La Duplicité des Médias Irak contre Tsunami par MIKE WHITNEY
Les médias américains se sont jetés sur le tsunami en Asie avec la rapacité d'un carnivore sur sa proie. Les journaux et les télévisions sont recouverts de cadavres dérivant en pleine mer, de carcasses déchirées disséminées le long des plages et de corps de bébés enflés alignés en rangs. Chaque aspect de la souffrance a été examiné à la loupe par le regard prédateur des médias.
C'est dans ce genre de situation que la presse occidentale se surpasse ; dans cette ambiance festive des catastrophes humanitaires. Leur goût pour la misère n'est dépassé que par leur appétit pour les profits.
Où était la "presse libre" en Irak lorsque le nombre de morts atteignait les 100.000 ? Jusqu'à présent, nous n'avons rien vu de la dévastation à Falloujah où plus de 6.000 personnes sont mortes et où les cadavres furent alignés dans les rues pendant des semaines. La mort est-elle moins photogénique en Irak ? Ou y'a-t-il des objectifs politiques derrière tout ça ?
N'était-ce point Ted Koppel, il y a à peine quelques jours, qui déclarait que les médias faisaient preuve de retenue en Irak par respect pour la pudeur du public. Il répéta encore une fois la rengaine sur le fait que montrer des images d'Irakiens morts était "de mauvais goût" et que le public américain trouverait de telles images repoussantes. Et combien de fois avons nous entendu de telles foutaises des bouches de Brokaw, Jennings et tous leurs semblables ?
Il semblerait que Koppel et toute la bande aient rapidement changé d'avis. Le tsunami s'est transformé en une agitation médiatique non-stop autour du carnage et des ruines, explorant toutes les facettes de la misère humaine dans les moindres détails sordides. Le festival sanglant est lancé à toute vapeur et l'audimat grimpe avec.
Les médias commerciaux arrivent à étonner le plus blasé des spectateurs. Au moment même où on pense qu'ils ont touché le fond, ils réussissent à s'enfoncer encore un peu plus dans le sensationnalisme. La manipulation des catastrophes est particulièrement dérangeante, surtout lorsque le désastre se transforme en une augmentation de chiffre d'affaires. Koppel peut toujours parler de "mauvais goût" mais ses patrons du conseil d'administration sont plus préoccupés par les résultats de leur entreprise. En d'autres termes, le malheur est bon pour le business.
Cependant, lorsqu'il s'agit de l'Irak, le discours devient autre. Les morts et les mutilés sont cachés hors du champ des caméras. Aucun média n'oserait montrer le cadavre d'un "marine" ou même celui d'un Irakien mutilé par une bombe américaine errante. Cela pourrait saper les objectifs patriotiques de notre mission : la démocratisation des indigènes et leur entrée dans le système économique global. De plus, si l'Irak était couvert par les médias comme le tsunami, le soutien à la guerre pourrait connaître une érosion supérieure à celle des côtes thaïlandaises, et les Américains seraient obligés d'acheter leur pétrole au lieu de l'extraire par la force des armes. Alors à quoi bon ?
Il semblerait que les médias aient raison ; le massacre en Irak EST d'une autre nature qu'en Thaïlande, Indonésie ou en Inde. La boucherie Irakienne fait partie d'un projet beaucoup plus vaste, un projet de conquête, de soumission et de vol des ressources, les prémisses du maintien de la domination blanche pour le siècle à venir.
Le conflit Irakien illustre comment les médias se plient aux objectifs politiques de leurs propriétaires. Les médias picorent les informations selon les intérêts des investisseurs ; jetant aux orties les images (tels que des soldats américains morts) qui ne rendent pas service à leur politique. Ainsi, ils peuvent faire coïncider l'information avec leur doctrine, celle qui sert les intérêts des multinationales. Il s'agit d'éliminer sélectivement tout ce qui pourrait compromettre les objectifs plus larges et impériaux. A l'inverse, le tsunami en Asie permet aux médias d'assouvir l'appétit du public pour la tragédie et de combler son intérêt macabre pour le malheur. Les deux tendances constituent un affront envers le journalisme honnête et envers toute prétention sérieuse à informer les citoyens.
Le différence de traitement (entre l'Irak et le tsunami) est le signe d'une industrie en pleine déliquescence.
Les médias privés peuvent enterrer une information toute en manipulant une autre pour faire grimper l'audimat. Ils sont à la fois capables d'exploiter la souffrance des asiatiques et d'ignorer celle des Irakiens. Dans un cas comme dans l'autre, nous sommes toujours aussi éloignés de la vérité. Il est tout simplement impossible de se faire une idée cohérente du monde à travers le prisme des fabriquants de lessives et d'aliments pour chiens [souvent pripriéaires de médias aux US, en France on dirait plutôt "bétonneur" ou "marchand d'armes" - NDT] . Ils sont plus préoccupés par la création de conditions favorables à la consommation que par un compte-rendu objectif des événements.
Nous avons besoin de médias attachés au principes d'impartialité et de professionnalisme, pas de médias saisis par le fric, le sensationalisme et l'hyperbole.
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Mike Whitney lives in Washington state. He can be reached at: [email protected]