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L'enfer est pavé de bonnes intentions
1 mars 2011 13:27
Quelques soient leurs tendances, certains Marocains sur Facebook, par leur agressivité, nuisent à leur pays.

Les violentes discussions de certains Marocains dans les réseaux sociaux, auxquelles j'assiste avec impuissance, m'amènent à une petite réflexion. Il y a deux ans, au Québec, une commission publique sur les accommodements raisonnables a suscité un débat houleux marqué par des insultes, du mépris et parfois d'un racisme franchement déclaré de beaucoup de citoyens de toutes origines.

C'est l'écrivain haïtiano-québécois Dany Laferrière qui avait commenté cette foire d'insultes en disant ceci: «On voit des pauvres insulter d'autres pauvres! On leur laisse la parole. On leur laisse l'excitation. On leur laisse tout ce qui peut énerver les pauvres. Ils se mangent entre eux. Ils se bouffent entre eux. Pendant que le riche reste installé, il regarde tout cela, parce que jamais, lui, il ne participe au débat sur l'identité. Il est trop occupé à faire du fric».

Apparemment, le seul qui a profité de cette coûteuse commission, c'est Jean Charest, premier ministre du Québec. Alors que les citoyens se confrontaient, lui, il en a profité pour se refaire une virginité politique. Il a été réélu pour un troisième mandat!

Un parallèle à dresser

Je raconte cette histoire pour faire un parallèle avec les récentes révoltes populaires arabes. Aussi légitimes soient-elles, les révoltes sont la plupart du temps récupérées, détournées, pour ne pas dire volées aux peuples indignés! Thierry Messian, dans une de ses dernières analyses* explique bien comment la révolte tunisienne a été vite orientée pour ne désigner qu'un seul coupable, Ben Ali. Les slogans «Ben Ali dégage» et «Révolution du jasmin» seraient, selon Messian, une invention de la CIA. Fallait surtout pas dénoncer le soutien des Américains au régime Ben Ali. Encore moins attirer l'attention sur leurs quatre bases militaires en Tunisie. Le pouvoir américain a bien appris sa leçon de la révolution iranienne en 1979.

Dans tout ce débat houleux entre Marocains, je n'ai pas lu personne encore, dans les différents forums, qui tient compte de l'enjeu géostratégique! Autrement dit, de l'intérêt des Américains et d'autres puissances dans la région. Et si tous les Marocains, qui s'affrontent dans les réseaux sociaux, se rendaient compte que leurs chicanes, leurs confrontations et éventuellement leur révolte fera l'affaire d'un autre?!!

Je vous raconte l'histoire d'un Afro-Américain qui a voulu jouer au révolutionnaire. Pour soutenir la révolution islamique iranienne, ce jeune converti à l'islam a accepté en 1979 d'assassiner l'attaché de presse du Shah à Washington. Sa mission accompli, il s'est enfui aussitôt en Iran. 25 ans plus tard, il découvre que son crime a moins servi la révolution islamique iranienne que l'élection de Ronald Reagan! Sa colère et son indignation contre le pouvoir américain ont été récupérées par ce même pouvoir. C'était un coup monté. Son histoire a fait l'objet d'un très bon documentaire d'enquête «Le fugitif ou la vérité d'Hassan» signé Jean-Daniel Lafond.

Le cas d'Hassan est un cas parmi tant d'autres. Il illustre la cécité qui s'empare de certains révoltés en devenant la chair à canon de puissants intérêts. Comme on dit «l'enfer est pavé de bonnes intentions». J'ai l'impression que cet enfer guette le Maroc à travers certains révoltés qui croient servir leur pays. Avec leur impatience et leur excitation, suite aux derniers évènements en Égypte et en Tunisie, ils se découvrent soudainement une vocation de révolutionnaires! Comme s'il n'y avait qu'une seule façon de faire la révolution.

Avec des amis pareils...

