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Adolf Hitler : portrait d'un homme ordinaire
M
5 janvier 2005 17:46
Adolf Hitler : portrait d'un homme ordinaire


Bonjour,

Je suis sûr qu'en voyant le titre de ce courrier, vous vous êtes empressés
de le consulter. De ma part, ça s'appelle de la provocation.

Ce matin j'ai entendu aux informations qu'un film sur les derniers jours de
Hitler (Hitler, la Chute) a déclenché une polémique en Allemagne. Les
journalistes ont parlé d'un "portrait complaisant" du dirigeant nazi. Alors
je me suis demandé "c'est quoi, exactement, un portrait complaisant ?".
D'aucuns me diraient que c'est un portrait "qui sympathise avec la
personne". En l'occurrence, la sympathie en question se résumerait à
présenter ce brave Adolf comme un homme. Personnellement, je n'en ai jamais
douté. Je peux parfaitement admettre qu'il ait pu être sensible à
quelques envolées lyriques d'un dénommé Wagner. Je ne doute point qu'il ait
pu verser des larmes au cours de son existence tumultueuse. Je veux bien
croire à son amour pour Eva Braun. Et pendant ses derniers jours dans le
bunker, l'ambiance n'était pas à la fête. On le comprend. Et pour vous dire
toute la  vérité, je n'en ai rien à foutre. Qu'il crève, lui et ses adeptes.

Alors où est le malaise ? Il semblerait, selon les journalistes, que le
simple fait d'affirmer que Hitler "était un homme" provoque ce malaise.
Attention, les médias ce matin ne parlent pas d'un "portrait erroné", mais
bien d'un "portrait complaisant". Ce qui veut dire "vrai" - dans un sens -
mais "sélectif". Pour le reste de "l'oeuvre" de Hitler, on est quand même
assez au courant, non ? Ou est-ce que 50 ans d'enseignement de l'Histoire
chez nous n'auraient servi à rien ?

En réalité, cette réaction des médias en dit long sur l'infantilisation du
monde occidental. Une conception fantasmagorique de la réalité qui éclate
tous les jours sur nos écrans et dans nos journaux, mais le cas de Hitler ce
matin est symptomatique. Ainsi, le fondateur du nazisme ne saurait être tout
simplement le produit de certaines forces politiques et économiques de son
temps. Non. Il a donc du surgir d'on ne sait trop où et dormir dans un
cercueil, ou quelque chose comme ça.

Ainsi donc, les médias sont finalement arrivés à leur destination :  le
monde des bandes-dessinées. Une vision ouatée de la réalité, où de charmants
bambins blonds et leurs mamans attentionnées seraient soudainement agressés
par des hordes surgies des entrailles de la terre. Très "Seigneur des
Anneaux", vous ne trouvez pas ? Mais faut-il réellement s'en étonner ? Pas
vraiment, car l'exemple vient de haut.

Prenons l'exemple d'une campagne électorale dans la plus grande démocratie
de la planète, le pays le plus occidental de l'Occident, à savoir les
Etats-Unis d'Amérique. J'ai oublié des guillemets au passage mais je vous
laisse le soin de les placer là où bon vous semble.

Le candidat - quel qu'il soit - se présentera "favorablement" en compagnie
de sa femme (qu'il aime), de ses enfants (qu'il adore), de son chien (avec
qui il entretient une relation de  confiance). Il se montrera en train
d'assister à un match de base-ball, en train de pêcher (à la ligne), de
chasser, de serrer des mains, de faire des bisous, de distribuer des
cadeaux. Il fera griller des saucisses, prononcera quelques bons mots, fera
preuve de charme. Bref, il se présentera dans toute son "humanité" jusqu'à
nous faire péter les glandes lacrymales. Les électeurs ne sont pas appelés à
élire un "homme politique", mais une "image sociale". Un pur cas de
consumérisme où l'emballage et l'image prime sur l'utilité et la nature
réelle de l'objet.  Et aussi un pur cas de propagande qui pourrait se
résumer ainsi : "s'il aime sa femme, ses enfants, son chien et les
saucisses, il ne peut pas être mauvais".  Là, la machine de propagande est
en position offensive. Pathétique pour l'humanité, certes, mais c'est comme
ça.

