Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Berezovski-Poutine le combat des chefs
a
26 décembre 2006 15:50
LE MONDE | 25.12.06



Depuis l'empoisonnement d'Alexandre Litvinenko, l'ex-agent des services secrets russes mort à Londres le 23 novembre après avoir ingurgité une substance radioactive, deux camps s'affrontent. A Londres, les proches de la victime, tous liés à l'ex-oligarque Boris Berezovski, n'ont aucun doute : le poison mène aux services secrets russes. Vu de Moscou, l'empoisonnement ne peut être que l'oeuvre de Boris Berezovski, l'ancien maître de l'intrigue politique, réfugié dans la capitale britannique depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine.



Neuf enquêteurs de Scotland Yard sont à pied d'oeuvre à Moscou. Leurs homologues russes sont attendus à Londres. Chaque camp s'est adjoint les services d'une agence de communication. Bell Pottinger, l'agence de Lord Tim Bell, le publiciste du Parti conservateur à l'époque Thatcher, fait valoir les arguments de l'entourage de Boris Berezovski. Les intérêts du Kremlin sont représentés par Portland PR, une agence proche des travaillistes.

Dans le vestibule d'Interpark House, dans le quartier londonien de Mayfair, aucune plaque n'indique les bureaux de Boris Berezovski. Deux policiers armés gardent l'accès aux ascenseurs. C'est là qu'une voiture blindée dépose chaque matin le milliardaire de 61 ans. Quand il a rendu visite à son protégé, deux jours avant qu'il ne meure d'un empoisonnement au polonium 210, Boris Berezovski, d'ordinaire grand bavard, s'est fait discret. Sa réaction, ensuite, est restée prudente : il penche pour la responsabilité de l'entourage de Vladimir Poutine, plutôt que pour celle du président en personne.

En Russie, il est sous le coup d'un mandat d'arrêt pour malversations. Bête noire des autorités, il est présenté par la propagande officielle comme un personnage démoniaque, à l'origine de toutes les turpitudes du pays. Cet empoisonnement, c'est lui, accusent les médias. Pour Rossiskaïa Gazeta, journal officiel du gouvernement, Alexandre Litvinenko a joué, en mourant, "le dernier et le meilleur de ses rôles dans la pièce de théâtre montée par un metteur en scène de talent" - Boris Berezovski, bien sûr. "Se débarrasser d'un associé superflu, détenteur de secrets dangereux pour l'oligarque en fuite, est complètement dans (son) style." L'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa le 7 octobre ? Encore lui, prétend la presse russe. Le mobile ? Donner une mauvaise image de la Russie, afin que la justice britannique continue de refuser son extradition.

Le parquet russe veut juger celui qui était surnommé dans les années 1990 le "Raspoutine du Kremlin". Or depuis 2003, il jouit du statut de réfugié politique en Grande-Bretagne. Pas question de l'extrader. Les relations russo-britanniques se sont donc altérées. L'entente qui avait débouché sur la création d'une joint-venture pétrolière - TNK-BP - et sur l'ouverture à Shell du gisement de Sakhaline bat de l'aile. En janvier, quatre diplomates britanniques, accusés d'avoir utilisé une "pierre émettrice" dans un parc de Moscou, ont été mis en cause dans une abracadabrante affaire d'espionnage. L'ambassadeur à Moscou, Anthony Brenton, est continuellement harcelé par les "Nachi", les jeunesses poutiniennes, qui le somment de "s'excuser" d'avoir assisté à une réunion de l'opposition en juillet. Serviteurs zélés du Kremlin, ces jeunes ne manquent pas une occasion de conspuer le représentant de la Couronne, qu'ils suivent jusque dans ses déplacements en province. Bizarrement, depuis cette affaire d'empoisonnement, les émissions radio de la BBC en langue russe connaissent des interruptions en raison de "difficultés techniques".

Depuis Londres, Boris Berezovski, "Bab" pour les intimes, se plaît à jeter de l'huile sur le feu. En janvier, il avait irrité Moscou en annonçant dans une interview au quotidien Izvestia qu'il allait investir une partie de sa fortune dans l'organisation d'un coup d'Etat en Russie pour rétablir d'ici à 2008 la Constitution, "violée" selon lui par le maître du Kremlin. Le 1er novembre, il réitérait ses menaces.

Dans une Russie travaillée par la question de la succession présidentielle de 2008, ces propos font mouche. La main du trublion est partout, insiste la presse moscovite. Derrière les manifestations de rue d'octobre 2006 à Bichkek (Kirghizstan), où il aurait été vu en compagnie du fils du président kirghize, derrière la "révolution orange" en Ukraine que lui même se targue d'avoir financée. Pour les hommes en épaulettes, issus du FSB, qui contrôlent la Russie, l'argent venu d'Occident a servi de catalyseur aux révolutions de couleur.

Or l'argent est précisément ce qui fait le moins défaut à l'ex-oligarque. Sa fortune est estimée à au moins 4 milliards de livres (5,9 milliards d'euros), selon le dernier classement du Sunday Times.

Durant ses six années d'exil à Londres, en compagnie de son épouse Yelena et de ses six enfants issus de plusieurs mariages, l'ancien maître de l'intrigue politique a triplé son pactole. Il a massivement investi dans l'immobilier.

