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Les dessous de la mode islamique
h
29 décembre 2004 00:26
REPORTAGE
Les dessous de la mode islamique
LE MONDE | 28.12.04 | 13h30
En Egypte, les stylistes rivalisent d'imagination pour attirer les élégantes tout en respectant le "religieusement correct".
L'appel à la prière du soir a vibré au sommet des minarets, mais dans le souk El-Ghouria, au cœur de la ville médiévale du Caire, les commerçants ne se soucient guère de fermer boutique pour remplir leurs devoirs religieux. Ménagères ou étudiantes des milieux populaires viennent ici étoffer leur garde-robe.

Entre l'avenue pétaradante qui mène à Al-Azhar et la monumentale porte Zouaïla où les amoureux cachaient jadis des talismans, la rue El-Muizz Lidin Allah El Fatimi leur offre tout ce dont elles ont besoin : des robes d'intérieur molletonnées, brodées de fleurs ou de dragons, jusqu'aux soutiens-gorge "made in China". C'est l'empire du polyester, mais aussi du foulard : comme l'écrasante majorité des Egyptiennes, 90 % des clientes de ce souk respectent, sous une forme ou sous une autre, l'injonction islamique de couvrir leurs cheveux.

A l'ombre des mosquées fatimides, le voyageur découvre pourtant des choses étranges. Des peignoirs affriolants, des nuisettes ultra-courtes bordées de plumes, des fourreaux fendus jusqu'à l'aine et outrageusement décolletés, des robes jouant de transparences au niveau des seins ou du pubis. Cette rue serait-elle donc le fournisseur privilégié des danseuses du ventre - plus souvent bulgares que cairotes - préposées au divertissement des touristes du Golfe ?

"Non, ce sont des femmes tout à fait ordinaires qui achètent chez nous", assure un commerçant de lingerie. "Ce genre de chemise de nuit, c'est pour les jeunes mariées, ou alors carrément les plus vieilles. La mère de quatre enfants casée depuis dix ans ne prendra pas ça", précise une jeune vendeuse - voilée - en désignant un modèle en dentelle blanche, aussi troublant qu'immaculé. "Les femmes en niqab - entièrement voilées et même masquées - choisissent souvent les dessous les plus sexy", affirme un expert en la matière, Ahmed, le fils du patron d'El- Mouzzamel. Le nom de la boutique ("Toi qui veux te couvrir"winking smiley se réfère à une sourate du Coran où l'ange Gabriel admoneste le Prophète.

Se couvrir ou se découvrir ? A côté de vertueuses djellabas, un mannequin accroché au-dessus du comptoir arbore un soutien-gorge rouge saignant aux bonnets en forme de cœur, avec string assorti. Précision technique : il suffit d'appuyer sur un bouton caché en bordure du string pour entendre Happy Birthday to You, tandis que d'autres culottes, garnies d'un nid et d'un petit oiseau, jouent la Lettre à Elise de Beethoven, tirent la langue ou encore, dans la version équipée d'un téléphone cellulaire, serinent une rengaine pop.

De tels gadgets sont-ils licites aux yeux des clercs d'Al-Azhar, la plus ancienne et la plus prestigieuse des universités islamiques, installée non loin de la célèbre mosquée du même nom ? "Une femme peut revêtir toutes les tenues qu'elle veut, tant qu'elle est dans sa maison et avec son mari, répond Ahmed Omar Hachem, ancien recteur, à la sortie d'un cours avec ses étudiants, aussi sérieux que barbus. Ces questions ont été discutées dès les origines de l'islam : les hommes se font beaux pour les femmes, comme celles-ci se font belles pour eux. Une bonne épouse est aussi celle qui te rend heureux quand tu la vois. Mais lorsqu'elle devient vieille et perd sa beauté, son mari doit continuer à l'aimer, tout comme elle doit continuer à l'aimer même s'il est devenu vieux et impuissant."

