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La démocratie crée-t-elle le développement?
t
19 octobre 2005 12:14
La démocratie crée-t-elle le développement?

Par Guido Tabellini, enseignant d’économie à l’Université Bocconi de Milan

Enseignant à l’Université de Milan, Guido Tabellini a travaillé sur l’Europe pour identifier les facteurs d’intégration, et spécialement sur les liens et oppositions qu’il peut y avoir entre l’intégration par les bureaucrates et l’intégration par les politiques. Il a publié deux livres et un très grand nombre d’articles, seul ou en association avec d’autres chercheurs (Ph. P.S.)

La démocratie se développe peu à peu à travers le monde. Du Moyen-Orient à l’Amérique latine en passant par l’Asie, de nombreuses autocraties prennent progressivement des mesures pour mettre en place des formes de gouvernement plus démocratiques et plus responsables ou bien sont devenues des démocraties à part entière dont le fonctionnement est satisfaisant.

· Liberté politique n’est pas démocratie

Le gouvernement américain est déterminé à renforcer les libertés politiques dans de nombreux pays en développement appartenant à sa sphère d’influence. En effet, le développement de la démocratie est devenu la pierre angulaire de la politique étrangère américaine.
Il existe de nombreuses raisons de célébrer la vague démocratique actuelle. La démocratie est associée avec une réduction des injustices et des abus, avec les libertés individuelles et civiles fondamentales et avec une plus grande sensibilité des gouvernements envers les véritables priorités de leurs citoyens.
La corrélation positive entre le revenu et la démocratie qu’on peut constater à travers divers pays pourrait être le résultat d’une causation inversée: la démocratie a plus de chance de persister dans un pays qui s’enrichit. Cela pourrait également être dû à des circonstances historiques ou culturelles particulières: certaines sociétés ont simplement plus de succès que d’autres, aussi bien en termes de développement économique qu’au regard de leur capacité à développer et maintenir des institutions politiques démocratiques.
Quelle que soit la raison de la corrélation positive qu’on observe à travers plusieurs pays entre les revenus et la démocratie, elle ne doit pas être confondue avec la causalité. La démocratie semble peu importante dans l’appropriation de la réussite économique.
Bien sûr, il existe de nombreuses sortes de transitions démocratiques et les regrouper toutes dans le même sac pourrait être source de confusion.
Une importante distinction de pratique concerne l’interaction entre les systèmes économique et politique. Une démocratie née dans un environnement économique ouvert, avec un système de marché fonctionnant correctement, un investissement étranger direct étendu et un commerce international conséquent, a plus de chance de consolider le libéralisme économique, de stabiliser les demandes et donc de ce fait de mener à plus d’investissements et à une croissance plus rapide.
De même, quand une économie est fermement contrôlée par l’Etat, possède des barrières douanières contre les importations étrangères et les mouvements de capitaux ou s’appuie sur des rentes de situation provenant de ressources non renouvelables pour obtenir des devises étrangères, sa transition démocratique peut être entravée par le populisme et les luttes de pouvoir liées à la redistribution, ce qui fait du tort à sa croissance économique.
Cela ne signifie pas que la démocratie n’est pas importante Pourtant, la séquence de réforme est essentielle pour la réussite du développement économique, si les réformes économiques se produisent avant toutes autres. Quand une économie de marché ouverte et fonctionnelle se met en place, la démocratie a de meilleures chances de mener à une prospérité durable.

· La liberté économique d’abord

Une des raisons importantes pour cela est que pour créer une économie de marché réussie, l’Etat doit respecter les droits fondamentaux des personnes: la primauté du droit, la propriété privée et l’application de la justice. Ces droits fondamentaux sont partie intégrante d’une démocratie. Mais quand il s’agit du développement économique, ces droits fondamentaux sont plus importants que d’autres aspects purement politiques de la démocratie, notamment le suffrage universel et la véritable concurrence politique. C’est ainsi que le monde occidental est devenu démocratique aux XIXe et XXe siècles. Le libéralisme économique a d’abord été éta-
bli, le libéralisme politique est arrivé plus tard.
Mais les jeunes démocraties d’aujourd’hui doivent se réaliser plus rapidement. Elles ne peuvent s’offrir le luxe de restreindre le suffrage aux propriétaires ou aux citoyens les plus éduqués.
Néanmoins, nous ne devons pas oublier les leçons de l’histoire. Les réformes politiques sont plus à même de connaître un certain succès si elles sont précédées de réformes économiques.
Nous devrions insister pour que l’Egypte et le Pakistan améliorent leur économie de marché, respectent la primauté du droit et ouvrent leur économie au commerce international et aux mouvements de capitaux. Faciliter des élections libres et une véritable pluralité politique est également important, mais cela doit suivre les réformes économiques et non pas les précéder.

La démocratie et développement: Peu de liens!

Quelle est l’importance de la démocratie dans la réussite économique?
Pas très forte, comme le suggère l’expérience. Ce qui pourrait paraître surprenant. Après tout, n’est-il pas vrai que presque tous les pays riches possèdent des formes démocratiques de gouvernement, tandis que les pays les plus pauvres (principalement en Afrique) ne sont pas des démocraties? En effet, de par le monde, la démocratie est fortement corrélée a un revenu par tête supérieur. Mais cette corrélation disparaît quand on examine la dimension temporelle plutôt que la dimension spatiale. Les pays qui se transforment en démocratie ne parviennent pas, en général, à une croissance économique plus rapide après leur transition politique; et vice versa: les démocraties tenues en échec ou qui retombent en autocratie ne connaissent pas, en général, des performances pires qu’auparavant.

Les contradictions de la réalité



Les preuves empiriques défendent la thèse que le succès d’une démocratie dépend de son ouverture face au système économique sous-jacent au moment de la transition politique. Durant l’après-guerre, les épisodes de transition démocratique les plus accomplis ont été précédés de réformes économiques étendues qui ont élargi la portée du marché et facilité l’intégration internationale. C’est l’exemple du Chili et de la Corée du Sud, vers la fin des années 80, et du Mexique au milieu des années 90.
De même, quand la transition démocratique fut tentée dans des environnements fragiles et fermés, les résultats furent bien pires. Cela est valable pour les tentatives de démocratisation en Amérique latine et aux Philippines au milieu des années 1980, mais également en Turquie au début des années 80 et au Népal en 1990.
Le contraste entre la Chine et la Russie correspond également assez bien à ce schéma. La Chine ouvrit d’abord son système économique au reste du monde, et ce n’est que maintenant qu’elle s’occupe (un peu trop lentement) des réformes politiques. La Russie au contraire s’est lancée dans la démocratie et s’est seulement souciée par la suite de remplacer le socialisme par l’économie de marché. Il n’y avait probablement aucun autre moyen d’action en Russie, mais le chemin suivi par la Chine semble plus propice à mener à une réussite économique durable.

Copyright:
Project Syndicate 2005.
Traduit de l’anglais par Catherine Merlen




m
19 octobre 2005 12:27
telev a écrit:
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> La démocratie crée-t-elle le développement?
>
> Par Guido Tabellini, enseignant d’économie à
> l’Université Bocconi de Milan
> ....
> Copyright:
> Project Syndicate 2005.
> Traduit de l’anglais par Catherine Merlen
>
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Merci telev, pour ces trop rares articles interessants sur le forum de Yabiladi. En tout cas les thèses avancées ont le mérite d'etre claires: l'économie de marché et la libéralisation de l'économie doivent précéder la libéralisation du système politique.
Le maroc est donc sur la bonne voie ....

t
19 octobre 2005 13:48
si la majoríté du peuple ne trouve pas de travail facilement, personne ne va comprendre ce que veux dire démocratie.
B
19 octobre 2005 14:31
Certainement, une amélioration du contexte économique entraîne dans son sillage un développement d'un Etat plus démocratique. Du moins, c'est l'exemple qu'offre l'évolution des pays d'Europe de l'Ouest sur les deux derniers siècles.

Cependant, l'analyse présentée ici me semble bien courte. Tout débat valable commence par la définition des termes utilisés. Qu'entend ici l'auteur par le terme économie? Il parle en fait de libre marché. C'est bien sûr une définition très restreinte de la notion d'Economie. Il ne parle pas de salaires, de droits sociaux,et de législation du travail. Il parle de propriété privée (mon entreprise?), primauté du droit (lequel? celui des entreprises) et l'application de la justice (laquelle? Celle des riches?).

L'Europe de l'Ouest a bénéficié d'un contexte de développement particulier:

- La révolution industrielle
- La manne des pays colonisés
- Les deux guerres mondiales
- La naissance et la confirmation des mouvements sociaux

Que dit l'auteur:

"Cela pourrait également être dû à des circonstances historiques ou culturelles particulières: certaines sociétés ont simplement plus de succès que d’autres, aussi bien en termes de développement économique qu’au regard de leur capacité à développer et maintenir des institutions politiques démocratiques."

Hum, oui, cela me paraît bien irrationnel comme causalité; l'auteur est entrain de nous dire que cela se résume à une histoire de coup de bol...

Pour résumer, effectivement la démocratie commence par le mieux-être de tous. Cette condition ne se réalise pas par le miracle du libre marché. Il faut encore que des voix se lèvent pour réclamer des droits (des salaires corrects, des soins de santé accessibles, des logements corrects,...) à travers des mouvements sociaux.

Notre auteur n'est donc qu'un agent propagandiste du néo-libéralisme a-politique (et encore!). Néo-libéralisme que la Maroc ou le Pakistan applique à la perfection, et on voit le résultat...

PS: Le cas de la Chine contemporaine est effectivement un bon exemple: une catastrophe sociale. Une poignée de chinois s'enrichissent pendant que le reste n'a le choix qu'entre l'exploitation pure ou l'émigration...



Modifié 1 fois. Dernière modification le 19/10/05 14:59 par Bobobabil.
 
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