Par ailleurs, j'observe ceux qui se déclarent plus royalistes que le Roi, n'acceptant aucun changement! Ceux qui voient dans la démocratie, l'ennemie no 1 de leur pays. Avec des amis pareils, les Marocains et leur monarchie n'ont pas besoin d'ennemis. Je note également cette page sur Facebook qui annonce son titre en arabe «Nous casserons la tête à ceux qui oseront défier le Maroc». Elle appelle à l'agression physique de ceux qui manifesteront le 20 février. Avec eux aussi le régime marocain n'a pas besoin d'ennemis. Vouloir empêcher cette manifestation est une erreur grave. Cela va à l'encontre d'un progès non négligeable que le Maroc a fait en matière de libertés, dont la liberté de manifester. Les détratcteurs de cette marche ignorent qu'empêcher une telle manifestation fera l'affaire d'un autre!

Les Marocains ne méritent pas d'être pris en otages entre ces deux extrêmes. Ceux qui prétendent que le Maroc va très bien et ceux qui prétendent que le Maroc va très mal. Les uns et les autres choisissent les chiffres et les exemples qui correspondent à leur idéologie. Apparemment, il est difficile pour certains de situer la nuance qui s'impose entre les deux.

Abdellatif Laabi, poète et ex-prisonnier politique marocain a écrit et publié récemment un texte intitulé «Le Maroc ne va pas si bien». Il aurait pu bien l'appeler «Le Maroc ne va pas si mal», il aurait eu tout aussi raison. Tahar Benjelloun, de son côté trouve que le Maroc n'a rien avoir avec la Tunisie. Il reconnaît l'importance de la culture et la liberté d'expression acquise suite aux années de plomb : [www.bladi.net] [www.bladi.net]

Monarchie citoyenne?

Le Maroc n'est pas sur une autre planète. Il est normal qu'il s'adapte aux mouvements du monde! La démocratie est une valeur désormais universelle que la société civile marocaine est en train de mettre en place, contre vents et marées. Le Roi lui-même, dans plusieurs discours a parlé de monarchie citoyenne. Une monarchie où désormais le sujet devient citoyen. La disparition de certaines pratiques et rituels monarchistes, comme le traditionnel baise-main fera partie de l'évolution des mentalités.

Il y a actuellement une autre page Facebook qui fait appel aux Marocains du monde entier, quelques soient leurs tendances politiques pour s'unir autour d'un seul objectif: le progrès du Maroc et son unité. La photo de cette page ne représente pas le Roi. Elle représente le drapeau national avec en avant plan le profil d'un lion d'Atlas fixant l'horizon. L'avenir. Demain. Voilà une image qui vaut mille mots. À chaque Marocaine et Marocain de la méditer.

Je vois dans cette image des hommes et des femmes qui ont en commun l'amour de leur pays et qui décident de concentrer leurs énergies, moins dans la confrontation que dans la collaboration. Les Marocains ont une occasion en or de se distinguer comme ils l'ont fait souvent dans leur histoire! Nul besoin de se manger entre eux, de se bouffer entre eux!

À regarder les images des 5000 Tunisiens débarquant en Italie, je me dis à qui cela profite? Voir le monde arabe tomber dans le chaos et dans la désolation ferait-il partie d'un plan diabolique? Quand on sait ce qui s'est passé en Amérique latine dans les années 70, c'est la moindre des choses que de rester vigilant et lucide devant ce qui se passe dans le monde arabe. Oui, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Mohamed Lotfi

*[www.voltairenet.org]
[center][b]« Tout le monde pense à changer le monde mais personne ne songe à se changer lui-même. »[/b][/center] اكتُب مبادئك بقلمٍ جاف حيث الرسوخ و الثبات •• و اكتب آرائك بقلمِ رصاص حيث التعديل و التصحيح
m
1 mars 2011 14:06
Très intéressent. J'ai pris le soin de lire jusqu'au bout et je trouve les analyses très enrichissantes et réelles . Merci de cet apport!

J'ai néanmoins quelques questions dont les réponses ne paraissent pas si claires, notamment dans le cas des marocains et les dangers de leur utilisation des réseaux sociaux :
1- par quel moyen voulez-vous qu'une partie de la jeunesse puisse s'exprimer et échanger par rapport aux injustices qu'ils perçoivent autour d'eux?

