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Clandestins : La nouvelle filière des fausses paternités
a
18 novembre 2006 20:22
-CHARLOTTE DE LANGHE ET CÉCILIA GABIZON, Le Figaro.fr


Moyennant finance, des femmes sont prêtes à déclarer qu'un étranger en situation irrégulière est le père de leur enfant pour lui permettre de se procurer des papiers. Un trafic en plein essor.


ON LES APPELLE les paternités « blanches » ou « de papiers ». Fictives, celles-ci se multiplient, permettant à certains ressortissants étrangers d'obtenir frauduleusement un titre de séjour. « Tout le monde peut reconnaître un enfant qui n'est pas le sien », souligne ainsi François-Noël Buffet, sénateur (UMP) du Rhône et auteur d'un rapport sur l'immigration. Il suffit de se rendre à l'état civil dans la ville où l'on réside, et de se déclarer père, quel que soit l'âge de l'enfant. Aucune preuve n'est réclamée à ce stade. « Mais, reprend le ­sénateur, les surprises commencent dès que l'on creuse un minimum. »

Concrètement, cet abus de droit se décline sous plusieurs formes. L'une d'elles concerne des femmes en situation régulière et mères d'un enfant né en France, qui proposent à des sans-papiers d'acheter la paternité de leur progéniture. Souvent fortuits au départ, ces petits arrangements se transforment peu à peu en filière. Le forfait se négocie entre 2 000 et 5 000 euros, selon l'âge du bébé. Le bouche à oreille chez les sans-papiers en fait désormais le moyen le plus sûr d'obtenir directement une carte de séjour de dix ans. À condition de subvenir aux besoins éducatifs, matériels et affectifs de l'enfant, la carte est obtenue au bout de deux ans, contre cinq ans de délai pour un mariage.


Dans les foyers ou dans les ­collectifs de sans-papiers, chacun raconte le cas de « Congolaises, ­Camerounaises ou Ghanéennes » qui vendent leur ventre ou leurs enfants. En Ile-de-France et dans le Sud-Est, le phénomène s'apparente à un véritable business. La préfecture de l'Essonne estime avoir affaire à cinq ou six cas de fausse paternité par mois ! « Tout se monnaye : l'enfant, une adresse, parfois un travail », fait-on savoir. Il s'agirait surtout de reconnaissances tardives, parfois d'adolescents. Au service de l'état civil de Villemomble (Seine-Saint-Denis), « quatorze dossiers suspects de reconnaissance ont été transmis au parquet de Bobigny depuis le début de l'année ». Un chiffre « en augmentation », précise une fonctionnaire. En 2005, la Haute-Garonne a ainsi enregistré une hausse de plus de 20 % du nombre des titres de séjour délivrés au titre de parent d'enfant français. En Seine-et-Marne, la préfecture ­note également une augmentation de ces déclarations de paternité, émanant « de personnes faisant ­­­l'objet d'une reconduite à la frontière ».


Les abus sont difficiles à prouver


Dans son dernier rapport d'activité, le médiateur de la République avait tiré la sonnette d'alarme, ­notamment après avoir reçu la lettre d'une grand-mère inquiète pour son petit-fils. « Sa fille avait vendu la paternité de l'enfant à un homme qui habitait le même quartier que le père naturel, confie Jean-Paul Delevoye. De plus en plus, l'enfant fait l'objet d'un marchandage. » Sans pouvoir chiffrer la fraude, les autorités remarquent donc une explosion des régularisations de « parents d'enfant français ». En 2000, quelque 4 445 cartes de séjour avaient été délivrées à ce titre, contre 10 358 en 2004. Tout ne relève pas entièrement de la fraude, mais démontre qu'une nouvelle porte d'entrée clandestine en France a été identifiée.


À Mayotte, la situation est inverse : des femmes étrangères viennent y accoucher, espérant ainsi obtenir des papiers. Le nombre de titres de séjour accordés sur la filiation a bondi de 882 en 2001 à 4 146 en 2004... Censée freiner le trafic, une loi spécifique à l'île et votée en juillet 2006 impose au conjoint d'une clandestine de prendre à sa charge les frais de maternité. Valable pour toute la France, un amendement est, quant à lui, venu sanctionner les paternités blanches comme les mariages de complaisance : cinq ans de prison et 15 000 euros d'amende...


Mais les abus sont difficiles à prouver, surtout dans les cas de paternités « grises ». « Il s'agit d'une femme française ou d'un homme français abusé amoureusement par un conjoint étranger », explique Marie-Annick Delaunay (*), présidente de l'association « Non aux mariages et paternités de papiers ». Quotidiennement, celle-ci reçoit « des dizaines d'appels » de la part de jeunes mères désespérées ; sur Internet, les forums regorgent de témoignages. « Elles tombent des nues lorsqu'elles découvrent que celui qui les a mises enceintes l'a fait pour des papiers et non par amour », explique-t-elle encore. Sur la Toile, une maman raconte vivre « un enfer » après avoir dû « changer de région » pour échapper aux menaces. « Il me disait :»Si tu ne m'aides pas dans mes démarches, tu peux dire adieu à l'enfant* », écrit-elle.


Autant d'affaires qui n'atterrissent que très rarement devant les tribunaux. « Jusqu'à présent, la justice ne s'y intéressait pas, car la déclaration de paternité repose sur la liberté et la fraude est difficile à détecter, à moins de contrôler par ADN », explique ainsi Frédérique Bozzi, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris et présidente de la chambre sur l'état des personnes.


Pour sa part, Jean-Paul Delevoye, soutenu par le Défenseur des enfants Dominique Versini, milite pour la création d'un registre national des reconnaissances de paternité et un renforcement des contrôles administratifs.





(*) Auteur de L'immigration par ­escroquerie sentimentale (Éd. Tatamis).
a
23 novembre 2006 11:21
Tous les moyens sont bons pour avoir des papiers !
Que penser de ces mères qui vendent la paternité de leur enfant ?
 
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