Se marier avec sa cousine ou son cousin, reste une pratique courante au Maroc mais aussi au Maghreb et au Moyen Orient. «La consanguinité reste fréquente surtout dans le milieu rural», confirme Sellama Nadifi, professeur en génétique à la faculté de médecine de Casablanca, contactée par Yabiladi. Elle tient à insister sur le fait que la consanguinité n’est pas un risque pour les personnes qui vont se marier mais pour leur progéniture qui pourrait faire face à toutes sortes de maladies génétiques affectant par exemple les globules rouges ou entraînant des myopathies provoquant des handicaps physiques.
Cependant, difficile de connaître en 2012 l’ampleur de ce phénomène social car peu d’études récentes ont été menées sur le sujet, chose que déplore Sellama Nadifi. «Ces études intéressent énormément les généticiens car elles leur permettent de mieux comprendre pourquoi et comment une maladie reste maintenue au sein d’une même population», explique-t-elle.
La consanguinité dépend de l'origine sociale
La dernière étude menée sur la consanguinité au Maroc remonte à 2007 et s’est intéressée à ses conséquences sur la santé. Elle a porté sur 873 couples mariés entre 1940 et 1984, répartis sur trois générations et provenant de différentes régions où ils se sont installés après leur mariage. Les auteurs de l’étude en sont arrivés à la conclusion que le mariage consanguin a peu diminué depuis les années 40 et qu’il reste profondément ancré dans la culture du pays. L’étude remarque également que les mariages consanguins intimes, c’est-à-dire ceux entre cousins germains, ont diminué pour laisser place à une augmentation des mariages consanguins entre apparentés plus ou moins lointains.
L’étude a également voulu savoir dans quelles régions du pays se pratiquait le plus la consanguinité. Les pourcentages variaient de 14.3% dans la région de Béni Mellal à 33.3% dans la région du sud où la population est à dominante rurale.
Une autre enquête datant de 1987 s’est également intéressée à la consanguinité des ménages au Maroc. Malgré son ancienneté, cette enquête apporte des informations sur le statut social de ces ménages. Premier constat : la consanguinité est plus élevée lorsque le niveau d'instruction est faible. Ensuite, les auteurs de l’étude ont relevé que l'endroit où a résidé la femme pendant son enfance était un facteur déterminant dans le choix de son futur époux. Plus cet endroit est urbanisé, moins sera la fréquence de la consanguinité. Enfin les auteurs soulignent que le choix du mariage consanguin dépend également des origines socio-économiques de la famille. Si une personne se trouve dans une situation précaire, elle va avoir tendance à se marier avec quelqu’un de sa famille afin de bénéficier du soutien de la famille.
Sensibiliser pour prévenir
Ainsi, pour éviter la propagation de maladies génétiques chez les enfants issus d’un couple consanguin, Sellama Nadifi préconise la sensibilisation surtout lorsqu’une maladie génétique circule au sein d’une même famille. Elle explique qu’elle reçoit régulièrement dans son cabinet des personnes qui sont cousins souhaitant se marier mais qu’au sein de leur famille, il y a un oncle ou un grand-père atteint d’une maladie génétique. Ce qui inquiète le jeune couple. Des prises de sang sont ainsi effectuées. Puis le sang est analysé et Sellama Nadifi sait s’il y a des risques d’avoir des enfants malades. «Mais parfois les couples décident de se marier en sachant même qu’ils courent le risque d’avoir à l’avenir un enfant malade», conclut-elle.