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Centre d'Information sur la Résistance en Palestine
S
30 janvier 2007 13:00
Pas un jour, pas une semaine ne passent en Palestine sans l’annonce d’arrestations ou d’assassinats de membres ou cadres du mouvement du Jihad islamique par l’occupation sioniste. Mouvement islamique de résistance, le Jihad islamique est né dans la bande de Gaza à la fin des années 70. Il prône la résistance à l’occupation et refuse catégoriquement toute lutte interne. Ce sont d’ailleurs les responsables du Jihad islamique, aux côtés des autres formations politiques, qui sont sollicités pour mettre fin aux conflits internes qui secouent la scène palestinienne, ayant la confiance de plus d’un partenaire palestinien. C’est cette position charnière dans le paysage politique de la résistance palestinienne que le CIREPAL a voulu faire connaître dans cette longue interview de Abu Imad al-Rifâ’i, représentant du mouvement au Liban.



Interview du représentant du Mouvement du Jihad Islamique au Liban, Abu Imad al-Rifa’i


CIREPAL: Comment analysez-vous la situation en Palestine, dans le cadre régional et international ?


Abu Imad : Au nom de Dieu, le Clément et le Miséricordieux.

Sans revenir à l’histoire du vécu du peuple palestinien et de l’injustice qu’il subit depuis l’occupation, rappelons que la première intifada constitue une étape importante dans l’histoire de la lutte du peuple palestinien. En raison de conditions diverses, internes et objectives, de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui fut encerclée et sur laquelle furent exercées des pressions, celle-ci n’a pas pu mettre en avant cette lutte et fut contrainte d’aller signer les accords d’Oslo.

Depuis la signature des accords d’Oslo jusqu’à 2000, nous avons constaté que l’entité sioniste n’a pas respecté ces accords, malgré toutes nos réserves sur ces accords, en tant que Palestiniens et en tant que mouvement du Jihad islamique, car ils ne remplissent même pas le minimum des revendications palestiniennes.

D’importantes pressions internationales, américaines notamment, et israéliennes furent exercées sur le peuple palestinien pour qu’il accepte cette situation, et des pressions furent exercées sur le président Arafat pour qu’il fasse des concessions à Camp David, des concessions par rapport aux 20% de nos terres.

Plusieurs forces avaient refusé les accords d’Oslo et ont poursuivi la résistance, et à mon avis, elles ont maintenu le terrain fertile pour le renouvellement de l’Intifada, en 2000, face à cette entité sioniste qui a morcelé la terre palestinienne et son peuple et l’a assiégé sur le plan économique.



En 2000, L’intifada constitua une nouvelle étape dans la lutte, et toutes les forces palestiniennes avaient posé pour objectif de cette nouvelle lutte la fin de l’occupation et le retour aux frontières du 4 juin 1967. Mais cela n’a jamais signifié pour les mouvements de la résistance, ou du moins pour certains d’entre eux, la reconnaissance de l’entité sioniste. L’objectif était donc de repousser l’occupation jusqu’aux frontières du 4 juin 1967 et de lever tous les obstacles qui ont morcelé le territoire palestinien.

La résistance a réussi à repousser l’occupation hors de la bande de Gaza, bien sûr, il ne s’agit pas d’un retrait entier, car les passages sont toujours sous la domination israélienne, mais sur le terrain, au niveau des colonies, il s’agit d’une réalisation du mouvement de la résistance palestinienne, qui a obligé l’occupant à démanteler les colonies.

Nous tenions, dès ce moment, à poursuivre la lutte, pour obliger l’occupant à se retirer de la Cisjordanie aussi, et nous avons poursuivi la résistance, seule capable d’imposer de nouvelles réalités sur le terrain, en obligeant l’entité sioniste à se retirer des territoires occupés en 1967, car les négociations ont prouvé leur stérilité.

Concernant les élections législatives qui se sont déroulées en 2006, nous avions dès le départ considéré que ces élections ne sont pas différentes des précédentes, elles se déroulent sous occupation et ont pour couverture les accords d’Oslo. Nous avons dès lors décidé de ne pas y participer. Mais les frères dans le mouvement Hamas avaient leur propre réflexion. Nous avons considéré que les élections avaient plus d’aspects négatifs que positifs et avions discuté avec les partenaires palestiniens, notamment avec le mouvement Hamas. Les Etats-Unis ne se soucient pas de la démocratie, ce qui les intéresse dans les élections, c’est uniquement de voir les urnes et la participation. Rien de plus. Lorsque les élections ont lieu, elles sont considérées démocratiques si elles vont dans le sens des Etats-Unis et d’Israël, la démocratie n’est en fin de compte pour eux qu’un critère pour ceux qui suivent leur voie.