Malgré ces sages préceptes, la crainte universelle des épouses d'être délaissées au profit d'une rivale plus attirante reste le meilleur argument de vente d'El-Mouzzamel. Nul besoin de publicité ni de cabine d'essayage. Une cliente au long voile noir, un enfant dans les bras, jette son dévolu sur un ensemble brassière à lacets et culotte de tulle noir à fleurs dorées, complété par une sorte de cape transparente. Il lui en coûtera 40 livres (environ 5 euros). "Oui, c'est pour moi", confie-t-elle, gênée d'être questionnée devant des hommes.

Aucune des clientes - assez souvent des jeunes filles accompagnées de leur mère - ne semble pourtant choquée par ces accessoires érotiques. A la différence de la tradition chrétienne, l'islam n'a jamais stigmatisé le plaisir charnel : longtemps avant Internet, on vendait dans les médinas des manuels d'éducation sexuelle, le plus célèbre étant Le Jardin parfumé, rédigé au XVIe siècle par le cheikh Nefzaoui.

"A mon avis, ça se porte dans toutes les couches de la société, affirme Ahmed, de la boutique El-Mouzzamel. Il faut bien rompre la monotonie conjugale. J'ai des clients qui viennent des beaux quartiers du Caire, mais aussi du Yémen et d'autres pays du Golfe, d'Algérie ou de Gaza. Comme nous produisons nous-mêmes la marchandise, les commerçants viennent s'approvisionner ici tous les deux mois. Nous en créons sans cesse de nouveaux, suivant les saisons et les fêtes religieuses, même les fêtes chrétiennes."

C'est son père qui, depuis trente ans, taquine l'inspiration, un crayon à la main. Chaque prototype est fabriqué en atelier, puis le père, toujours lui, peaufine les derniers détails sur un mannequin en plastique avant de lancer la production en série.

Dans une galerie marchande du centre-ville, un autre commerçant, Adel Noumrousi, tient un magasin très fréquenté par les mohaggabate - les "voilées", en dialecte égyptien. Barbu et grisonnant, il porte au front la marque de sa piété : le cal de ceux qui se prosternent souvent pour prier. "Je suis comme les coiffeurs, le désir des femmes d'être belles assure mon existence", explique-t-il d'un air malicieux. Adel Noumrousi profite surtout de l'adhésion presque unanime des jeunes générations au voile, que leurs mères avaient souvent abandonné jusqu'à l'arrivée des Frères musulmans sur les campus, à la fin des années 1970.

Dans son livre Jihad (éd. Gallimard, 2000), le chercheur Gilles Kepel rappelle que la tenue rigoriste - hidjab, manteau long et gants - proposée à des prix très bas aux étudiantes égyptiennes par ces réseaux militants a d'abord été présentée comme la "réponse à un problème social, la cherté des habits à la mode". Trente ans plus tard, le régime du président Hosni Moubarak a contenu la poussée islamiste au prix de restrictions des libertés publiques, mais les "Frères" semblent avoir gagné, dans toutes les couches de la société, la bataille du voile. Et l'Egypte est devenue l'un des lieux d'expérimentation d'une "mode islamique" parfois ambivalente et contradictoire.

"La dernière fois que j'ai vu un décolleté dans la rue au Caire, c'était en 2000. Je dois tout reconstituer en images de synthèse", plaisante Karim, fraîchement diplômé de littérature française. Sur les trente-deux femmes que compte sa famille, il n'y en a plus que deux qui n'aient pas de foulard : sa mère et sa sœur.

La vogue actuelle est aux longues écharpes, enroulées en plusieurs bandes et fixées avec des épingles. Les filles en possèdent des dizaines, qu'elles superposent pour obtenir des dégradés subtils ou des contrastes entre les matières. "Le voile n'est pas une mode. Les accessoires du voile, eux, évoluent", résume M. Noumrousi. Ce dernier propose aux futures mariées, musulmanes ou coptes, des diadèmes de fleurs blanches, des capuchons en résille d'or ou d'argent, et ce qu'il appelle le "bandana", une bande de guipure importée du Japon, à laquelle il fait ajouter des brillants et des broderies. "J'arabise la matière première", explique-t-il.