Dans le cas de Hitler, le même mécanisme est à l'oeuvre, mais cette fois-ci
en sens inverse. Car le mécanisme décrit ci-dessus est tellement intégré
dans le monde médiaco-commercial, qu'ils réagissent instinctivement - à
"leur" instinct -  et se mettent en position "défensive", qu'on pourrait
résumer ainsi : "Hitler était mauvais. Il est donc impossible qu'il ait aimé
sa femme, ses enfants, son chien et les saucisses. Affirmer le contraire
serait dresser un portrait complaisant". Hitler décrit comme un homme ?
Brrr... quelle révélation. Et surtout, quelle hérésie pour les médias
commerciaux qui s'échinent à nous présenter le côté doré et civilisé de
quelques diplômés de Yale qui mettent la planète à feu et à sang mais
restent néanmoins dans le camp du "bien", parce que... ben, parce qu'ils
aiment leur femme, leurs enfants, etc.

Le plus bel exemple concret de ce schéma intellectuel, qui confond le fond
et la forme, qui nie les réalités pour s'accrocher aux mythes, c'est celui
du pro-américanisme bêlant. Celui qui s'esbaudie de la présence d'une statue
de la liberté à Manhattan, sans remarquer les B52 qui la survolent tous les
jours. Celui qui verse une larme émue d'y voir deux partis politiques
débattre "démocratiquement" sur l'utilisation d'armes nucléaires tactiques
en Irak. Celui qui tremble à l'idée que Hitler ait pu nourrir ses canaris.
Celui qui juge un dirigeant occidental sur l'amour qu'il porte à son chien
plutôt que sur le sort cruel qu'il réserve à ses semblables.

Et oui, il paraît que Hitler aimait les animaux . Mais ne le répétez pas,
car vous pourriez mettre en danger la Civilisation Démocratique et Libérale
Occidentale. C'est vous dire si cette civilisation repose sur des bases
solides.

Viktor Dedaj



[vdedaj.club.fr]
h
5 janvier 2005 18:53
Marc Ferro dénonce le parti pris de "La Chute"

"Un film sur Hitler, sans le nazisme"
Pour l'historien, le film commet l'erreur de suivre le Führer au plus près sans rappeler le contexte. Au risque de gommer la barbarie du régime et la culpabilité allemande.


« J'ai déjà fait ce genre d'expérience : plus on critique le film qu'ils viennent de voir, plus les spectateurs le défendent. » Marc Ferro n'ira donc pas présenter La Chute, comme le distributeur du film le lui avait proposé. Historien de renom, directeur de recherches à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, il ne veut pas être celui qui, par sa parole critique, « rend le film sympathique », une fois les lumières rallumées dans la salle. Spécialiste des rapports entre cinéma et histoire (le titre d'un passionnant recueil de ses articles), il a accepté de donner aux lecteurs de Télérama son point de vue : historique et non esthétique. Verdict : La Chute est pour lui « un film sur Hitler et les Allemands sans le nazisme ». Explications.

Télérama : Votre regard d'historien est-il a priori plus critique devant un film sur Hitler que devant un film sur un autre personnage historique ?
Marc Ferro : Non. Ce qui me hérisse ici, c'est le tintamarre publicitaire organisé autour de ce film, consistant à dire qu'on va enfin voir un Hitler humain, et que tous les tabous seront levés sur ses derniers jours. Pourquoi pas une série ?
« Hitler humain », « Staline humain », etc. Quant à sa fin dans le bunker, elle est connue. Il n'y a pas eu de tabous : le secret a été levé là-dessus.

Télérama : Même en Allemagne ?
Marc Ferro : Mais, en Allemagne, Hitler n'est pas tabou ! Il n'est absent de la mémoire de personne. Un grand effort a été fait outre-Rhin, plus qu'en France, pour se confronter au passé, en l'occurrence évaluer ce qu'ont été le nazisme et le rôle de l'armée pendant la guerre. C'est-à-dire révéler aux Allemands ce qu'ils ne voulaient pas savoir sur eux-mêmes. Il y a eu, par exemple, en 1962, Mein Kampf, d'Erwin Leiser, un film de montage d'archives très bien fait, qui a créé en Allemagne une forte polémique. Les jeunes y découvraient les crimes de leurs parents. C'est aussi dans les années 60 qu'un chercheur a montré que l'ambition expansionniste de Hitler était, par-delà le nazisme, un héritage de l'époque de Guillaume II, que la volonté de puissance était enracinée dans la conscience allemande depuis la fin du XIXe siècle. Cette analyse a été contestée.