L’expérience des élections l’a prouvé. La participation et l’élection des frères du Hamas au conseil législatif ne leur ont pas donné la légitimité, même en tant que force ayant été élue démocratiquement. Il n’a pu exercer son rôle de direction dans l’Autorité palestinienne alors qu’il représente la majorité du conseil législatif.

Ce que voulaient en réalité l’entité sioniste et l’administration américaine qui ont exercé des pressions sur certaines parties arabes et musulmanes, pour assiéger le gouvernement du Hamas, c’est qu’il reconnaisse l’entité sioniste et qu’il mette fin à la résistance. Ils exigent surtout que le gouvernement reconnaisse les accords signés et notamment les accords d’Oslo. Ceci indique que la communauté internationale ne respecte pas les choix des peuples, et surtout le choix du peuple palestinien, qui veut en finir avec l’occupation.

Par conséquent, nous sommes devant une situation où le pouvoir palestinien est assiégé politiquement, économiquement, avec des tentatives de susciter des luttes internes, au moment où faut préserver le projet de la résistance, en général.

Si nous analysons la situation palestinienne dans le cadre de la situation régionale et générale, nous remarquons que dans la région, l’administration américaine est en voie de susciter les conflits et les séditions dans les pays arabes, elle vise à étendre les luttes intestines non seulement entre les partis politiques ou les divers nationalismes mais aussi entre les confessions, parce que l’administration américaine veut que les Musulmans entrent dans des conflits qui les éloignent de la question principale, qui est la présence de l’entité sioniste, entité qui occupe, colonise, tue, détruit et domine la Palestine, mais aussi la présence américaine dans la région qui pille et maîtrise nos biens et nos ressources.

Ainsi, les Israéliens et les Américains cherchent à susciter les querelles et les conflits entre partis, confessions et ethnies dans cette région en vue de la diviser, et pouvoir imposer leurs conditions sur les peuples.

Ils veulent par ailleurs détruire l’image radieuse de la résistance dans le monde arabo-musulman, ils veulent liquider l’esprit de la résistance au sein des peuples du monde arabo-musulman, que ce soit la résistance en Palestine et ses acquis ou la résistance au Liban et ses acquis face à l’entité sioniste. Durant 33 jours, la résistance au Liban a pu faire face à une des armées les plus puissantes dans le monde et en Palestine, l’intifada al-Aqsa qui entre dans sa septième année résiste toujours à la répression, à la violence des chars israéliens et la machine sioniste de la mort.

Cette résistance, qui constitue un stimulant et un catalyseur au sein des peuples arabo-musulmans, ils réclament sa destruction. C’est ce qui se déroule au Liban et en Palestine, ils veulent détruire la résistance en la détournant vers des conflits et luttes internes et marginales.



Pour notre part, nous avions toujours affirmé que la démocratie américaine est une illusion. Les Etats-Unis ne permettront pas l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement qui exerce ses tâches en tant que gouvernement, il ne peut y avoir qu’une forme d’Autorité, avec un semblant d’autonomie, ils ne veulent même pas un Etat. Par conséquent, la période que nous vivons est une période de libération nationale et non une période de recherche d’acquis, ici ou là, nous devons poursuivre la résistance pour réaliser entièrement nos droits et ensuite, nous pourrons discuter d’un gouvernement, d’une Autorité ou autre forme qui puisse répondre aux attentes de notre peuple.

Actuellement, en Palestine, nous assistons à une extrême tension interne dont sont responsables les pressions et les incitations américaines. Il y a des tentatives israélo-américaines pour soutenir une partie au dépend d’une autre, il y a aussi un silence ou plutôt une implication arabe dans ce qui se passe au niveau palestinien. Cette situation tendue explose de temps en temps, comme nous l’avons vu récemment lors des affrontements entre les mouvements du Hamas et du Fateh.

Pour nous, évidemment, nous ne pouvons admettre l’écoulement du sang, la cible doit être l’occupation israélienne qui fait couler notre sang tous les jours. Les luttes internes ne peuvent qu’avoir des effets négatifs sur la cause palestinienne et peuvent amener les peuples qui sont solidaires avec nous de cesser leur sympathie. Par conséquent, nous n’avons d’autre choix que de rechercher les points communs entre tous, pour arrêter ce processus, tout en mettant en avant que le moment n’est pas venu pour rechercher les gains ou le pouvoir. Nous devons plutôt consacrer nos forces pour repousser l’occupation israélienne.