Il y a plus audacieux. Minorité très visible, les "mohaggabate chic"(ou "voilées coquettes"winking smiley, accusées de mener double jeu, cachent leurs cheveux tout en soulignant leur silhouette avec des corsages moulants et des jeans serrés. "C'est comme si elles disaient : "Vous voulez que je couvre ma tête, d'accord, mais je montre mes fesses !"", remarque Hassen Zenati, chef de l'Agence France-Presse au Caire, qui, après trois décennies passées dans le monde arabe, se demande si le voile n'est pas, au bout du compte, l'un des instruments de l'émancipation féminine.

Pour le jean, en tout cas, la preuve est faite. "Je porte une version modérée du foulard et j'adore les pantalons", indique Dina, 27 ans. Elle et son mari, cameraman, avaient prévu de passer leur lune de miel à Paris ; ils ont finalement préféré la Thaïlande "à cause de la loi sur le voile qui venait d'être votée en France". Cette ravissante jeune femme s'est vu proposer d'animer une émission de cinéma sur Art Channel, la chaîne d'un milliardaire saoudien, "mais il aurait fallu que j'enlève mon foulard à l'écran. J'ai refusé". Cela ne l'empêche pas d'écumer les boutiques de mode, en Europe et au Moyen-Orient.

On est loin de la "tente noire", l'uniforme rébarbatif des militantes salafistes - courant partisan d'un islam rigoriste - que critiquait en son temps le président Anouar El-Sadate, assassiné en 1981 par les extrémistes musulmans. Mais le véritable défi, pour les stylistes soucieux d'alimenter ce marché en pleine expansion, reste de trouver des variantes religieusement acceptables à la figure imposée du vêtement cachant les bras jusqu'aux poignets, les jambes jusqu'aux chevilles, et escamotant toute forme féminine.

Une visite au grand magasin Es Salam d'Héliopolis, lointaine banlieue d'allure européenne, prouve toute la difficulté de l'exercice. Tandis que des haut-parleurs diffusent les appels à la prière, une armée de robes-sacs et de cache-poussière aux tons terreux attend les clientes sur trois étages. Quelques djellabas plus raffinées sont signées La Bella. Le patron de cette entreprise, Mohamed Issam, nous reçoit dans son bureau d'Héliopolis. L'homme est courtois, l'ambiance austère : réceptionniste en niqab, livres religieux, portrait d'un théologien au mur. Lorsque Mohamed Issam a lancé sa première ligne de prêt-à-porter, en 1990, la moitié de la capacité de production de ses ateliers était réservée aux mohaggabate, mais le succès croissant de ce type de vêtement l'a convaincu que "Dieu récompense ceux qui lui obéissent". Il conçoit maintenant cinquante modèles par saison, participe à des défilés malgré sa crainte d'être plagié, et réalise à chaque fois 4 millions de livres de chiffre d'affaires. Ses machines sont japonaises, les tissus chinois ou lyonnais. Selon lui, le secteur de la mode islamique fait tourner plus de 2 000 usines en Egypte et emploie jusqu'à 2 millions de personnes.

Dina Shaker, elle aussi, a trouvé sa voie après quelques tâtonnements. Sous le label Spicy, elle a ouvert cinq boutiques au Caire, et deux à Alexandrie. Leur décoration vient d'être refaite dans le style lumineux des années 1970, la stéréo joue du raï, les vêtements qu'elle dessine rappellent ceux des créateurs Zara ou Mango, avec beaucoup de jeans aux petites touches colorées, des manteaux structurés, des chasubles, des manches amovibles. "La plupart d'entre eux peuvent être portés par des filles en foulard, assure Dina Shaker. Le fait d'être musulmane ne m'oblige pas à être archaïque."

