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Danielle Mitterrand : "La démocratie n’existe ni aux USA, ni en...
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31 mars 2006 13:07
Danielle Mitterrand : "La démocratie n’existe ni aux USA, ni en France"


jeudi 30 mars 2006 , par denver

Ce qui suit est un extrait tiré à part de l’entrevue, parue dans « Rebelion », de Danielle Mitterrand, veuve de l’ex-président français François Mitterrand, et présidente de l’association « France-Libertés », réalisée par le journaliste et écrivain Hernando Calvo Ospina.

À sa lecture il est facile de comprendre pourquoi, et ce depuis plusieurs années, les médias politiques et d’informations dans leur grande majorité ont essayé de l’ignorer.



Mme. Mitterrand, qu’a signifié pour vous l’arrivée au gouvernement de votre époux François ? Est-ce que les idéaux sociaux et politiques qu’il portait dès sa jeunesse ont été reconnus en ces moments-là ?
Mai 1981 fut un mois de grande activité, car c’était la préparation de l’arrivée au pouvoir de François. J’essayais d’apporter tout ce qu’il y a de meilleur en moi, pour que ces rêves d’avoir une société socialiste, quoique à l’européenne, deviennent réalité. Mais bien vite j’ai commencé à voir que cette France juste et équitable ne pouvait pas s’établir. Alors je lui demandais à François : Pourquoi maintenant que tu en as le pouvoir ne fais-tu pas ce que tu avais offert ? Il me répondait qu’il n’avait pas le pouvoir d’affronter la Banque mondiale, le capitalisme, le néolibéralisme. Qu’il avait gagné un gouvernement mais non pas le pouvoir. J’appris ainsi que d’être le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. J’ai vécu l’expérience directement durant 14 ans. Même s’il essayait d’éviter le côté le plus négatif du capitalisme, les rêves ont commencé à se briser très rapidement.

Vous n’avez pas assumé le rôle de « première dame » comme l’« exige » la tradition protocolaire. Était-ce un simple caprice ? Ou à cause de convictions politiques ?

Je n’ai pas voulu être une « première dame » comme toutes les autres, et en conséquence j’ai refusé le protocole qu’on a voulu m’imposer. J’étais l’épouse du chef de l’État, d’un homme que j’aimais, mais j’étais aussi libre d’avoir mes propres convictions. Je n’allais pas accepter d’être la simple image de la femme française typique, représentative d’un secteur social ; de sourire devant les caméras et les personnalités ; ou de servir d’ornement aux oeuvres de bénéfices. Avant tout, mon rôle devait consister en mon apport pour la construction d’une société juste. J’ai eu mes critères et mes réflexions politiques, qui ont parfois fait choc avec celles de François. Si le gouvernement n’allait pas sur une bonne voie, je me devais de le dire, de le critiquer. Je sais que ce n’est pas le rôle d’une « première dame », car normalement elles ne sont qu’un instrument du pouvoir. Chaque fois que les autres ont voulu s’opposer à mes tâches militantes pour des « raisons d’État », pour n’être pas « diplomatiquement correctes », François m’a soutenue car il voyait qu’elles étaient justes. Il ne pouvait essayer de m’empêcher de faire ce qu’il disait défendre.

Mme. Mitterrand, vous avez fondé « France-Libertés », qui s’est distinguée par son engagement politique, social et humanitaire...

Je l’ai fondée non pas dans l’intention d’en faire un contre-pouvoir, ni pour qu’elle serve au pouvoir. Je voulais prendre mes propres initiatives de solidarité politique, indépendantes des desseins du pouvoir, même si je m’attendais qu’avec le gouvernement socialiste nous aurions des objectifs proches. Mais je me suis vite rendu compte que ce ne serait pas facile. Est arrivé le moment où « France-Libertés » voulait aider des populations opprimées, mais le gouvernement socialiste français soutenait d’une manière ou d’une autre leurs bourreaux. Rapidement j’ai dû me poser la question : Jusqu’où peut-on aller sans provoquer d’ « incidents diplomatiques » ? Dans l’Association s’est présenté pour nous un questionnement qui ne m’a pas du tout plu : sa présidente, épouse du président de la République, devait-elle respecter la sacro-sainte loi de non-ingérence dans les affaires de l’État, et se priver ainsi de son droit à la solidarité politique et humanitaire, pour ne pas aller à contre-courant ? J’ai continué avec mon projet car je le croyais juste. Alors, même de vieux amis personnels et de lutte ont commencé à m’isoler. Tout le pouvoir et le poids de la diplomatie française ont tenté de m’écraser, usant de tout pour « réparer » mes actions et mes expressions politiques publiques. J’ai constaté que je ne pouvais pas exercer ma fonction de manière exemplaire si je ne servais pas le marché, le capitalisme. Que mon devoir n’était pas de me préoccuper des torturés ni des affamés. Que si ceux qui étaient écrasés réclamaient l’éducation, la santé ou du travail, je devais tourner la tête de l’autre côté. J’étais la « première dame » et je devais aider, avec mes sourires dans les cocktails, à ce que les intérêts commerciaux de la France progressent. Quand j’écoutais au cours de mes visites aux ambassades les discours du « commercialement correct », où le tout-puissant marché était ce qu’il y avait de fondamental avant la solidarité entre les peuples, cela me donnait l’envie de partir en courant. Je ne pouvais croire que les « bulldozers » du marché pourraient arriver à recouvrir jusqu’aux fondements mêmes de notre culture. Et ils l’ont fait.