Nous pensons que la situation est extrêmement dangereuse et en tant que mouvement, nous avons pris la décision de faire cesser ces luttes intestines, en rapprochant les points de vue de façon à faire participer les parties en conflit, en mettant en avant que ces luttes ne servent pas la cause palestinienne. La seule issue est d’instaurer des mécanismes pour le dialogue entre le Hamas et le Fateh. Par contre, si la situation se poursuit ainsi, dans le cadre des pressions américaines et le siège arabe imposé contre le gouvernement palestinien, sans proposer des solutions logiques et réalistes pouvant mettre fin à ce cauchemar, la situation en Palestine sera encore pire.

Nous pensons que si les Arabes avaient fait réellement un effort dans le sens de calmer la situation, cela aurait eu des effets bénéfiques et aurait mis fin aux luttes intestines entre le Fateh et le Hamas. Ce que nous apercevons, c’est que les Arabes ne peuvent intervenir que dans le cadre des pressions américaines et selon les désirs des appareils sécuritaires sionistes et américains.



CIREPAL : Mis à part le fait que le Hamas a participé aux élections qu’il a remportées, où se situe sa responsabilité, alors que nous voyons que son gouvernement a été assiégé et qu’il subit plutôt des pressions de l’ensemble de la communauté internationale ?



Abu Imad : Il est vrai que le Hamas a participé aux élections législatives et les a remportées, et quiconque remporte les élections a le droit de former le gouvernement. Mais la première responsabilité est celle de la position arabe officielle, qui n’a envisagé la cause palestinienne que du point de vue américain, et qui, de plus, a exercé des pressions sur la partie palestinienne et les forces de la résistance, en faveur de l’entité sioniste. Au lieu d’être un élément de pression sur la partie américaine, en faveur du peuple palestinien.

L’autre responsabilité est celle de la communauté internationale, qui a demandé la tenue des élections mais qui a refusé ses résultats. Nous constatons qu’il n’y a pas une communauté internationale exerçant librement ses actions pour régler les conflits dans le monde, et non seulement dans la région, elle exerce son rôle selon la vision américaine. De plus, la communauté internationale a participé au siège contre le peuple palestinien, ce siège n’est pas imposé contre le gouvernement du Hamas, mais contre le peuple palestinien pour l’amener à se soumettre et à s’agenouiller, à accepter l’entité sioniste et l’occupation.

Le troisième niveau de responsabilité, si l’on excepte le rôle américain et sioniste, est celui de l’Autorité palestinienne, et notamment de la présidence, lorsque la mobilisation et la campagne se sont menées, au sein du Fateh, pour dire que Hamas est le problème et qu’il est responsable du siège. Alors que la lecture objective de la situation montre au contraire que le siège imposé sur le peuple et le gouvernement palestiniens est dû au refus par l’administration américaine et de parties dans le Quartet des positions du Hamas. Donc, la responsabilité de la situation actuelle n’est pas le fait du Hamas, mais nous disons que dans le cadre du soutien américain (à Israël), du siège imposé contre les Palestiniens, du silence de la communauté internationale et de l’absence du rôle des gouvernements arabes, tout cela intensifie la crise et complique la situation, notamment lorsqu’il y a soutien d’une partie au détriment de l’autre. La responsabilité n’est évidemment pas celle du mouvement Hamas, mais nous rappelons qu’il avait déclaré, comme nous tous, que l’écoulement du sang palestinien est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir. Donc, il ne faut absolument pas entrer dans une lutte interne, quelles que soient les raisons car l’écoulement du sang palestinien dans des luttes internes ne peut qu’élargir le fossé entre les fils du peuple palestinien.

Ensuite, les frères du Hamas, dès les premiers instants où ils ont senti qu’il y a refus international de leur gouvernement, qu’il y a un siège contre eux, ils auraient dû lire exactement ce que cela signifie et se retirer du gouvernement. Ils auraient dû dire qu’en conséquence de l’attitude internationale qui refuse de reconnaître un gouvernement élu démocratiquement, ils ne seraient pas prêts à reconnaître tout autre gouvernement dans le futur, et par conséquent, tout gouvernement formé après celui du Hamas serait un gouvernement illégal, puisqu’il est accepté par l’occupation sioniste. A partir de là, il évite de tomber dans la guerre civile et se dirige clairement vers la résistance, tout en montrant au monde entier que la démocratie à laquelle appelle l’Occident, et le processus démocratique auquel il a appelé n’est qu’un mensonge. Il ne faut donc compter ni sur la communauté internationale ni à plus forte raison sur les Etats-Unis qui sont considérés comme les parrains du processus du paix dans la région. Nous ne comptons que sur Dieu, gloire à Lui, sur la volonté de notre peuple et la volonté des peuples de la nation, et sur la résistance, en tant que seule alternative pour récupérer la terre volée par l’occupation.



CIREPAL : Est-ce que vous proposez cette alternative aux frères du Hamas ?


Abu Imad : Nous avons fait une déclaration dans ce sens. Plus longtemps le Hamas reste dans le gouvernement, plus la situation se complique pour qu’il puisse en sortir. Il aurait dû le faire au début, cela aurait été plus simple. Les autres organisations doivent mobiliser leurs efforts, à l’heure actuelle, pour empêcher que le conflit entre les deux mouvements, Hamas et Fateh, aille plus loin.



CIREPAL : Depuis la rencontre du Caire entre les organisations palestiniennes, aucun pas n’a été fait pour réorganiser l’OLP. Où sont les voix palestiniennes qui contestent le fonctionnement de l’OLP ?



Abu Imad : L’OLP a été vidée de son contenu depuis les accords d’Oslo et je pense que l’administration américaine a tout fait, ces dernières années, pour écarter l’OLP, en faisant de l’Autorité palestinienne le représentant du peuple palestinien et qui signe les accords. Le but était d’écarter l’OLP et la remplacer par l’Autorité palestinienne qui est plus apte à faire des concessions dans le cadre des pressions internationales.

De notre côté, nous avons déclaré que nous n’avons aucun problème pour revenir à l’OLP et préserver cet organisme, comme l’ont déclaré l’ensemble des organisations palestiniennes.

Au Caire (en 2005), l’accord qui a eu lieu a décrété la trêve et la réorganisation de l’OLP. Nous étions prêts à faciliter tous les pas pour que l’OLP puisse être de nouveau l’organisme représentatif de toutes les composantes du peuple palestinien et de ses objectifs, pour que l’OLP puisse être comme auparavant, qu’elle puisse exercer son rôle en tant qu’organisation rassemblant toutes les forces palestiniennes.

En réalité, nous avons ressenti, à la conférence du Caire, que certaines parties, dont M. Mahmoud Abbas, ne voulaient rien d’autre que la trêve, laquelle n’a pas été reconnue par le gouvernement sioniste qui a poursuivi ses actes d’assassinats et de terreur contre le peuple palestinien, et notamment contre le mouvement du Jihad islamique.

Lors de la rencontre à Damas entre des membres du comité exécutif de l’OLP et les secrétaires généraux de tous les mouvements de la résistance, il y a eu un accord sur des mécanismes précis pour activer la réorganisation de l’OLP. Mais M. Abbas a rejeté tout cela et n’a pris en compte que la trêve. Il n’a fait aucun pas dans ce sens, il a entièrement ignoré l’accord du Caire. Par conséquent, l’OLP, telle qu’elle est aujourd’hui, ne représente pas le peuple palestinien ni les organisations de la résistance palestinienne. Elle n’a aucune volonté, elle n’a même plus de charte, elle n’a aucune institution. Nous tenons cependant toujours à réorganiser l’OLP mais pour l’instant, il y a des forces influentes qui ont l’intention d’empêcher sa réorganisation, pour des buts personnels et de pouvoir.

Quand l’OLP rassemblait, exprimait la volonté du peuple palestinien, quand elle possédait une charte, un mécanisme et des institutions, nous n’avions aucun problème avec l’OLP, mais actuellement, rien de tout cela existe, il n’y a même pas d’institutions. Pour nous, nous tenons soit à la réorganisation de l’OLP, en tant qu’organisation reconnue sur le plan international, soit à la recherche d’un organisme qui puisse être le cadre rassemblant toutes les composantes et forces du peuple palestinien.



CIREPAL : L’Etat sioniste n’a pas cessé ces derniers temps de poursuivre et assassiner les cadres et militants du Jihad islamique. Comment expliquez-vous cette insistance ?