Télérama : L'historien Joachim Fest, dont les travaux ont inspiré La Chute, précise qu'il a découvert des éléments nouveaux...
Marc Ferro : Mais quelle partie de la vie de Hitler Joachim Fest a-t-il donc examinée sur laquelle personne ne s'était penché ? Il a donné une vision plus détaillée de La Chute du IIIe Reich, mais pas plus décisive. Le film montre que Hitler se méfiait énormément de son état-major. C'est vrai, et cet aspect n'avait jamais été si bien éclairé. Mais c'est une question qui intéresse surtout les spécialistes. Et, de toute façon, les films de reconstitution sont toujours très exacts sur des détails. L'important n'est pas là. Il y a vingt-cinq ans déjà, quand on m'a demandé mon avis sur la biographie de Hitler en deux volumes de Joachim Fest, j'ai dit qu'elle était plus complète que les ouvrages qui faisaient référence jusque-là, comme celui d'Allan Bullock et aujourd'hui celui de Ian Kershaw (1), mais que je restais circonspect. Car ce livre fausse en partie la réalité historique, et innocente les Allemands - pas Hitler, mais le peuple allemand. C'est tout le problème du film, à mes yeux.

Télérama : C'est-à-dire ?
Marc Ferro : Je le trouve bien fait, en termes de cinéma, de progression dramatique, mais il est pernicieux. Il nous invite, nous spectateurs, à nous identifier aux défenseurs de Berlin. Et nous nous identifions d'autant plus à l'état-major que celui-ci commence à se retourner contre Hitler ! Nous sommes avec les soldats, avec les généraux, sans que l'on nous rappelle les atrocités que cette même armée a commises, les centaines de villes et de villages détruits en Russie, en Ukraine, en Biélorussie, etc. Dans La Chute, l'armée est pure, alors qu'on sait désormais que la Wehrmacht a participé à toutes sortes de crimes aux côtés des SS. En somme, ce film ne fait pas comprendre en quoi ce régime était nazi et ce qui compose l'idéologie nazie : le racisme, la volonté de dominer le monde, etc. Il n'y a qu'une seule phrase de dialogue sur l'Holocauste. Il ne faut pas la manquer : elle sert d'alibi ! En fait, le Hitler qu'on nous montre dévie notre regard des vrais enjeux. Par exemple, quand il était dans le bunker, la question juive restait au cœur de sa volonté destructrice : en imaginant sa défaite depuis des mois, il accélérait la machine de mort dans les camps de concentration pour se venger. Mais ça, on ne peut pas le comprendre en voyant La Chute.

Télérama : Vous pensez que certaines figures historiques, Hitler en particulier, restent irreprésentables ?


Marc Ferro : Non, il ne s'agit pas du tout de dire qu'on ne peut pas représenter Hitler. Mais faire preuve d'un peu de rigueur est possible ! L'an dernier, j'ai vu ce téléfilm, Hitler, la naissance du mal, sur les débuts de Hitler, interprété par l'Anglais Robert Carlyle. On voit sa fureur contre le traité de Versailles, puis, à Munich, on le suit cherchant des fonds pour son parti. Il va dans les salons, les grands industriels le reçoivent, il fait du gringue à leurs femmes. Après chaque scène un peu politique, il y a un intermède galant. On ne voit pas du tout le nazisme, pas du tout le peuple allemand, et, à ma grande honte, à un certain point, la seule question que je me posais était de savoir avec quelle femme Hitler allait coucher. Tout ça alors qu'on sait que Hitler, justement, ne « couchait pas », ou « couchait mal », et qu'il y a beaucoup plus à dire sur son homosexualité que sur ses rapports avec les femmes ! Voilà coup sur coup deux films, l'un qui s'arrête quand Hitler prend le pouvoir, l'autre qui commence quand il ne l'a plus, et les crimes du nazisme en sont absents. C'est un comble !

