La rue où j'ai grandi s'appelle rue de Tourraine. C'est le nom d'une région française. Rien qu'avec ça, vous devinerez que j'ai vécu dans un quartier. Eh oui, ils ne se sont pas pris la tête pour donner des noms aux rues du ghetto.. La plupart du temps, ce sont des noms de villes, de régions ou de fleurs, Picardie, Tourraine, rue des Lilas.. J'ai même déjà vu un quartier où le nom des rues c'était des prénoms, je vous jure c'est vrai, rue Hélène, Isabelle, Marjorie.. Les pauvres eux c'était le summum ! On est bien loin des Faubourg Saint-Honoré et autres Avenue des Champs Elysées.. ça c'est pour l'élite, enfin leur élite car mon élite à moi c'est mes parents ouvriers, mes soeurs et frères du quartier, mes amis du bitume..
Mon quartier, parlons-en. Pas de tours, ni de flingues à tous les coins de rue ou de braquages tous les deux jours, juste des immeubles où vivent des familles d'origines et de cultures différentes. Autrement dit, un beau tableau de la nature humaine : on a les Arabes, qu'ils soient Algériens, Marocains, Tunisiens, les Italiens, les Portugais, les Cap-Verdiens et ....... les Français !! Eh oui, y en a dans les quartiers, ça vous choque ?? ;-)
En fait, moi c'est Sakina. J'ai 21 ans. Je suis Musulmanne. C'est comme ça que j'aime me décrire, car peu importe mon pays d'origine, l'important pour moi est que je fais partie de la Umma, la magnifique communauté musulmanne MachaAllah, c'est ça mon identité. Mais sinon, pour la petite info, lol, je viens d'Algérie. J'y suis même née, mais quand je suis arrivée en France j'étais encore un tout petit bébé. C'est peu après ma naissance que ma Maman, ma chère mère, a du quitter son pays et sa famille pour rejoindre son prince.. Son prince, c'est mon Papa, et on peut dire que c'est vraiment son prince puisqu'il est allé la demander en mariage sur un cheval :-)) Et mon Papa, c'est mon roi. Je l'aime et l'admire de toutes mes forces. Sa piété et sa bonté se lisent sur son visage, il est très doux mais arrive en même temps à avoir cette autorité et cette fermeté propres aux chefs de familles.. Ah mon Papa, je l'aime tant, c'est mon roi, mais parfois, même si cette idée me terrorise, me chagrine et même me repousse, j'ai tant envie de trouver mon roi, mon prince à moi.........
- Sakinaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa Ah cette voix aiguë ce n'est pas celle d'une fille, c'est celle de mon petit frère Salim, la prunelle de mes yeux. Lui c'est ma perle, il a 14 ans mais me laisse encore lui faire plein de bisous, pourvu que ça ne change jamais.. - Ouiiiii ?? - Ya Cali à l'interphone, viens lui rep ! - Salim, tu sais que tu n'es pas obligé de parler en mode texto à l'oral, bientôt tu voudras me parler qu'en wifi !! - Ah ah ah t'es trop drôle, allez elle attend.
Cali, ma meilleure amie, j'ai grandi avec elle et elle est considérée par mes parents comme leur propre fille. Cali c'est son surnom, rien à voir avec son prénom, Farida. Tout le monde l'a toujours appelé Cali, je sais pas d'où il a sorti ça mais c'est son papa qui l'a surnommée ainsi quand elle était toute petite, et depuis c'est resté..
- Oui Cali ? - Sakina, descend s'il te plaît, fais vite. - Hein tu me fais peur, qu'est ce t'as ?? - Stp viens. Ouhla que je n'aime pas ce ton, elle me fait peur.. J'enfile vite des chaussures et sors de chez moi. Je descend un étage et remonte aussitôt : règle numéro 1 chez mes parents, ne jamais sortir sans prévenir ou demander l'autorisation.
