Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Belkhadem, c’est bien, Zidane, c’est mieux !
l
25 juin 2006 16:05
Belkhadem, c’est bien, Zidane, c’est mieux !
ALGÉRIE - juin 2006


Le nouveau chef du gouvernement est en plein état de grâce. Mais l’homme de la rue à d’autres chats à fouetter : la Coupe du monde de football, dont il a bien failli être privé à la télévision !

Alger, début juin. La capitale ne cesse de se métamorphoser. Aménagement des voies de circulation, immeubles qui poussent comme des champignons… Depuis quelques mois, des quartiers entiers ont vu le jour. On construit des tunnels, des échangeurs, des lignes de métro… Les embouteillages sont quasi permanents. L’occasion de constater que le parc automobile a, lui aussi, beaucoup changé. Les 504 Peugeot hors d’âge et les tacots poussifs sont partis à la casse. Les petites japonaises, coréennes ou françaises les ont remplacés. Il n’est pas rare de croiser des 4x4 flambant neufs ou d’opulentes berlines allemandes, signes extérieurs d’une richesse galopante. Les affaires vont bien, merci…
La capitale est en pleine effervescence. Rue Didouche-Mourad, les boutiques font le plein - lèche-vitrines à toute heure du jour ! - et les trottoirs regorgent de badauds. Près des Abattoirs, le nouveau centre commercial Carrefour est le dernier endroit à la mode. Les Algériens - enfin, ceux qui en ont les moyens - n’arrêtent plus de consommer. Celio, Hippopotamus, Swatch et bien d’autres… Depuis que les enseignes étrangères ont débarqué, c’est la frénésie. Indéniablement, une classe moyenne est en train de se constituer. La libéralisation de l’économie et le boom des affaires depuis le retour de la stabilité ont provoqué la création de milliers d’entreprises et d’emplois. Cadres, commerciaux, ingénieurs, professions libérales : le secteur tertiaire connaît un essor sans précédent.

La Foire internationale d’Alger, qui a ouvert ses portes le 2 juin, accentue le phénomène. Plusieurs milliers d’entreprises étrangères s’y bousculent au portillon, fascinées par le nouvel eldorado algérien. Les hôtels sont pleins à craquer - même les plus minables affichent complet - et les prix ont subitement grimpé en flèche. Pour dîner, inutile de se présenter dans un restaurant sans réservation. Quant à espérer trouver un taxi, mieux vaut y renoncer. Alger est décidément une destination très courue, ces temps-ci.

Les Algérois qui ne sont pas accaparés par la Foire et le business ont d’autres préoccupations. Le 24 mai, la nomination d’Abdelaziz Belkhadem au poste de Premier ministre a été accueillie avec joie par l’« Algérie d’en bas ». Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Ahmed Ouyahia, son prédécesseur, refusait obstinément de procéder à l’augmentation des salaires réclamée par les syndicats pour améliorer un pouvoir d’achat entamé par la hausse continuelle des prix des biens de première nécessité. Belkhadem, lui, s’y déclare depuis longtemps favorable.

Dès son arrivée au Palais du gouvernement, il a réitéré - avec son parti, le FLN, mais aussi avec le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), autre composante de l’alliance présidentielle - cette promesse. Mieux, il en a fait sa priorité. Le mercredi 7 juin, l’augmentation des salaires figurait au menu du conseil du gouvernement - le deuxième depuis sa prise de fonctions. Alors, bien sûr, la majorité des Algériens, exaspérée par la rigueur budgétaire d’Ouyahia, a tendance à voir en lui un homme providentiel.

