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Un détecteur de mensonge contre la fraude aux allocations à Harrow, près de...
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16 décembre 2008 19:21
Le monde

LONDRES CORRESPONDANTE

Imperturbable, Keith Brace-John n'a pas cillé. Il est resté d'une grande politesse. Pourtant, cet employé municipal de la commune de Harrow, dans le nord de Londres, vient d'entendre, dans ses oreillettes, une succession de bips qui lui indiquent que son interlocuteur au téléphone est probablement en train de lui mentir. Et sur son écran d'ordinateur, la mention "risk indicated" s'est affichée en gros pour lui signifier le même message.

Ce lundi 15 décembre, comme chaque jour, M. Brace-John a appelé une dizaine d'habitants de Harrow qui touchent des allocations logement pour les passer au détecteur de mensonge. Le système est simple : la conversation téléphonique est reliée à un ordinateur qui analyse la voix de l'allocataire au début de la conversation, avant que les questions précises lui soient posées, et qui, par la suite, détecte toute anomalie. Que l'interlocuteur bafouille ou mette du temps à répondre, que la fréquence de sa voix s'écarte de sa norme, et le logiciel élaboré par l'entreprise Capita souligne le mensonge qui peut se cacher dans cet écart langagier.

AVENIR RADIEUX


Celui qui vient d'être épinglé "à risque" - comme 10 % des allocataires qui passent cette épreuve - est un chauffeur de taxi indépendant. "Ça a bipé plusieurs fois. Quand je lui ai demandé s'il vivait toujours avec les mêmes personnes, sa réponse a éveillé les soupçons du détecteur, raconte M. Brace-John. Mais aussi quand il a dit qu'il allait bientôt changer de travail. J'ai l'impression que c'est déjà fait." Un officier municipal va donc chercher à le rencontrer dans la semaine et à vérifier ses allégations.

L'initiative de cette méthode revient à Tony Blair, alors premier ministre. En mai 2007, vingt-cinq communes ont accepté de se livrer à l'expérimentation du détecteur de mensonges pour les allocations logement, gérées au niveau municipal. Harrow, ville conservatrice qui abrite quelque 200 000 habitants, est l'une d'elles. "J'étais réticent au départ, confie le conseiller municipal Paul Osborn, je me suis dit qu'il fallait des garde-fous."

Les allocataires sont donc prévenus rapidement dans la conversation que leur voix est analysée. Ils peuvent refuser, ce qu'ils font dans moins de 10 % des cas. Et s'ils ne passent pas l'épreuve, "il ne s'agit pas de les priver d'allocations, mais d'enquêter plus sérieusement", poursuit M. Osborn.

"Ceux qui passent le détecteur sans problème, c'est-à-dire 90 % des gens, voient le traitement de leurs allocations accéléré. On leur demande moins de paperasserie", poursuit M. Osborn. Le conseiller municipal constate que la simple existence du logiciel d'analyse de la voix décourage. "Avant, 16 % des personnes interrogées déclaraient un changement dans leur vie, susceptible de se traduire par un changement dans leurs allocations. Aujourd'hui, ce pourcentage est monté à 32 %."

Depuis mai 2007, Harrow estime avoir économisé 700 000 livres (environ 781 000 euros). Dans plus de 20 % des cas, les allocataires "à risque" ont en effet vu leurs allocations réduites. Le gouvernement, qui a alloué 60 000 livres (environ 67 000 euros) à la commune pour s'équiper et former ses troupes, mais dépense 11 milliards de livres (environ 12,3 milliards d'euros) par an en allocations logement, est largement gagnant.

Le gouvernement de M. Brown compte généraliser le système. A l'heure où le chômage augmente, où les déficits s'annoncent et où le gouvernement veut rendre le travail plus "attractif" en durcissant le système des allocations chômage, le détecteur de mensonge pourrait connaître un avenir radieux.


Virginie Malingre
 
Emission spécial MRE
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