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Le double langage d'une gauche à la dérive
y
30 janvier 2007 00:40
Salam à tous,

Je n'ai pas l'habitude du copier/coller mais cet article qui date d'il y as quelques mois (plus d'un an en tout cas) est toujours d'actualité....

En le lisant, on peut trouver quelques réponses à la question sur le pourquoi certains "humanistes" de gauche tiennent le même discours que les neo-conservateurs américains...


Bonne lecture





Division de la gauche : le « double langage » de Caroline Fourest par Cédric Housez*


L’animatrice de l’association Prochoix et journaliste à l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo, Caroline Fourest, a publié aux Éditions Grasset La Tentation obscurantiste. Dans cet essai, elle poursuit son travail de dénonciation des mouvements français de gauche anti-impérialistes, coupables, d’après elle, de complaisance avec les « islamistes ». Nous avons déjà décrit dans nos colonnes comment Prochoix, par les écrits de ses principales animatrices Caroline Fourest et Fiammetta Venner, et Charlie Hebdo, essentiellement via les éditoriaux de Philippe Val, avaient élargi la définition de « l’islamisme » pour finalement y inclure la plupart des mouvements anti-impérialistes d’inspiration musulmane [1].

En diabolisant, grâce à des amalgames répétés, les organisations musulmanes, Caroline Fourest, Fiammetta Venner et Philippe Val participent à un mouvement plus large orchestré par des journalistes, des dirigeants politiques et des responsables associatifs qui veulent prévenir, pour des raisons diverses, la formation d’un vaste pôle anti-impérialiste englobant aussi bien des organisations musulmanes que des organisations contestataires. Toutefois, pour avoir une certaine efficacité, le discours diabolisant les organisations musulmanes aux yeux des mouvements contestataires doit être émis par des personnes ayant une aura prestigieuse ou disposant au moins d’une bonne audience dans ces mouvements. Or, l’image de Prochoix et de Charlie Hebdo a été mise à mal auprès de ces mouvements grâce au travail de décryptage et d’analyses critiques d’associations [2] ou de publications [3] qui se sont employés à mettre en lumière les présupposés et les distorsions de la réalité sur lesquels se fondaient les écrits des animatrices de Prochoix et le directeur de Charlie Hebdo.

La tentation obscurantiste n’apporte pas grand chose de nouveau aux lecteurs des précédents ouvrages de Caroline Fourest ou Fiammetta Venner. Dans leurs livres contre Tariq Ramadan [4], l’UOIF [5] ou Thierry Meyssan [6], elles ont toujours consacré des chapitres aux réseaux, plus ou moins fantasmés, de ces adversaires désignés. Les « liaisons dangereuses » que ce livre prétend afficher doivent beaucoup à ces chapitres. L’innovation réside dans la théorisation d’une division de la gauche française en deux pôles : un pôle « antitotalitaire » et un pôle « tiers-mondiste ». Pour l’auteur, la gauche est ainsi divisé en deux sensibilités : une « Sensibilité A (prioritairement anti-totalitaire) : Se référant au nazisme, cette sensibilité là est viscéralement attachée à la notion de liberté et traque en permanence la menace d’un nouveau danger totalitaire et/ou génocidaire. » [7] et une « Sensibilité B (prioritairement tiers-mondiste) : Se référant au colonialisme, cette sensibilité là est viscéralement attachée au droit à l’autodétermination et traque en permanence la manifestation du colonialisme et de l’impérialisme » [8].

Or, d’après C. Fourest, si la « sensibilité A » est également sensible aux questions du colonialisme, une part de la « sensibilité B » est totalement aveugle aux dérives pour les libertés que la « mouvance islamiste » ferait peser, d’après elle, sur les sociétés « occidentales ». Certaines organisations, comme le Réseau Voltaire, seraient même des « collaborateurs actifs » de « l’islamisme » [9]. Il existerait donc une gauche responsable et désireuse de soulager aussi bien la misère du monde que de protéger les libertés de chacun et une qui, par aveuglement, ouvrirait les portes de « l’Occident » à l’islamisme.