Pourquoi un gouvernement qui se disait de gauche ne pouvait-il pas répondre aux attentes qu’il avait créées durant tant d’années dans l’opposition, tant au niveau national qu’international ? Devait-on accepter les impératifs d’un système mercantile jusqu’à la soumission ?

Ce système du marché sauvage, du capitalisme, du néolibéralisme, a à sa tête les États-Unis. Est-ce que la France se soumettait aux desseins de ce pays ?

Durant la célébration du Bicentenaire de la Déclaration des droits de l’Homme - juillet 1989 - j’ai pu voir jusqu’à quel point nous étions soumis aux État-Unis. L’État français n’invita pas plusieurs dignitaires, en particulier des Latino-Américains. Comme par hasard c’était ces pays-là que Washington voulait annuler, détruire. Et je ne vais pas citer de noms, mais c’est facile à vérifier. Je me rappelle avoir dit à François : « Jusqu’à quel point allons-nous être dépendants de l’humeur des États-Unis, ne pas pouvoir choisir nos invités pour nos festivités... ? » Ce fut une honte.

Mme. Mitterrand, si cela arrive en France, vous devez bien savoir ce qu’il en est sous d’autres latitudes...

Je ne suis pas anti-États-Unis, mais je suis avec le peuple de ce pays et non pas avec l’Administration qui le gouverne. Celle qui se sert de ce peuple pour tirer des bénéfices qui servent à quelques uns. Durant toutes ces années de ma vie, spécialement après la Seconde Guerre mondiale, j’ai pu voir comment les États-Unis foulaient aux pieds la liberté et la démocratie des autres pays, particulièrement les pauvres. Ronald Reagan désigna comme terroriste le gouvernement sandiniste du Nicaragua, quand les terroristes, c’était son Administration et cette « contra » qu’il finançait. J’étais au Nicaragua peu de temps avant qu’ils détruisent la révolution. Fonctionnait encore ce qui avait été atteint au niveau de l’éducation et de la santé, des choses qu’avait le peuple nicaraguayen pour la première fois de son histoire. Je me rappelle que Daniel Ortega me disait : « Daniella, dis à François qu’il ne peut pas nous laisser tomber ; que l’Europe démocratique ne peut pas nous abandonner... ». Je le lui ai dit en effet. Et il n’a pu rien faire : les États-Unis avaient décidé que les sandinistes devaient s’en aller avec leurs plans de développement social, pour faire place au néolibéralisme et au retour de la misère pour le peuple. Tandis que nous, nous étions en train de fêter le Bicentenaire de la Déclaration des droits de l’Homme !

Au cours de ces mêmes années Washington resserrait le blocus contre Cuba, essayant d’en finir avec la Révolution.

Le Nicaragua ne pouvait compter que sur Cuba. Et Cuba aussi était en train d’être étranglée par l’embargo des États-Unis, qui continue jusqu’à présent et qui n’a eu d’autre but que celui d’en finir avec tout ce qu’il y a de merveilleux que cette Révolution a réalisé au niveau social : quelque chose d’unique en Amérique latine ; presque unique dans un pays du Tiers-Monde. Quand en 1989 Cuba se trouvait déjà seule face à Washington, car elle n’avait plus l’appui de l’Union soviétique, je m’y suis rendue. À mon retour j’ai dit à François : « Tu ne peux pas laisser tomber Cuba. Cette Révolution a beaucoup fait pour le peuple. La France ne peut être soumise aux États-Unis. » Il me disait que la France toute seule ne pouvait pas, et qu’en Europe personne ne la suivrait. Que les États-Unis détenaient tout le pouvoir économique, politique et de la propagande, en plus des contre-révolutionnaires de Miami. Je continue aujourd’hui à dire que cette révolution a mérité de se maintenir, car elle l’a fait et c’est le peuple qui la maintient. Par conséquent les États-Unis n’ont pas pu la faire plier. Je connais Fidel depuis très longtemps. J’ai passé beaucoup d’heures à discuter avec lui, à nous dire ce que nous pensons. Je lui ai fait part de toutes les critiques que j’ai au niveau politique. Une fois je lui ai demandé pourquoi il me supportait. Et il m’a répondu : « Parce que tu es une amie sincère. Et les critiques des amis on les écoute parce qu’elles sont honnêtes, même si nous ne sommes pas d’accord sur certaines choses. » La dernière fois qu’avec François nous avons reçu officiellement Fidel à Paris, en le saluant je l’ai embrassé publiquement sur la joue. Ce qu’ « interdit » le protocole et les « politiquement corrects ». Mais c’est que non seulement Fidel était notre ami, mais aussi qu’il est latin, et les Latins sont tendres. Ce fut un scandale que la presse me rappelle encore.

