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Elections américaines : lobbies, argent et pouvoir
a
1 novembre 2006 12:01
LE MONDE | 31.10.06



Devenu partie intégrante de la politique américaine, le lobbying n'est jamais aussi actif qu'en période électorale, lorsque les clients des lobbyistes espèrent voir élus le plus possible de candidats réceptifs à leurs préoccupations. Le terme désigne une tentative d'influencer les autorités. Lobby - "couloir", en anglais - évoque le pied de grue auquel est astreint celui qui intervient auprès du décideur...


On recense les premiers lobbyistes dès les années 1870. Ils arpentaient les couloirs de l'Hôtel Willard, près du ministère des finances et de la Maison Blanche, dans l'espoir d'attraper par la manche le secrétaire au Trésor, voire le président Ulysses Grant, qui venait y fumer le cigare. A l'époque, la présidence n'avait que quelques dizaines de salariés. Elle emploie aujourd'hui plus 900 hauts fonctionnaires : autant d'interlocuteurs pour les lobbyistes. Leurs cibles se situent dans l'administration et au Congrès. Ainsi, quand la loi sur les soins de santé a été discutée, en 2003, à la Chambre des représentants, on y comptait 952 défenseurs de l'industrie pharmaceutique et des compagnies d'assurance médicale pour... 435 députés.

Selon le statut fédéral, le lobbying est une "communication" effectuée par un intéressé devant un élu ou un fonctionnaire de la présidence ou des 200 agences fédérales (administrations publiques), portant sur la formulation ou la modification d'une loi. La loi de 1995 (Lobbying Disclosure Act) définit comme lobbyiste quiconque gagne au moins 5 000 dollars ou dépense au moins 20 000 dollars pour cette activité durant six mois et a établi plus d'un contact. Elle l'oblige à se faire enregistrer et à publier ses comptes.

En mars 2005, 21 500 lobbyistes étaient inscrits à la Chambre des représentants. Le Center for Public Integrity estime que 22 000 entreprises ont utilisé les services de 3 500 firmes de lobbying et plus de 27 000 lobbyistes depuis 1998.

Ces derniers se voient comme une profession utile, symbole du 1er amendement de la Constitution qui donne le droit à tout citoyen de présenter une "demande" à son gouvernement. Ils sont soit employés directement par la société qui cherche à promouvoir ses intérêts, soit par un cabinet spécialisé, qui représente toutes sortes d'entités. Les lobbyistes travaillent pour une cause spécifique (par exemple, les énergies renouvelables) ou pour des intérêts purement capitalistiques.

Le cabinet texan Akin, Gump, Strauss, Hauer & Felt, deuxième firme du secteur (une centaine d'avocats, plus de 6 millions de dollars de chiffre d'affaires), représente aussi bien Boeing que la tribu

indienne des Wampanoag, le cinéma de Hollywood ou le pétrolier chinois CNOOC. La plupart des grands pays font aussi appel aux lobbies. Quand la France a été si mal vue aux Etats-Unis, en 2003, ses représentants ont reçu des offres de service de cabinets spécialisés. Les lobbies qui représentent des clients étrangers sont enregistrés séparément (selon le Foreign Agents Registration Act).

Seules deux firmes de lobbying, sur les vingt principales, se trouvent sur K Street, à Washington. Cette artère est pourtant devenue le synonyme des collusions entre le pouvoir et l'argent. La "rue K" a pâti de la publicité faite autour d'un scandale qui affecte, depuis 2005, la majorité républicaine. Il est né d'un projet qu'ont eu ses jeunes loups, notamment texans, lorsque le Parti a repris en 1994, pour la première fois depuis quarante ans, la majorité à la Chambre.

L'adjoint du speaker (président) de la Chambre, Newt Gingrich, était Tom DeLay (aujourd'hui en disgrâce), un important dirigeant de l'association évangélique Christian Coalition. Leur objectif était d'assurer une domination républicaine durable sur le Congrès. Le moyen ? Redécouper les circonscriptions afin d'assurer la "prime aux sortants" et de dégager assez d'argent pour financer leurs campagnes. Le "Projet K Street", comme le nommait DeLay, a consisté à développer les passerelles entre le personnel politique et les cercles conservateurs et à faire pression sur les firmes de lobbying pour qu'elles embauchent des républicains.