Télérama : Est-ce que La Chute rend compte d'une volonté nouvelle, en Allemagne, de montrer que le peuple allemand fut, lui aussi, victime du nazisme ?
Marc Ferro : Mais les Allemands se sont considérés comme des victimes dès 1946 ! On le comprend très bien en lisant l'ouvrage de Béatrice Fleury-Vilatte, Cinéma et culpabilité en Allemagne. Seulement, la souffrance d'une partie du peuple allemand ne l'exonère pas de responsabilité. Si le gouvernement allemand a fait d'énormes efforts pour signifier sa culpabilité et sa repentance, cela ne veut pas dire que la société ait suivi cet exemple... Or le film montre les souffrances de ceux qui défendent l'Allemagne, qui se rendent compte que Hitler les conduit à un suicide collectif, pour mieux dégager les Allemands, d'une certaine façon, de toute responsabilité dans les crimes nazis.

Télérama : Cela explique-t-il, selon vous, l'immense succès du film en Allemagne ?
Marc Ferro : Je vais faire un parallèle avec la France : les films de Pierre Schoendoerffer, en leur temps, ont toujours mieux marché que les films anticolonialistes. Déjà, dans Hitler, un film d'Allemagne, en 1997, le cinéaste Hans Jürgen Syberberg relativisait les crimes du nazisme en faisant un parallèle avec le massacre des Indiens par les Américains. Aujourd'hui, La Chute a tout pour plaire au public allemand. Comme avait plu le livre de Daniel Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler, qui montrait que l'Holocauste était ancré dans une très forte tradition antisémite. Plus on remonte loin, plus les Allemands d'aujourd'hui sont soulagés ! Et ainsi, on occulte le massacre des Serbes, des Ukrainiens, des Tsiganes, des homosexuels et des handicapés...


Propos recueillis par Aurélien Ferenczi et Frédéric Strauss


(1) Hitler et Staline, d'Allan Bullock (éd. Albin Michel/Robert Laffont), et Hitler, de Ian Kershaw (éd. Flammarion).




Télérama n° 2869 - 8 janvier 2005

B
5 janvier 2005 19:39
sad smileysad smileysad smileysad smiley

cela doit rassuré un certain Bush. Il sera blanchi lessivé lui aussi avec un portrait complaisant
Ben quoi 0-°
l
5 janvier 2005 19:48
Merci Moreau pour cet article très intéressant.

Malgré mon dégoût profond pour cet assassin, je dois admettre que la polémique m'étonne quelque peu.

C'est comme si tout le monde découvrait que malheureusement, "monstruosité" et "humanité" ne sont pas antinomiques...

Quant au film, j'irai me faire mon propre avis ce soir!
________________" Etre libre, ce n'est pas pouvoir faire ce que l'on veut, mais c'est vouloir ce que l'on peut. " Jean-Paul Sartre, Situations I
h
5 janvier 2005 19:59
hitler est un malade c'est clair, mais je pense sincèrement qu'on a beaucoup trop rajouté sur lui....excusez moi mais ce n'etait pas l'allemagne qui avait des colonies partout, qui exploitait des millions et des millions de personnes......tout celà est relatif.....les chefs d'etats à l'epoque qui etaient en poste en france , en angletterre sont aussi pourris que hitler et je pèse mes mots.....mais on fait dire à l'histoire ce que l'on veut...
L'islam les condamne à l'«ignorance» (Chateaubriand) ....et toi tais toi ignorant...
h
5 janvier 2005 20:45
Salam,
Je crois que le malaise vient du fait qu'en occident on a toujours considéré le nazisme comme une monstruosité à part qui n'a aucun lien avec la civilisation occidentale. Tout le monde n'en était que victime, en premier lieu les allemands. C'était une parenthèse, maléfique certes, mais qu'on a refermé. Il n'y a, à ma connaissance, qu'Adorno qui avait considéré le nazisme comme le resultat de " la société postindustrielle bureaucratique et technologique ". Cette " humanisation " d'Hitler et la polémique que ça ressucite ressemble étrangement à celle soulevée par Hannah Arendt et son livre sur Eichmann et la banalité du Mal (le nouvel observateur, à l'époque, se demandait si elle la juive n'était pas nazie!!).
h
5 janvier 2005 20:46
Bruno Ganz incarne Hitler

Talent monstre
L'ange de Wenders s'est préparé avec soin. Pour s'identifier au démon, en conservant ses distances.