Grande et mince, en jean taille basse et cache-cœur, les yeux verts, le sourire éclatant, Dina Shaker incarne celle qu'elle veut habiller : "La jeune femme à la mode, dotée de certains moyens financiers." A côté de son usine, elle s'apprête à ouvrir un atelier pour des créations exclusives et très chères. De la haute couture islamique, en quelque sorte. "La robe de soirée sous le voile, c'est en perte de vitesse. Aujourd'hui, les femmes sont beaucoup plus actives, elles ont besoin de vêtements pratiques. Nous essayons de résoudre le problème de celles qui veulent se conformer aux prescriptions religieuses, mais désirent autre chose qu'une toile de tente. Nous les aidons à cacher ce qui doit être caché."

A court terme, ce problème sera aussi le sien. "Je me prépare à porter le voile, confie-t-elle. Je sais que j'y arriverai, tôt ou tard. Toutes mes amies le font déjà, toute ma famille aussi. Mon mari attend que je sois intimement convaincue." Elle aime Yamamoto, Etro, Marithé et François Girbaud, ou encore Gucci. On a envie de lui dire qu'elle devrait faire une petite pause sur ce qu'elle appelle "le chemin de la perfection", rester la dernière avant d'éteindre la lumière.

Tout cela n'est peut-être que la phase finale d'une énorme régression. Ou le début d'autre chose. Si tant de femmes aspirent à se couvrir, est-ce seulement pour se soumettre ? Rendez-vous dans vingt ans : au Caire et ailleurs.

Joëlle Stolz

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.12.04
k
29 décembre 2004 00:32
ressume stp je n'arrive pas a tt lire
n
7 août 2011 17:14
c trop long serieux!lol
v
7 août 2011 18:57
Citation
nidose a écrit:
c trop long serieux!lol

mdrrr ^^

j'ai lu le début je pensais être arrivé à la fin, je me suis aperçu que je n'étais qu'au début^^ mdrr

mais du peu que j'ai lu ça parlait de lingerie sexy, mais très marrante ptdrrr j'étais mort de rire

""""""Se couvrir ou se découvrir ? A côté de vertueuses djellabas, un mannequin accroché au-dessus du comptoir arbore un soutien-gorge rouge saignant aux bonnets en forme de cœur, avec string assorti. Précision technique : il suffit d'appuyer sur un bouton caché en bordure du string pour entendre Happy Birthday to You, tandis que d'autres culottes, garnies d'un nid et d'un petit oiseau, jouent la Lettre à Elise de Beethoven, tirent la langue ou encore, dans la version équipée d'un téléphone cellulaire, serinent une rengaine pop.""""""""

mdrr ils sont ouf les egyptiens^^ ptdrrrrrrrrrrrrrrrrrr
L
7 août 2011 19:20
Salam,

Il est trop long ce post.

Est ce que tu peux raconter la meme chose avec des photos? Par exemple au lieu de décrire des vetements, tu mettrais les photos des vetements (portés par des top modèles). Ca serait plus agréable à lire. Bien sur, on se concentrerait notre regard sur les vetements, par sur les femmes qui les portent grinning smiley.
D
7 août 2011 19:22
Citation
LeVraiPersonne a écrit:
Salam,

Il est trop long ce post.

Est ce que tu peux raconter la meme chose avec des photos? Par exemple au lieu de décrire des vetements, tu mettrais les photos des vetements (portés par des top modèles). Ca serait plus agréable à lire. Bien sur, on se concentrerait notre regard sur les vetements, par sur les femmes qui les portent grinning smiley.

ptdr Oups
n
7 août 2011 19:23
Citation
LeVraiPersonne a écrit:
Salam,

Il est trop long ce post.