Abu Imad : L’acharnement de l’Etat sioniste contre le mouvement du Jihad islamique fait partie de la permanence de l’attaque sioniste contre tous les mouvements qui cherchent à relever la situation du peuple palestinien. Et le mouvement du Jihad islamique représente l’une des bases de cette relève. De plus, les dirigeants de l’entité sioniste savent que le mouvement du Jihad islamique possède une vision très claire sur la manière de traiter le projet sioniste et a une position très claire sur l’occupation israélienne. Israël peut considérer que le mouvement du Jihad islamique représente un danger stratégique pour lui à cause précisément de sa vision et analyse clairvoyantes. Nous considérons que la terre ne pourra être récupérée que par la résistance, c’est ce que nous montrent clairement les négociations passées entre l’OLP et plus tard, l’Autorité palestinienne et les sionistes : elles n’ont donné aucun résultat car l’entité sioniste fut le principal obstacle à l’application de ces accords.

Par conséquent, nous pensons que l’alternative de la résistance est la plus apte à faire recouvrer nos droits. De plus, nous pensons que nous sommes dans une étape de libération nationale, donc nous ne pouvons pas nous détourner de notre but pour des miettes fugitives, que ce soit le pouvoir, le gouvernement ou le conseil législatif car tout cela n’a aucun poids dans le cadre de l’occupation israélienne. Nous disons qu’aujourd’hui, la tâche est de libérer la terre, et après la libération, nous aurons une place importante dans l’établissement de ces institutions. Dans le cadre de l’occupation israélienne, il n’est pas possible de fonder des institutions ou un Etat ayant une souveraineté totale. Notre projet est donc celui de la résistance, que craint l’Etat d’Israël, et c’est pourquoi il pratique les assassinats des cadres et des membres de notre mouvement.




CIREPAL : Vous parlez de résistance. Est-ce que vous la concevez uniquement comme une résistance militaire ? Certaines institutions, éducatives, médicales, etc.. ne peuvent-elles pas représenter aussi une résistance ?



Abu Imad : Bien évidemment, nous n’avons jamais dit que la résistance armée est la seule résistance. La résistance est multiforme, politique, sociale. Elle consiste aussi à préserver les constituants de la société palestinienne, à préserver l’identité palestinienne. Le fait de ne pas participer aux élections législatives ne signifie nullement que nous n’avons pas de rôle politique ou d’actions politiques. Nous avons une participation active dans la situation du peuple palestinien, nous participons par exemple aux élections locales, syndicales, parmi les étudiants et d’autres professions. Nous ne pensons pas que la résistance armée est la seule résistance mais face à l’ennemi sioniste, la résistance armée est la première forme de résistance.



CIREPAL : Concernant la situation des Palestiniens au Liban, nous savons qu’elle est très difficile, ce pays vient de subir une guerre. Comment voyez-vous la situation des Palestiniens au Liban ?



Abu Imad : Le peuple palestinien au Liban vit la douleur de l’exil et de l’éloignement de sa patrie. Il vit dans le cadre de lois injustes pratiquées par le gouvernement libanais, lois qui ne témoignent aucunement d’une vision contemporaine de la vie civile. Les Palestiniens sont privés de pratiquer près de 88 métiers, ils ne peuvent être propriétaires même d’un logement. Au Liban, le Palestinien vit une situation de misère et de privation. Mais il est évident que la patience de ce peuple et sa foi dans la justesse de sa cause l’aident à supporter toutes ces misères.

Mais par ailleurs, nous avons aperçu ces derniers temps une ouverture venant de la part du gouvernement libanais, en vue d’instaurer un dialogue libano-palestinien et organiser la situation palestinienne au Liban, pour accorder au peuple palestinien ses droits civils et sociaux. Nous avons eu de l’espoir au début de la formation du gouvernement Sanioura, mais les problèmes internes libanais et la tension ont remis ce dialogue à plus tard. Mais malgré tout, nous craignons qu’il y ait une volonté d’imposer une situation au peuple palestinien en acceptant les pressions et même les décisions internationales. Nous craignons essentiellement le projet d’installation définitive (tawtin) au Liban, projet que nous, en tant que Palestiniens, nous refusons catégoriquement. Nous refusons tous les projets qui peuvent être imposés aux Palestiniens, que ce soit l’installation définitive ou l’expulsion. Le Palestinien doit revendiquer ses droits au Liban, il a le droit de s’accrocher à son identité palestinienne et d’agir pour retourner à son pays. Nous avions transmis nos craintes au gouvernement libanais, nous en avions parlé dans les médias, car nous observons très clairement les conséquences de l’attitude israélienne qui, en refusant le retour des réfugiés à leurs terres, bloque toute solution dans la région. La communauté internationale doit assumer sa responsabilité sur ce plan, tout comme doit l’assumer la partie officielle arabe qui doivent faire pression pour que les Palestiniens préservent leur identité et ne soient pas définitivement installés dans les pays arabes, en réclamant sans cesse que l’entité sioniste accepte le retour des réfugiés à leurs terres.




