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la banlieue intéresse les DRH
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21 juillet 2009 00:49
Les anciens de la politique de la ville n'en reviennent pas. Les grandes entreprises françaises font preuve d'un intérêt inédit pour les quartiers difficiles. Pas une semaine, ou presque, ne passe sans qu'une société lance une opération de recrutement dans les cités ou en direction des habitants des zones urbaines sensibles (ZUS). Avec une différence de taille par rapport aux années précédentes : les entreprises n'investissent pas la banlieue en vendant leur dimension "citoyenne" ou "solidaire", mais pour des motifs purement économiques.

La banlieue, nouvel eldorado à défricher pour les responsables des ressources humaines ? Confrontées à des difficultés de recrutement dans certains secteurs, les entreprises considèrent les habitants des quartiers comme un vivier trop peu exploité. "Je n'ai jamais vu de mouvement équivalent dans le passé, se félicite Karim Zéribi, conseiller égalité des chances à la SNCF et président d'APC-recrutement, un cabinet spécialisé sur les questions de diversité. En décembre 2005, c'est nous qui devions appeler les entreprises. Aujourd'hui, on croule sous les demandes de sociétés qui nous appellent et veulent nous rencontrer."

L'accueil positif réservé par les entreprises au plan "Espoir banlieue", porté par Fadela Amara, la secrétaire d'Etat à la politique de la ville, témoigne du changement de perspective. Une cinquantaine de sociétés, comme Carrefour, Eiffage, PSA ou Renault, se sont engagées à recruter dans les ZUS. Leurs promesses d'embauches représentent 12 000 postes pour 2008. "Les entreprises ont compris qu'en investissant dans les quartiers, elles accomplissent un acte de gestion, pas un acte d'aumône", commente l'entourage de Fadela Amara, qui vise 100 000 contrats (CDI, CDD, stages, alternance) d'ici à trois ans.

Avec un taux de chômage de 7,2 % en métropole, le plus faible depuis vingt-cinq ans, et des départs à la retraite importants dans les prochaines années, les entreprises n'ont, en réalité, pas le choix. "Compte tenu de la pyramide des âges, le marché de l'emploi est extrêmement tendu. Nous avons besoin de diversifier les sources de recrutement à tous les niveaux : diplômes, âge, sexe, minorités visibles", explique Serge Morelli, directeur des ressources humaines (DRH) d'Axa France, qui prévoit de réaliser 2 000 à 2 500 embauches par an. Formellement, la compagnie d'assurances s'est engagée à recruter 150 personnes dans le cadre du plan banlieue. Mais cet objectif devrait être dépassé, grâce notamment au recours systématique aux missions locales.

Le raisonnement est similaire chez BNP Paribas, qui doit recruter 5 000 nouveaux collaborateurs par an en France. "Pour faire face à ces besoins, il est nécessaire d'être ouvert à toutes les compétences, car nous sommes sur un marché très concurrentiel", explique Bénédicte Monneron, responsable du recrutement du groupe, qui a progressivement mis en place, depuis trois ans, une série de dispositifs "structurels" pour diversifier les recrutements. "La guerre des talents concerne tous les profils et tous les niveaux d'études et ne vaut pas seulement pour quelques cadres sortis des grandes écoles, ajoute Mme Monneron. Nous cherchons les meilleurs, les plus compétents - pas seulement quelques stéréotypes, qui correspondent à des standards dépassés."

Ce souci d'élargissement des viviers concerne en premier lieu les métiers, comme le BTP, qui ne parviennent pas à pourvoir tous les postes. Mais, signe intéressant, le mouvement touche aussi des secteurs pour lesquels la situation est moins tendue. Des grandes entreprises cherchent ainsi à faire évoluer leur encadrement. Le cabinet de conseil Accenture a, par exemple, annoncé le recrutement de 450 cadres (bac + 2, bac + 5), en CDI, issus des ZUS, soit 10 % environ du total de ses embauches en France dans les trois prochaines années. "Nous avons structurellement besoin d'aller chercher des talents. Aller dans les ZUS permet d'accroître le bassin naturel de nos recrutements", explique Christian Nibourel, président d'Accenture France, signataire du plan "Espoir banlieue" le 15 mai .

Certaines entreprises vont plus loin et mettent en avant la "diversité" comme facteur d'innovation. "Dans le contexte économique actuel, nous devons être capables de comprendre le monde. Si on sort tous des mêmes classes prépas et des mêmes grandes écoles, on aura du mal, souligne Etienne Boyer, directeur du développement et de l'emploi du groupe Areva (nucléaire). Si cela a un effet social positif, tant mieux. Mais nous répondons d'abord à une logique de business, de marché." Une démarche qui correspond à l'intérêt bien compris du groupe : dans un contexte où le secteur industriel est perçu comme moribond, l'entreprise veut pouvoir attirer un maximum de candidats et sélectionner les meilleurs.

à suivre



Modifié 1 fois. Dernière modification le 21/07/09 00:51 par aberosabil.
a
21 juillet 2009 00:50
Les entreprises assument aussi le fait de chercher à ressembler à leurs clientèles - ce qui explique qu'elles devraient rapidement dépasser les pouvoirs publics bloqués par le recrutement sur concours. L'Oréal insiste ainsi en premier lieu sur la "créativité" attendue de la diversité. "Mais l'entreprise veut aussi être le reflet de la société. Dans la rue, il n'y a pas que des femmes blanches, jeunes, blondes", explique Jean-Claude Le Grand, directeur diversité du groupe, qui a fixé un objectif de recrutement de 12 % de ses cadres dans les ZUS en 2008.

Chez Axa France, on souligne aussi que cette dimension ne constitue pas le premier objectif. "Le fait d'attaquer des réseaux de contact que nous n'avons pas et d'avoir des collaborateurs qui ressemblent à la société française est aussi un élément important", note le DRH de l'entreprise, Serge Morelli.

Les travaux de l'Institut Montaigne sur la Charte de la diversité, lancée en 2004 et aujourd'hui signée par près de 1 500 entreprises, avaient préparé le terrain. "A l'époque, on était seulement sur une pétition de principe, analyse Yazid Sabeg, président de la Compagnie des signaux, rédacteur de la Charte. Mais, aujourd'hui, les entreprises sont directement confrontées au sujet. Par la mondialisation : n'oublions pas que la France exporte le quart de ce qu'elle produit. Et parce que la population française est marquée par les apports de l'immigration, au point que 25 % à 30 % des 10-25 ans sont d'ascendance étrangère."

Cette évolution ne signifie pas que toutes les difficultés sont levées. D'abord, parce que le retard accumulé est considérable, avec un taux de chômage double dans les ZUS par rapport au reste du territoire (jusqu'à 40 % pour les moins de 25 ans). Ensuite, parce qu'il est difficile de savoir si les PME, qui demeurent les principaux employeurs, suivent le mouvement. Enfin, parce que les entreprises se heurtent à l'insuffisance de qualification des candidats issus des ZUS. "La situation ne se réglera pas du jour au lendemain, note Karim Zéribi. Mais il y a eu une vraie prise de conscience du monde de l'entreprise sur son intérêt à aller sur de nouveaux territoires."

Source: LE MONDE -
 
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