Cette bonne nouvelle a cependant été atténuée par une sourde inquiétude. Les Algériens se sont aperçus qu’ils risquaient d’être privés des images de la Coupe du monde de football, qui s’est ouverte en Allemagne ce 9 juin. En dépit de l’absence de leur sélection, le rendez-vous planétaire du sport-roi est pour eux un enjeu majeur. Presque tous fans de foot, ils attendaient avec impatience les exploits des Ronaldinho, Zidane et consorts. Un mois durant, ils s’apprêtaient à vivre à l’heure allemande, les yeux rivés sur « l’Unique », comme on appelle ici l’ENTV, la chaîne de télévision nationale. Début juin, ils ont appris qu’ils en seraient probablement privés, l’ENTV n’ayant pas réussi à acquérir les droits de retransmission. La faute à celui qui, en quelques jours, est devenu ici l’ennemi public numéro un : Cheikh Salah el-Kamal, président de la chaîne saoudienne ART et propriétaire des droits de la Coupe du monde 2006 pour le Maghreb et le Moyen-Orient.

Kamal refuse en effet de céder ses droits aux chaînes hertziennes, dans l’objectif avoué d’écouler ses cartes ART, sésame pour s’abonner à son bouquet satellite. « C’est du racket, s’emporte Ahmed, cadre dans la fonction publique. Ces cartes sont vendues au prix de 10 000 DA [un peu plus de 100 euros], soit presque l’équivalent d’un mois de salaire minimum. En plus, il nous fourgue des abonnements d’un an, alors qu’un mois nous suffirait pour suivre la Coupe du monde. Nous, on s’en fout de sa chaîne, elle ne nous intéresse pas ! »

Pour la plupart équipés de paraboles, les Algériens pensaient au départ qu’ils pourraient, dans le pire des cas, suivre les matchs sur TPS ou Canalsatellite, qui diffusent la chaîne française TF1. C’est quand ils ont appris que les images des matchs seraient, pour l’occasion, cryptées - à la demande de Cheikh Salah -, que la grogne a éclaté. TF1, qui a acquis les droits pour le seul territoire français, a été contrainte d’accéder à la demande du magnat saoudien. As du piratage, les ingénieurs locaux s’évertuent jour et nuit à « casser » les codes de cryptage. Tous, responsables politiques ou anonymes, les ont soutenus dans leur entreprise. Bienvenue en Algérie !

Conscientes de l’importance du sujet pour la population, les autorités ont cherché une solution. Ministres mobilisés, ambassadeur en Allemagne chargé de déposer une requête de la dernière chance auprès des dirigeants de la Fifa, contacts pris en tous sens pour tenter de joindre Cheikh Salah… Las, ce dernier est aux abonnés absents. Manifestement, il tente d’échapper aux pressions de la majorité des pays arabes, furieux de ne pouvoir accéder aux demandes pressantes de leurs ressortissants. Patron de l’ENTV, Hamraoui Habib Chawki a tout essayé : « J’étais prêt à mettre 100 millions de dollars sur la table », soutient-il.

Le salut est venu de la présidence de la République. Abdelaziz Bouteflika a en effet donné des instructions pour que soit mise en œuvre une solution permettant au public algérien de suivre l’ensemble des matchs. Le 8 juin - la veille du coup d’envoi du Mondial ! -, trois cent mille cartes ART ont été mises sur le marché au prix de 2 000 DA - au lieu de 10 000 DA -, la différence étant prise en charge par l’État. L’abonnement n’est valable que pour la durée de la compétition. Cinquante mille autres cartes ont en outre été mises gratuitement à la disposition des collectivités locales par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité, afin d’assurer la retransmission des matchs sur écrans géants dans différentes structures (écoles, gymnases, salles des fêtes, etc.) susceptibles d’accueillir ceux qui n’ont pu se procurer les précieux sésames. Enfin, l’ENTV a pu acquérir le droit de diffuser, chaque jour après le journal de 20 heures, des résumés des soixante-quatre matchs. Ouf ! Le soulagement des Algériens est à la hauteur de leur inquiétude passée. Le foot, nouvel opium du peuple ? Marwane Ben Yahmed, envoyé spécial à Alger

Jeune Afrique
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook