Citation
Gandalf le gris a écrit:
— Bonjour, vous venez acheter du bonheur ? demanda avec un sourire irrésistible la femme.
— Oui... Euh... C’est possible ? hésita l’homme.
— Bien sûr ! Lequel voulez-vous ?
— Bah je ne sais pas... Le bonheur que tout le monde cherche, je suppose.
— Excellent choix !, répondit-elle gaiement. Venez, j’ai quelque chose pour vous. Nous avons le meilleur bonheur, un bonheur de spécialiste, nous le designons nous-même, avec vous. C’est le plus populaire actuellement. Regardez ici : c’est l’un des modèles les plus convoités, avec des couleurs beige très douces, ajouta la jeune fille en montrant un grand écran où l’on voyait des images qui brillaient.
— Un appartement dans une zone résidentielle tranquille, un crédit immobilier avec des intérêts infimes. Une belle épouse : blonde, grande, à la belle silhouette. Un chaton Sphynx, parfait : pas un seul poil et donc pas d’allergies. Vous travaillez comme Directeur de projet. Vous avez une voiture pour vous et une autre pour votre femme. Un bon complément pourrait être un enfant. Vous l’emportez ?
— Bah... Je n’aime pas trop les chats. Et en plus les Sphynx sont vraiment laids. Je ne sais pas, peut-être que quelqu’un d’autre aime ces chats... Je ne pourrais pas avoir plutôt un chien ? Un berger allemand, peut-être ? Ou un chien bâtard, ça irait aussi. Un chien intelligent.
La jeune fille avait l’air contrariée.
— Un bâtard ? Ce n’est pas très beau. Un Husky, un Malamute, un Grand Danois... Il y a plein de races très populaires !
— Ah, bon ? Populaires, dites-vous ? Bon... Et mon épouse, elle pourrait ne pas être blonde ?
— Bien sûr ! Avec un mouvement de poignet, la vendeuse a commencé à passer sur l’écran des portraits des beautés les plus raffinées : des brunes, des rousses, des femmes aux cheveux châtains. L’homme trouva que c’était exactement le même visage, comme si la même femme mince aux lèvres et aux cils hypertrophiés changeait tout simplement de perruque. “Nous en avons pour tous les goûts”.
— Pas pour tous, il me semble... J’aimerais qu’elle soit un peu plus ronde. Par exemple, j’aime bien Lucie, celle de l’immeuble d’en face. Elle est si...
— Qu’est-ce que vous racontez, là ? Quelle Lucie ? Elle est presque obèse ! Et elle mesure un mètre 58 ! Elle a des problèmes de peau, et elle est couverte de taches de rousseur. Ces Lucie, si vous permettez, ne sont pas du tout une création de design. Elles ne sont plus à la mode, elles ne l’ont jamais été d’ailleurs !
— Mais...
— Pas de mais ! Vous êtes venus chercher du bonheur ou vous êtes juste venu faire un tour ?
— Je cherche le bonheur..., soupira l’homme.
— Bah voilà, il est là ! Un bonheur à la mode, avec du style, du design.
— Alors, pour Lucie, c’est non ?
— Non. Et encore moins avec ce prénom. Garance, Lou, Ariane... Vous avez besoin d’un prénom sonore, brillant, à la mode.
— Bon, Garance, je choisis Garance, répondit l’homme, résigné.
— Et pour l’appartement et le travail, pouvez-vous changer quelque chose ?
— Vous voulez dire quoi, exactement ? La jeune fille croisa les bras, impatiente.
— Et bien... Ce n’est pas trop populaire... bien sûr. Mais j’ai toujours rêvé d’avoir une maison dans un village. Et cultiver des fraises. Et aussi peindre des tableaux, des tableaux de fraises.... Tout est calme, tellement calme... Le soir je cueille les fraises et je les offre à Lucie. Elle, elle fait des crêpes et elle y met du sirop de fraises. Et les autres, elle les met dans un panier. Un panier avec une serviette en dentelle. Et elle s’assied à mes côtés. Elle reste assise, là, souriante. Ses joues sont roses. Et à ses pieds, il y a le chien, très poilu, bâtard, mais très, très intelligent. Et je suis là, moi, un pinceau à la main et une toile devant moi. Je dessine cette magnifique scène.
— Et ? demanda la femme, froide et arrogante.
— Et le soir, on s’assied et on boit du thé, répondit l’homme, inspiré. Les murs sont pleins de tableaux. Mes tableaux. Et mon fils me demande : “Qui a dessiné ces beaux tableaux ?”. Et ma femme, Lucie, lui répond : "Papa. Il a peint tout ça. Veux-tu qu’il te fasse un portrait ?
— Et...? , insista la femme sur un ton glacé.
— Et voilà. C’est le bonheur
L’homme remarqua qu’elle fronçait les sourcils, et se démoralisa.
— Quel bonheur ? C’est ça le bonheur pour vous ? Vous êtes devenu fou ? Vous voulez gaspiller votre vie en vivant cette misère ? Je comprendrais si vous me parliez d’un style rétro, d’une villa dans un village pittoresque en France, votre maîtresse, Juliette, avec un caniche, des tableaux de Picasso et quelques vignobles. Mais des fraises... La jeune fit une grimace comme si elle parlait, non pas de fraises, mais de citrons, comme si elle les mangeait. Lucie ? Chien poilu ? Serviette ? En dentelle ? Pouah ! Sortez de votre esprit toutes ces choses de mauvais goût !
— Mais...
— Réfléchissez-y : que diront les gens ? Hein ? Combien d’argent allez-vous gagner ? Quel type d’affaires mènerez-vous en faisant des tableaux et en cueillant des fraises
Citation
Lady in red a écrit:
Bonsoir,
C'est toi qui as ecrit ce texte ?
Si oui, je le trouve reussi. C'est vrai, c'est un peu lineaire, mais pas lourd.
Merci du partage.
J'espere que Jean a finalement construit son bonheur avec Lucie.