Est ce que tu peux raconter la meme chose avec des photos? Par exemple au lieu de décrire des vetements, tu mettrais les photos des vetements (portés par des top modèles). Ca serait plus agréable à lire. Bien sur, on se concentrerait notre regard sur les vetements, par sur les femmes qui les portent grinning smiley.

bien sur!et la marmotte elle met le chocolat ds lpapier d'alu!mdr

Citation
abdel aziz a écrit:
j'ai lu le début je pensais être arrivé à la fin, je me suis aperçu que je n'étais qu'au début^^ mdrr

mais du peu que j'ai lu ça parlait de lingerie sexy, mais très marrante ptdrrr j'étais mort de rire

mdr!moi j'ai lu juste le nom des 2boutiques :toi qui veut te couvir et voilee coquette!
S
7 août 2011 19:44
on croit souvent que les femmes en voile ou meme niqab sont celles qui s habillent le moins sexy pour leur mari, c est tout le contraire, les femmes musulmanes accordent bcp d importance a la lingerie car c est a la maison avec leur mari qu elle peuvent exprimer entierement leur feminité et sensualité.
Ps: si toutes les femmes gardaient leur charme pour leur mari au lieu d arborer leur décolleté ou fesses moulantes partout ou elles vont, il y aurait surement moins de tentations pour les hommes et moins d adultère. Je n accuse pas exclusivement les femmes, mais c en grande partie a cause de ça malheureusement
l
8 août 2011 15:29
Citation
hux02 a écrit:
REPORTAGE
Les dessous de la mode islamique
LE MONDE | 28.12.04 | 13h30
En Egypte, les stylistes rivalisent d'imagination pour attirer les élégantes tout en respectant le "religieusement correct".
L'appel à la prière du soir a vibré au sommet des minarets, mais dans le souk El-Ghouria, au cœur de la ville médiévale du Caire, les commerçants ne se soucient guère de fermer boutique pour remplir leurs devoirs religieux. Ménagères ou étudiantes des milieux populaires viennent ici étoffer leur garde-robe.

Entre l'avenue pétaradante qui mène à Al-Azhar et la monumentale porte Zouaïla où les amoureux cachaient jadis des talismans, la rue El-Muizz Lidin Allah El Fatimi leur offre tout ce dont elles ont besoin : des robes d'intérieur molletonnées, brodées de fleurs ou de dragons, jusqu'aux soutiens-gorge "made in China". C'est l'empire du polyester, mais aussi du foulard : comme l'écrasante majorité des Egyptiennes, 90 % des clientes de ce souk respectent, sous une forme ou sous une autre, l'injonction islamique de couvrir leurs cheveux.

A l'ombre des mosquées fatimides, le voyageur découvre pourtant des choses étranges. Des peignoirs affriolants, des nuisettes ultra-courtes bordées de plumes, des fourreaux fendus jusqu'à l'aine et outrageusement décolletés, des robes jouant de transparences au niveau des seins ou du pubis. Cette rue serait-elle donc le fournisseur privilégié des danseuses du ventre - plus souvent bulgares que cairotes - préposées au divertissement des touristes du Golfe ?

"Non, ce sont des femmes tout à fait ordinaires qui achètent chez nous", assure un commerçant de lingerie. "Ce genre de chemise de nuit, c'est pour les jeunes mariées, ou alors carrément les plus vieilles. La mère de quatre enfants casée depuis dix ans ne prendra pas ça", précise une jeune vendeuse - voilée - en désignant un modèle en dentelle blanche, aussi troublant qu'immaculé. "Les femmes en niqab - entièrement voilées et même masquées - choisissent souvent les dessous les plus sexy", affirme un expert en la matière, Ahmed, le fils du patron d'El- Mouzzamel. Le nom de la boutique ("Toi qui veux te couvrir"winking smiley se réfère à une sourate du Coran où l'ange Gabriel admoneste le Prophète.