Cette distinction entre deux gauches, l’une vertueuse, l’autre aveugle ou complice, n’est pas isolée dans le champ médiatique actuel. C. Fourest n’en fait pas totalement mystère puisqu’elle présente comme une référence l’éditorial de Philippe Val de Charlie Hebdo du 31 août 2005, intitulé « Traîtres et Crétins » [10]. Elle oublie toutefois de préciser que l’argumentation de Philippe Val n’était pas isolée et que le lendemain de sa publication Bernard Henri Lévy dans Le Point et Jacques Julliard dans Le Nouvel Observateur développait une argumentation en tous points identique, reprenant l’argument opposant une gauche inspirée de Jules Guesde et une autre inspirée par Jean Jaurès [11]. Si l’auteur omet de mentionner cet élément, elle n’oublie pas en revanche de citer Bernard Henri Lévy (par ailleurs, membre éminent de la maison Grasset qui la publie) et Jean Daniel (cofondateur et directeur du Nouvel Observateur) parmi les sources intellectuelles de la « sensibilité A ». On peut donc voir dans cette distinction entre deux sensibilités de gauche, la réactivation par un petit groupe d’éditorialistes influents de la vieille division entre gauche communiste et anti-communiste, réécrit et réadapté à la mode du « Choc des civilisations ».

Par ailleurs, C. Fourest n’est pas la seule à relayer cette idée puisque Le Point du 3 novembre 2005, met côte à côte trois essais parus récemment et ayant pour point commun, selon l’hebdomadaire, de dénoncer les « alliances avec les islamistes » à gauche [12] : La Tentation obscrurantiste de Caroline Fourest, SOS Antiracisme [13] de Dominique Sopo (président de SOS Racisme dont les positions sont louées par C. Fourest dans son essai, tout comme celle de son prédécesseur Malek Boutih, aujourd’hui au Parti socialiste) et le Socialisme des Imbéciles [14] d’Alexis Lacroix. Cet article vantant les trois livres paraissait une semaine après que Le Point ait publié un grand dossier agitant « la menace islamiste » [15]


Replacé dans son contexte médiatique et éditorial, l’essai de Caroline Fourest apparaît donc comme un nouvel épisode de la stratégie visant à casser les alliances anti-impérialistes. Cela n’empêche pas l’auteur d’essayer de se donner une image de militante de gauche sincère en nuançant légèrement la tonalité agressive qui caractérisait ses ouvrages ou articles passés et en s’indignant du sort des Palestiniens souffrant de la politique d’Israël, ce qui n’est pas fréquent chez elle.
Toutefois, quel crédit à apporter à ce soudain affichage d’une préoccupation autrefois largement ignorée ? En effet, on peut se demander si Caroline Fourest ne développe pas un « double langage », tenant des propos à destination de l’opinion de gauche francophone et donnant des gages aux milieux atlantistes ou néo-conservateurs d’autre part. Alors que C. Fourest s’acharne à affirmer que Tariq Ramadan tient un « double discours » en se basant sur les textes de l’auteur et ses intentions supposées [16], il est facile de démontrer le « double discours » de Caroline Fourest en se fondant sur son dernier livre et en le comparant à ce qu’elle écrivait dans l’édition européenne du Wall Street Journal du 2 février 2005.


Dans La Tentation obscurantiste, C. Fourest déclare à propos de « l’islamisme » : « Alors que [l]es démons du nazisme et du stalinisme semblent loin, nous recevons l’écume de cette troisième vague. Celle du troisième totalitarisme en marche.[…] Youssef al-Qaradhawi croît à la possibilité de conquérir l’Europe par le prosélytisme.[…]Personnellement, je ne crois pas à ce risque. Pas en tant qu’islamisation. Les groupes intégristes musulmans sont minoritaires parmi les musulmans d’Europe. Le risque ne vient pas des Français d’origine maghrébine, ultramajoritairement laïques, mais bien de cette gauche obscurantiste prête à fournir les commissaires politiques et les petits soldats qui manquent aux intégristres. » [17]. Si le début de notre citation est alarmiste, la conclusion vient calmer l’image paranoïaque et présente l’auteur comme une militante inquiète uniquement par les dérives de la « Sensibilité B. » et non par le comportement des musulmans en Europe. Dans une tribune intitulée « The war for Eurabia » et publié dans le très néo-conservateur Wall Street Journal, le ton est tout autre : « Depuis leur tentative avortée pour prendre le pouvoir en Égypte, et plus encore depuis qu’ils ont perdu la guerre civile en Algérie, l’Europe est devenue la principale priorité : le troisième round des islamistes ». Il n’est pas question ici des doutes de l’auteur concernant le risque d’islamisation de l’Europe. Plus loin, C. Fourest précise les raisons du « danger » qu’elle croît observer : « En Europe, ils tirent avantage de la liberté d’expression et de la démocratie tout comme de l’échec des Arabes à s’intégrer. Ici, ils recrutent comme bon leur semble.[…]L’Occident est utilisé comme un formidable camp de base pour recruter de nouvelles troupes. Avec elles, les islamistes espèrent prendre leur revanche en Orient ». [18]. Ici, il n’est plus question de la résistance des Français d’origine maghrébine profondément laïques, mais d’un foyer de recrutement important et donc d’une menace, et surtout d’une menace fondamentalement exogène puisque ce sont « les Arabes » qui ne parviennent pas à s’intégrer, la question des discriminations n’est pas évoquée. L’auteur conclut sa tribune en demandant des mesures pour restreindre la liberté d’expression afin que les « islamistes » ne puissent pas utiliser les outils démocratiques pour leur « propagande ».


