’y ont pas été par quatre chemins : « Si tu veux retourner en Italie, tu peux le faire en moins de 24 heures. À une seule condition : que tu travailles pour nous. »

Torture à Mazra’at Tora
Abou Omar refuse. Il est alors emmené à la prison de Mazra’at Tora et les séances de torture commencent. Il raconte :
« Si les questions étaient légères, les tortures étaient lourdes. Ils m’ont mis dans une cellule frigorifiée, complètement nu, il devait faire -20°, car je sentais tous les les os de mon corps s’émietter. Lorsque j’ai été complètement gelé, ils m’ont traîné dans une pièce qui brûlait comme le feu, où il devait faire au moins 50°. Une autre fois, ils m’ont allongé sur un sol mouillé sur lequel ils avaient disposé des câbles électriques. Les décharges que j’ai reçues ont provoqué une paralysie des jambes et d’une partie du dos. »

Les questions posées semblent n’avoir aucune importance. Ce qui intéresse les tortionnaires, c’est une liste de noms. Premier nom : Mohamed Ridha. Second nom : Abou Emad, imam du boulevard Jenner. Troisième nom : celui d’Abou Omar. « Ils m’ont dit que si je voulais sortir de là, il fallait que je vous livre à eux. »
Abou Omar passera 14 mois à Mazra’at Tora. Un beau jour, on vient lui annoncer qu’il est libre. À une seule condition : « Si tu veux sortir sur tes propres jambes et pas dans un cercueil, ne raconte jamais ce qui t’est arrivé. Tu devras dire que tu es venu en Égypte de ton propre gré avec un billet d’avion acheté en Italie. » Abou Omar signe la promesse. Il sort de prison le 19 avril 2004.

Mais les appels téléphoniques qu’il a fait vers l’Italie, captés par les services de renseignement italiens, qui ont fait opportunément fuir l’information à la presse italienne, le reconduisent en prison.
Le 12 mai 2004, il est à nouveau arrêté à son domicile d’Alexandrie. Depuis cette date, on n’a plus aucune nouvelle de lui, si ce n’est une lettre parvenue en mai 2005 à sa première épouse, installée en Albanie, et disant simplement : « Maintenant, je vis à Alexandrie. »

L’enquête italienne
Entre temps, la justice italienne ne s’est pas croisée les bras. Et le procureur Armando Spataro s’est mis au travail. Les hommes de la DIGOS ont enquêté. Ils n’ont eu aucun mal à reconstituer les événements. En effet, l’équipe de la CIA qui a procédé au kidnapping n’a pris aucune des précautions élémentaires d’usage, sans doute parce qu’elle était sûre de son impunité. Il semble à peu près sûr que la CIA n’a pas informé ses collègues du SISMI (Service militaire de renseignement) et de la DIGOS de l’opération, mais il est vraisemblable que des contacts ont eu lieu au niveau politique entre Washington et Rome pour que le gouvernement Berlusconi donne le feu vert à l’opération.

Durant les 3 mois précédant l’opération, les agents de la CIA ont utilisé des téléphones portables et non des radios. De plus, ces portables appartenaient à l’ambassade US à Rome et l’un d’eux fut à nouveau utilisé par un fonctionnaire de l’ambassade après l’enlèvement d’Abou Omar ! À partir des relevés de numéros et de la localisation de ces portables, ainsi que des paiements effectués par cartes de crédit, les enquêteurs retrouvent les hôtels 5 étoiles où l’équipe a logé avant l’opération, ainsi que l’agence de location de véhicules où ont été louées la fourgonette blanche et les voitures utilisées par le commando. Les policiers récupèrent ainsi les photocopies des pièces d’identité fournies par les membres du commando.

Voici les noms, réels ou supposés, des 12 agents de la CIA que la justice italienne veut arrêter :
Robert Seldon Lady, chef d’antenne de la CIA à Milan, qui a dirigé toute l’opération et a vraisemblablement accompagné Abou Omar au Caire, pour assister aux interrogatoires ;
Monica Adler ou Courntney, 32 ans, née à Seattle, résidente en Virginie ;
Cynthia Logan, 45 ans, née au Maryland, adresse inconnue ;
Pilar Rueda, 44 ans, née en Californie, adresse inconnue ;
Gregory Asherleigh, 50 ans, né au Maryland, résident à Washington, DC ;
Lorenzo Carrera, 34 ans, né au Texas, parlant couramment italien et espagnol ;
Chamming Drew Carlyle, 40 ans, né à New York ;
John ou Kevin Duffin, 53 ans, né en Illinois, résident in en Pennsylvanie ;
Raymond Harbaugh, 66 ans, né en Alaska, adresse : une boîte postale en Virginie ;
Ben Amar Harty, 61 ans, né dans l’Iowa, d’origine arabe, parlant couramment l’arabe ;
George L. Purvis, 46 ans, né en Chine, résident en Virginie ;
Joseph Sofin, 52 ans, né en Moldavie, résidenten Virginie.
Michalis Vasiliou, 43 ans, né en Grèce, adresse inconnue.
Les six autres suspects que la justice italienne souhaiterait entendre sont identifiés comme : Eliana Castaldo, Victor Castellano, John Thomas Gurley, Liliana Brenda Ibanez, Anne Lidia Jenkins et Joseph L. Romano. Ce dernier a été clairement identifié : il s’agit d’un colonel de l’armée US, aujourd’hui employé au Pentagone à Washington. À l’époque des faits, c’est lui qui a, en tant que responsable de la sécurité de la base, délivré l’habilitation de sécurité pour l’équipe de la CIA qui a pénétré sur la base aérienne militaire US d’Aviano, près de Venise, d’où l’avion transportant Abou Omar s’est envolé.