Se couvrir ou se découvrir ? A côté de vertueuses djellabas, un mannequin accroché au-dessus du comptoir arbore un soutien-gorge rouge saignant aux bonnets en forme de cœur, avec string assorti. Précision technique : il suffit d'appuyer sur un bouton caché en bordure du string pour entendre Happy Birthday to You, tandis que d'autres culottes, garnies d'un nid et d'un petit oiseau, jouent la Lettre à Elise de Beethoven, tirent la langue ou encore, dans la version équipée d'un téléphone cellulaire, serinent une rengaine pop.

De tels gadgets sont-ils licites aux yeux des clercs d'Al-Azhar, la plus ancienne et la plus prestigieuse des universités islamiques, installée non loin de la célèbre mosquée du même nom ? "Une femme peut revêtir toutes les tenues qu'elle veut, tant qu'elle est dans sa maison et avec son mari, répond Ahmed Omar Hachem, ancien recteur, à la sortie d'un cours avec ses étudiants, aussi sérieux que barbus. Ces questions ont été discutées dès les origines de l'islam : les hommes se font beaux pour les femmes, comme celles-ci se font belles pour eux. Une bonne épouse est aussi celle qui te rend heureux quand tu la vois. Mais lorsqu'elle devient vieille et perd sa beauté, son mari doit continuer à l'aimer, tout comme elle doit continuer à l'aimer même s'il est devenu vieux et impuissant."

Malgré ces sages préceptes, la crainte universelle des épouses d'être délaissées au profit d'une rivale plus attirante reste le meilleur argument de vente d'El-Mouzzamel. Nul besoin de publicité ni de cabine d'essayage. Une cliente au long voile noir, un enfant dans les bras, jette son dévolu sur un ensemble brassière à lacets et culotte de tulle noir à fleurs dorées, complété par une sorte de cape transparente. Il lui en coûtera 40 livres (environ 5 euros). "Oui, c'est pour moi", confie-t-elle, gênée d'être questionnée devant des hommes.

Aucune des clientes - assez souvent des jeunes filles accompagnées de leur mère - ne semble pourtant choquée par ces accessoires érotiques. A la différence de la tradition chrétienne, l'islam n'a jamais stigmatisé le plaisir charnel : longtemps avant Internet, on vendait dans les médinas des manuels d'éducation sexuelle, le plus célèbre étant Le Jardin parfumé, rédigé au XVIe siècle par le cheikh Nefzaoui.

"A mon avis, ça se porte dans toutes les couches de la société, affirme Ahmed, de la boutique El-Mouzzamel. Il faut bien rompre la monotonie conjugale. J'ai des clients qui viennent des beaux quartiers du Caire, mais aussi du Yémen et d'autres pays du Golfe, d'Algérie ou de Gaza. Comme nous produisons nous-mêmes la marchandise, les commerçants viennent s'approvisionner ici tous les deux mois. Nous en créons sans cesse de nouveaux, suivant les saisons et les fêtes religieuses, même les fêtes chrétiennes."

C'est son père qui, depuis trente ans, taquine l'inspiration, un crayon à la main. Chaque prototype est fabriqué en atelier, puis le père, toujours lui, peaufine les derniers détails sur un mannequin en plastique avant de lancer la production en série.

Dans une galerie marchande du centre-ville, un autre commerçant, Adel Noumrousi, tient un magasin très fréquenté par les mohaggabate - les "voilées", en dialecte égyptien. Barbu et grisonnant, il porte au front la marque de sa piété : le cal de ceux qui se prosternent souvent pour prier. "Je suis comme les coiffeurs, le désir des femmes d'être belles assure mon existence", explique-t-il d'un air malicieux. Adel Noumrousi profite surtout de l'adhésion presque unanime des jeunes générations au voile, que leurs mères avaient souvent abandonné jusqu'à l'arrivée des Frères musulmans sur les campus, à la fin des années 1970.