- Maaaaaa - Nham ? - Je descends voir Cali vite fait, c'est bon ? - Vas-y et remonte du lait de la cave. Mdr, le lait chez nous c'est la denrée qui s'épuise le plus vite, y en a toujours besoin ! C'était l'aliment détesté de ma Maman pendant toutes ses grossesses mais allez savoir pourquoi, tous ses enfants en raffolent ! - Ok Mama.
Je descends à tout vitesse, Cali est là, un sachet à la main, elle a le regard sombre et le visage fermé. Je l'ai rarement vu comme ça et mon coeur s'emballe, j'ai peur de ce qu'elle va me dire..
Merci de vos encouragements, j'espère que ça vous plait. InchaAllah je ferai tout pour vous mettre des parties régulièrement et de finir l'histoire InchaAllah.
Voilà une petite suite :-)
Ps : je suis encore modérée donc les messages mettent plus de temps à arriver...
- Cali ça va ? - Viens, on reste pas là.. - Cali tu me fais peur - Suis moi s'il te plait. Je n'en demande pas plus, ses yeux se sont remplis de larmes, je la suis sans un mot.. Nous marchons en direction du vieux terrain vague de notre quartier. Pourquoi elle va là ? On traîne jamais ici toutes les deux.. Elle s'assoie contre le grillage, l'air désespéré..
- Attends Cali, ne me dis pas que tu t'es mise à fumer ?? Ce coin, c'était le coin des fumeurs, ceux qui veulent fumer en cachette de leurs parents, frères, soeurs.. - J'aurais préféré t'annoncer ça.. - Cali, ma chérie, quoique ce soit, ça va aller InchaAllah, je suis là..
Elle me tend le sachet qu'elle avait à la main et me fait signe de regarder à l’intérieur. Il y avait un paquet de lettres, toutes avec la même encre et la même écriture.
- Sakina, lis les s'il te plait - Cali, c'est quoi ces lettres ? Elles sont à toi ? Pourquoi tu veux que ce soit moi qui les lise ?? Si elles ne sont pas à toi, je ne veux pas m'immiscer dans la vie de qui que ce soit.. Je l'avoue, j'ai paniqué, je déteste ça regarder dans les affaires des autres.. - Sérieux Sakina, c'est pas l'heure de me faire la morale, je t'en supplie, lis.
Son ton me fait mal au coeur et ses larmes commencent à couler.. Je me résigne à les retirer du sac. En les sortant, je comprends pourquoi elle me demande à moi de les lire, elles sont écrites en Arabe. Cali ne sait pas lire l'Arabe, même si elle commence à apprendre tout doucement. Moi j'ai appris aux cours d'arabe de la Mosquée ainsi que la prière et beaucoup de choses sur L'Islam MachaAllah..
Dès la 1ère phrase, je comprends à qui ces lettres sont adressées, son nom figure juste avant le " Ya Habibti " d'introduction...
Dès la 1ère phrase, je comprends à qui ces lettres sont adressées, son nom figure juste avant le " Ya Habibti " d'introduction... Karima, Ya Habibti, Ya Omri.. C'est ainsi que commençait la première lettre. Je me mis à sourire, de soulagement mais aussi de la situation : Cali m'avait apporté des lettres d'amour adressées à sa mère Karima.. J'étais soulagée car j'avais vraiment eu très peur et m'attendait au pire, mais là, de toute évidence, Cali était tombée sur les correspondances amoureuses entre son père et sa mère.. Tout comme le mien, le père de Cali était arrivé en France avant sa mère. Cette dernière l'avait rejoint en 1976 à la naissance de leur premier enfant, Fahd le grand frère de Cali. Cali et ses autres frères et soeurs sont ensuite tous nés en France, malheureusement ils ne retournaient que très rarement en Tunisie, une grande partie de leur famille ayant quitté leur pays natal pour la France. Cali avait la tête entre les mains, elle ne m'avait pas vu sourire. J'étais trop gênée pour continuer, inutile de lire les détails enflammés de leurs échanges. Je repliai donc la lettre et au bruit du froissement, Cali releva brusquement la tête.