Étrange conclusion pour une auteur qui, en bonne représentante de la « Sensibilité A » est « viscéralement attachée à la notion de liberté ». Il est vrai qu’on ne s’adresse pas au même public quand on écrit dans Charlie Hebdo et quand on écrit dans le Wall Street Journal, dans ce dernier on peut utiliser en titre le terme « Eurabia », concept raciste inventé par la militante sioniste Bat Ye’or et censé décrire l’annexion prochaine de l’Europe par le monde islamique.
De même, que faut-il penser des propos de Caroline Fourest condamnant l’invasion de l’Irak quand Fiammetta Venner, compagne de C. Fourest et co-animatrice de Prochoix, voit la résistance irakienne comme un rassemblement de « jihadistes » et le soutien aux résistants irakiens comme une preuve d’« islamisme » ? C’est ce qu’on peut retirer d’une tribune écrite par F. Venner également dans l’édition européenne du Wall Street Journal [19].


Rappelons enfin que La Tentation obscurantiste est parue chez Grasset, maison d’édition dont le directeur littéraire est Manuel Carcassonne. M. Carcassone est membre de la French-American Foundation, organisation anciennement présidée par John Negroponte, aujourd’hui directeur du renseignement états-unien après avoir été ambassadeur états-unien à Bagdad pour contrôler l’occupation et responsable de l’organisation des escadrons de la mort en Amérique centrale dans les années 80.
M. Negroponte doit-il être lui aussi vu comme un inspirateur de la « Sensibilité A », avant toute chose « antitotalitaire » ?



* Cédric Housez
Spécialiste français en communication politique, rédacteur en chef de la rubrique « Tribunes et décryptages ».
l
30 janvier 2007 01:32
"Pour l’auteur, la gauche est ainsi divisé en deux sensibilités : une « Sensibilité A (prioritairement anti-totalitaire) : Se référant au nazisme, cette sensibilité là est viscéralement attachée à la notion de liberté et traque en permanence la menace d’un nouveau danger totalitaire et/ou génocidaire. » [7] et une « Sensibilité B (prioritairement tiers-mondiste) : Se référant au colonialisme, cette sensibilité là est viscéralement attachée au droit à l’autodétermination et traque en permanence la manifestation du colonialisme et de l’impérialisme »"


reduire la gauche française à cette division bipolaire est bien sur erroné. c'est bien plus complexe.
mais ce clivage n'existe quasiment pas dans les faits. peu de militants de gauche en france seraient prets à pactiser avec l'islam politique contre l'imperialisme us. ça a un peu marché en angleterre avec certains trotskystes. en france, à part les indigenes et leurs discours simplistes ou les raccourcis et les amalgames les plus saugrenus sont employés, il n'y a rien de tel.
la gauche française est bien trop marquée historiquement par les combats pour la laicité pour se faire abuser de la sorte.
s
30 janvier 2007 01:38
Merci infinement pour ton article , Yassy .


Je vais le lire avec plaisir .
siryne
c
30 janvier 2007 02:22
Le problème est que, les yeux embués par la haine, on ne voit pas que l'islamisme EST un instrument des néo-conservateurs et ce depuis leur idylle dans l'Afghanistan des Moujahidin. Ils ont cessé de collaborer ouvertement mais les uns s'appuient sur les autres. L'exemple le plus flagrant est le 11/09, il a permis aux néo-conservateurs de revenir en force et aux islamistes de marquer le coup. Les invectives sont justes pour la galerie, les premiers ont besoin des seconds et inversement.
Les gagnants dans cette comédie sont le business et rien que le business, les contrats liés à la défense et la sécurité provoqués par le 11/09 sont colossaux. Pendant qu'on s'agite sur des idéologies, eux font du blé.
"The bottom line", la sacro-sainte "bottom line"...
 
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