Dans son livre Jihad (éd. Gallimard, 2000), le chercheur Gilles Kepel rappelle que la tenue rigoriste - hidjab, manteau long et gants - proposée à des prix très bas aux étudiantes égyptiennes par ces réseaux militants a d'abord été présentée comme la "réponse à un problème social, la cherté des habits à la mode". Trente ans plus tard, le régime du président Hosni Moubarak a contenu la poussée islamiste au prix de restrictions des libertés publiques, mais les "Frères" semblent avoir gagné, dans toutes les couches de la société, la bataille du voile. Et l'Egypte est devenue l'un des lieux d'expérimentation d'une "mode islamique" parfois ambivalente et contradictoire.

"La dernière fois que j'ai vu un décolleté dans la rue au Caire, c'était en 2000. Je dois tout reconstituer en images de synthèse", plaisante Karim, fraîchement diplômé de littérature française. Sur les trente-deux femmes que compte sa famille, il n'y en a plus que deux qui n'aient pas de foulard : sa mère et sa sœur.

La vogue actuelle est aux longues écharpes, enroulées en plusieurs bandes et fixées avec des épingles. Les filles en possèdent des dizaines, qu'elles superposent pour obtenir des dégradés subtils ou des contrastes entre les matières. "Le voile n'est pas une mode. Les accessoires du voile, eux, évoluent", résume M. Noumrousi. Ce dernier propose aux futures mariées, musulmanes ou coptes, des diadèmes de fleurs blanches, des capuchons en résille d'or ou d'argent, et ce qu'il appelle le "bandana", une bande de guipure importée du Japon, à laquelle il fait ajouter des brillants et des broderies. "J'arabise la matière première", explique-t-il.

Il y a plus audacieux. Minorité très visible, les "mohaggabate chic"(ou "voilées coquettes"winking smiley, accusées de mener double jeu, cachent leurs cheveux tout en soulignant leur silhouette avec des corsages moulants et des jeans serrés. "C'est comme si elles disaient : "Vous voulez que je couvre ma tête, d'accord, mais je montre mes fesses !"", remarque Hassen Zenati, chef de l'Agence France-Presse au Caire, qui, après trois décennies passées dans le monde arabe, se demande si le voile n'est pas, au bout du compte, l'un des instruments de l'émancipation féminine.

Pour le jean, en tout cas, la preuve est faite. "Je porte une version modérée du foulard et j'adore les pantalons", indique Dina, 27 ans. Elle et son mari, cameraman, avaient prévu de passer leur lune de miel à Paris ; ils ont finalement préféré la Thaïlande "à cause de la loi sur le voile qui venait d'être votée en France". Cette ravissante jeune femme s'est vu proposer d'animer une émission de cinéma sur Art Channel, la chaîne d'un milliardaire saoudien, "mais il aurait fallu que j'enlève mon foulard à l'écran. J'ai refusé". Cela ne l'empêche pas d'écumer les boutiques de mode, en Europe et au Moyen-Orient.

On est loin de la "tente noire", l'uniforme rébarbatif des militantes salafistes - courant partisan d'un islam rigoriste - que critiquait en son temps le président Anouar El-Sadate, assassiné en 1981 par les extrémistes musulmans. Mais le véritable défi, pour les stylistes soucieux d'alimenter ce marché en pleine expansion, reste de trouver des variantes religieusement acceptables à la figure imposée du vêtement cachant les bras jusqu'aux poignets, les jambes jusqu'aux chevilles, et escamotant toute forme féminine.