Mister Bob
Le chef du commando, Robert Seldon Lady, a 51 ans. Il est né en 1954 à Tegucigalpa, capitale du Honduras, où son père, “Mister Bill” est mort en 2004, après une carrière bien remplie de touche-à-tout. Devenu propriétaire foncier d’une grande ferme proche de la frontière nicaraguayenne, Mister Bill a sans doute été un agent opérationnel de la CIA, notamment durant la période où l’agence entraînait les contre-révolutionnaires, les “contras”, contre le régime sandiniste au Nicaragua.

Bob commence sa carrière dans la police de New York, où il infiltre notamment un groupe gauchiste. Puis il entre à la CIA et opère pendant toutes les années 80 au Honduras, sans doute au sein du fameux Bataillon 316, l’escadron de la mort créé par la CIA au sein de l’armée hondurienne pour torturer et exécuter sans autre forme de procès les suspects de “communisme”. En 1994, l’ensemble des agents de la CIA en Amérique centrale sont brûlés : le traître Aldrich Ames a fourni leurs identités au KGB. Pour Mister Bob, commence une période de recyclage. On sait qu’il a été en poste à Panama, tout en étant domicilié à Abita Springs, près de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane.

Puis, début 2001, Mister Bob prend son nouveau poste de chef de la station de la CIA à Milan, en Italie. Officiellement, il est “officier politco-militaire” au consulat. Or, il est le seul fonctionnaire US en poste à l’étranger à être affublé de ce titre. Il semble qu’il ait été associé à l’opération de désinformation montée par les faucons de la Maison blanche et du 10 Downing Street pour justifier l’attaque contre l’Iraq, baptisée le “Nigergate”. Un document forgé par Rocco Martino, un ancien agent du SISMI italien recruté par la DGSE française, a servi à accréditer la thèse selon laquelle l’Iraq de Saddam Hussein avait acheté de l’uranium au Niger. Lady a aussi été mêlé à un autre scandale : l’Irangate. Manuchar Ghorbanifar, un agent “free-lance”, iranien, a organisé la vente secrètes d’armes à l’Iran. L’argent gagné a été utilisé par le Colonel Oliver North pour acheter des armes, livrées à la Contre nicaraguayenne, notamment par Mister Bob.

Bob et sa femme Martha se sont achetés [sans doute avec l’argent gagné avec l’enlèvement d’Abou Omar] une villa à Penango, près d’Asti, dans le Piémont italien, a mi-chemin entre Turin et Milan, où ils se sont installés en septembre 2003. Bob, qui avait d’excellentes relations avec ses collègues italiens de l’antiterrorisme, les a souvent invités pour des repas bien arrosés dans cette villa. Mise sous surveillance par la DIGOS à partir d’avril 2004, Martha reçoit un appel téléphonique de Bob, fin mai 2005, depuis le Honduras. Après cet appel, elle s’envole à son tour pour le Honduras. Lorsqu’elle revient à Penango, elle apprend qu’un mandat d’arrêt a été délivré contre son mari. Les policiers qui perquisitionnent la villa le 23 juin 2005 ne trouvent pas Mister Bob, mais, dans le garage, une liste des hôtels utilisés par le commando de l’enlèvement d’Abou Omar et des disques durs contenant des informations sans doute très intéressantes. Lors d’une communication téléphonique avec Bob, quelques jours plus tard, Martha lui raconte qu’elle avait tenté de détruire ce matériel, mais qu’elle n’y était pas arrivée avant la perquisition.

La juge Nobili avait refusé d’émettre un mandat d’arrêt contre les six comparses du commando. Le procureur Spataro s’est donc tourné vers la Cour d’appel, qui a décidé le 25 juillet 2005 qu’ils devaient aussi être arrêtés.
Bob Lady et les 18 salopards pourront-ils jamais répondre de leur crime devant la justice italienne ? Abou Omar, s’il est encore en vie, réapparaîtra-t-il un jour ? Le procureur Spataro envisageait aux dernières nouvelles de demander son extradition à l’Égypte. Il y a peu de risques que cette procédure aboutisse.

Abou Omar n’est pas le seul martyr de la croisade yankee contre le terrorisme. Deux semaines avant lui, un autre musulman suspecté de terrorisme a disparu, victime d’un enlèvement similaire. Jamel Elmenshaoui était un pédiatre installé à Graz, en Styrie (Autriche). Son kidnapping était programmé en Autriche lorsqu’il s’envole vers la Jordanie, d’où il se rend en Arabie saoudite pour organiser le pélérinage de sa famille à La Mecque. Il est kidnappé à la frontière jordano-saoudienne et échoue lui aussi à Lazoughli, au siège des services secrets égyptiens. Depuis,on n’a aucune nouvelle de lui.

Mohamed Morgan est aussi égyptien et vit à Vigevano, près de Milan. En 2003, il se plaint à ses frères d’être suivi en permanence. Fin septembre 2003, il annonce qu’il doit retourner en Égypte. En fait, il est victime d’un chantage. Arrivé au Caire, il est immédiatement conduit à la prison de Mazra’at Tora. Depuis, plus de nouvelles.


L’auteur de cet article est journaliste indépendant, écrivain et éditeur. il est le président du Collectif guantanamo, France. Il peut être contacté à l’adresse suivante : [email protected]


w
5 septembre 2005 15:05
c est pas la premiere fois; il me semnle qu musulman vivant en allemagne avait été enlevé pendant plusieur mois avant que les maericains ne s apperçoivent qu il l avait confondu et relaché a des millier de km en europe de l est si je me souvient.
 
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