Que pense Mme Mitterrand du président vénézuélien Hugo Chávez et des projets nationaux qu’il essaie de lancer ?

Je n’ai jamais aimé les militaires. Mais Chávez, avant d’être un militaire est un homme, un être humain, et il est arrivé au pouvoir par la voie démocratique, et au point de gagner plusieurs élections. Chávez, au milieu de tous les obstacles que mettent sur son chemin les États-Unis et l’opposition dirigée par les riches, tente de faire avancer les programmes sociaux qu’il a offerts au peuple. Évidemment, le monde capitaliste lui est tombé dessus car il ne veut pas qu’un président du Tiers-Monde démontre que le peuple peut effectivement participer aux décisions de l’État et à son développement. Que ce peuple, avec son leader, marche de l’avant pour ne plus être exploité, ni être analphabète et avoir droit à la santé. C’est ce qui se passe au Venezuela malgré tout. À cause de cela ils veulent éliminer, effacer Chávez. Peu leur importe si c’est le peuple qui l’a élu, et qui doit décider s’il doit le soutenir ou l’enlever de là. Il existe une espèce de rage de la grande majorité de la presse mondiale contre Cuba et le Venezuela. Et c’est parce que ces gouvernements veulent être indépendants, souverains, dignes. Cela dérange. N’oubliez pas que les médias sont dirigés par de puissants capitalistes

Mme Mitterrand, est-ce que la France est un modèle de démocratie ? Est-ce une puissance mondiale ?

En France on élit et les élus font des lois qu’ils n’ont jamais proposées et dont nous n’avons jamais voulu. Est-ce la démocratie quand après avoir voté nous n’ayons pas la possibilité d’avoir de l’influence sur les élus ? Je ne crois pas que dans aucun des pays qui se disent démocratiques, ceux-là qui croient avoir le droit d’imposer « leur » démocratie aux pays pauvres, il existe la démocratie, à commencer par les États-Unis et la France. La France est une démocratie ? Une puissance mondiale ? Je le dis en tant que Française : Cela ne veut rien dire. Si on le dit pour les niveaux d’éducation, de la recherche ou la santé, c’est nul. Pour être capables d’aider la paix mondiale, les peuples opprimés ? Nul.

(Traduit par Abacar Fall de l’espagnol. Tiré de Rebelión, novembre 2005)

" Danielle Mitterrand : "La démocratie n’existe ni aux USA, ni en France" "

Hernando Calvo Ospina

[lesogres.org]

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Ci-joint l'appel des résistants.

On peut aussi trouver une vidéo en ligne de cet appel.
[www.alternatives-images.net]
Ces images ont été tournées en réaction au refus de la
publication de ce texte par les médias dominants.

Vous pouvez diffuser ce lien sans modération.

L'appel des résistants

Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes
sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de
Résistance et des forces combattantes de la France Libre
(1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et
retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours
actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. Soixante
ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos
frères et soeurs de la Résistance et des nations unies contre la
barbarie fasciste. Mais cette menace n'a pas totalement disparu
et notre colère contre l'injustice est toujours intacte.

Nous appelons, en conscience, à célébrer l'actualité de la
Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou
instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour
proposer aux générations qui nous succéderont d' accomplir trois
gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du
terme, pour que la flamme de la Résistance ne s'éteigne jamais :

Nous appelons d'abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les
collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les
exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l'anniversaire du
programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté
dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et
retraites généralisées, contrôle des " féodalités économiques " ,
droit à la culture et à l'éducation pour tous, une presse
délivrée de l'argent et de la corruption, des lois sociales
ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd'hui
de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales,
alors que la production de richesses a considérablement augmenté
depuis la Libération, période où l' Europe était ruinée ? Les
responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble
de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser
impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés
financiers qui menace la paix et la démocratie.

Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations,
institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser
les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes
politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus
seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau "
Programme de Résistance " pour notre siècle, sachant que le
fascisme se nourrit toujours du racisme, de l'intolérance et de
la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.

Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les
anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités
publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les
moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon
pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des
plus faibles et de la culture, l'amnésie généralisée et la
compétition à outrance de tous contre tous. Nous n'acceptons pas
que les principaux médias soient désormais contrôlés par des
intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national
de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.

Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui
commence, nous voulons dire avec notre affection :
" Créer, c'est résister. Résister, c'est créer ".

Signataires :

Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier,
Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice
Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion,
Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.

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