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Une élection locale à portée internationale : Les Musulmans londoniens se...
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2 mai 2008 11:21
Le jeudi premier mai, les Londoniens, britanniques ou ressortissants de l’UE, vont élire leur maire pour quatre ans. Dix candidats sont en lice, mais comme les sondages le confirment, le poste semble dédié à l’un des candidats des deux partis principaux en Grande Bretagne :

- Ken Livingstone : actuel maire de Londres, élu deux fois ; en 2000 à la création du poste du maire, puis en 2004. Il est le candidat du parti travailliste.

- Boris Johnson : journaliste et membre du parlement. Il est le candidat du parti conservateur.

Cette élection se déroule en un seul tour selon le système de « vote supplémentaire ». L’électeur doit exprimer un premier choix pour son candidat favori et, optionnellement, il exprime un second choix pour un autre candidat. Le gagnant est celui qui obtient plus de 50% des voix en premier choix, mais si aucun candidat n’atteint ce pourcentage, on garde les deux candidats en tête et on additionne les seconds choix pour déterminer le gagnant.

On ne parle pas beaucoup de cette élection en France, sans doute parce qu’on la considère comme un événement local. Certes, mais ce n’est peut-être pas la seule raison. En vérité, le débat que suscite cette élection outre manche, est l’occasion d’aborder des sujets qui dérangent et qu’on ne souhaite nécessairement pas ébruiter à la une de nos médias.

Alors en quoi cette élection est intéressante à suivre ?

Elle l’est d’abord à cause du caractère, des déclarations et de la politique de Ken Livingstone, l’actuel maire de Londres, qui ont une portée qui dépasse de loin les frontières de la capitale anglaise. En effet, Ken Livingstone, surnommé Ken le rouge pour ses positions de gauche, en dérange plus d’un, et ce pas uniquement dans les partis adverses, ni qu’en Grande Bretagne.

De plus, les Musulmans londoniens se mobilisent publiquement pour soutenir Livingstone. Leur nombre étant estimé entre 450 et 500 milles votants sur 5,5 millions d’électeurs enregistrés à Londres, soit de 8 à 9% des voix, ces citoyens peuvent peser lourd sur le résultat final. Ceci est d’autant plus vrai que les sondages donnent Boris Johnson en tête, mais montrent aussi que l’écart entre les deux candidats principaux s’amoindrit de plus en plus.

Pourquoi Livingstone dérange et pourquoi lui tire-t-on à boulets rouges ?

Il y a évidemment des aspects locaux liés à la politique de gestion du Grand Londres et des rivalités entre partis et orientations politiques diverses. Mais en dehors de tout cela, il y a surtout des points à portée plus globale et plus internationale, qui font partie du domaine réservé des grands maîtres de « l’axe du bien », des maîtres qui ne supportent pas qu’une personnalité médiatique les contrarie.

Ken Livingstone dérange les fidèles alliés, les caniches de Monsieur Bush dans l’île britannique, et à leur tête l’ex premier ministre Tony Blair. Dès le départ Ken Livingstone a été un farouche opposant à la guerre contre l’Irak. En janvier 2003, il signe avec les maires d’autres grandes capitales européennes un appel contre la guerre, et incite les Londoniens à participer à la grande manifestation contre la guerre en février 2003. Par la suite, il qualifie le président étatsunien de « la plus grande menace à la vie sur cette planète » ou encore du « président américain le plus corrompu depuis Harding (29e président des Etats-Unis de 1921 à 1923, Ndt) dans les années vingt ».

Après les attentats de Londres de juillet 2005, alors que des regards de soupçons sont dirigés vers la communauté musulmane, Livingstone déclare que « c’est un acte criminel, d’une poignée d’hommes », et signe un article dans le Guardian en affirmant qu’il y a trois conditions pour que tout le monde soit en sécurité : « Soutenir la police, traiter les Musulmans avec respect et se retirer de l'Irak ».

Il accorde aussi une interview à la BBC où il critique la politique britannique et étatsunienne au Moyen Orient. Il y affirme, tout en les condamnant fermement, que « les attentats n’auraient pas eu lieu si les puissances occidentales avaient laissé les nations arabes libres de décider de leurs propres affaires depuis la première guerre mondiale ». Il dit que ces attentats sont les résultats de « 80 ans d’intervention occidentale sur les terres arabes à cause du besoin occidental pour le pétrole ». Et il ajoute : « Nous avons mis en place des gouvernements peu recommandables et nous avons renversé ceux que nous ne considérions pas comme sympathiques ».

