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Droits de l’homme. Le drame de l’esclavage en Mauritanie
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22 janvier 2005 00:06
Droits de l’homme. Le drame de l’esclavage en Mauritanie

Matalla, esclave en fuite : "Revenir
chez mes maîtres ? Jamais !
Ils me tueraient" (P. Isham)
Chez nos voisins du sud, membres de plein droit de "L’union du Maghreb", l’esclavage fait toujours rage. Mais le monde fait semblant de ne rien voir.


"Je me suis sauvé en juin, et je ne veux jamais revenir". Esclave en fuite errant sur les routes de Mauritanie, Matalla avait été intercepté par des militaires, qui lui avaient ordonné de revenir chez ses maîtres. "Jamais ! avait-il crié. Autant que vous m’abattiez tout de suite. Je sais que si je retourne là-bas, c’est ce qu’ils me feront de toutes façons. Je préfère encore choisir
ma mort moi-même". "Et ta famille, ça ne te gêne pas de la laisser derrière toi ?", avait demandé un des soldats. Réponse : "Qu’est-ce que ça change, de toute façon ? On les bat devant moi, je suis battu devant eux. Personne ne peut rien faire". Pris de pitié, les militaires ont finalement laissé Matalla repartir. Depuis, SOS Esclaves, une ONG mauritanienne non reconnue par les autorités, l’a pris sous son aile. Il vit aujourd’hui dans une retraite sûre de Nouakchott, la capitale.
Le cas de Matalla est loin d’être isolé. Bien qu’aucune statistique officielle n’existe sur le nombre des esclaves vivant en République islamique de Mauritanie, la plupart des estimations le situent autour de 30% de la population, un chiffre ahurissant à l’aube du 21ème siècle. Dans ce pays, la pratique de l’esclavage au sens plein du terme (c'est-à-dire la possession des hommes à l’égal des autres biens meubles) est une coutume bien enracinée dans le temps. Celui qui naît esclave le demeure à jamais. Le poids de la tradition, la servitude acceptée comme héritage culturel et l’absence de protection légale font qu’il est encore bien difficile, aujourd’hui, de briser les chaînes de l’esclavage. D’autant que ce sujet reste, en Mauritanie, le tabou des tabous. Officiellement, l’esclavage a été aboli en Mauritanie en 1981. Mais c’était une abolition "pour la forme", destinée à faire tomber la pression internationale. Aujourd’hui encore, un propriétaire d’esclaves n’encourt aucune sanction pénale.

Ils ne connaissent rien de leurs origines
Comme Matalla, il y a ceux qui fuient. Mais ils ne sont pas tirés d’affaire pour autant. Explication d’un avocat de SOS Esclaves, soucieux de garder l’anonymat : "L’esclave qui fuit arrive en ville. Il remplit des formulaires mais il n’est pas entendu, on ignore sa présence. Bien souvent, il craint pour sa vie, car aucune loi ne le protège. C’est quelqu’un qui n’a jamais fréquenté l’école, qui n’a aucune qualification. Bien sûr, il peut creuser des puits, garder les moutons… Mais en ville, ce ne sont pas des métiers. Les esclaves sont des créatures sans pouvoir". Ce sont même des créatures sans nom. Né en esclavage, un âbd (pluriel : âbid) prend le nom de la famille de son maître, condamné à ne jamais rien savoir de ses origines. Quand on lui demande d’où il vient, Joumâa, esclave affranchi, répond : "De ma grand-mère" ! Ses anciens maîtres se prétendaient ses parents mais c’était absurde, puisqu’ils n’avaient pas la même couleur de peau que lui. "Je suis Noir", précise-t-il comme si c’était nécessaire, en pointant son visage du doigt. Ses anciens maîtres, eux, sont des Bidane, des Maures de race blanche issus de la minorité arabo-berbère qui constitue la classe dominante en Mauritanie.
Héritiers par les mères de leur condition de servitude, la plupart des esclaves viennent au monde en croyant au lien familial qui les unit à leurs maîtres. L’état de dépendance qui en résulte est d’autant plus fort qu’ils ne bénéficient d’aucun des droits civiques de base des Mauritaniens nés "libres". Joumaâ raconte : "La famille au sein de laquelle j’ai grandi avait un fils. Nous avions presque le même âge. Pendant qu’il allait à l’école coranique, puis à l’école moderne, je gardais les bêtes, j’allais chercher de l’eau, j’accomplissais des tâches domestiques, vingt quatre heures sur vingt-quatre".
En septembre 2001, Abdel Nasser Ould Othman Sid’Ahmed Yessa, fils d’un important ministre du gouvernement mauritanien et lui-même ancien propriétaire d’esclaves, avait déclaré à une ONG américaine contre l’esclavage : "Quand les enfants sont jeunes, il n’y a guère de différence entre l’esclave et le maître. Quand j’étais petit, ma famille avait cinq esclaves. La plupart du temps, nous jouions ensemble. Mais dès l’âge de six ans, la pyramide sociale s’est dressée entre nous. Mon ami Yebbawa, un garçon du même âge que moi, fut affecté à mon service. Cela m’avait paru normal, jusqu’au jour de mes seize ans… Mes trois héros, dont les photos ornaient les murs de ma chambre étaient Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela… Quand je me suis engagé, plus tard, dans l’action politique, j’ai commencé à m’agiter contre l’esclavage". Aujourd’hui réfugié politique en France, condamné à la prison dans son pays pour ses liens avec SOS Esclaves, Ould Yessa explique : "Les esclaves sont persuadés que s’ils n’obéissent pas à leurs maîtres, ils n’iront pas au paradis. Ils sont élevés dans un système social et religieux qui renforce chaque jour un peu plus cette idée. Dans notre société actuelle, les esclaves, hommes ou femmes, ont besoin d’un maître qui les protège, qui les conduise à l’hôpital, qui les représente devant les tribunaux. Il leur faut un protecteur ou un intermédiaire pour se débrouiller dans la société mauritanienne. Le gouvernement, l’armée, les écoles, les tribunaux sont aux mains des Bidane… Les esclaves ne peuvent espérer justice et protection légale que s’ils ont un maître".