Sur son visage, c'est toute la noblesse de la culture germanique qui se reflète. Bruno Ganz en a servi, au théâtre, les plus grands auteurs : Goethe (Faust), Hölderlin (Empédocle), Brecht (Dans la jungle des villes), Heinrich von Kleist (Le Prince de Homburg), ou encore Botho Strauss (La Trilogie du revoir). Au cinéma, ce Suisse de Zurich s'est fait voyageur pour Dans la ville blanche, de son compatriote Alain Tanner, et a mené sa carrière de France (La Marquise d'O, d'Eric Rohmer) en Grèce (L'Eternité et un jour, de Theo Angelopoulos), jusqu'aux Etats-Unis, où Jonathan Demme a récemment fait appel à lui pour son Crime dans la tête.

Mais c'est en Allemagne qu'il a travaillé sans cesse, avec Peter Handke (La Femme gauchère, L'Absence), Werner Herzog (Nosferatu), Volker Schloendorff (Le Faussaire) et surtout Wim Wenders, dont il a été le comédien fétiche, de L'Ami américain à Si loin, si proche, en passant par Les Ailes du désir, où il jouait un ange. Un rôle emblématique pour ce comédien subtil, discret, d'une sensibilité rare. Alors, quand à 63 ans il se mue en Adolf Hitler pour le film La Chute, c'est un choc. Autour de cette évocation des derniers jours du IIIe Reich, le débat s'enflamme, mais chacun admet que jamais le Führer n'avait été mieux incarné au cinéma.

Comment y reconnaître le Bruno Ganz qu'on aimait ? Un faciès haineux a remplacé le beau visage profond, philosophique. « J'avais envie de briser cette image, dit-il. Je voulais aller plus loin, et, de ce point de vue, ça m'arrangeait bien de jouer Hitler. » De ce point de vue... Mais il y a celui des autres. Les clients de l'hôtel où il logeait à Munich pendant le tournage de La Chute. « Ils me dévisageaient parce que ma moustache était vraie ; je ne pouvais pas la retirer le soir. Ça me gênait, car moi, je sais que je ne suis pas Hitler. » Il y a aussi les amis, qui le regardent encore bizarrement : « Ils me disent que je parle trop de Hitler, que je suis rempli de ce type... Mais je n'ai pas eu besoin de boire du sang pour le jouer. Je ne suis pas Hitler. » Et il le répétera encore, comme un innocent dans un procès : « Je ne suis pas Hitler. »

Il s'était pourtant « immunisé », comprenant qu'il fallait d'emblée évacuer le trouble, les ambiguïtés, et aborder ce « personnage » d'une manière particulière. « J'ai dû passer par une vraie préparation mentale. Je voulais m'identifier à Hitler, et, pour me permettre cela, il fallait que je me protège de lui. Savoir comment être Hitler, c'était aussi savoir comment ne pas l'être. Je voulais éviter toute confusion. J'ai construit comme un mur autour de moi pour m'enfermer dans le personnage, et pour pouvoir en sortir. » Une sorte de bunker intérieur, reflet de celui du Fürher à Berlin, reconstitué pour La Chute dans les grands studios de la Bavaria. « Il suffisait de pousser une porte et on était libres. C'était important. Parce que c'était difficile de se faire à l'atmosphère de ce film. Tous ces gens en uniforme qui se mettaient au garde-à-vous dès qu'ils me voyaient, en faisant le salut hitlérien... Au début, c'était horrible. »

Le chemin vers le rôle fut solitaire. Des lectures en quantité, des recherches dans des documents d'archives, un vrai travail d'historien transformé en « exercice d'imprégnation ». Une fois sur le plateau, tout pouvait ainsi venir du corps, de la voix : l'accent autrichien, la diction particulière de Hitler, sa démarche, ses tremblements et sa raideur... Mais, même au milieu de l'équipe, l'expérience restait intime, secrète : « Ce n'était pas possible que je sois dirigé, ou alors pour des détails seulement. Il fallait que ça sorte de moi, d'une manière indiscutable. J'ai peu parlé avec mon metteur en scène, Oliver Hirschbiegel. Il m'a dit : "Il faut que tu cherches le Mal en toi", mais je n'ai jamais su comment prendre cette phrase. En tout cas, je n'ai pas cherché une idée abstraite du Mal. J'ai plutôt essayé de comprendre comment il s'était construit, sans a priori, sans mélanger à tout ça le discours sur l'idéologie, les barrières morales ou le politiquement correct. Le fait d'être suisse m'a sans doute m'aidé. »