En 2007 il conseille le nouveau premier ministre Gordon Brown qui se rendait aux Etats-Unis : « Gordon Brown doit expliquer que les gouvernements US ont besoin de revenir à une vue réaliste du monde.
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Les Etats-Unis sont l’unique pays le plus puissant du monde, mais sont bien plus faibles que le reste du monde réuni ensemble. La tentative d’un seul pays d’imposer sa volonté unilatéralement sur le reste du monde est non seulement indésirable, mais ne peut tout simplement pas fonctionner. L’ignorance de ceci a conduit à l’invasion désastreuse de l’Irak ».

Livingstone dérange aussi beaucoup les Sionistes, et ce pas uniquement en raison de ses critiques contre la politique de l’administration Bush et ses caniches, tous amis de connivence avec les Sionistes.

En 2005 Livingstone écrit dans le Guardian un article intitulé « Ceci est à propos d'Israël, pas d'antisémitisme » dans lequel il accuse l’état d’Israël de « nettoyage ethnique », il qualifie Ariel Sharon de « criminel de guerre qui doit être en prison et non pas au bureau », il accuse l’état d’Israël d’œuvrer à « promouvoir une image déformée du racisme et de la discrimination religieuse en Europe, induisant que la recrudescence la plus importante de la haine et de la discrimination est contre les Juifs » alors que « la réalité est que la grande majorité des attaques en Europe aujourd’hui sont contre les Noirs, les Asiatiques et les Musulmans – et ils sont les premières cibles de l’extrême droite ». Il termine son article en affirmant que c’est cette politique israélienne de « nettoyage ethnique, de discrimination et de terreur » qui « alimente la colère et la violence à travers le monde ».

Dans l’interview accordée à la BBC citée précédemment, il critique « ces gouvernements qui tuent indistinctement pour faire progresser leur politique étrangère, comme nous l’avons occasionnellement constaté avec le gouvernement israélien bombardant des régions d’où des groupes terroristes pourraient provenir, sans tenir compte des victimes qu’il cause, des femmes, des enfants et des hommes ». Et il ajoute : « Sous occupation étrangère, dénié le droit de vote, dénié le droit de gérer ses propres affaires, et souvent dénié le droit de travailler pendant trois générations, je pense que si cela était arrivé en Angleterre, nous aurions produit beaucoup de candidats aux attentats suicides, nous-mêmes ».

Livingstone dérange aussi par sa politique courageuse en faveur du multiculturalisme et de minorités ethniques et religieuses.

En septembre 2005, il se bat pour installer une statue de Nelson Mandela dans la place de Trafalgar Square en déclarant : « Il ne peut y avoir de meilleur emplacement que notre plus grande place, pour installer une statue de Nelson Mandela, afin que chaque génération rappelle la suivante du combat contre le racisme ».

A l’inverse de certains hommes politiques qui refusent toute idée de repentance des crimes contre l’humanité et des génocides commis par les précédentes générations, en dehors bien entendu de ceux commis envers les Juifs en Europe, ou contre les Arméniens, auxquels on commence à s’intéresser tout particulièrement ces dernières années, car cela implique la Turquie ; Ken Livingstone fait un discours émouvant en août 2007, où il présente des excuses officielles pour le rôle joué par la ville de Londres dans le commerce d'esclaves transatlantique, et demande que le jour du 23 août soit désigné comme journée nationale de mémoire en Grande Bretagne pour « l’horrible crime contre l’humanité ou le commerce d’esclave transatlantique ».

On n’oserait peut-être pas critiquer ouvertement Livingstone envers cette position courageuse contre le racisme anti-noir. Ce qui a provoqué un tollé, et pas seulement qu’outre manche, c’est surtout ses positions touchant les Musulmans.

En juillet 2004, Ken Livingstone invite le cheikh Youssof Al-Qaradawi, un imminent savant très respecté et mondialement reconnu par les Musulmans, à une conférence concernant le port du foulard par les femmes musulmanes, et le reçoit à la mairie de Londres, comme invité d’honneur. Or Al-Qaradawi est la bête noire des Néocons et des Sionistes, en effet tout en condamnant les attentats revendiqués ou attribués à ce qu’on appelle Al-Qaïda, il apporte un soutien franc à la résistance palestinienne, libanaise et irakienne, et il approuve les opérations martyres dans le contexte palestinien. Par conséquent, ses propos sont systématiquement et volontairement sortis de leurs contextes, déformés, mal traduits et diabolisés avant d’être présentés devant l’opinion publique occidentale. C’est d’ailleurs la fonction du fournisseur principal des traductions et des analyses concernant le Moyen Orient arabe ou musulman, l’institut MEMRI, maître dans la « désinformation à l'israélienne ». Ken Livingstone avait d’ailleurs constaté cette volonté de désinformation dans le cadre d’une étude visant à l’informer sur Al-Qaradawi, basée sur les traductions de cet institut.
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SUITE ET FIn :