2- ils ne croient pas à la politique, ni aux journaux, ni même pas au foot national -puisque leurs équipes sont le Barça et le Real- alors, ils sentent la corruption, il y en a qui n'ont aucun espoir ni lendemain dans la société actuelle, du coup, ils passent des heures dans les cybers à tchater pour trouver une Gaouirya ou un moyen de s'échapper de son quotidien. Du coup, ils sont bombardés d'informations que leurs parents n'en avaient aucun moyen de les connaitre : les richesses, la corruption, le cercle de pouvoir, les loisirs de leurs compatriotes, les voyages...comme vous devez le savoir, on ne vit pas que pain et de sucre, que proposer pour qu'ils ne tombent pas de le "piège" de facebook ou autre? Et comment controler leurs émotions car déjà à fleur de peau?

3- enfin, il y en a qui sont habitués en vivant en Europe à une sorte de liberté d'expression - je m'avance un peu trop, car la véritable n'existe pas - et donc ils trouvent tout à fait normal de dire ce qu'ils pensent . Du coup ça entraine une chaine, un réseau, un.. problème pour ceux qui sont au pouvoir et qu'ignorent cet état de fait.. Ont-ils le droit de dénoncer?

En tout cas, j'apprécie votre post et le trouve très intéressent.
s
1 mars 2011 18:47
Je ne vois pas ce qu'il y a d'extrémiste à dire que le temps des hommes providentiels est révolu, qu'un seul homme aussi "bon" soit-il ne peut détenir indéfiniment quasiment tous les pouvoirs, prendre toutes les décisions vitales et être exempt de critiques.
Les temps changent, il faut sortir de l'opacité savoir qui fait quoi et dans quel intérêt. Si des jeunes au lieu d'échanger argumenter sur facebook, s'insultent allègrement c'est qu'ils sont le reflet d'un système et d'une éducation. Certains ont peut être pris conscience de cela et voudraient que les choses changent. Sans rapport de force, rien n'est possible.
Pourquoi prendre l'exemple de l'amérique latine et pas celui de l'europe de l'est, qui est plus proche du maroc. A ma connaissance ces pays ne regrettent pas les régimes déboulonnés.
Si certains tunisiens quittent leur pays, ils profitent seulement du flottement actuel chez eux pour émigrer. Ils l'auraient fait aussi sous benali s'ils le pouvaient.
a
1 mars 2011 20:07
Salam,

Quand on est jeune, on vénère ou on méprise sans y mettre encore cet art de la nuance qui forme le meilleur acquis de la vie, et l'on a comme de juste à payer cher pour n'avoir su opposer aux hommes et aux choses qu'un oui et un non. Tout est agencé dans le monde pour que le pire des goûts, le goût de l'absolu, se trouve cruellement berné et maltraité, jusqu'au moment où l'homme apprend à mettre un peu d'art dans ses sentiments, ou même à essayer plutôt de l'artificiel, comme le font les vrais artistes de la vie. L'humeur courroucée ou respectueuse qui est propre à la jeunesse semble ne pas vouloir se donner de cesse qu'elle n'ait dénaturé choses et gens jusqu'au point où elle pourra se donner libre cours. La jeunesse est par elle-même encline à falsifier et à tromper. (FN)

On n'est pas dans le domaine de l'innée. - Mais pourquoi parler de cela en ce moment? Maintenant?

«On voit des pauvres insulter d'autres pauvres! On leur laisse la parole. On leur laisse l'excitation. On leur laisse tout ce qui peut énerver les pauvres. Ils se mangent entre eux. Ils se bouffent entre eux. Pendant que le riche reste installé, il regarde tout cela, parce que jamais, lui, il ne participe au débat sur l'identité. Il est trop occupé à faire du fric»

Ce riche usera de la même grossièreté et de la même violence si ces aspirations rencontraient des contraintes, des obstacles. Il n'est pas plus mieux éduqué que les autres. Il vient de la même école pulsionnelle...
a
1 mars 2011 20:31
Salam,

Comme si la nuance et la complexité affective se trouvaient du côté des chefs arabes et de leur clique!

Observez bien, regardez bien, jaugez les choses avec profondeur. Ainsi vous ne commettrez pas d'erreurs fâcheuses... C'est Ben Ali qui parle?
 
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