Après s'être approché de Hitler autant qu'il le pouvait, tout en gardant ses distances, Bruno Ganz juge calmement les polémiques suscitées par La Chute. En premier lieu, le reproche fait au film d'humaniser le dictateur : « C'est ridicule. On sait que Hitler n'était pas un chien, ou, disons, un chameau. C'était une personne. Un humain. Mais quand les gens emploient ce mot d'humain, ils y mettent des tas de choses vagues. On ne sait plus de quoi on parle. » La voix de l'acteur se fait encore plus douce et apaisée pour commenter la réaction hostile de son ami Wim Wenders, qui s'est exprimé publiquement dans un texte publié en Allemagne par Die Zeit, et repris partiellement dans Libération. « Je comprends qu'il déteste ce film d'une manière émotionnelle, et il a le droit. Mais je voudrais qu'il s'explique un peu mieux. Il dit qu'il fallait montrer la mort toute prosaïque de Hitler [pour ne pas en faire un mythe ou un être à part], mais je ne trouve pas ça pertinent. Cette mort n'a pas eu de témoins, et on ne voulait donc pas montrer quelque chose dont nous n'étions pas sûrs. J'ai le sentiment que Wim a une théorie esthétique et politique sur ce film qui ne lui permet pas de le voir vraiment. Il voudrait qu'il soit comme lui l'aurait fait. Mais il ne l'a pas fait. Je n'ai pas encore eu le temps de parler de tout cela avec lui, mais je le ferai. »

Sans crainte. Les peurs de Bruno Ganz ont disparu depuis qu'il s'est vu à l'écran : « Au début, j'ai pensé que c'était le plus grand risque de ma vie. Je n'ai jamais regardé le contrôle vidéo sur le plateau, ni les rushs. J'ai attendu que tout soit fini. Quand on m'a montré le film, j'ai vu ce que j'avais voulu atteindre. Je me suis dit que j'avais bien fait d'oser jouer ça : c'est du joli travail. »


Frédéric Strauss






Télérama n° 2869 - 8 janvier 2005
O
5 janvier 2005 21:03
Bonsoir.

Je suis allé voir le film en avant premiére, hier au soir.

j'ai bcp aimé ce film au niveau historique, cinématogroaphique, artistique dans un premier temps.
Et dans un deuxiéme temps, c'est la maniére dont le réalisateur met en évidence la folie du personnage et la maniére dont'il a pu et su fédéré des gens.

Je pense que la polémique que relayent certain quotidien français sur ce film et réelement grotesque.





Modifié 1 fois. Dernière modification le 05/01/05 21:04 par Ogre de Barback.
6 janvier 2005 03:40
une petite précision de taille a propos de Adolf:

il a été élu démocratiquement par l'ecrasante majorité du peuple allemand,comme le sont bush et charogne.

alors qui sont les vrais coupables,les peuples ou les elus?
:o
M
6 janvier 2005 14:30
Excellente précision Amir...
Elu en jouant sur le sentiment nationaliste, communautaire etc...
e
6 janvier 2005 14:46
Hitler etait un vrai homme!
l
6 janvier 2005 14:50
El Kador,

Peux-tu expliquer ce que tu entends par là stp?



Modifié 1 fois. Dernière modification le 06/01/05 14:50 par loreley.
e
6 janvier 2005 15:03
bien sur loreley,

beuacoup de ses detracteurs ne lui arrivent pas à la cheville.

C etait un homme d ambition.

Je l ai detesté pour son crime,mais maintenant je doute de ce qui s est vraiment passé.