- T'as déjà tout lu ? - Non Cali, c'est inutile parce que.. - T'as lu jusque où ? - Ben juste la première phrase mais c'est parce que.. - Elles sont de qui les lettres ? T'as regardé qui a signé ? - Ah ben non je pense que c'est pas la peine, je crois deviner.. - Sakina, pourquoi tu veux pas m'aider ? Lis la lettre, en entier s'il te plaît, et dis moi qui l'a écrite.
Je ne comprenais pas son insistance, je croyais qu'elle n'avait aucune idée de ce que ça pouvait être, sinon pourquoi rentrer à ce point dans l'intimité de ses parents. Elle réagissait comme si elle savait que ces lettres allaient révéler quelque chose de dramatique..
- Sakina... Son ton était suppliant et ses larmes coulaient de nouveau. Je dépliai alors de nouveau la lettre. Au dos, en bas, se trouvait le nom du signataire, en le lisant je sentis mes genoux trembler et mon coeur se mit à battre fort...
Le père de Cali s'appelle Ahmed, Hammi Ahmed c'est comme ça que je l'appelle. C'était ce nom que je m'attendais à voir en signature des lettres mais c'était le nom d'un autre homme qui y figurait.. Ma tête commençait à tourner, je ne comprenais pas, la mère de Cali avait elle eu un autre mari avant Hammi Ahmed ? Et pourquoi conserver ces lettres vu qu'elle est mariée à un autre homme désormais ? Cali avait la tête posée sur ses genoux, elle ne voyait pas ma réaction. C'était tant mieux, j'étais paralysée pour dire quoi que ce soit.. Je retournai la lettre et commença à la lire. Plus je lisais, plus mes mains tremblaient. Ce que je découvrais était pire qu'un ancien mari, les mots, les phrases étaient sans équivoque : cette lettre était celle d'un amant à sa maîtresse.. J'avais envie d'hurler mais aucun son ne sortait de ma bouche. J'étais dégoûtée et écoeurée par les mots qui défilaient sous mes yeux. L'homme parlait clairement de sa situation d'homme mariée, il évoquait la mère de Cali comme la femme de sa vie mais combien c'était injuste et dur de la voir mariée à un autre. Injuste ?? Comment pouvait-il parler d'injustice alors que c'est sa propre femme et le père de Cali qui sont bafoués dans cette histoire ! Comment une personne infidèle peut-elle encore parler d'injustice ! Ce passage me mit hors de moi mais le passage suivant me donna envie de vomir ; l'homme évoquait leurs rendez-vous clandestins, combien il était pressé de la revoir, combien il avait envie de la serrer dans ses bras, de l'embrasser, de la toucher... Et combien c'était dur à chaque fois d'attendre la fois suivante.. J'étais à bout, je n'en pouvais plus, jusque là je ne m'étais pas figurée que leur relation pouvait avoir quoique ce soit de physique, je pensais que c'était un amour platonique comme dans les romans d'autrefois, avec des échanges de lettres enflammées et passionnées.. Ce qui déjà en soi aurait suffi à être inadmissible, choquant, et surtout haram... Mais là, une relation physique carrément .. Oh mon Dieu, que j'avais envie de vomir.. Juste avant de finir la lettre, je ne sais pas pourquoi, je me suis mise à penser à ma grand-mère. Je l'imaginais sous le soleil chaud d'Algérie et j'avais envie d'être avec elle... J'avais envie de marcher pieds nus dans les champs avec elle, nous arrêter pour manger quelques figues tirées de l'arbre et aller chercher les moutons pour les emmener paître.. Mes vacances à la campagne en Algérie étaient mes meilleurs souvenirs et à cet instant précis c'est ce que j'aurais souhaité vivre le plus au monde.. Une fois sortie de mes pensées, je me rendis compte que je pleurais, les lignes se brouillaient sous mes larmes. Je jetai un oeil sur Cali, elle avait toujours la tête sur ses genoux, je ne sais pas si elle pleurait, elle ne bougeait même pas.. Je reposai mes yeux sur la lettre pour en lire la fin, le dernier passage m'apporta le coup fatal...
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