CIREPAL : certaines parties au Liban réclament le désarmement des Palestiniens, dans les camps ou hors des camps, alors qu’au même moment, les agents sionistes poursuivent les assassinats de cadres de la résistance, comme cela s’est passé lors de l’assassinat de deux membres du Jihad islamique à Saïda. Qui peut protéger le peuple palestinien ?




Abu Imad : Tant que les menaces et les agressions israéliennes se poursuivent contre le Liban, que ce soient par les survols aériens, les bombardements ou les assassinats, contre les Libanais et les Palestiniens, nous considérons que la question de la sécurité est importante, mais nous considérons que la question des Palestiniens au Liban doit être vue par le biais politique et non sécuritaire. La présence de l’armement palestinien peut être perçu par le gouvernement libanais comme un élément qui l’aide à garder vivante la question palestinienne, qui devient un élément de force pour ce gouvernement, car l’armement palestinien a une signification tactique, politique et morale à la fois, liée au fondement de la question palestinienne. Désarmer les Palestiniens prépare la voie à des plans qui visent la présence palestinienne au Liban, et en premier lieu leur installation définitive au Liban. Ce qui empêche ce plan, c’est la présence d’un peuple qui affirme sa volonté de libérer sa terre. Il n’est pas nécessaire qu’il mène sa lutte à partir du sud-Liban, mais la signification morale de cet armement protège la question palestinienne et permet au Liban de maintenir la pression et réclamer que la communauté internationale assume son rôle pour le retour des réfugiés. C’est pourquoi le fait de traiter la question de l’armement palestinien du point de vue sécuritaire uniquement est une erreur que commet le gouvernement libanais. Ses dommages retomberont sur les peuples libanais et palestinien.

Et par ailleurs, les camps palestiniens sont toujours sous la menace, il y a quelques mois le martyr Mohammad Majzoub et son frère Nidal ont été assassinés, le réseau responsable de l’assassinat a été arrêté et a montré la responsabilité de l’entité sioniste et du Mossad. De plus, la guerre menée en juillet dernier a montré que les camps sont toujours menacés. Qui protège ces camps ?



CIREPAL : Nous avons entendu récemment des déclarations de certaines forces politiques libanaises, dont les Forces Libanaises, racistes et haineuses envers les Palestiniens du Liban. Geagea, par exemple, a déclaré avoir « libéré Ayn Rummaneh » faisant référence à l’assassinat de plus de 40 Palestiniens au début de la guerre civile. D’autres déclarations ont été émises dans le même sens. Est-ce que les Palestiniens se sentent menacés plus spécifiquement ou considèrent-ils que leur situation dépend de la situation libanaise dans son ensemble ?




Abu Imad : Malheureusement, il y a un racisme évident et de haut niveau dans le comportement de certaines forces libanaises avec le peuple palestinien. Les appareils sécuritaires libanais ont même arrêté des forces qui incitaient aux meurtres des Palestiniens. Les Palestiniens sont toujours menacés, non seulement par la partie sioniste, mais également par des parties qui adoptent une attitude raciste et qui incitent contre les Palestiniens. Certaines forces politiques cherchent à faire croire que les Palestiniens sont dans une situation de non droit au Liban, qu’ils vivent une situation de hors-la-loi, mais c’est une attitude erronée et injuste. Le gouvernement libanais a la possibilité d’entrer dans n’importe quel camp, nous avons des contacts réguliers avec le gouvernement. Nous pouvons régler de multiples problèmes par le biais des canaux de discussion, mais les déclarations racistes et haineuses envers les Palestiniens sont des éléments de tension.



CIREPAL : Comment voyez-vous la visite de M. Mahmoud Abbas au Liban ? Y a-t-il des projets précis, comme l’installation définitive des Palestiniens, par exemple ?




Abu Imad : Si la visite de M. Mahmoud Abbas a pour but de discuter la situation difficile que vivent les Palestiniens au Liban, du fait des lois injustes qu’ils subissent et de demander au gouvernement libanais de reconsidérer ces lois afin que le Palestinien puisse vivre dignement au Liban, je pense que cette visite est positive. Mais si elle intervient dans le cadre de la vision américaine, pour constituer un front opposé à la résistance, cela comporte de graves dangers.



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