"Nous suivons le vieil adage : punissez vos ennemis, remerciez vos amis", expliquait alors l'évangéliste. Depuis, les va-et-vient entre lobbyistes et congressmen n'ont cessé d'augmenter. Il y a quinze ans, le lobbying était une activité peu flatteuse aux Etats-Unis. Mais durant les années de la "nouvelle économie", les élus ont été saisis par la fièvre de l'enrichissement. Depuis, de plus en plus acceptent un recrutement dans le privé.

En 2005, 1 300 lobbyistes étaient d'anciens parlementaires. Sept représentaient AT & T en 2004 : trois démocrates, quatre républicains. John Ashcroft, ex-ministre de la justice de George Bush, représente aujourd'hui Choice Point, une société de collecte et de revente d'informations sur les particuliers, mais aussi Israeli Aircraft Industries, l'aéronautique militaire de l'Etat juif.

Les lobbyistes espèrent obtenir des changements dans la loi ou des crédits pour leurs clients. Pour cela, ils doivent approcher les législateurs, en vertu du principe "payer pour l'accès". La plupart des associations professionnelles ont acheté des locaux près du Capitole pour que les élus puissent venir à leurs invitations. Les lobbyistes renvoient l'ascenseur par des voyages, des financements de campagne électorale, etc. Depuis 1978, ils ont fourni des trésoriers de campagne à 79 candidats.


TENTATIVE DE RÉFORME


Le scandale Abramoff a cependant conduit à une tentative de réforme. En, décembre 2005, le sénateur républicain John McCain a présenté un projet qui limitait drastiquement les cadeaux et les voyages offerts et rallongeait la période durant laquelle les anciens ministres, hauts fonctionnaires et assistants parlementaires ne peuvent pas prendre professionnellement contact avec leurs ex-collègues. Il était aussi prévu d'interdire aux lobbyistes l'accès de la salle de gymnastique du Congrès.

En mars, ce dernier a adopté une version minimale du projet. Les lobbyistes ont interdiction d'offrir des cadeaux aux parlementaires, mais les firmes qu'ils représentent... peuvent s'en acquitter. Les voyages tous frais payés ne sont pas prohibés, pour peu que leur financement soit pré-approuvé. La réforme n'a pas rehaussé l'image du Congrès. La cote de confiance des élus est aujourd'hui aussi basse qu'à l'époque du Watergate (1972-1974).

Malgré la réforme, le lobbying est l'un des thèmes de la campagne des mid-terms, les élections à mi-mandat présidentiel. Les candidats se reprochent mutuellement d'être "prisonniers d'intérêts particuliers", le terme consacré pour désigner telle ou telle branche professionnelle. Les milliardaires, à l'inverse, font des publicités pour expliquer que leur fortune leur permet d'être "vraiment" indépendants.

A Seattle, la sénatrice sortante démocrate, Maria Cantwell, a été accusée par son adversaire d'avoir obtenu 11 millions de dollars pour les clients d'un de ses amis, à la tête d'une firme de lobbying. Plus de 300 publicités ont été tournées pour dénoncer les réceptions offertes par les lobbyistes aux candidats qui leur permettent de collecter des fonds. Au point que le président de la Ligue de défense des lobbyistes américains - le "lobby des lobbies" -, Paul Miller, a pris la mouche. Il a écrit aux responsables électoraux des deux partis : "Si vous êtes tellement convaincus que nous sommes le principal problème dans le système, alors rendez-nous l'argent !" Personne ne l'a encore pris au mot.
c
1 novembre 2006 16:58
Voici un site d'infos intéressant à ce sujet, ça donne une idée de qui donne combien et à qui.
J'en connais qui vont foncer sur AIPAC mais il y en a bien d'autressmiling smiley

[www.opensecrets.org]
a
1 novembre 2006 17:54
Salut chelhman,

T'aurais pas un lien ou une traduction de cet article, c'est très intéressant mais un peu fatiguant à lire en anglais. En tout cas, il faut de l'argent pour se présenter à n'importe quelle élection aux USA.
Bien sûr la facture croit en fonction du poste. Le lobbying représente 2,6 milliards $ pour ces elections de mi-mandat, c'est impression !!
Pour une élection présidentielle ça peut monter jusqu'à 4,6 milliards $ !!!
 
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