Une visite au grand magasin Es Salam d'Héliopolis, lointaine banlieue d'allure européenne, prouve toute la difficulté de l'exercice. Tandis que des haut-parleurs diffusent les appels à la prière, une armée de robes-sacs et de cache-poussière aux tons terreux attend les clientes sur trois étages. Quelques djellabas plus raffinées sont signées La Bella. Le patron de cette entreprise, Mohamed Issam, nous reçoit dans son bureau d'Héliopolis. L'homme est courtois, l'ambiance austère : réceptionniste en niqab, livres religieux, portrait d'un théologien au mur. Lorsque Mohamed Issam a lancé sa première ligne de prêt-à-porter, en 1990, la moitié de la capacité de production de ses ateliers était réservée aux mohaggabate, mais le succès croissant de ce type de vêtement l'a convaincu que "Dieu récompense ceux qui lui obéissent". Il conçoit maintenant cinquante modèles par saison, participe à des défilés malgré sa crainte d'être plagié, et réalise à chaque fois 4 millions de livres de chiffre d'affaires. Ses machines sont japonaises, les tissus chinois ou lyonnais. Selon lui, le secteur de la mode islamique fait tourner plus de 2 000 usines en Egypte et emploie jusqu'à 2 millions de personnes.

Dina Shaker, elle aussi, a trouvé sa voie après quelques tâtonnements. Sous le label Spicy, elle a ouvert cinq boutiques au Caire, et deux à Alexandrie. Leur décoration vient d'être refaite dans le style lumineux des années 1970, la stéréo joue du raï, les vêtements qu'elle dessine rappellent ceux des créateurs Zara ou Mango, avec beaucoup de jeans aux petites touches colorées, des manteaux structurés, des chasubles, des manches amovibles. "La plupart d'entre eux peuvent être portés par des filles en foulard, assure Dina Shaker. Le fait d'être musulmane ne m'oblige pas à être archaïque."

Grande et mince, en jean taille basse et cache-cœur, les yeux verts, le sourire éclatant, Dina Shaker incarne celle qu'elle veut habiller : "La jeune femme à la mode, dotée de certains moyens financiers." A côté de son usine, elle s'apprête à ouvrir un atelier pour des créations exclusives et très chères. De la haute couture islamique, en quelque sorte. "La robe de soirée sous le voile, c'est en perte de vitesse. Aujourd'hui, les femmes sont beaucoup plus actives, elles ont besoin de vêtements pratiques. Nous essayons de résoudre le problème de celles qui veulent se conformer aux prescriptions religieuses, mais désirent autre chose qu'une toile de tente. Nous les aidons à cacher ce qui doit être caché."

A court terme, ce problème sera aussi le sien. "Je me prépare à porter le voile, confie-t-elle. Je sais que j'y arriverai, tôt ou tard. Toutes mes amies le font déjà, toute ma famille aussi. Mon mari attend que je sois intimement convaincue." Elle aime Yamamoto, Etro, Marithé et François Girbaud, ou encore Gucci. On a envie de lui dire qu'elle devrait faire une petite pause sur ce qu'elle appelle "le chemin de la perfection", rester la dernière avant d'éteindre la lumière.

Tout cela n'est peut-être que la phase finale d'une énorme régression. Ou le début d'autre chose. Si tant de femmes aspirent à se couvrir, est-ce seulement pour se soumettre ? Rendez-vous dans vingt ans : au Caire et ailleurs.

Joëlle Stolz

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.12.04
m
8 août 2011 17:55
Là,je t'apporte MA réponse à l'attitude qu'on a en Islam en cette fin de siècle façe à la sexualité:
l'avantage,c'est que ça limite les naissances
M
8 août 2011 18:12
Citation
LeVraiPersonne a écrit:
Salam,

Il est trop long ce post.

Est ce que tu peux raconter la meme chose avec des photos? Par exemple au lieu de décrire des vetements, tu mettrais les photos des vetements (portés par des top modèles). Ca serait plus agréable à lire. Bien sur, on se concentrerait notre regard sur les vetements, par sur les femmes qui les portent grinning smiley.

exellente reflexion thumbs up

quand vous faites des posts pensez aux fainéants pitiéé grinning smiley
*
10 août 2011 09:10
cc tout le monde

Non mais sérieux vous n'avais pas lu, j’été absorber par cette article qui été au passage vraiment excellent
Je te félicite de l'avoir poster

Lisez le il veau vraiment le détoure, il résume bien la réalité de notre société actuelle
 
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