Malgré la campagne orchestrée dans les médias pour présenter le cheikh comme le mal absolu, Livingstone reçoit Al-Qaradawi et le défend comme «l’un des érudits musulmans qui a fait le plus pour combattre les interprétations régressives de l’Islam, sur des sujets comme les droits des femmes et les relations avec les autres religions ». Il affirme sa volonté de s’engager dans son sens : « Quand se présente une figure progressiste qui fait avancer cette religion dans la bonne direction, vous engagez et vous aidez à développer ».

D’autre part, Ken Livingstone n’hésite pas à critiquer des Musulmans amis de la famille Bush et fidèles alliés de l’administration étatsunienne. En avril 2004 dans une interview au Guardian (interview qu’on ne trouve plus en ligne sur le site du journal, mais dont la citation a été largement diffusée), il s’attaque à la famille royale saoudienne en causant beaucoup d’embarras à Tony Blair : « J’attends avec envie le jour où je vais me réveiller pour trouver la famille royale saoudienne se balançant [pendue] sur des réverbères, et qu’ils [les Saoudiens] aient leur propre gouvernement qui représente le peuple de l’Arabie Saoudite ».

En revanche, Boris Johnson semble le candidat idéal des prêcheurs de haine, les partisans du « choc des civilisations », de la « résistance » à la présence islamique en Occident, et de la « supériorité » des Blancs.

Dans le magazine hebdomadaire conservateur « The Spectator » dont il était rédacteur en chef, il signe un article en mai 2005 où il affirme que « L’Islam est le problème » et que « pour tout lecteur non-Musulman du Coran, l’Islamophobie … semble être une réaction naturelle » et il ajoute que l’Islam « est le plus vicieusement sectaire de toutes les religions ».

Avec l’approche de l’élection, Johnson s’emploie à corriger le tir. En ce mois de janvier 2008, ayant un arrière grand-père musulman turc, il déclare sa fierté d’avoir cette origine : « Mon grand-père était musulman et ainsi fut mon arrière grand-père. Je suis fier d’avoir une ascendance musulmane ». Dans un récent débat télévisé avec ces principaux concurrents, il tente d’atténuer ces déclarations contre l'Islam en 2005, en affirmant que l’Islam est une « religion de paix », et que le problème n’est pas avec la majorité des Musulmans mais avec « des gens qui sortent des citations du livre saint de l’Islam, le Coran, de leur contexte, et les utilisent pour inspirer le mal dans les cœurs des gens ».

Johnson s’efforce aussi de redorer son blason auprès des Noirs, en déclarant qu’il est désolé à propos d’un article affirmant que les Noirs ont le QI le plus petit, publié dans « The Spectator » à l’époque où il était son rédacteur en chef. Il déclare : « Je suis désolé pour ce qui a été écrit précédemment, car ça ne reflète pas ce qui est dans mon cœur ».

Dans ce contexte, les Musulmans londoniens se mobilisent massivement, ce qui est une première d’une telle ampleur pour les Musulmans d’Europe, afin d’appeler à voter en faveur de Ken Livingstone.

Au mois de janvier de cette année, 63 personnalités et organisations musulmanes, parmi les plus influentes à Londres, signent un appel « Donner à Ken un troisième mandat », publié dans le Guardian où, après un bref rappel du bilan positif de l’actuel maire et de son combat pour la justice, elles affirment que « c’est dans le meilleur intérêt des communautés musulmanes de Londres, et aussi de tous les Londoniens, de soutenir M. Livingstone dans l’élection du Maire cette année ».

D’autres Musulmans se mobilisent sur le terrain en formant des équipes pour s’impliquer dans la campagne de Ken Livingstone. Sur leur site web « Muslims 4 Ken », on peut lire en entête ce qui est peut-être le plus important, ce qui pourrait, dans un proche avenir, changer les jeux et les enjeux politiques en Europe et peut-être dans le monde :

« Ta voix. Fais en sorte que rien ne t’empêche de voter le premier mai ».
 
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