Certains de nos dirigeants contemporains le depassent par l horreur et le crime.
h
6 janvier 2005 15:06
je pense qu'hitler est à placer est au même niveau que ceux qui avaient des idées racistes et qui venaient transmettre les lumières aux africains et asiatiques...

je pense que l'angleterre et la france qui avaient des colonies par dizaines voire plus et donc des millions de gens exploités et dominés sont plus à critiquer qu'hitler.....
des siecles de domination...excusez moi mais ce n'est pas l'allemagne qui a fait tout ce mal, elle n'avait pas de colonies...et ce sont ces personnes là qui colonisaient à tout va qui critiquer l'allemagne!!!!!! c'est quand même hallucinant.....
une personne comme churchill est pire qu'hitler, mais on fait dire à l'histoire ce que l'on veut.....

je ne defend pas hitler, mais les autres s'en sortent avec les honneurs aujourd'hui, ce sont des heros...hitler, le monstre le plus dangeureux qu'ai porté la terre.....

l'histoire des colonisations est beaucoup plus grave à mes yeux qu'hitler....des millions de personnes asservies pendant des siecles...ça vaut 10000hitler en moyenne au machés des changes
l
6 janvier 2005 15:12
El Kador,

Je ne pense pas qu'on puisse établir une hiérarchie de l'horreur. Mais les crimes d'Hitler resteront toujours "à part" à cause du programme d'extermination organisé et défini à l'avance sur lequel tout le monde a fermé les yeux, sans parler de la collaboration et de ces français qui ont dénoncé et ont livré des familles juives entières alors que les allemands ne demandaient que les adultes, et j'en passe... C'est vrai qu'il y a eu pire en nombre de morts dans l'histoire, je pense notamment au génocide des premiers immigrants en Amérique (Nord et Sud) qui ont exterminé les indiens et réduits les africains en esclavage.

Par contre le fait que tu remettes en question la réalité des crimes d'Hitler me choque énormément. Ce n'est pas parce que certains juifs irrespectueux de leur passé se permettent d'utiliser la Shoah comme rempart à toute critique sur les crimes de Sharon, que ça veut dire que la Shoah est une invention. Je te conseille de faire un petit voyage dans les camps d'extermination transformés en musée. A distance tu peux toujours dire que les preuves ont été "inventées" et "rajoutées", mais quand tu les as en face de toi tout ce que tu ressentiras sera un profond sentiment de dégoût et de tristesse.
l
6 janvier 2005 15:17
Désolée Hakim mais je préfère ne pas répondre à ton post car ce que tu dis me remplit d'effroi.

Je veux bien critiquer la polémique sur le film car je pense qu'il faut que tout le monde réalise que OUI CE MONSTRE LA ETAIT BIEN UN HOMME COMME NOUS, tout le monde peut se transformer en être ignoble et c'est important de le garder à l'esprit surtout dans le monde actuel.

Mais ce que tu viens de dire, ça me dépasse. Comme El kador, je pense qu'une petite visite en camp de concentration ne te ferait pas de mal.
h
6 janvier 2005 15:19
loreley, c'est la responsabilité de tous....la shoa est mediatisée à fond, l'histoire des colonsiations est encore tabou..on en parle pas, pas de reelles reconnaissance des fautes..c'est normal, à l'ecole on parle des colonisations encore comme l'apport des lumières à ces civilisations etarngères...mais la réalité etait vraiment pitoyable.....les indigènes puisque la france les appellait ainsi " mention ecrite sur les carte d'identité" sont pareilles aux etoles jaunes que portaient les juifs....je dirai même que c'est pire puisque c'est la france qui est venue chez ces gens qui etaient tranquilles chez eux.......en alemagne, les juifs avaient la solution de partir...les colonisés, non, ils n'avaient pas ce choix
h
6 janvier 2005 15:22
lorley, ben c'est que tu n'es pas au courant de l'histoire des colonisations.....malheureusement....sinon tu ne serais pas choquée par mes dires
e
6 janvier 2005 15:27
Loreley,

je ne dit pas que la shoah est une invention mais par contre une grande exageration.

comment explique tu le fait qu il n y ait eu aucune étude,aucun recensement e comtabilisation des victimes?On a seulement droit à un chiffre approximatif d ou sort t il?pourquoi ne pas mettre les cartes sur table?A qui profite cette ignorance de la verité?


"guantanamo" n est t il pas un camp de concentration?Que s y passe t il vraiment?
h
6 janvier 2005 15:55
mais je repète hitler est un fou, un malade, c'est clair, mais il etait bien entouré....
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