En guise de salaire, le gîte et le couvert
"Les esclaves travaillent vingt-quatre heures par jour, raconte Joumâa. Premiers levés, derniers couchés. Et tout ça sans être payés, évidemment. En guide de salaire, ils ont le gîte et le couvert. Cela leur semble suffisant". Forcément : jamais personne ne leur a expliqué que leur situation était un scandale humain absolu. Dès l’enfance, ils mettent le doigt dans un impitoyable engrenage psychologique. D’après un spécialiste des droits civiques associé à SOS Esclaves (et soucieux, lui aussi, de préserver son anonymat), "c’est comme un lavage de cerveau devenu, au fil des siècles, une tradition". Une tradition aujourd’hui millénaire.
Certains maîtres "progressistes", ont choisi d’affranchir leurs serviteurs. Mais les esclaves affranchis, les haratine, ont vite fait de trouver une place au sein du système de castes mauritanien. Cette catégorie récente se situe désormais au deuxième plus bas échelon social, à peine plus haut que les âbid. Généralement, ils exécutent les gros travaux. Ce sont eux qui construisent les routes, blanchissent les murs des maisons, collectent les ordures…
Mais les âbid, comme les haratine, ne sont pas les seuls à souffrir de la sclérose du système. Même les Bidane, prisonniers de leur style de vie traditionnel, sont perdus quand ils n’ont plus les moyens d’entretenir leurs esclaves. Ould Yessa confirme : "Les maîtres sont totalement dépendants du système. Mes parents ne possèdent plus aucun esclave et ils en éprouvent les plus grandes difficultés. Ils sont incapables de travailler à leur compte ou de prendre soin d’eux-mêmes". L’obstacle principal n’est pas légal, mais psychologique. Un maître se vit comme un maître autant qu’un esclave se vit comme un esclave. Et l’un comme l’autre auront beaucoup de mal à se défaire de cette idée. Il s’agit donc moins de libérer tous les esclaves du jour au lendemain que d’effectuer un travail de fond pour réformer les mentalités et les attitudes des "possédants", autant que des "possédés".





Officiellement… "Ça n’existe pas"

En novembre 2002, Amnesty International publiait un rapport sur l’esclavage en Mauritanie, recommandant une réforme par étapes. "Il est temps de s’attaquer sérieusement au problème, au lieu de le nier", recommandait l’ONG. Pour le gouvernement mauritanien, c’est simple : si personne n’en parle en public, c’est que ça n’existe pas. SOS Esclaves, ONG cofondée en 1995 par Abdel Nasser Ould Othman Yessa et le hartani (esclave affranchi) Boubacar Messaoud, n’est toujours pas officiellement reconnue par le gouvernement, et ses animateurs font constamment l’objet de harcèlement policier et judiciaire. Messaoud a été arrêté à plusieurs reprises, et Yessa est aujourd’hui réfugié politique en France. En novembre 2004, la radio mauritanienne diffusait encore des flashes spéciaux incitant les auditeurs à ne pas se mettre en rapport avec SOS Esclaves, qualifiée d'"organisation malveillante"…




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22 janvier 2005 00:38
Salam Hux02,

L'esclavage est le fait de priver un être humain de ses droits et de le réduire au statut d'un bien mobilier que l'on peut acheter et vendre.
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
 
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