Que de chemin parcouru depuis la fin des années 1980 ! Issu de l'intelligentsia juive moscovite, Boris Berezovski n'était alors qu'un obscur étudiant à la vocation contrariée, obligé, à cause de ses origines, de renoncer à sa passion - l'aérospatiale - pour s'orienter vers les mathématiques appliquées. Au début des années 1990, il se lance dans la revente d'automobiles, le secteur le plus criminalisé. Entrepreneur madré, il cultive des relations avec tous les milieux, dont celui du crime. Attentats, incendies criminels, assassinats commandités font partie du quotidien. En 1993, un banquier, Ivan Kivelidi, est empoisonné par des isotopes radioactifs dissimulés dans son fauteuil et son téléphone. Il meurt dans d'atroces souffrances, ainsi que sa secrétaire. C'est le premier assassinat radioactif.

Boris Berezovski n'est pas épargné. Le 7 juin 1994, à Moscou, une charge placée sous sa voiture explose. Son chauffeur est décapité, son garde du corps grièvement blessé. Lui est indemne. Un inspecteur accourt sur les lieux. Il s'appelle Alexandre Litvinenko. Officier de police, il mène l'enquête. C'est le début d'une amitié. A l'époque, l'ascension du magnat est fulgurante. Il est partout : dans l'acier, les médias, l'industrie automobile, l'aéronautique avec Aeroflot, le pétrole avec Sibneft. Sa méthode : la " privatisation des bénéfices" - 80 % des recettes d'Aeroflot à l'étranger sont gérées par la société Andava, basée à Lausanne, qu'il détient à 50 %. Ces fonds ne reviennent jamais en Russie. Sa réussite, il la doit aux liens qu'il a développés avec Boris Eltsine. Il a ses entrées dans la famille du premier président russe, qu'il abreuve de cadeaux. En 1996, il fait partie des six oligarques qui mettent la main à la poche pour permettre sa réélection. Effort récompensé par des participations importantes dans les joyaux de l'industrie.

"Bab" fait la pluie et le beau temps, s'implique de manière trouble en Tchétchénie où il paie d'énormes rançons pour faire libérer - ou ne pas faire libérer - les otages des chefs de bandes tchétchènes. Il verse 1 million de dollars au plus radical des combattants, Chamil Bassaev. Lorsque le Kremlin cherche un successeur au président Eltsine, amoindri par des problèmes de santé, l'oligarque est le plus chaud partisan du candidat Poutine. Les deux hommes semblent s'apprécier. Durant l'année 1999, Vladimir Poutine se rend à cinq reprises dans la villa du milliardaire à Cadix, en Espagne. Le jour où il est nommé premier ministre, "Bab" fait donner une grande fête à Sotogrande.


Mais au fur et à mesure que l'étoile de Poutine grandit, celle du manipulateur de la famille Eltsine pâlit. Accusé de malversations, il est contraint de céder ses parts dans la chaîne ORT. Quatre mois après l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il quitte la Russie pour Londres. Son sort reste bien plus enviable que celui de Vladimir Goussinski, autre oligarque en disgrâce, jeté un temps en prison en Espagne et sommé de céder ses actifs à un prix cassé. Boris Berezovski, lui, a pu conserver des parts dans la société automobile Avtovaz. Il se dit certain de ne jamais être extradé - c'est du moins ce qu'il a confié au quotidien Izvestia. En maître chevronné de l'intrigue, aurait-il conservé des dossiers compromettants, comme il est d'usage dans le monde impitoyable de la politique russe ?

Une chose est sûre, il n'a pas renoncé à son pays. En bon milliardaire à la recherche de plus-values, il vient de lancer un "private equity fund", un fonds de capital-risque, dont la mission est d'investir en... Russie. Cette même Russie dont les services secrets auraient cherché à l'éliminer il y a près de dix ans.

En 1998, lors d'une épique conférence de presse à Moscou, un officier du FSB, membre d'une unité chargée de combattre la mafia avec les méthodes du crime organisé, avait raconté avoir reçu l'ordre, un an plus tôt, d'assassiner Boris Berezovski. Son nom : Alexandre Litvinenko. L'ex-agent fera neuf mois de prison, fuira la Russie avec l'aide de son protecteur, et publiera à Londres Le FSB fait sauter la Russie" (Liberty publishing House, 2002). Sa thèse : les services secrets russes, et non pas les indépendantistes tchétchènes, sont les auteurs des attentats de 1999 qui ont fait 300 morts et déclenché la deuxième guerre de Tchétchénie. Sa cible est donc Vladimir Poutine, l'ancien directeur du FSB arrivé au pouvoir à la faveur de cette guerre. Ce livre, Alexandre Litvinenko l'avait publié grâce à un sponsor : Boris Berezovski...



Marie Jégo (Moscou) et Marc Roche(Londres)
i
26 décembre 2006 18:15
panier de crabes !
a
26 décembre 2006 23:54
Alexandre Litvinenko n'est plus mort, de manière mystérieuse.
d
27 décembre 2006 14:06
dans les cuisines du diable, tous les coups sont permis...la diplomatie de moscou a remis au gout du jour une forme de brutalité dans ses rapports avec ses voisins ou partenaires que l'on aurait pu croire remisée pour toujours au magasin des accessoires de la guerre froide. le problème que posent ces exécutions est sérieux, ils remettent en question le statut que la russie ambitionne de reprendre dans le monde aujourd'hui. kozlov (sous gouverneur de la banque centrale de russie a également été assasiné en septembre) haut fonctionnaire compétent (son travail consistait à retirer des licences aux banques suspectées de blanchiment et d'activité criminelles), il bénéficiait d'une protection timide alors que son job était dangereux, alors que le moindre patron d'entreprise est suivi en permanence d'un véhicule bondé d'hommes en arme. cela veut dire que des banquiers véreux peuvent "acheter" l'execution d'un haut fonctionnaire de l'état sans crainte de représailles..
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook